7) LE DÉFI DES « VILLES MONDE »

- Les villes de dimension mondiale

- Le rapport des villes au monde

- Mondialisation ; régionalisation de la mondialisation ; plaidoyer pour la pluralité des villes

Un rapport récent du McKinsey Global Institute (MGI), créé par McKinsey en 1990 65 ( * ) , fournit une base d'analyse intéressante de l'évolution du pouvoir économique des villes d'ici à 2025 à l'usage des responsables des grandes firmes mondiales et des décideurs politiques.

L'intérêt de cette étude tient tout d'abord au fait qu'elle confirme le rôle déterminant des grandes villes pour la croissance économique en raison de trois facteurs :

- les grandes villes attirent les talents en raison des moyens de formation de haut niveau qu'elles procurent ;

- les grandes villes attirent également les investissements -notamment les investissements directs de l'étranger- du fait de la qualité de leurs infrastructures, de la présence d'une communauté internationale qui diminue la perception du risque pour les investisseurs et de l'existence de centres financiers performants ;

- les grandes villes sont généralement au centre de réseaux de petites villes qui leur apportent de larges avantages compétitifs.

L'autre intérêt résulte de l'exploitation d'une base de données unique à l'heure actuelle qui comporte de nombreuses variables (population par groupes d'âges, population active, production, nombre d'habitants répartis par types de revenus) relatives à 2 000 villes dans le monde 66 ( * ) .

McKinsey est ainsi parvenu à identifier les mégacités et les villes de taille monde qui vont le plus se développer d'ici à 2025. La carte suivante résume la localisation des 600 villes qui - selon ce rapport - vont le plus contribuer dans les prochaines décennies à la croissance mondiale et qui, partant de là, disposeront du pouvoir économique.

L'étude confirme le fait que les villes contribuent déjà plus au progrès économique du monde que les campagnes comme le montre le graphique suivant.

Shanghai : nouveau membre du club des villes-monde

En l'espace de trois décennies, Shanghai a réussi à entrer dans le club très fermé des vingt mégapoles les plus importantes au monde 67 ( * ) . Alors que jusqu'à la fin des années 70, la ville fait « l'objet d'une politique d'industrialisation lourde de type soviétique » 68 ( * ) , les réformes enclenchées à partir des années 80 vont bouleverser sa physionomie : la production industrielle est revue afin de mieux répondre à la demande intérieure et extérieure et le développement des nouvelles technologies devient une priorité. Les autorités politiques décident également de mener une politique d'aménagement régional centrée sur la ville et plus particulièrement sur le district de Pudong qui va devenir « la vitrine de la modernisation urbaine, de l'émergence économique et de l'ouverture de la Chine » 69 ( * ) : construction de tours abritant un centre financier, de zones industrielles accueillant des firmes multinationales (Hewlett Packard, IBM), d'un nouvel aéroport international...

L'ensemble de ces changements a contribué à faire de Shanghai un centre de décision important à travers le monde. En effet, peuplée de 19 millions d'habitants, la ville est devenue la deuxième place financière du pays derrière Hong Kong. De plus, la concentration de sièges sociaux et de représentations d'entreprises (300 firmes internationales y ont leurs bureaux régionaux) renforcent ses fonctions de commandement. On comprend alors mieux pourquoi la région de Shanghai attire plus du tiers des investissements directs reçus par la Chine. En outre, si Shanghai occupe une place centrale dans les échanges internationaux c'est parce qu'elle fait figure de plaque tournante stratégique du commerce : ¼ du commerce extérieur de la Chine transite par son port, 2 ème au monde pour le fret.

Aujourd'hui, pour continuer son développement, la municipalité mise sur l'enseignement supérieur et la recherche. Le classement de Shanghai, qui évalue les universités au niveau mondial, a d'ailleurs permis à l'université de Jiaotong de se faire un nom dans le milieu académique. Enfin, l'organisation de manifestations internationales participe à la promotion du `Shanghai moderne' : l'Exposition Universelle de 2010 en est le parfait exemple.

Les données recueillies en 2007 permettent de constater que 22 % de la population mondiale (1,5 milliard de personnes) vivent à l'heure actuelle dans seulement 600 villes et qu'elles contribuent à la production de plus de la moitié de la richesse mondiale (estimée à 30 000 milliards de dollars). Mais 100 grandes villes génèrent à elles seules 38 % de la richesse mondiale estimée à 21 000 milliards de dollars. Demain, en 2025, ces 600 villes avec 25 % de la population mondiale (2 milliards d'habitants) généreront 60 % de la richesse mondiale (estimée à 64 000 milliards de dollars). Les villes de poids moyen (population de moins de 10 millions d'habitants) contribueront pour la moitié à cette production de richesse.

Mais aussi , contrairement à une opinion largement répandue, ce ne seront pas les grandes mégapoles qui contribueront demain à la croissance mondiale, mais pour une large part les villes de taille « intermédiaire » (entre 150 000 et 10 millions d'habitants) comme le montre le graphique suivant.

Selon les projections établies par le McKinsey Institute, la population des 600 principales villes mondiales va progresser 1,6 fois plus vite que la population mondiale de telle sorte qu'en 2025, ces 600 villes disposeront de 25 % de la population mondiale en âge de travailler (entre 15 et 64 ans), 15 % des jeunes de moins de 15 ans et 35 % de la population âgée de plus de 65 ans.

Ces constats déterminent toute la problématique future des rapports entre les habitats et les lieux de production, entre l'industrie et le tertiaire dans et hors de la ville, au sein de mégapoles qui vont croître à un rythme soutenu dans les vingt prochaines années.

En termes de pouvoir d'achat, alors qu'e n 2007, seules 4 villes sur les 25 premières villes ayant les plus hauts niveaux appartenaient aux régions de pays émergeants, en 2025, elles seront 11 sur 25 comme le montre le graphique suivant.

Au-delà des villes monde, telles que les a définies Saskia Sassen, dans des villes qui au-delà de leurs fonctions locales ou territoriales, induisent un rapport au monde ou à la planète de telle sorte qu'elles constituent une référence internationale. On voit que le concept peut être perçu comme principalement pertinent dans l'ordre économique et d'abord financier : les villes monde seraient celles qui concentreraient dans le plus court laps de temps le plus grand nombre de transactions. On peut aussi considérer que les villes monde sont celles qui concentrent le plus de fonctions internationales.

La vision commune est qu'elles « trient » le développement mondial. Ces perceptions comportent deux risques : celui du dualisme entre les villes monde réputées développées et riches et des séries d'autres viles vouées à une relative dépréciation et celui de l'uniformisation, déjà évoqué et sur lequel nous reviendrons.

New-York : ville-monde par excellence

La municipalité de New-York, New-York City , est le fruit de la fusion des communes de Manhattan, Bronx, Brooklyn, Queens et Staten Island en 1898. La ville compte aujourd'hui plus de 8 millions d'habitants et se situe au 5 ème rang des agglomérations mondiales : son aire métropolitaine le Metropolitan Statistical Area , à cheval sur les Etats de New-York, du New Jersey et du Connecticut, regroupe en effet environ 20 millions d'habitants 70 ( * ) . Par sa situation géographique, New-York est au coeur de la Megalopolis , qui désigne l'ensemble urbain qui s'étend de Washington à Boston.

Très souvent, New-York est qualifiée de ville-monde. Cette appellation n'est en aucun cas erronée quand on sait l'influence qu'exerce New-York à travers le monde. Ainsi, sur le plan économique et financier, elle concentre dans son CBD ( Central Business District ), situé sur l'île de Manhattan, les sièges de nombreuses firmes transnationales américaines et étrangères : JP Morgan, Verizon, Pfizer ...

New-York abrite également la plus grande place boursière au monde avec le New-York Stock Exchange et le Nasdaq (45 % de la capitalisation boursière mondiale). Enfin, on y dénombre « de très nombreux centres de recherche dans les activités de haute technologie comme la recherche médicale » 71 ( * ) ( Silicon Alley ). Sur le plan politique, New-York héberge le siège de plusieurs institutions internationales, notamment ceux de l' ONU et de la Banque Mondiale . Sur le plan culturel, New-York est reconnu internationalement pour ses musées, le Guggenheim et le Museum of Modern Art . Concernant les médias, sont présents des agences de presse ( Associated Press ), des quotidiens ( New York Times, Wall Street Journal ) et des chaînes de télévision ( NBC, ABC, CBS ), dont l'impact médiatique dépasse largement le territoire américain.

La concentration de cet ensemble de fonctions, favorisée par l'existence d'infrastructures de communication de qualité (1 port et 3 aéroports), fait que le PIB de l'aire métropolitaine new-yorkaise se montait à 720 milliards d'euros en 2004, ce qui « en ferait la dixième puissance économique du monde » 72 ( * ) . Cependant, cette richesse est loin de profiter à tout le monde : si en 2000, 21 % de la population new-yorkaise vivait sous le seuil de pauvreté, notons que ce taux atteignait 31 % dans le Bronx, arrondissement dont la population est majoritairement noire et hispanique.


* 65 McKinsey Global Institute »Urban world: Mapping the economic power of cities» March 2011

* 66 Voir la méthodologie de constitution de la base de données Cityscope à l'adresse internet :
MGI_urban_world_full-report03-2011.pdf.

* 67 Classement (2008) établi par le GaWC (Groupe d'études sur la globalisation et les villes mondiales, université de Loughborough, Royaume-Uni) à partir de la localisation des 100 principales firmes mondiales de services dans 315 villes globales

* 68 Thierry Sanjuan, « Shanghai - Le grand bond en avant », in Grands dossiers : Villes mondiales, les nouveaux lieux de pouvoir, Sciences Humaines, n° 17, décembre 2009/janvier-février 2010

* 69 Ibid.

* 70 Christian Lefèvre, «  Etude de la gouvernance des métropoles mondiales : Londres, New-York, Tokyo, des références pour la métropole parisienne ? », Etude réalisée pour l'agence de Développement du Val-de-Marne, 2006

* 71 Ibid.

* 72 Ibid.

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