4. Conseil Européen des Urbanistes : La Nouvelle Charte d'Athènes 2003, la vision du Conseil Européen des Urbanistes sur les villes du 21ème siècle

Introduction

Le Conseil Européen des Urbanistes (CEU) est convaincu qu'au cours du XXIème siècle, l'Europe progressera vers l'intégration. Dans cette perspective, le CEU présente une Vision partagée et largement collective sur le futur des villes européennes, comme fondement de La Nouvelle Charte d'Athènes 2003 (partie A). Il s'agit de la Vision d'un réseau de Villes qui :

conserveront la richesse culturelle et la diversité, qui résultent de leur longue histoire ;

deviendront liées entre elles par une multitude de réseaux, pleins de contenu et fonctions utiles ;

resteront créatives et compétitives, mais rechercheront, en même temps, la complémentarité et la coopération ;

contribueront de manière décisive au bien-être de leurs habitants et plus généralement, à plus d'aise pour tous ceux qui les utilisent.

La Vision qui fonde la Nouvelle Charte d'Athènes 2003, est complétée (partie B) par :

une brève référence aux principaux questions et défis qui affectent les villes au début du XXIème siècle;

les engagements que prennent les urbanistes pour mettre en oeuvre cette Vision.

La Nouvelle Charte d'Athènes 2003 est surtout adressée aux urbanistes professionnels qui travaillent en Europe et à ceux qui s'intéressent à leur travail, afin de les orienter dans leurs actions pour configurer les villes d'Europe au fil du temps en villes cohérentes à tous niveaux dans tous les domaines.

L'aménagement stratégique du territoire et l'urbanisme sont indispensables au Développement durable, aujourd'hui compris comme l'organisation prudente de l'espace commun, qui est une des ressources les plus rares dans les parties les plus convoitées des territoires où se concentre la civilisation. Ils impliquent le travail d'équipes multidisciplinaires, engageant toutes sortes de savoirs et de savoir-faire, à plusieurs échelles et dans des processus de longue durée. Cet attribut particulier qui fonde la spécificité de la profession d'urbaniste consiste à savoir considérer simultanément une variété de questions et d'envisager, par avance, leur impact dans l'espace et dans la société. Le CEU est conscient aussi bien de la variété que de l'universalité de la profession d'urbaniste en Europe, puisqu' elle a en charge la riche diversité des villes et des régions d'Europe.

PARTIE A

La Vision future

1. LA VILLE COHERENTE

Dans la deuxième moitié du XXème siècle, de nombreux pronostics pessimistes sur le futur des villes européennes s'étaient exprimés. Ils prévoyaient baisses de productivité, délaissement et implosion des zones urbaines centrales, criminalité effrénée, très forts taux de pollution et une dégradation environnementale dramatique, de même qu'ils redoutaient la perte de leur identité. Heureusement, ces prédictions ne se sont pas encore vraiment matérialisées bien qu'il soit clair au début du XXIème siècle que les villes du Vieux Continent sont loin d'être idéales en raison des défis énormes auxquels elles doivent faire face.

En réponse, le Conseil Européen des Urbanistes propose sa vision à l'aube du nouveau millénaire. Cette Vision n'est ni une nouvelle utopie ni une projection délirante d'innovations technologiques. Elle se centre sur la Ville Cohérente. C'est essentiellement un instantané sur ce que nous voudrions que nos villes deviennent dès maintenant et pour demain. Cette vision est l'expression de l'objectif vers lequel les urbanistes d'Europe oeuvrent par leur travail et leurs contributions, au mieux de leurs capacités professionnelles ; un objectif qui pourrait tout à fait être atteint si cette vision devenait le guide de tous les acteurs du développement et du management des villes engagés dans les processus de gestion et de développement durables des territoires.

La Ville cohérente résulte de tout un ensemble varié de mécanismes de cohérence agissant à différentes échelles ; aussi bien des éléments de cohérence visuelle et physique du bâti que les mécanismes de cohérence entre les diverses fonctions urbaines, les réseaux d'infrastructure, et l'usage des nouvelles technologies d'information et de communication.

Cohérence dans le temps

Dès l'origine, les plus anciens établissements humains ont été créés pour assurer l'abri et la sécurité des gens et pour faciliter les échanges de biens. Ils ont produit des sociétés organisées, ils ont développé une grande variété de savoir-faire, ils sont devenus hautement productifs et ils se sont développés comme de puissants centres de civilisation. Ils ont été construits dans des emplacements soigneusement choisis, maintenant longtemps une distinction claire entre les limites de la ville et les zones rurales et naturelles qui les entouraient, même lorsque les fortifications devenues obsolètes avaient été démolies.

Les Villes européennes se distinguent des agglomérations urbaines d'une grande partie du monde par leur longue période de développement à travers l'Histoire qui reflète les caractéristiques des structures politiques, sociales et économiques des nations. L'Histoire et cette diversité ont modelé leurs différences.

Par contraste, la ville du XXIème siècle devient plus difficile à discerner, car les activités humaines qui se localisaient dans les villes, s'étendent dorénavant largement dans les espaces qui les entourent, investissant des secteurs ruraux et des espaces auparavant naturels. Les réseaux de transport et les autres infrastructures construites pour relier ces activités dispersées, fragmentent et dégradent le sol qui est pourtant la principale ressource naturelle non renouvelable. Lentement, mais inexorablement de nouveaux réseaux complexes relient petites et grandes villes, en créant des continuum urbains déjà perceptibles dans de nombreuses parties de l'Europe où les villes classiques deviennent des simples composantes de réseaux informels. Les effets dommageables d'une telle tendance doivent être inévitablement abordés dans une vision sur le futur des villes.

Le futur se construit à chaque instant présent par l'effet de chacune de nos actions et le passé nous offre des leçons de grande valeur pour le futur. Aussi sous de nombreux aspects la ville de demain existe déjà. Il y a d'ailleurs beaucoup de caractéristiques de la vie en ville que nous apprécions et souhaitons mettre en valeur et que nous souhaitons transmettre aux générations futures. Quel est donc le problème de base dans les villes d'aujourd'hui ? C'est le manque de cohérence : non seulement en termes physiques, mais aussi le manque de cohérence dans la continuité des évolutions dans le temps qui affecte les structures sociales et les différences culturelles .Cela ne signifie pas seulement continuité de caractère des espaces bâtis, mais aussi continuité d'identité, valeur très importante à protéger et à promouvoir dans un monde tellement dynamique . Dans le futur, c'est le concept de ville-en-réseau composée d'ensembles urbains polycentriques organisés en réseau qui ressortira, nombre d'entre eux s'étant affranchis des frontières nationales dans la perspective de la nouvelle Europe.

2. LA COHERENCE SOCIALE

L'équilibre

Le bien-être futur de l'humanité résidera dans la double considération qui sera accordée à chacun : comme individu, mais aussi comme membre de communautés reliées à l'ensemble de la société comme les parties d'un tout. C'est un objectif important de cohérence pour la ville, qui, par essence, respecte les intérêts de la société comme un tout, en tenant compte des besoins, des droits et des devoirs de groupes divers et des citoyens individuels eux-mêmes.

Mais le fait de faciliter l'expression multiculturelle et l'échange entre différents groupes sociaux n'est pas suffisant. Il y a des grandes disparités économiques à aborder dans l'Union Européenne, problèmes qui semblent être exacerbés par le système de libéralisation des marchés et de compétition répondant au contexte actuel de mondialisation des échanges et du pouvoir. Si ses tendances continuaient telles qu'elles sont, elles conduiraient à la rupture du tissu économique et social. Pour prévenir cela, une nouvelle approche de la gouvernance doit émerger, impliquant tous les acteurs, et s'attelant à résoudre les problèmes sociaux, la criminalité, et la violence. Une ville cohérente sur le plan social sera capable de fournir un plus grand sentiment de sécurité et mettra ses habitants plus à l'aise.

Bien que ces nobles objectifs aillent parfois au delà de la portée du mandat de l'urbaniste, la ville cohérente du XXIème siècle devra viser également la plus grande diversité d'opportunités de choix économiques et d'emploi pour tous ceux qu'y habitent et y travaillent, et devra leur assurer un meilleur accès à l'éducation, à la santé et au plus grand nombre d'équipements. Enfin, de nouvelles formes de structures sociales et économiques viendront corriger les trop grandes disparités sociales, causes de l'exclusion, de la pauvreté, du chômage et de la criminalité que le cadre de vie ne peut réduire à lui seul.

L'Engagement

Les villes européennes du futur seront encore plus utilisées non seulement par leurs résidents mais aussi par tous ceux qui profitent de ses équipements et de ses services, en permanence ou temporairement (banlieusards et visiteurs). Des étrangers à la ville, des personnes aussi bien peu spécialisées que hautement qualifiées, viendront résider pour de courtes ou longues périodes ; il faut même se préparer à ce que ces groupes aient une importance numérique significative dans nombre de grandes villes d'Europe. Les institutions et les pratiques démocratiques devront alors aussi répondre aux besoins et au bien être de ces groupes sociaux alors que les systèmes de gouvernance urbaine, limités principalement aux votes des habitants permanents, ne pourraient pas répondre équitablement aux nouvelles conditions de la vie en ville. Dans la ville cohérente, des nouveaux systèmes de représentation et de participation seront développés, employant au mieux l'accès le plus facile à l'information pour les citoyens et les résidents, et facilitant le développement des réseaux de citoyens actifs afin de permettre à tous les habitants et utilisateurs de la ville de s'exprimer sur leur environnement et son évolution.

Des temps suffisants seront laissés à la prise de décision dans les processus de développement et d'urbanisme afin que le travail social puisse s'accomplir et que les interactions positives soient facilitées. Il est probable en effet que, dans la ville cohérente du futur, nombreux groupes de résidents, permanents ou temporaires, réclameront des équipements et des services urbains de qualité mais refuseront de prendre en charge des équipements et services dans la qualité et la décision desquels ils n'auraient pas été impliqués.

Richesse multiculturelle

La tendance croissante à l'unification de l'Europe aura un impact lent mais clair sur la mobilité et l'emploi, et les villes européennes deviendront encore plus vraiment multiculturelles et multilingues. Dans la cohérence des villes, il faudra que de nouvelles connections soient établies pour préserver un équilibre délicat et souple, afin que chaque ville maintienne son caractère, sa culture et son identité tout en acceptant, pour certaines, et en encourageant, pour d'autres, les groupes qu'y habitent ou y travaillent à vivre leurs propre vie sociale et culturelle, et à jouer un rôle tangible dans les questions relatives à leur environnement social et physique. Les méthodes du Développement Durable - intégrant les dimensions économique, écologique et sociale du changement en les basant sur la participation et l'implication des acteurs - devrait être le chemin le plus sûr pour rendre possibles ces équilibres délicats.

Les relations entre générations

Le vieillissement durable de la population européenne modifie l'équilibre dynamique entre les différents groupes d'âge. Il oblige à se préoccuper de rétablir des liens de cohésion entre générations. Ce défi social ne doit pas être exprimé seulement en termes sociaux et économiques, mais aussi par l'action croissante des villes dans le soutien à la création d'infrastructures particulièrement adéquates et à l'initiative de réseaux ; le but étant de considérer les besoins de vie sociale de tous les âges aussi bien que de tenir compte des réactions et des rythmes spécifiques des personnes à la retraite et de ceux des personnes plus âgées, notamment dans la conception, l'usage et la localisation des espaces publics.

Identité sociale

L'identité personnelle des citoyens est fortement rapportée à l'identité de leur ville. Or, les dynamiques qui résulteront d'apports plus importants dus aux phénomènes d'immigration urbaine contribueront à des identités urbaines plus nouvelles et plus fortes. Chaque ville développera sa propre alchimie sociale et culturelle résultant, à la fois, de son histoire et des voies de son développement. Il en résultera le maintien d'une grande diversité de caractère et d'identité des villes et des régions dans les différentes parties de l'Europe.

Dans la Ville cohérente, les échanges et les intégrations entre les différentes cultures présentes donneront à la vie en ville une richesse et une diversité beaucoup plus grandes qu'aujourd'hui qui s'ajouteront à l'attrait de la ville, non seulement pour la résidence, mais aussi pour le travail, les études, et le loisir.

Flux et mobilité

Dans les villes européennes du futur, les habitants auront une variété de choix de modes de transport à leur disposition, aussi bien que de réseaux d'information accessibles et actifs.

Dans la Ville cohérente et son hinterland régional, l'usage inventif des nouvelles technologies de tous ordres permettra d'offrir une variété de systèmes de transport des personnes, des biens et de moyens variés d'information. À l'échelle locale, la technologie et la gestion du trafic seront utilisées pour faciliter la diminution de l'usage des véhicules privés. À l'échelle stratégique, les liaisons entre voisinages, villes et régions seront facilités par l'évolution du Réseau européen de transport qui offrira des connexions rapides, agréables, durables et économiques entre les lieux de travail, d'éducation, d'habitation, de loisir et de culture. Au niveau des villes organisées en réseau, c'est l'amélioration des conditions d'échange entre les différents modes de transport qui facilitera la mobilité. Les améliorations des niveaux d'équipement en infrastructure seront contrebalancées par l'importance qui sera accordée pour d'autres raisons au maintien du choix de continuer à vivre dans des parties habitées du territoire éloignées des réseaux et de la vie urbaine dense.

Dans une ville cohérente cependant, l'organisation de l'espace doit inclure l'intégration complète des politiques de transport et des politiques urbaines ; l'imagination de règles de composition urbaine elles-mêmes adaptées à cet objectif et l'accès plus facile à l'information devraient réduire également le besoin de déplacements inutiles. Les facilités de déplacement et un plus grand choix de modes de transport deviendront de plus en plus un élément critique de la vie en ville.

Équipements et Services

Les services urbains comme le logement devront être adaptés à l'évolution très rapide des besoins et des moyens des résidents ; leur programmation sera flexible et adaptée aux modèles nouveaux d'usage de la ville qui apparaissent. Que ce soient l'accès aux équipements et aux services éducatifs, commerciaux, culturels et de loisirs, ou le droit au logement, ces services doivent être assurés à des conditions accessibles, notamment des conditions financières - prix et coûts de fonctionnement - que les citoyens pourront supporter, dans un esprit de communauté et d'apaisement.

3. COHERENCES ÉCONOMIQUES

Les villes européennes du XXIème siècle vont continuer à être fortement dépendantes du niveau d'activité économique générale. Elles essaieront toutes d'appartenir à des réseaux économiques denses à maille fine conjuguant efficacité et productivité, maintenant de hauts niveaux d'emploi et leur assurant une marge de développement compétitif dans la mondialisation de l'économie.

Mondialisation, régionalisation

Les activités économiques sont actuellement influencées par la combinaison de deux forces principales : la mondialisation et la spécialisation (locale ou régionale). D'un côté, les nouvelles activités économiques seront plus que jamais fondées sur la connaissance, avec une forte application de technologies innovantes aussi bien à la production qu'aux services. D'une certaine manière, la plupart de ces développements n'auront souvent pas grand chose à voir avec l'histoire du lieu où ils s'appliquent, mais seront toujours déterminés par des critères économiques. Il y aura par ailleurs toute une demande croissante pour des produits rares et raffinés et pour des services associés qui appliquent des méthodes particulières de production traditionnelles ou correspondent à la réinterprétation de produits typiques d'origine contrôlée. Dans le premier cas, le rapport qualité/prix entre les coûts à payer et les facilités à disposition jouera le rôle important pour les décisions d'installation des entreprises. Dans le deuxième cas, les caractéristiques qualitatives seront prédominantes. L'équilibre entre facteurs de développement endogènes et exogènes devient ainsi un enjeu particulièrement stratégique pour les villes et les régions d'Europe, comme la recherche de nouvelles cohérences économiques et culturelles qui devront aller de pair avec l'ouverture de l'Europe à l'Est et les efforts d'intégration correspondants qui encourageront et renforceront la diversité des cultures.

Dans ce contexte, les villes ont de plus en plus besoin de faire des choix stratégiques d'orientation économique. Elles auront le choix entre trouver avec de plus en plus de souplesse leur propre interprétation locale de la demande telle qu'elle se transforme sous les effets des processus de mondialisation ou cultiver leur propre signature économique. Les économies locales et régionales vont être de plus interconnectées aux économies d'autres régions, tant au niveau national qu'international. L'accroissement des systèmes de relations économiques entre villes cohérentes contribuera de différentes manières à améliorer l'accès des citoyens au plein emploi et à une meilleure prospérité qui sont le leit motiv de l'Europe

Avantages compétitifs

Au XXIème siècle encore, les villes économiquement réussies seront celles qui auront su capitaliser sur leurs avantages compétitifs. Un haut degré de connectivité multi-niveaux sera pour elles un atout majeur. Pour une ville recherchant la cohérence, capitaliser sur ses arguments culturels et naturels, en jouant de ses valeurs héritées de l'Histoire et en mettant en avant sa singularité et sa diversité, deviendra de plus en plus un avantage significatif. De même, l'offre d'un cadre de vie et de travail plaisant, sain, et sûr, augmentera considérablement dans le futur les chances des villes de rester attrayantes en réponse aux exigences croissantes des activités économiques sollicitées de toutes parts.

Pour être couronnée de succès dans son positionnement économique une ville doit exploiter les meilleurs arguments endogènes et exogènes dont elle dispose. Elle doit en permanence évaluer sa position et s'adapter pour conserver ses avances malgré le contexte de changement permanent. Les tendances doivent être surveillées en permanence. De multiples scénarios doivent être évalués régulièrement pour apprécier les forces et les faiblesses et agir en conséquence.

Développement des réseaux de villes

Notamment pour augmenter leurs avantages compétitifs, les villes vont se sentir de plus en plus obligées à se lier à divers réseaux, qui fonctionneront comme des systèmes plutôt intégrateurs, les villes étant leurs noeuds, connectés physiquement ou virtuellement ou les deux. Ces réseaux urbains polycentriques seront de différents types :

Réseaux entre villes de spécialisations similaires, qui à travers des coopérations fonctionnelles et des moyens d'organisation mis en commun atteignent les conditions de visibilité, de taille et de productivité nécessaires pour être compétitives ou pour développer des objectifs communs : Réseaux de synergie.

Réseaux liant des villes dont les spécialisations différentes leur permettent de se fournir les unes les autres. La spécialisation qu'elles représentent ainsi en commun, peut aussi les conduire à prétendre à l'attribution de grands projets publics : Réseaux de complémentarité.

Réseaux de villes liées entre elles dans un système souple d'échange de biens et services : Réseaux flexibles.

Réseaux entre villes partageant des intérêts communs (économiques et/ou culturels) et désirant cumuler les effets positifs de leurs images respectives aux fins de renforcer l'avantage compétitif de chacune : Réseaux de notoriété.

Les types de connections et de cohérence entre les noeuds des différents réseaux de villes dépendent des natures de relations attendues : flux de biens matériels ou flux d'éléments immatériels comme l'information ou les fonctions assurées les uns pour les autres ou en commun.

Les réseaux polycentriques de villes organisés sous ces différentes formes, assureront la distribution, la croissance et la puissance des activités économiques à travers l'Europe. La définition de nouveaux réseaux de villes, leur constitution et le positionnement individuel des villes entre elles, demanderont un nombre considérable d'experts spécialisés dans le développement stratégique des villes et des territoires.

Diversité économique

La nécessaire cohésion économique des villes européennes ne se fera pas au détriment de leur diversité ; elle y contribuera au contraire, puisque leur participation à des systèmes de coopération pointus encouragera leur spécialisation et l'exploitation des avantages compétitifs de chaque ville. Les facteurs qui influencent désormais la performance économique des villes (le patrimoine culturel et naturel, l'existence de ressources humaines formées et spécialisées, la vie culturelle et un environnement agréable, une localisation stratégique, entre autres) seront combinés de différentes façons dans chaque ville, contribuant ainsi à la variété urbaine, et permettant à chacune de déterminer son propre équilibre entre prospérité économique et qualité de vie.

4. LA COHERENCE ENVIRONNEMENTALE

« Input-output » ou l'équilibre des bilans

L'être humain ne peut être dissocié de son environnement naturel. Son contact avec la nature n'est pas seulement une source de bien-être mais une condition intime de survie. Ainsi les contenus d'environnement du Développement Durable, ne concernent-ils pas seulement la préservation et la réinstallation de zones naturelles dans les villes et leurs alentours, mais implique pas mal d'autres choses :

L'équation principale du XXIème siècle sera d'assurer une utilisation sage des ressources disponibles , spécialement de celles qui sont naturelles, non-renouvelables , et principalement le sol, l'air et l'eau,

Un pas important sera de protéger l es villes des excès de pollution et des dégradations, afin que les villes puissent conserver leur utilité.

Les villes du nouveau millénaire géreront en permanence le bilan des ressources qu'elles consommeront avec prudence et économie, en les rapportant à leurs véritables besoins, en employant des technologies innovantes, et en minimisant leur consommation par le plus haut degré possible de réutilisation et de recyclage.

La production d'énergie et en premier lieu son usage seront une préoccupation majeure, avec des niveaux de rendement sans précédents et avec un usage croissant des sources d'énergie renouvelable.

Enfin, la ville cessera d'exporter ses déchets dans ses alentours, et deviendra un système cohérent et autosuffisant , traitant et ré-utilisant la majorité des ressources importées .

Une approche environnementale similaire couplée avec les techniques de management des risques sera utilisée pour minimiser l'impact des risques naturels. Ainsi, les effets catastrophiques des tremblements de terre seront contenus en limitant par des zonages appropriés le développement en zones sismiques exposées. Les effets des inondations par les fleuves et les torrents et des autres phénomènes climatiques extrêmes causés par les changements de climat et les manques de protection seront tempérés par la prise en considération et le traitement des plaines submersibles et des bassins hydrographiques. Les forêts et zones vertes seront agrandies à l'intérieur et autour des villes, afin quelles puissent jouer leur rôle important d'assainissement de l'air et de stabilisation des températures. Accessoirement, ces mesures auront aussi des effets secondaires très positifs, en mitigeant les impacts en cas d'urbanisation galopante.

Salubrité et villes saines

Les précautions d'environnement et l'application pratique des principes du Développement Durable produiront une ville qui sera plus salubre et donc plus saine pour la vie humaine. En effet, en Europe dans le futur, il est probable que les risques sur la santé en ville, dans l'alimentation et par l'usage matériaux contenant des substances toxiques seront largement éliminés. Cet ensemble de mesures sera complété par tout un ensemble de services sanitaires et sociaux, donnant plus d'importance à la prévention et équitablement à la disposition de tous.

Nature, paysage, et espaces libres urbains

La chance pour tous de vivre et de travailler dans sa propre ambiance, auprès d' un patrimoine culturel et naturel bien conservé (paysages significatifs, sites archéologiques, monuments, espace rural et voisinages traditionnels, parcs, places et autres espaces extérieurs, masses d'eau-lacs-fleuves-maraîchages-littorals maritimes, réserves naturelles), sera soigneusement préservée et multipliée. L'urbanisme continuera à être la mesure la plus efficace pour parvenir à protéger le patrimoine naturel et culturel, et pour produire les conditions de création des nouveaux espaces libres qui donneront leur cohérence aux tissus urbains.

Le rapport émotionnel de l'homme avec son environnement, l'impression d'appartenance, est une condition fondamentale de la qualité de vie en ville. Les villes et les agglomérations urbaines les plus plébiscitées sont celles qui s'impliquent le plus dans ces questions. La qualité environnementale qui contribue à l'harmonie sociale et à la vitalité culturelle, devient un des facteurs-clé du succès économique d'une ville.

Energie

Des nouvelles formes d'énergie, obtenues à partir de ressources non polluantes et renouvelables, seront employées pour couvrir les besoins d'énergie des villes du XXIème siècle, spécialement dans les secteurs-clé, comme les transports et les activités qui affectent le microclimat. Concomitamment les systèmes de distribution d'énergie et leurs infrastructures deviendront très économes par l'emploi de technologies nouvelles et par l'amélioration des rendements ; la consommation d'énergie en sera réduite de manière drastique. Ces grands progrès auront un effet très positif sur la diminution de la pollution de l'air, les gaz à effet de serre et les altérations du climat.

5. LE RAPPORT A L'ESPACE

Les éléments de cohérence économiques, sociaux et environnementaux exposés précédemment, auront une forte influence et beaucoup d'impact sur l'urbanisme et sur le développement et l'aménagement des territoires.

La cohérence dans l'usage de l'espace

Par un usage des méthodes prudentes d'urbanisme et d'autres interventions appropriées, les articulations des différents réseaux d'espaces à l'intérieur et autour des villes seront particulièrement soignées. Dans les villes cohérentes, les fonctions essentielles des centres-villes et des autres noeuds du polycentrisme des villes seront maintenues avec énergie et réactivité; elles seront multipliées dans les différents endroits qui seront desservis efficacement par les réseaux de communication et de déplacements sans en altérer la vitalité et l'animation.

En cohérence avec ces principes, les espaces naturels du Continent européen seront effectivement protégés contre l'extension et la multiplication des réseaux urbains, aussi bien par des combinaisons de mesures de protection et de stimulation, que par la promotion auprès du public de la valeur et du besoin essentiels qu'ils représentent.

La place de l'esprit du lieu et de la culture dans la cohérence de la ville et la qualité de la vie

En parallèle à ces considérations sur l'usage et l'organisation des sols et des espaces, l'attractivité propre à chaque ville d'Europe aura été préservée et mise en valeur, contribuant ainsi à la qualité de vie du plus grand nombre, puisque près des trois quart de la population de l'Europe y résident. Ainsi , l 'art urbain et la composition urbaine seront les éléments essentiels de la renaissance des villes . Ils permettent de corriger les dislocations entre les parties de la ville et de poursuivre la préservation du caractère propre à chaque ville par différentes formes de politiques de l'espace urbain et différentes catégories de mesures et d'interventions pour lesquelles l'urbaniste jouera un rôle-clé. Par exemple :

La relance de l'Art urbain et de la composition urbaine afin de protéger et mettre en valeur les rues, les places, chemins pour piétons et d'autres parcours comme instruments du lien social et de la continuité du cadre urbain ;

Réhabilitation des formes urbaines inhumaines ou dégradées ;

Transformations nécessaires pour faciliter les contacts entre les personnes et pour multiplier les lieux de détente et de loisirs ;

Mesures pour améliorer le sentiment individuel et collectif de sécurité qui est un élément essentiel de la liberté et du bien-être individuels ;

Efforts pour créer des environnements urbains symboliques dérivés de l'esprit propre de chaque lieu , mettant ainsi en valeur la diversité du caractère de chaque ville ;

L'entretien et l'exigence d'un haut niveau d' excellence esthétique dans tous les lieux de la ville ;

Protection systématique des éléments de patrimoine naturels et culturels ainsi que protection et extension des réseaux d'espaces ouverts urbains au moyen des règles et des dispositions d'urbanisme.

Chacun de ces développements positifs sera géré de différentes manières dans chaque pays et chaque ville , selon les conditions historiques locales et selon la place donnée aux conditions sociales et économiques. Dans le même temps, la cohésion au sein de l'Union Européenne élargie augmentera ; les structures administratives et sociales de l'Europe gagneront en maturité et les orientations pour l'organisation et la préservation de l'espace communautaire seront graduellement incorporées en pratique dans l' acquis communautaire . Les objectifs communs pour les villes d'Europe deviendront alors clairs et largement acceptés, pendant que chacune aura veillé à valoriser et entretenir ce qui lui est unique par rapport aux autres.

Un nouvel esprit pour l'Europe

Pour l'Europe, cette communauté internationale qui est en train de chercher son futur collectif dans des conflits récurrents et des expériences politiques et économiques fréquemment erronées, l'évolution cohérente de ses villes va s'avérer être l'un des résultats les plus positifs.

Une des principales contributions de l'Europe dans le XXIème siècle sera le nouveau modèle de développement de ses villes, anciennes et modernes : des villes vraiment cohérentes dans tous les sens du terme, des villes innovantes et productives de richesses, créatives au sens des sciences, de la culture et des idées, assurant des conditions de vie et d'emploi décentes en matière et en qualité ; des villes qui assurent la cohérence entre le passé et le futur en faisant palpiter d'entrain le présent !

PARTIE B

B1 - Questions et Défis

Les tendances à long terme doivent être considérées avec beaucoup d'attention en raison de leurs effets potentiels sur le développement d'une ville. L'Histoire a démontré que le futur est largement déterminé par le passé - donc, les tendances comme elles apparaissent aujourd'hui doivent être regardées d'un oeil critique. Cependant, il faut accepter que les effets réels de tendances constatées ne puissent parfois pas être anticipés parce que des développements imprévus peuvent, aussi, largement les avoir influencés.

Dans ce chapitre, les tendances sont classées en quatre groupes principaux:


• Changements sociaux et politiques;


• Changements économiques et technologiques;


• Changements environnementaux;


• Changements urbains.

Elles sont examinées pour leurs effets prévisibles sur les villes et pour les questions et défis qu'elles posent aussi bien aux Villes qu'aux urbanistes.

1. Changements sociaux et politiques

Tendances constatées

Tandis que les forces de la mondialisation se répandent de par le monde, des manifestations d'une «Européanisation» apparaissent comme claires et évidentes sur le «Vieux Continent». Les frontières perdent leur sens du fait du processus d'unification, et le temps et les distances semblent perdre de l'importance. Les citoyens de différents pays deviennent en contact direct, et les villes sont en compétition entre elles à une échelle globale.

La culture des villes est non seulement influencée par les innovations technologiques, mais encore par les diversités culturelles que les immigrants apportent avec eux. De plus, le vieillissement continu de la population et la diminution du temps moyen passé sur le lieu de travail, ainsi que le changement rapide de la composition socioculturelle des populations des villes, conduisent à une demande de services et de produits de plus en plus diversifiés. Dans le même temps, de plus en plus de personnes qui utilisent les services offerts par la ville, résident ailleurs, de sorte que de nouveaux groupes de «consommateurs de villes» et d'«usagers des villes» apparaissent à côté des résidents.

A travers l'Europe, des changements radicaux dans la gouvernance influencent le contexte de l'aménagement et de la gestion des villes. La dérégulation et la privatisation offrent de nouvelles voies pour financer et permettre les projets de développement. Les villes, forcées à rentrer dans la mise en compétition des investissements entre différentes villes, adoptent fréquemment un style entrepreneurial de gestion avec des visions à plus court terme et surtout avec des objectifs guidés par les aspects financiers, bien différemment de ceux traditionnellement associés à l'activité des pouvoirs publics locaux dont la fonction première était l'intérêt public. Cela s'exprime, par exemple, par le développement de nombreux partenariats public/privé, par un net engagement dans les approches et techniques du marketing urbain ou dans la recherche d'investissements promotionnels. Ceci conduit parfois les pouvoirs publics locaux à négliger l'implication du public dans les politiques d'urbanisme stratégique. Des manquements à la démocratie pourraient peut-être émerger dans des villes qui s'appuieraient trop sur le secteur privé pour distribuer les bénéfices sociaux du développement.

Problèmes induits pour les villes

Même si les temps de déplacement paraissent se réduire ou disparaître, cela ne signifie pas que l'accessibilité s'améliore pour tous. Beaucoup de citadins déshérités sont exclus des bénéfices des communications modernes, des transports, des équipements et des services. Des zones spécifiquement dédiées à des consommateurs aisés tendent fréquemment à se développer dans des environnements clos, tandis que les habitants pauvres restent sans abri ou vivent dans les secteurs en déclin des centres-villes ou des banlieues.

En Europe occidentale, beaucoup de gens se sentent menacés par le grand nombre d'immigrants - des sentiments d'hostilité peuvent se développer, nourris par les malentendus et les préjugés entre les différentes cultures. La peur de la délinquance et des catastrophes causées par l'homme et la nature s'ajoutent à ce sentiment d'insécurité urbaine.

Le vieillissement de la population européenne et l'évolution de la structure de la famille et des liens familiaux font émerger de nouveaux défis sociaux, de même qu'ils génèrent de nouveaux besoins d'infrastructures.

De très importants problèmes financiers et sociaux auxquels beaucoup de villes se confrontent aujourd'hui conduisent à des défaillances dans la pratique de la démocratie locale parce que des autorités publiques laissent au marché libre des pans entiers de leur responsabilité de l'intérêt collectif. Des citoyens, se sentant abandonnés par leurs représentants démocratiquement élus, perdent confiance dans les autorités officielles. Moins de respect pour l'autorité, moins de patience et d'engagement du public, peuvent conduire à des attitudes égoïstes et consuméristes.

Défis pour les villes du futur

Les concepts-clefs du développement durable, de l'identité urbaine, de la vie en communauté, comme ceux de la sécurité, de la santé et de la protection médicale, deviennent de plus en plus des sujets sensibles pour les urbanistes et pour les processus d'aménagement stratégique du territoire. Le besoin croissant d'un environnement urbain offrant qualité de vie, mais aussi protection de la santé et sécurité publique lance aux villes le défi important de développer un futur dans lequel les aspects de durabilité sociale, économique et environnementale seraient équilibrés. Développer des nouvelles identités issues de nouvelles influences culturelles est aussi un des grands défis que les villes doivent relever. La vie urbaine devrait tendre à développer une large diversité de cultures capables de coexister et de respecter la diversité de leurs traditions réciproques. De plus, les villes européennes devraient évoluer de telle sorte qu'elles profitent des migrations internes des citoyens des États Membres dorénavant autorisés à se déplacer et à s'établir facilement dans la plupart des pays d'Europe.

La restauration des liens sociaux et de la solidarité entre les différentes générations semble être devenue un élément critique pour le futur bien être des populations urbaines.

Le développement de processus innovants de démocratie locale constitue un autre défi important- il s'agit de rechercher de nouvelles voies pour mobiliser tous les acteurs dans le but d'augmenter la participation et assurer les intérêts communs de tous les groupes. La participation des citoyens permet une meilleure compréhension des demandes des gens et peut faire éclore une véritable évolution culturelle qui conduira à l'acceptation de solutions très diverses pour faire face aux différents besoins des différents groupes, tout en préservant une identité partagée de la cité.

2. Changements économiques et technologiques

Tendances constatées

A l'aube du XXIème siècle, la vitesse du développement technologique - basé sur la recherche, l'innovation et sa diffusion dans le large champ des sciences et techniques - est plus rapide qu'à aucun autre moment de l'histoire. Elle influence les manières de vivre, l'économie, les structures stratégiques de l'aménagement du territoire et la qualité des villes petites ou grandes.

Le développement et l'amélioration de la connaissance des fondements de l'économie ont changé radicalement les forces qui conduisent le développement urbain en Europe. Les services de pointe sont en train de devenir l'activité principale dans les villes, tandis que l'accès universel aux équipements informatiques en réseaux rend possible le travail à domicile, le commerce et les affaires par échanges électroniques. Les compagnies mondiales organisent et gèrent leurs affaires indépendamment des limites régionales et nationales, en utilisant et déployant des ressources telles que la main d'oeuvre là où l'offre est disponible et peu chère. Les «critères d'implantation» ne sont plus ceux de la concentration des industries manufacturières - qui a perdu son importance- tandis que la richesse et la diversification des activités exercées dans les villes ainsi que la qualité de l'environnement urbain deviennent des facteurs décisifs pour la localisation des entreprises. La compétition internationale requiert à la fois la spécialisation et la coopération des villes dans des réseaux de villes, aussi bien virtuels que physiques. L'économie basée sur le savoir change non seulement les modes de production et la structure de l'emploi, mais aussi crée de nouvelles exigences de performance attendues des systèmes urbains.

Problèmes induits pour les villes

D'une part, les échanges électroniques tant pour le travail à domicile que pour le commerce et les affaires, peuvent entraîner moins de besoins d'équipements urbains construits. D'autre part, ces processus génèrent beaucoup plus de trafic des véhicules de transport de marchandises et de livraisons, avec des impacts forts sur les centres-villes déjà fortement congestionnés. La plupart des entreprises mondiales (industrielles ou de services) localisent habituellement leurs implantations sans établir des rapports réels avec les lieux où elles s'installent, tant les considérations économiques internationales surpassent de plus en plus les aspects locaux, sociaux, environnementaux et de sécurité.

De plus, la mondialisation de l'économie renforce l'impact des facteurs externes sur le développement urbain. Même si elle apporte de nouvelles opportunités, cela affaiblit souvent l'économie locale traditionnelle conduisant à la dépréciation des atouts locaux et à la perte des liens économiques et culturels entre la ville et sa région. Sans un cadre de gouvernance locale capable de répondre à ces enjeux pour préserver les intérêts des catégories sociales défavorisées, ces forces économiques peuvent conduire à l'exclusion sociale et aux situations de précarités.

Défis pour les villes du futur

L'économie basée sur le savoir sera plus importante que les industries conventionnelles et de l'optimisation des performances devrait résulter davantage de temps libre pour les habitants. Cela sera couplé avec un plus grand choix d'activités culturelles et de loisirs réels ou en ligne.

Les nouveaux types d'activités économiques devraient également entraîner moins de pollution, des centres-villes plus animés, la mise en valeur des paysages, et davantage de biodiversité dans les périmètres urbains et l'espace rural environnant. Les qualités culturelles, aussi bien qu'environnementales, seront progressivement reconnues comme des arguments compétitifs importants pour les villes. L'identité historique spécifique et les qualités de chaque ville joueront un rôle distinctif dans leur développement. Parmi leurs atouts, les villes auront besoin de développer ceux qui leur permettront d'assurer leur prospérité dans un contexte de plus en plus généralisé où des réseaux de villes se développeront à différentes échelles et produiront de nouvelles formes de coopération. Le défi important consiste à réaliser cela en veillant à ce qu'une large majorité de la population soit complètement et activement associée.

3. Changements environnementaux

Tendances constatées

L'environnement physique est lourdement affecté par l'échelle croissante des activités économiques, par l'urbanisation continue consommatrice de sol, par le déclin de l'agriculture et par l'expansion des réseaux d'infrastructures et de services. Les espaces naturels dans et autour des villes tendent à disparaître sous la pression de l'expansion économique.

L'environnement physique est aussi menacé par la pollution et par la consommation de ressources non renouvelables. La contamination du sol, de l'eau et de l'air est en augmentation, le bruit et la pollution lumineuse menacent sérieusement la capacité d'assimilation des environnements naturel et humain. Des changements climatiques entraînent des conditions atmosphériques moins stables, accompagnées de plus de précipitations, de vents plus forts, de turbulences et d'une montée du niveau des mers.

Problèmes induits pour les villes

De mauvaises conditions de santé dans les villes sont la conséquence d'activités polluantes et de production de déchets. Moins d'espaces ouverts, moins de biodiversité dans les villes sont des menaces pour la qualité de vie urbaine et des espaces publics. L'état des franges urbaines est en déclin en périphérie de la plupart des villes. L'agriculture et les espaces libres cèdent la place à des constructions et à des structures et activités inappropriées dans les espaces ruraux.

Les inondations, dont les dégâts se sont fait sentir presque partout en Europe, augmentent le sentiment d'insécurité. Des dangers mêmes plus graves pourraient affecter les grandes concentrations urbaines côtières concernées par la montée du niveau des mers. Les violentes tempêtes, les avalanches et les glissements de terrain intensifient la prise de conscience de la nécessité de mesures publiques de protection contre les catastrophes naturelles.

Les défis pour les villes du futur

Les menaces des impacts environnementaux sur les villes soulèvent de nombreux défis pour le futur. Les principes de précaution et les considérations environnementales doivent être inclus dans tous les processus de prise de décision et pas seulement là où les évaluations d'impacts sont obligatoires. Une prise en compte des écosystèmes doit être intégrée à la gestion de la ville. Des équilibres sont à trouver entre le développement urbain basé sur l'économie et des conditions de vie saines. Trouver les moyens financiers pour la mise en valeur et la protection des espaces naturels et de la biodiversité est une tâche importante à accomplir. Le besoin d'un environnement durable nécessite aussi une gestion attentive de l'espace, pour laquelle l'urbanisme et l'aménagement stratégique du territoire sont des outils essentiels.

La pérennité de l'agriculture dans les franges urbaines est essentielle à l'équilibre de la ville. Sa proximité de l'espace bâti, loin d'être un handicap, doit être encouragée et promue. Un encouragement financier doit être donné à la protection et au développement des activités agricoles, en particulier celles qui fournissent les marchés locaux ou appliquent des méthodes organiques-naturelles de production (agriculture biologique ou biodynamique).

4. Changements urbains

Tendances constatées

La ville n'a jamais été une entité bâtie continue, dense, mais a toujours inclus une variété de formes et d'espaces urbains. Le développement des villes et des régions n'est pas seulement le résultat de techniques modernes de planification de l'espace, mais aussi de développements informels et non planifiés du passé. Le contexte pour le développement futur des villes est en train de changer. Les technologies d'information et de communications permettent des communications mondiales directes et immédiates. L'accessibilité physique a énormément progressé, résultat de l'amélioration des infrastructures, notamment en ce qui concerne le transport des personnes et de marchandises sur des réseaux optimisés et bien gérés qui s'étendent rapidement. Les systèmes tendent à fonctionner avec plus d'efficacité, des coûts réduits, générant de nouvelles solutions, de nouvelles formes et modèles urbains.

Problèmes induits pour les villes

Une meilleure accessibilité physique qui résulte d'une infrastructure de transport améliorée tend cependant à créer des barrières et des obstacles, tout particulièrement pour les modes de transport et de mouvement plus lent. Il en résulte que les structures physiques dominantes conduisent à la fragmentation des structures de banlieues de ville et des structures de paysage. La sub-urbanisation et la dispersion des fonctions urbaines vers les zones périphériques de la ville conduisent à des distances de déplacement plus longues et, finalement, à la détérioration de la qualité des équipements et des services. Un déclin de l'usage du transport public et accroissement de l'utilisation des véhicules individuels compliquent encore les problèmes des villes.

En termes économiques, le processus de mondialisation se manifeste par une dispersion mondiale de la production de même que par la concentration de la gestion et des fonctions dans les grandes villes. Cela peut conduire à la croissance rapide des régions métropolitaines aux dépends d'autres formes d'organisation des territoires.

La disparité croissante entre les différents groupes aura pour résultat non seulement des changements dans la gouvernance urbaine, mais aussi dans les grandes zones défavorisées, en contraste avec des schémas de développement sophistiqués pour les nouvelles activités économiques et pour les quartiers résidentiels bien entretenus dédiés aux groupes privilégiés.

Les enjeux pour les villes du futur

De nouveaux développements technologiques dans les communications, l'information et les transports devraient être inventés de telle sorte que les citoyens et la vie de la cité dans son ensemble puissent mieux en bénéficier. De nouveaux équilibres entre les atouts historiques et culturels et la technologie auront pour résultat la création de nouvelles identités urbaines plus attrayantes. Il ne faut pas hésiter à utiliser tous les développements technologiques possibles pour soutenir le développement durable et la pérennité des villes dans le futur.

De nouvelles règles sont nécessaires à la composition urbaine, là où les parties anciennes et nouvelles des villes doivent être planifiées de manière cohérente pour apporter des solutions appropriées liant le passé au futur. Il faut aussi qu'existent des liens continus entre les espaces libres et les espaces bâtis, à différentes échelles territoriales, du quartier à la ville, des réseaux de villes au territoire global de l'Europe. Les formes urbaines doivent intégrer la mixité sociale, la mixité urbaine et doivent contribuer à une meilleure qualité de vie. Les loisirs en ville pourront devenir une combinaison d'environnements virtuels et physiques aux possibilités encore inconnues.

Au même temps, il faut se rappeler qu'un grand nombre d'usagers de la ville n'y résident pas. Pour ces derniers, il est important d'offrir des environnements et des services de haute qualité. Les activités de planification de l'espace devront générer un engagement véritable de tous les acteurs et sauvegarder les intérêts collectifs - un outil essentiel pour assurer le développement durable et la cohésion sociale.

Les critères d'organisation de l'espace devront être adaptés à la compétition entre les villes pour le développement économique et, pour cette raison, il doit être fait dorénavant application de toutes les techniques de la pensée stratégique dans l'urbanisme.

Finalement, le caractère unique de la culture urbaine européenne, partiellement hérité de ses formes historiques et de ses différents styles de vie, nécessite des urbanistes professionnels qu'ils en aient la conscience et les savoir-faire nécessaires pour mettre en phase les nouvelles formes urbaines avec les besoins de la population du XXIème siècle.

B3 - Les engagements des Urbanistes

Cette partie de la Charte présente les engagements des urbanistes professionnels exerçant en Europe. Elle décrit tout l'ensemble des valeurs qui doivent guider les actes professionnels des urbanistes dans leurs interventions auprès des pouvoirs publics et du grand public pour leur permettre de mettre en oeuvre cette Vision et d'appliquer les principes de développement des villes préconisés par la Charte.

L'urbanisme et l'aménagement du territoire sont fondamentalement un travail d'équipe transdisciplinaire qui concerne différents professionnels et acteurs dans un processus complexe. L'objectif de ce chapitre sur les engagements des urbanistes est d'identifier les urbanistes dans leur travail avec les autres professionnels, de clarifier leurs compétences, de renforcer la cohésion et la solidarité entre urbanistes.

Le rôle de l'urbaniste évolue avec le développement de la société, des lois, des politiques d'aménagement du territoire et d'urbanisme. Celles-ci varient selon les cadres politiques et sociaux de chaque pays où travaillent des urbanistes dans les rôles différents de chercheurs, de fonctionnaires auprès d'une administration territoriale, d'aménageurs, d'experts conseils, d'instructeurs. Ce qui distingue les urbanistes est le fait qu'ils se concentrent sur les intérêts de la société dans sa globalité, sur chaque forme d'établissement humain ou sur une région toute entière, et sur le futur à long terme.

Les urbanistes analysent, élaborent des schémas, améliorent et dirigent des stratégies et des politiques de développement. Comme dans toute discipline, ils contribuent également à la formation professionnelle et à la recherche afin d'adapter en permanence l'enseignement aux besoins présents et à venir. Les urbanistes participent activement eux-mêmes à toutes les différentes phases et échelles du processus d'organisation de l'espace, bien qu'ils ne puissent pas être impliqués de la même manière dans tout en même temps.

Il est largement reconnu que la planification et la stratégie spatiale ne consistent pas seulement à composer des plans. Il s'agit aussi d'un processus politique pour atteindre un équilibre entre tous les intérêts concernés, publics et privés afin de permettre les arbitrages nécessaires aux conflits d'intérêts entre les différentes demandes d'aménagement et les programmes de développement. Ceci montre l'importance du rôle de l'urbaniste en tant que médiateur. Les savoir-faire des urbanistes en matière de médiation et de négociation deviendront de plus en plus importants aujourd'hui et demain.

Le rôle de l'urbaniste est aujourd'hui plus exigeant que jamais. Il demande des capacités accrues en matière de composition urbaine, de synthèse, de gestion et d'administration, pour développer toutes les étapes du processus de planification spatiale. Il exige une approche humaniste et scientifique et la recherche du consensus social dans le respect des différences individuelles et des décisions politiques, pour parvenir à la mise en oeuvre, à la gestion, au suivi et à la révision des plans et des programmes. La complexité et le défi de ce rôle requièrent toute une série d'obligations spécifiques des urbanistes qui seront employés au XXIème siècle en tant que conseillers stratégiques, concepteurs, gestionnaires-administrateurs-animateurs urbains, et experts scientifiques.

L'urbaniste, humaniste et scientifique s'engage à :

- Analyser les caractéristiques existantes et les tendances, considérant le contexte géographique large et se concentrant sur les besoins à long terme, pour offrir une information complète, claire et rigoureuse aux décideurs, aux acteurs et au public.

- Rendre accessible l'information disponible considérant les indicateurs européens et adoptant des représentations qui facilitent le débat public et la compréhension partagée des solutions proposées et des processus de prise de décision.

- Entretenir un savoir approprié sur la philosophie, la théorie, la recherche, et la pratique contemporaine de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, à travers la formation continue.

- Contribuer à la formation et à l'enseignement, pour le développement de la profession d'urbaniste en Europe, en intégrant théorie et pratique.

- Encourager la critique saine et constructive sur la théorie et la pratique de la planification spatiale et partager les résultats de l'expérience et de la recherche pour contribuer au corpus du savoir en évolution et à la compétence en matière de planification.

L'urbaniste, concepteur urbain et prospectiviste s'engage à :

- Penser toutes les dimensions qui permettent l'articulation des stratégies locales et régionales dans le cadre des tendances globales («Penser global, Agir local»).

- Augmenter les choix et les opportunités pour tous, et en particulier pour les besoins des populations défavorisées,

- Protéger l'intégrité de l'environnement naturel, l'excellence de la composition urbaine, préserver l'héritage culturel de l'environnement bâti pour les générations futures.

- Proposer des alternatives par rapport à des problèmes et défis spécifiques, mesurant les impacts, mettant en valeur les identités locales, et contribuant à leur développement.

- Développer et élaborer des stratégies spatiales de développement montrant les opportunités pour le développement futur des villes ou régions.

- Identifier le positionnement optimum du plan ou du schéma dans les (inter)réseaux nationaux de villes et régions appropriés.

- Convaincre tous les acteurs à partager une vision commune et de long terme pour leur ville ou leur région, au-delà de leurs intérêts et objectifs individuels.

L'urbaniste, conseiller stratégique et médiateur s'engage à :

- Respecter les principes de solidarité, subsidiarité et équité dans la prise de décision, dans les solutions qu'il propose et dans leur mise en oeuvre.

- Conseiller les autorités en leur préparant des propositions, des objectifs à cibler, des buts à atteindre, des analyses d'impact, et des diagnostics dans l'objectif d'améliorer et mettre en valeur le bien être public.

- Suggérer et élaborer des outils opérationnels législatifs pour assurer l'efficience et la justice sociale dans les politiques d'aménagement.

- Faciliter la vraie participation publique et l'engagement entre autorités locales, décideurs, acteurs économiques et citoyens pour coordonner les développements et assurer la continuité et la cohésion spatiales.

- Coordonner et organiser la collaboration entre tous les acteurs engagés pour trouver un consensus et pour résoudre des conflits par les décisions qu'ils préparent pour les autorités appropriées.

- S'engager à l'excellence dans la communication pour permettre la connaissance et la compréhension par les futurs usagers.

L'urbaniste gestionnaire-administrateur-aménageur urbain s'engage à :

- Adopter des modes de gestion stratégique dans le processus du développement spatial, allant clairement au-delà de l'élaboration de plans destinés à servir des besoins bureaucratiques administratifs.

- Atteindre l'efficience et l'efficacité des propositions adoptées en prenant en compte la viabilité économique et les aspects environnementaux et sociaux du développement durable.

- Considérer la planification de l'espace selon les principes et les objectifs du Schéma de Développement de l'Espace Communautaire (SDEC) et autres documents de politique de l'Union Européenne (UE) pour adapter les propositions locales et régionales aux stratégies et politiques européennes.

- Coordonner les différents niveaux territoriaux et différents secteurs afin d'assurer la collaboration, l'engagement et le soutien de l'ensemble des autorités administratives et territoriales.

- Stimuler les partenariats entre les secteurs public et privé pour mettre en valeur les investissements, pour créer de l'emploi, et pour atteindre la cohésion sociale.

- Bénéficier positivement des Fonds Européens encourageant la participation des autorités locales et régionales dans les programmes et projets d'aménagement co-financés par l'UE.

- Organiser le suivi et l'évaluation permanente pour corriger des résultats non prévus, pour proposer des solutions ou des actions, et pour assurer un lien de rétro-action continue entre les politiques de planification de l'espace et leur mise en oeuvre.

ANNEXE

Histoire de la Charte

La Nouvelle Charte d'Athènes a été adoptée par le Conseil Européen d'Urbanistes (CEU) en Mai 1998, à la conférence internationale d'Athènes. À cette occasion, il a été décidé que le CEU devrait maintenir la Charte dans un processus de révision continue et actualisée tous les quatre ans. Le présent document, élaboré par un comité de rédaction du CEU, est le résultat de ce processus de révision.

Il est important de comparer la Charte du CEU avec la Charte d'Athènes originale de 1933, qui contenait une vision prescriptive sur le développement des villes, avec des zones d'habitation et de travail de haute densité, liés par des systèmes de transport de masses très efficaces. Par contraste, la Nouvelle Charte et cette révision se focalisent sur les habitants et les utilisateurs de la ville et leurs besoins dans un monde en changement rapide. Elle propose une vision de ville cohérente qui pourra être atteinte par l'urbanisme et par les urbanistes en collaboration avec d'autres professions. Elle propose aussi des nouveaux systèmes de gouvernance et des pistes pour permettre l'engagement des citoyens dans les processus de prise de décision, utilisant les bénéfices des nouvelles formes de communication et les technologies de l'information. En même temps, elle est une vision réaliste, en distinguant les aspects du développement de la ville où l'urbanisme peut exercer une influence réelle et ceux où il a un rôle plus limité.

Termes clefs

Pour faciliter la compréhension, nous indiquons ici le sens dans lequel certains termes sont employés dans le texte:


Ville (polis, civitas): Etablissement humain avec un certain degré de cohérence et de cohésion. Non seulement la ville conventionnelle et compacte est considérée, mais aussi les villes régions et les réseaux de villes.


Spatial (utilisé en combinaison avec stratégie, planification et développement): L'Espace ou le spatial est une des plus importantes ressources naturelles pour les activités humaines, d'offre finie, de grande demande, ayant besoin d'une gestion prudente.


Stratégie spatiale : Appréhension réfléchie de l'espace aux différentes échelles, de l'échelle locale à la régionale, nationale, continentale et planétaire, incluant les sols, les personnes et leurs activités.


Urbaniste : Professionnel engagé dans l'organisation et la gestion de l'espace et de ses usages, spécialiste de l'interprétation des concepts théoriques en mise en forme de l'espace, en programmes et en plans.


Connections (ou connectivité): Relations organisées fonctionnelles et opérationnelles d'éléments entre eux établies pour produire une cohérence -dans ce cas: cohérence des villes, avec la définition la plus élargie de la ville.


Réseau : Entité flexible composée d'unités connectées -au sens ci-dessus- par quelques des orientations convenues en commun pour apporter de manière concertée des réponses très sélectives au nom de l'ensemble.


Intégration : Organisation d'un système d'éléments basés sur des principes communs et qui développe un fort sens d'unité.

Remerciements

Le CEU remercie le Groupe de Travail de la Charte composé par Paulo V.D. Correia (coordinateur), Virna Bussadori, Jed Griffiths, Thymio Papayannis et Jan Vogelij, et avec la contribution de Maro Evangelidou.

Le CEU remercie les contributions de grande valeur reçues de SFU (France), TUP (Pologne), DUPPS (Slovénie), VRP (Belgique), BNSP (Pays-Bas), GPA (Grèce), MaCP (Malte) et, un peu tardivement, de SRL (Alemagne).

Août, 2003

Nous terminons ce rapport comme nous l'avons commencé
par un texte dédié à l'amour des villes

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