3. Une PAC devenue beaucoup plus acceptable par les Britanniques

Si le rabais est le prix de l'acceptation par les Britanniques de la politique agricole commune (PAC), force est de reconnaître que c'est aujourd'hui cher payer, surtout si l'on tient compte des réformes, profondes et parfois douloureuses pour les intéressés, que cette politique a connues dans les années passées.

Ces changements ont, d'ailleurs, souvent été effectués dans un sens tendant à tenir compte des critiques britanniques initiales et à donner satisfaction à plusieurs de leurs exigences (ouverture des marchés, aides à la personne préférées au soutien des prix...).

Dans ces conditions, utiliser la PAC pour justifier une compensation budgétaire particulière est aujourd'hui bien moins recevable qu'il y a quarante ans.

a) Des principes directeurs libéralisés

Depuis sa mise en place en 1968 (plan Mansholt), la politique agricole commune a connu plusieurs vagues de réformes tendant à en maîtriser les coûts, à lutter contre les excédents, à personnaliser les aides (soutien aux revenus plutôt qu'au prix et à la production) et à ouvrir davantage le marché européen à la concurrence internationale (mises en conformité avec les conclusions, de l'« Uruguay round », en 1992, puis, en 2003 avec les prescriptions de l'OMC 70 ( * ) ).

Toutes ces réformes répondaient, en fait, aux voeux précédemment exprimés, en 1974, par M. Callaghan et aux critiques de Mme Thatcher quant aux « distorsions » de la politique agricole commune et à son caractère dilapidateur (voir plus haut).

b) Une part réduite dans les dépenses communautaires

A l'époque de l'adhésion de la Grande-Bretagne au Marché commun, l'agriculture mobilisait environ les trois-quarts des dépenses de la Communauté 71 ( * ) .

Aujourd'hui, « la préservation et la gestion des ressources naturelles » 72 ( * ) ne représente plus que 45 % des paiements effectués à partir du budget de l'Union européenne.

Les moyens affectés aux interventions sur les marchés agricoles et surtout aux aides directes (premier pilier), à l'exclusion du développement rural (deuxième pilier) ne correspondent plus qu'à un peu plus du tiers du total (36,6 % en 2009).

c) Des retours britanniques conformes à la norme

La proportion des dépenses agricoles dans les retours britanniques est conforme, voire supérieure à la moyenne, ce qui n'est pas le cas des dépenses de cohésion.

Quant à la part des aides dans les productions régionales, elle était, en Écosse et dans le Pays de Galles, l'une des plus élevées de l'UE 15, en 2003, selon un document de la Commission européenne 73 ( * ) .

On ne saurait donc prétendre que le Royaume-Uni, même s'il a d'autres priorités (les politiques de compétitivité) ne profite aucunement de la PAC, ni que c'est uniquement à cause de cette politique que son solde budgétaire global est déficitaire .

Toutefois, les retours britanniques, supérieurs à la moyenne, dans les domaines auxquels le Royaume-Uni s'intéresse particulièrement (compétitivité, recherche...) ne compensent pas le déficit global d'implication du pays dans les actions dont le poids budgétaire est le plus important.

Part dans les dépenses réparties 74 ( * ) sur le territoire de l'Union (en %)°

RU

UE 27

Ressources naturelles

2008

53,5

52,9

2009

59,4

49,2

Cohésion

2008

29,4

36

2009

20,8

35,2

Compétitivité

2008

14,5

8,4

2009

17

8,8

d) Des concessions bilatérales inégales

Si le rabais britannique doit être considéré par la France comme le prix à payer pour l'acceptation de la politique agricole commune par la Grande-Bretagne, encore faudrait-il que les sacrifices consentis par les deux pays soient équivalents.

Ce n'est pas le cas.

Le chèque français est supérieur à ce que le Royaume-Uni paye à la France pour la PAC.

Concernant la participation de la France au chèque britannique, son montant s'est situé, de 2001 à 2009, entre 1,3 et 1,7 milliard d'euros, selon l'annexe au projet de loi de finances pour 2001 sur les relations financières avec l'Union européenne.

Ce que le Royaume-Uni a versé en contrepartie à la France au titre de la politique agricole commune peut être évalué de la façon suivante selon les données figurant dans ce même document et dans le rapport financier de la Commission.


Évaluation de la contribution britannique
aux dépenses de la PAC bénéficiant à la France (2009)

1. Contribution nette effective du Royaume-Uni au budget de l'UE :

Contributions nationales (RPT+TVA) - dépenses réparties (hors administration)
= 2 940,5 + 10 960,4 = 13 870,9 - 7 141,2
= 6 729,7 M€

2. Part, dans ce déficit de retour, théoriquement affectée à la PAC :

6 729,7 x 49,6 % (proportion des dépenses agricoles dans le budget de l'UE)
= 3 338 M€

3. Part indirectement payée à la France au titre de la PAC :

3 338 x 19,2 % (pourcentage des dépenses agricoles de l'UE bénéficiant à la France)
= 641 M€

Ces sommes sont remboursées au Royaume-Uni grâce à la « correction » (rabais) qui lui est consentie.

Le calcul sommaire exposé ci-dessus peut probablement être affiné en fonction de certaines considérations. Il donne cependant un ordre de grandeur vraisemblable et, par là même, une idée du caractère particulièrement inéquitable pour la France du rabais britannique.

La France paye pour celui-ci, au Royaume-Uni, directement , deux fois plus que ce que ce pays lui verse, indirectement , au titre de la politique agricole commune.

En outre, les dépenses consacrées au rabais britannique n'ont aucun effet positif pour l'Union européenne, contrairement à celles de la PAC qui lui procurent des avantages substantiels (sécurité alimentaire, développement économique des nouveaux États membres, protection de l'environnement...).

e) Une propension à importer en dehors de l'Europe qui reste pourtant forte

Alors que la France finançait, en 2005, environ un tiers de la correction britannique, sa part dans les importations de produits alimentaires du Royaume-Uni n'était que de 12 %.

La propension de ce pays, dont le taux d'autosuffisance alimentaire avoisine 60 %, à importer des denrées agricoles en dehors de l'Union européenne reste forte si on en croit les statistiques de la Commission ; jusqu'en 2008, celles-ci précisaient la ventilation des RPT (ressources propres traditionnelles) en distinguant le montant des droits agricoles de celui des autres recettes concernées 75 ( * ) (cotisation sucre et droits de douane). Or, cette année-là, les droits en question payés par les Britanniques ont représenté, à eux seuls, 30 % du total encaissé par l'Union. (Cette proportion était de 40 % dans l'UE 15).

L'Union européenne continue, notamment, d'offrir des contingents tarifaires particuliers à de nombreux pays du Commonwealth comme l'Australie, le Canada ou la Nouvelle-Zélande.


* 70 Accords du Luxembourg entraînant une diminution progressive des restitutions à l'exportation et le découplage des aides, les primes étant liées non plus aux productions de l'exploitation mais à des références historiques.

* 71 73,7 % pour le seul FEOGA (Garantie + Orientation), en 1976, selon l'annexe au rapport financier de la Commission européenne sur le budget 2008 de l'Union européenne.

* 72 La PAC comporte aujourd'hui deux volets, consacrés, le premier au soutien aux produits et aux producteurs par des interventions sur les marchés et des aides directes, et, le deuxième, au développement rural.

* 73 Cité dans « Les exploitations agricoles européennes et françaises », édition 2007, INSEE, Vincent Chatellier et Nathalie Delame

* 74 Il s'agit de résultats hors dépenses administratives, les pourcentages des dépenses agricoles (ressources naturelles) sont donc plus élevés que dans la figure précédente.

* 75 La DRP du 7 juin 2007 a décidé de supprimer cette distinction, estimant qu'à la suite de la transposition dans le droit européen des accords issus des négociations du cycle de l'Uruguay, il n'existe plus de différence sensible entre les droits agricoles et les droits de douane.

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