2. Généraliser les liaisons entre l'école et le monde professionnel
a) Impliquer les employeurs publics dans la formation professionnelle

C'est parfois un travers du débat contemporain de parler uniquement des relations entre l'école et l'entreprise, plutôt qu'entre l'école et l'employeur en général, privé ou public. D'une part, une fraction significative des élèves rejoindra l'une des trois fonctions publiques d'État, territoriale ou hospitalière ; d'autre part, la focalisation sur l'entreprise tend à dégager tacitement tous les employeurs publics de leur responsabilité en matière de formation des jeunes. Ainsi que M. Claude Thélot, ancien président de la commission du débat national sur l'avenir de l'école, le résumait devant votre mission : « Depuis une vingtaine d'années, les employeurs publics n'ont pas été suffisamment présents sur le terrain de la formation et de l'insertion de la jeunesse : cette question-là me paraît donc importante. Il faut penser l'articulation entre l'école et les employeurs publics de la même manière qu'est pensé le lien entre l'école et les employeurs privés. » 77 ( * )

De nombreux jeunes engagés dans la voie professionnelle, soit sous statut scolaire, soit en apprentissage, peinent à trouver un employeur prêt à les accueillir. Votre mission souhaite donc que l'État, les collectivités, les hôpitaux publics, en tant qu'employeurs potentiels au même titre que les entreprises, ne se défaussent pas de leurs responsabilités et s'investissent dans la formation professionnelle pour accueillir des stagiaires en lycée professionnel et des apprentis.

L'apprentissage dans le secteur public non industriel et commercial est encore extrêmement peu développé. La direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) a ainsi estimé que 6 058 nouveaux contrats d'apprentissage y ont été conclus en 2007, contre 278 000 dans le secteur marchand. 78 ( * ) Les communes ont conclu 56,5 % des nouveaux contrats, contre 6,5 % pour les services de l'État. Parmi les contrats conclus par les communes, 39 % visent des jeunes de niveau V bis et V 79 ( * ) , soit un pourcentage équivalent à celui qui prévaut dans le secteur marchand, contre 16 % pour ceux conclus par l'État. Ces ratios de flux d'entrée n'ont pas sensiblement varié depuis.

L'analyse des obstacles au développement de l'alternance dans le secteur public a fait l'objet d'une mission confiée en 2009 par le Président de la République à notre collègue député Laurent Hénart, qui résumait ainsi les enjeux : « Avec 5,2 millions d'agents, le secteur public, premier employeur de France, est appelé à jouer un rôle décisif dans le développement de l'emploi et de la formation des jeunes. A l'instar de l'effort consenti par les branches professionnelles, il doit se mobiliser pour augmenter son potentiel d'accueil en alternance. Les collectivités territoriales consultées se sont d'ailleurs déclarées conscientes de la nécessité de participer activement à l'effort national de formation. » 80 ( * )

Les freins à l'alternance dans les services de l'État ou des collectivités territoriales sont désormais bien identifiés. La culture de l'apprentissage dans le secteur public est encore limitée, sans compter que certains services ne savent pas toujours comment appréhender le contrat lui-même, qui reste de droit privé. En outre, le principe du recrutement par concours rend très difficile la transition entre le contrat d'apprentissage et l'entrée dans la fonction publique. Du point de vue des charges financières pesant sur le maître d'apprentissage, il faut signaler la majoration des rémunérations de l'apprenti du secteur public visant un diplôme de niveau IV (baccalauréat) ou III (licence) et, par extension, de niveau II (master). Enfin, par construction, les contrats conclus dans le secteur public ne peuvent pas ouvrir droit aux mêmes incitations financières que celles dont bénéficient les entreprises, telles que les déductions de taxe d'apprentissage, les indemnités forfaitaires versées par les régions et les mécanismes de crédit d'impôt.

Cependant, sous l'impulsion de votre rapporteur, le Sénat a d'ores et déjà contribué au développement de l'apprentissage dans le secteur public en levant un obstacle législatif majeur. En effet, la loi du 17 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail encadre l'apprentissage dans le secteur public non industriel et commercial, selon des modalités spécifiques s'écartant pour partie du droit commun défini par le code du travail. Initialement, elle soumettait en particulier à l'agrément du préfet les personnes morales de droit public souhaitant conclure des contrats d'apprentissage, ce qui alourdissait inutilement la procédure de conclusions de contrats d'apprentissage dans le secteur public. Lors de l'examen du projet de loi sur l'orientation et la formation professionnelle à l'automne 2009, le Sénat a adopté un amendement supprimant l'agrément préfectoral obligatoire pour les organismes de droit public souhaitant recruter des apprentis.

Notre mission constate que la levée de ce frein juridique et administratif, pour être nécessaire, n'est malheureusement pas suffisante pour acclimater la formation en alternance dans la fonction publique. Elle souhaite donc que l'État prenne une initiative ambitieuse , dans le cadre de la rénovation de la voie professionnelle, pour accueillir en apprentissage dans ses services des jeunes qui souhaiteraient préparer en alternance un CAP ou un bac professionnel mais ne parviendraient pas à trouver d'entreprise pour signer leur contrat du fait de la conjoncture économique. Les réseaux déconcentrés de l'État doivent ainsi renforcer leur engagement, aux côtés de l'Éducation nationale, en faveur de l'élévation générale du niveau de qualification et de la diminution des sorties sans qualification.


* 77 Table ronde avec les représentants des milieux socioéconomiques du 26 avril 2011.

* 78 Ruby Sanchez, L'apprentissage en 2007 , DARES, Premières informations et premières synthèses, 30.1, juillet 2009.

* 79 L'équivalent du CAP/BEP.

* 80 Laurent Hénart, Développer les formations en alternance dans le secteur public, rapport au Premier ministre, octobre 2009, p. 7.

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