B. L'IMPRÉGNATION ACTUELLE DES MILIEUX MARINS PAR LES PRINCIPAUX CONTAMINANTS

L'action de l'homme sur l'environnement marin peut se traduire par différents types de pollution dont les effets sur les milieux dépendent de l'ampleur et de la nocivité de ces contaminants, mais également des capacités d'absorption de ces milieux.

Ce dernier point a son importance parce que la masse du milieu marin et ses possibilités de résilience sont longtemps apparues comme des forces d'inertie irréfragables à toutes les agressions qu'il pouvait subir. Or, ce postulat méconnait le fait que les contaminations ne s'attaquent jamais à une masse d'eau salée mais à des biotopes, quelquefois fragiles, de cet ensemble 23 ( * ) .

Classiquement, on dénombre plusieurs grandes catégories de pollution : les pollutions physiques, les pollutions chimiques classiques, les pollutions organiques, les pollutions par les phytoplanctons toxiques, les pollutions émergentes, les macro-déchets et les invasions biologiques marines, les pollutions imputables au trafic maritime.

1. Les pollutions physiques

Il s'agit de pollutions introduites par l'installation d'aménagements ou la poursuite d'activités, directement susceptibles de modifier la qualité physique d'un milieu côtier.

Les équipements implantés sur le littoral et, en premier lieu, comme cela a déjà été souligné, les grands ports maritimes et le maillage des ports de plaisance, font évoluer la circulation des courants côtiers, piégeant les sédiments et donc modifiant les milieux proches.

Il en est de même des barrières d'enrochement installées pour protéger les plages et qui déplacent les courants. On doit aussi citer - en relation avec l'urbanisation du littoral - les extractions légales ou illégales de sable pour les besoins de la construction (le cas de l'Algérie est cité dans le rapport précité de l'Agence européenne de l'environnement).

Au total, si l'érosion côtière est un phénomène naturel, l'ensemble des activités d'exploitation du littoral en accroît les effets, en déstabilisant les côtes et leur environnement marin immédiat (dans le delta nord du Nil, à l'est de Rosette, la côte a reculé de 100 mètres en certains endroits.)

Enfin, on doit rappeler que l'extension des activités agricoles près du littoral se fait généralement par drainage des zones humides qui sont un des réceptacles de la biodiversité méditerranéenne. Les lacs du delta du Nil en portent le témoignage : la surface du lac Maryut a reculé de 25 % et celle du lac Manzala de 28 % en vingt ans.

Par ailleurs, l'activité humaine peut également amplifier des événements climatiques naturels (crues, épisodes de canicule) et modifier la qualité de l'eau et des sédiments (degré de salinisation, modification granulométrique des sédiments).

C'est, par exemple, le cas des barrages réservoirs situés en amont qui limitent le déversement des alluvions dans les deltas et diminuent les apports d'eau douce ( sur ce point, on doit rappeler que le débit du Nil est passé de 84 km3/an à 6 km3/an après la mise en fonctionnement du barrage d'Assouan ).

Le tableau ci-après permet de visualiser la diminution 24 ( * ) de ces apports en cinquante ans :

Une conséquence peu connue de l'implantation de ces barrages est qu'ils ralentissent les courants dans les fleuves avec les effets suivants : les vases en suspension se déplacent vers la mer alors que les sables dans les fonds ne migrent qu'en cas de fort courant.

Or, ce phénomène affecte les équilibres physiques des zones côtières et a un effet indirect sur la composition chimique de leurs eaux car les contaminants se fixent plus fortement à la vase qu'au sable (1 gramme de vase = 10 cm² de surface, 1 gramme de sable = 1 cm² de surface).

Enfin, la minéralisation des sols , en cas de débordements fluviaux ou de pointe de pluviométrie accroît la turbidité des eaux et modifie la composition des apports terrestres en drainant plusieurs types de pollution.

Par exemple, dans le cadre des travaux d'élaboration du contrat de la baie de Toulon, une estimation des flux polluants par l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse a montré que les apports annuels à la mer de matière en suspension résultaient :

- pour 14 % des stations d'épuration,

- pour 5 % des zones portuaires,

- pour 39 % des rejets industriels,

- et pour 42 % des ruissellements urbains des bassins versants 25 ( * ) .

D'où l'intérêt, lors d'opérations nouvelles d'urbanismes de prévoir des coupures vertes qui retiennent les ruissellements des bassins versants et de préimplanter des bassins d'orages avec des installations d'épuration. D'où l'intérêt également de curer plus activement les cours d'eau pour éviter leurs débordements en cas d'inondation.

Il va de soi que ce type de programmation urbaine qui n'est pas toujours facile à réaliser en Méditerranée occidentale ne fait pas partie des priorités dans les grandes conurbanisations du Sud et de l'Est du Bassin.


* 23 Un spécialiste des courants entendu, M. Garreau, de l'IFREMER, a aussi indiqué à votre rapporteur que la dissolution des polluants dans le milieu n'était pas totale, tout au moins dans le court terme, car les règles de circulation des courants font que les masses d'eaux polluées migrent, sans nécessairement se mélanger à l'eau environnementale.

* 24 Mesurée par la baisse des débits fluviaux.

* 25 A titre d'illustration du caractère très hétérogène de ce type de pollution, les mesures effectuées on permis de constater la disparition des eaux de la rade du « Super 98 », un an après son retrait des ventes.

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