4. Les pollutions émergentes

Si cette catégorie comprend les pollutions virales (on a retrouvé le virus du choléra dans les eaux de déballastage d'un cargo) ou des produits nouveaux comme les retardateurs de flammes, la majeure partie de ces pollutions émergentes est constitué des pollutions cosmétiques et pharmaceutiques .

A ce stade, il est important de souligner que, sur ces champs scientifiques émergents, il existe très peu de recherches sur les milieux marins, l'essentiel des travaux disponibles concernant les eaux continentales.

a) Les produits cosmétiques

Les dangers présentés par les produits cosmétiques n'ont été que peu explorés.

Mais ils représentent un tonnage non négligeable.

Par exemple pour l'Allemagne :

Parmi ces produits, on doit signaler les crèmes solaires, dont l'usage est croissant, en particulier sur le littoral méditerranéen et dont certaines ont des effets endocriniens.

b) Les produits pharmaceutiques

Les données générales

Environ 3 000 substances pharmaceutiques sont principalement utilisées.

Parmi ces substances majeures, une étude américaine (USEPA - Agence américaine de protection de l'environnement) a montré que :

- 43 % n'ont pas de données écotoxicologiques ;

- et seules 7 % sont totalement documentées sur ce plan.

En tonnage, les données de consommation de ces substances sont importantes :

Mesurée par le nombre de boîtes consommées par habitant, la consommation a doublé de 1970 à 2002 :

Et, cette consommation est probablement appelée à croître en fonction du vieillissement de la population.

Parmi les familles les plus vendues, on dénombre :

- les analgésiques,

- les antibiotiques,

- les anticancéreux,

- les perturbateurs endocriniens (hormones stéroïdiennes),

- les neuroactifs (antiépileptiques et psychotropes) ;

- les oestrogènes.

Aux consommations pharmaceutiques humaines, il faut ajouter la pharmacie vétérinaire qui représente également un tonnage non négligeable :

Les éléments disponibles sur l'écotoxicité des médicaments

En 2004, en pharmacie humaine, sur 3 000 molécules, 40 faisaient l'objet d'une consommation annuelle supérieure à 10 t/an et 10 d'une consommation supérieure à 100 t/an.

Ceci a conduit l'ONEMA (Office national de l'eau et des milieux aquatiques), dans le cadre du plan médicament, à donner une priorité à la surveillance et à la recherche sur ces molécules.

L'Académie de pharmacie a produit, en septembre 2008, un rapport sur « Médicaments et Environnement » 39 ( * ) qui répertorie dans le détail l'écotoxicité des médicaments.

Ce rapport relève que beaucoup de spécialités pharmaceutiques ont des effets écotoxiques, aigus et chroniques. A titre d'illustrations :

- le paracétamol a des effets reprotoxiques,

- l'ibuprofène a des effets hépato et reprotoxiques,

- les contraceptifs et les hormones stéroïdes ont des effets reprotoxiques.

Mais en matière d'écotoxicité environnementale, les médicaments les plus menaçants semblent être :

- les antibiotiques qui dégradent les bactéries des STEP nécessaires au traitement biologique secondaire des nitrates et des phosphates,

- les anticancéreux qui, suivant leur nature (cytotoxiques, antihormonaux, cytokines), peuvent être à la fois mutagènes, cancérigènes et reprotoxiques.

Les transferts vers l'environnement

L'ensemble de ces consommations se communique aux eaux continentales par divers canaux :

Leur transfert aux milieux marins a fait l'objet de plusieurs évaluations dans les estuaires de la côte atlantique.

Celles-ci révèlent, assez normalement, la présence de molécules en faible quantité quand l'estuaire est éloigné de l'embouchure (Gironde, Loire) et en plus forte quantité quand l'estuaire est plus proche (Seine) et/ou fait l'objet d'une forte pression anthropique estivale (Adour).

Une autre campagne menée en 2004 sur les rejets de la station d'épuration de Marseille en milieu semi-fermé (calanque) et sans épuration biologique a mis en évidence de fortes concentrations de paracétamol (jusqu'à 200 ìg/l).

Les champs de recherche

Outre l'étude des métabolites de dégradation de molécules pharmaceutiques dans l'environnement aquatique (et en particulier dans l'environnement marin qui a été relativement négligé jusqu'ici) et celle du rôle d'alimentation joué par la phase particulaire (matière en suspension relarguée par les stations d'épuration), un enjeu important de recherche porte sur les possibilités d'élimination de produits pharmaceutiques offertes par les stations d'épuration (STEP).

Une étude assez récente (Mieje et al. - 2009) a mis en évidence que les résultats de dégradation des STEP équipées pour la dégradation des molécules pharmaceutiques obtenaient des résultats très variables suivant les substances :

Ces travaux montrent que la carbamazepine ou le diclofenac ne sont détruits qu'en proportion de 10 à 20 % alors que le taux de dégradation de l'aspirine et du paracétamol approche 90 %.

Le projet AMPERES, financé par l'ANR, a pour objectif d'évaluer l'efficacité des modes de traitement des stations d'épuration en vue de l'élimination de diverses molécules dont les polluants pharmaceutiques émergents.

Enfin, une autre voie de recherche est la simulation du suivi de chaque type de molécules rejetées des eaux continentales au milieu marin.

Par exemple, en quoi et comment des oestrogènes rejetés en rivière puis en mer menacent-ils les écosystèmes ? Cet axe de recherche exigerait de faire des expériences d'écotoxicologie en milieu contrôlé.


* 39 On renverra également à une thèse soutenue à l'Université de Montpellier : « Résidus de médicaments à usage humain dans l'environnement » (Mlle Marie-Ève Joss).

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