3. Les effets escomptés du changement climatique

Un fait a été établi par des spécialistes des réactions des milieux naturels aux pressions de l'environnement.

Plus un milieu naturel reste intact, plus fortes sont ses capacités à résister aux variations environnementales comme les évolutions climatiques.

Ce qui signifie, en creux, que la contamination actuelle de certains milieux marins ne les destine pas à faire valoir pleinement dans l'avenir leurs capacités d'adaptation à des changements de température ou de salinité de la mer Méditerranée.

En première analyse, on peut estimer que les perspectives de l'évolution climatique qui sera acquise en 2030 menace doublement les milieux naturels marins : par la modification directe de la circulation des courants et le changement des biotopes, et par un apport de contamination plus concentré du fait des tensions sur l'usage des eaux continentales.

a) La modification des courants et le changement des biotopes

L'incidence la plus évidente d'une augmentation de la température et de la salinité des eaux sera la création d'un milieu plus propice aux invasions biologiques marines avec la perspective d'un retrait, partiel ou total, des espèces endémiques en Méditerranée occidentale.

Mais le changement climatique pourrait être à la source de modifications beaucoup plus profondes sur lesquels les scientifiques ont quelques éléments mais beaucoup plus de questionnements.

Les interrogations sur les modifications des courants

Le réchauffement de l'eau, l'augmentation de la salinité et l'accroissement de l'évaporation ne seront pas uniformes sur tout le bassin, ni à toute profondeur.

Il en résultera certainement une modification des courants qu'il est extrêmement difficile de modéliser, faute d'un réseau d'information in situ complet.

Les interrogations sur l'éventualité d'un appauvrissement de la chaîne trophique

Un des scénarios esquissés par une équipe du CNRS montre que, ce que les scientifiques appellent la MLD (Mixed Layer Depth ou profondeur de la couche mélangée) pourrait diminuer de façon importante. Or la productivité de cette couche qui produit une partie de la chaîne alimentaire marine primaire pourrait être affectée par cette remontée.

Il en résulterait des troubles profonds dans la chaîne trophique.

Le scénario proposé montre que le phénomène serait plus marqué dans le Golfe du Lion (- 71 % de profondeur) et au Levant (- 43 % de profondeur) qu'en mer Egée et en Adriatique ( - 10 % de profondeur).

Les interrogations sur l'acidification du milieu marin méditerranéen

Cette acidification croît sur longue période.

De 1800 à 2000, le PH des océans a diminué de 8,1 à 8 et les projections pour 2100 l'évaluent à 7,7 (c'est-à-dire correspondant à une progression d'un facteur proche de 3 sur l'échelle logarithmique ci-après) :

Source : M. Jean-Pierre Gattuso - Laboratoire d'Océanographie de Villefranche CNRS-Université Pierre et Marie Curie-Paris 6

Une des conséquences de cette acidification méditerranéenne est que la calcification de certains organismes vivant s'opère plus difficilement 59 ( * ) .

On aurait pu penser qu'un facteur favorable à la Méditerranée était que le dioxyde de carbone CO2 se dissout beaucoup plus facilement dans les eaux froides que dans les eaux chaudes. Sur ce point, le réchauffement des eaux, déjà acquis et escompté, aurait annihilé les conséquences de l'acidification future. Mais le caractère alcalin des eaux de la Méditerranée tempère cet effet.

Actuellement, le projet (MEDSEA) de l'Union européenne auquel participe le laboratoire d'océanographie du CNRS de Villefranche-sur-Mer- en écho au programme EPOCA consacré à l'océan - s'efforce  de mesurer le niveau de l'acidification du milieu en Méditerranée. Les premières mesures effectuées confirment que la progression de l'acidification de la Méditerranée est parallèle à celle de l'Atlantique.

Les organismes menacés par cette acidification sont très nombreux (mollusques, crustacés, coraux, diatomées).

Une étude récente a montré que le taux de calcification pourrait baisser à terme de 25 % pour les moules et de 10 % pour les huîtres, mais les conséquences sur le recrutement du naissain peuvent être beaucoup plus rapides, comme le montre l'exemple actuel du Pacifique Nord 60 ( * ) .

Par ailleurs, des travaux effectués à l'Université de Perpignan sur 51 stations disséminées sur l'ensemble du bassin montrent que la baisse du Ph (et donc l'augmentation de l'acidité) est plus marquée près des côtes et à faible profondeur (là où les biotopes sont les plus riches) :

Enfin, il existe en Méditerranée un laboratoire vivant pour observer ce phénomène d'acidification : l'île d'Ischia où les sources volcaniques de CO 2 sont nombreuses.

La modélisation effectuée à partir des données mesurées sur le site (sur la base d'une diminution du PH d'un facteur 4) fait apparaître une décroissance de la biodiversité en 2100 (- 30 % pour les algues et la faune). Mais à l'opposé, certaines espèces, comme la posidonie, qui utilisent le CO 2 à des fins de photosynthèse pourraient bénéficier de cet apport.

b) La pression sur les eaux continentales

La baisse de la pluviométrie, sa concentration sur la période automnale, l'accroissement des périodes de sécheresse l'été où la demande est la plus forte et la diminution prévisible de la régularité du débit des fleuves du fait du retrait des glaciers seront à la source d'un problème de rareté de la ressource.

Dans ces conditions, on doit s'interroger sur les conséquences sur les milieux marins d'un apport d'eaux continentales plus rare et subissant une pression des pollutions plus forte.


* 59 Cette calcification se fait en formant du carbonate de calcium (CaCO 3 ) et l'acidification fait que la brique « CO 3 » est moins présente.

* 60 Une des hypothèses expliquant l'accélération brusque des difficultés de recrutement du naissain sur cette zone est la remontée de CO 2 imputable à des laves volcaniques.

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