B. POURTANT, DES EFFETS SUR LA COMPÉTITIVITÉ QUI SONT LÉGITIMEMENT DISCUTÉS

1. Un décrochage résultant de la divergence allemande

La dégradation du commerce extérieur français conduit à examiner si les coûts salariaux unitaires supportés par ses entreprises ne seraient pas responsables d'une perte de compétitivité de la France.

La tendance nettement baissière du coût du travail en Allemagne induit parfois à imaginer que le constat du différentiel des coûts salariaux entre la France et l'Allemagne pourrait être étendu pour l'ensemble des pays concurrents de la France.

Or, cette conclusion extensive n'est pas fondée.

Ainsi que le montrent les graphiques ci-dessus, la France a un avantage de compétitivité-coût dans l'industrie sous l'angle des évolutions de ses coûts salariaux envers les partenaires de l'Union monétaire européenne ainsi que ceux de l'Union européenne. Il en est allé de même vis-à-vis des pays de l'OCDE entre 2000 et 2005, la situation ne s'inversant à compter de cette date qu'à raison de l'appréciation du taux de change nominal de l'euro (et non du fait d'un quelconque dérapage salarial qui, on l'a indiqué, ne s'est de fait pas produit).

Ces constats ne signifient pas bien sûr que les coûts salariaux unitaires français - pas plus que leurs homologues allemands - donnent un avantage de compétitivité à la France face à l'ensemble des pays mis en concurrence dans la mondialisation. Au contraire, il est évident que la France comme tous les pays développés (un peu moins que ceux-ci si l'on en croit les données de la Banque de France) subit, sous cet angle, un handicap de compétitivité par rapport aux pays à bas salaires.

Comme le montre le graphique ci-dessus, la compétitivité française tend depuis le début des années 2000 à se dégrader vis-à-vis des deux grands émergents : la Chine et l'Inde. Mais ce processus, qui est associé à des évolutions défavorables du taux de change, concerne aussi largement l'Allemagne, avec seulement quelques nuances marginales.

2. Des niveaux de coûts salariaux analogues

Ce profil temporel divergent s'accompagne d'une évolution parallèle des coûts salariaux unitaires à long terme , c'est-à-dire entre 1991 et 2008, la France gagnant même un peu de compétitivité-coût dans la seule industrie du fait de l'ampleur du décrochage entre coûts salariaux et productivité observé dans la première sous-période et sans équivalent en Allemagne tout au long des vingt dernières années étudiées ici.

On peut même relever que, sur une plus longue période, le différentiel des coûts salariaux unitaires dans les deux pays va depuis 2000 à rebours de ses tendances longues.

Selon les estimations fondant le graphique ci-dessus, les coûts salariaux unitaires qui étaient 1,7 fois plus élevés en France qu'en Allemagne au début des années 80 étaient revenus à parité en 2000 18 ( * ) .

On observe aussi que les deux pays gagnent de la compétitivité-coût par rapport au reste de la zone euro .

Coûts salariaux unitaires* : évolutions comparées
au sein des pays de l'Union européenne, sur la période 1985-2011
(hausse annuelle en %)

Ainsi, au total, moyennant des profils temporels différents, les coûts salariaux seraient très proches entre les deux pays.

Dans l'industrie, selon les données d'Eurostat, les coûts salariaux horaires seraient identiques.

D'autres estimations situent les coûts de la main d'oeuvre allemande au-dessus de ceux de la main d'oeuvre française.

Surcoût de la main d'oeuvre de production Allemagne/France
(taux de change courant) Temps plein y compris intérim (BLS)
En pourcentages

Source : « Coût du travail France-Allemagne dans l'industrie : l'impossible comparaison ? » Philippe Askenazy

Au total, en dépit de tendances clairement divergentes, les coûts salariaux dans les deux pays ne semblent pas avoir différé au point que l'Allemagne pourrait être considérée comme disposant sur la France d'un avantage de compétitivité résultant du niveau relatif de ses coûts salariaux.

Au contraire, vu rétrospectivement, l'avantage des coûts salariaux, bien qu'en voie de réduction rapide, a été en niveau, plutôt au profit de la France, y compris dans les années les plus récentes.

* *

*

Au total, il paraît, dans ces conditions, difficile d'expliquer la divergence des exportations des deux pays par des considérations relatives aux coûts salariaux et aux prix sauf, peut-être, sur les marchés situés en dehors de l'OCDE.

On est ainsi tenté d'attribuer les différences importantes et le rythme d'expansion des exportations des deux pays à destination de la zone euro et, plus largement de l'OCDE, à l'avantage de l'Allemagne, à l'influence de la composante qualitative de la compétitivité des produits allemands.

En effet, dans une telle combinaison des prix, la compétitivité-prix se déforme aux dépens des productions nationales. Ainsi, puisque, vus globalement, les prix internationaux de chacun des deux pays ont été plus modérés que leurs prix domestiques, il aurait dû se produire une intensification des entrées de biens en provenance de l'un ou l'autre pays sur leurs marchés domestiques. Or les données disponibles ne permettent d'aller dans ce sens que moyennant d'importantes nuances.


* 18 Il est même vraisemblable si l'on se fonde sur plusieurs estimations alternatives que les CSU français étaient en fait inférieurs aux CSU allemands à cette date.

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