Mercredi 8 juin 2011

M. François Moutot,
directeur général de l'Assemblée permanente
des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA)

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M. François Patriat , président . - Après une cinquantaine d'auditions, nous en sommes à notre avant-dernière journée d'auditions. Nous recevons aujourd'hui le directeur général de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) et également maire de Thoiry. Nous aimerions avoir son sentiment sur la RGPP à ces deux titres ...

M. François Moutot, directeur général de l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) . - Vous avez oublié de dire que j'ai également servi dans un ministère dont vous fûtes ministre...

La RGPP n'a pas, selon moi, encore donné tous les effets que l'on était en droit d'en attendre. Dans la plupart des cas, les réorganisations ont pris du temps et les effets directs ne se sont pas fait encore sentir, à la seule exception des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).

En ce qui concerne la direction générale des finances publiques (DGFiP), le regroupement des services financiers de l'État était attendu depuis très longtemps. Les entreprises se félicitent d'avoir désormais un seul interlocuteur qui s'occupe de l'évaluation de l'impôt et des prélèvements financiers. Il s'agit d'une avancée remarquable, mais qui se met en place progressivement et qui n'est, à ce jour, pas achevée. De façon générale, il est satisfaisant d'avoir un seul interlocuteur pour traiter un dossier. De plus, les relations entre les entreprises et l'administration des finances ont évolué dans le bon sens.

J'en viens aux Direccte : leurs relations sont bien différentes avec les entreprises et avec les chambres des métiers. Pour les entreprises, l'évolution n'a en effet pas été sensible : le fouillis règlementaire reste tel que les entreprises s'y perdent. En revanche, les chambres des métiers sont satisfaites d'avoir une direction unique pour toutes les régions.

Pour les entreprises, la mesure la plus efficace a été la simplification de l'ensemble du réseau comptable et fiscal.

La dématérialisation est d'importance relative pour les entreprises. Un certain nombre de documents doivent continuer à être remplis et signés. En outre, nous ne sommes pas convaincus que l'administration joue toujours le jeu de la dématérialisation. Nous avons ainsi créé il y a trois ans une clé informatique qui permet à nos adhérents, soit un million d'entreprises, de s'identifier et de déclarer leur TVA. Or, nous venons juste d'obtenir sa validation par l'administration des finances ! Grâce à cette clé, les garagistes pouvaient valider le dispositif d'immatriculation et nous avons dû attendre très longtemps avant d'obtenir l'agrément. Les procédures de dématérialisation devraient donc être simplifiées pour réduire leur temps d'instruction. Aujourd'hui, un million d'entreprises françaises ont à leur disposition une clé informatique pour un coût de 65 euros : il faut absolument parvenir à valoriser cet outil.

La RGPP prend-elle suffisamment en compte la dimension aménagement du territoire ? J'ai du mal à me prononcer. Les problèmes d'aménagement du territoire sont liés à l'organisation politique mais ne sont pas de la compétence des chambres de métiers. En revanche, je m'étonne que certaines programmations d'aménagement du territoire écartent systématiquement les corps intermédiaires. Ainsi, le Parlement va devoir se prononcer sur un texte qui écarte les corps consulaires des établissements publics fonciers pour des raisons qui m'échappent totalement. Si l'on veut aménager les centres-villes, pourquoi nous exclure du processus ?

Vous m'interrogez sur l'aménagement des cartes judiciaire et hospitalière. Les entreprises ne se sentent pas concernées, mais il est bien évident que tout ce qui leur coûtera moins cher aura leur préférence.

Autres question : en quoi la RGPP a-t-elle modifié le fonctionnement et l'organisation des chambres de métiers ? La RGPP est arrivée à un moment où nous étions déjà en train de réorganiser nous-mêmes notre réseau. La RGPP n'a donc pas été subie, mais elle a accompagné notre réflexion. Les entreprises artisanales étant des entreprises de proximité, elles ont besoin de services de proximité : un boulanger n'a pas les moyens de perdre une journée de travail. Les services qui les accompagnent doivent donc être en totale proximité. Dans la plupart des cas, le département est le bon échelon pour gérer les relations entre les entreprises et les structures qui les accompagnent.

En ce qui concerne la représentation politique des professionnels, l'échelon départemental doit être maintenu, car il y a de fortes solidarités territoriales entre l'élu et les entreprises. En revanche, tout ce qui ne relève pas de ces relations entre l'élu et les entreprises peut être centralisé au niveau régional, voire national. Notre schéma est donc le suivant : au niveau départemental, le lien direct avec les entreprises ; au niveau régional, l'organisation de tout ce qui peut être mutualisé, c'est-à-dire les fonctions support, et les relations avec la région. Il est en effet souhaitable d'avoir un seul interlocuteur au niveau régional pour obtenir un plan régional de développement des entreprises.

Dès lors que nous avions des structures régionales et départementales, nous nous sommes demandé si nous devions unifier les structures juridiques. Après un large débat, l'assemblée permanente des chambres de métiers a décidé de laisser les chambres régionales et départementales libres de choisir leur statut juridique. Avec deux ans de recul, nous nous félicitons d'avoir choisi cette solution. La Bourgogne et le Nord-Pas-de-Calais ont décidé d'avoir une seule structure juridique. D'autres régions ont fait de même, mais seulement en partie : la majorité des chambres se sont regroupées et seule une minorité est restée indépendante. L'Assemblée générale qui s'est tenue hier et se poursuit aujourd'hui a évoqué le sujet et toutes les régions ont considéré qu'elles progressaient vers la mutualisation, quels que soient les statuts choisis. Pour nous, la RGPP passe par la mutualisation des moyens et pas forcément par la transformation des structures. Ainsi, tous les supports informatiques seront mutualisés d'ici deux ans, ce qui nous permettra de faire des économies substantielles.

Y a-t-il concordance entre la RGPP, les corps consulaires et les structures politiques ? Oui, car nous avons régionalisé toutes les fonctions de compétence régionale et nous avons laissé au niveau départemental ce qui nous semblait lui revenir.

Nous avons également modifié le régime électoral des chambres de métier : auparavant, les chambres de métiers régionales étaient élues au suffrage indirect par les chambres départementales qui désignaient les élus régionaux. Aujourd'hui, les suffrages des artisans départementaux se portent à la fois sur des délégués départementaux et régionaux. Il y a donc une relation directe entre l'artisan départemental et son représentant qu'il envoie siéger dans la chambre régionale mais qu'il élit dans son département. Ce système fonctionne depuis six mois à la satisfaction de tous.

Dans le système politique antérieur, nous assistions à des blocages aussi bien au niveau régional que départemental. Aujourd'hui, nous n'avons aucun blocage dans les 102 chambres départementales, contre 15 à 20 % auparavant, et nous n'avons enregistré qu'un seul blocage dans une des 26 régions : le président a reconnu qu'il ne parviendrait pas à gérer la région, il a démissionné et un de ses collègues a pris la suite. Aujourd'hui, la totalité des régions est en ordre de marche.

Votre question suivante concerne le système d'information Chorus et ses conséquences en matière de délais de paiement des prestataires de l'État. La question des délais de paiement est un peu compliquée : les délais prévus ne sont pas faciles à respecter par les collectivités territoriales et certaines entreprises ne peuvent pas exiger des collectivités qu'elles respectent les délais. Le système actuel n'est donc pas complètement opérant.

Le système d'immatriculation des véhicules fonctionne bien et nous avons mis en place un dispositif qui permet d'y accéder facilement. Nous nous félicitons donc de ce progrès qui permet désormais aux acquéreurs de véhicules de partir avec leur immatriculation. Comme je n'ai pas de remontées négatives des concessionnaires, j'en conclus qu'ils sont satisfaits. En revanche, rien de tel pour les photographes professionnels qui se trouvent dans une situation difficile. L'évolution technologique de la photographie et le régime de l'auto-entrepreneur ont eu des conséquences catastrophiques pour ces professionnels. De nombreuses personnes se sont autoproclamées photographes sans en avoir nécessairement les compétences. Les photos d'identité faisaient partie du fonds de commerce traditionnel des photographes professionnels : le fait d'avoir confié ce travail aux communes n'est pas de nature à les aider alors qu'ils rencontrent déjà des difficultés.

M. Dominique de Legge , rapporteur . - Vous n'avez pas parlé des relations entre l'APCMA et les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), anciennement Drire (directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement,), et Diren (directions régionales de l'environnement).

M. François Moutot . - En tant que directeur général de l'APCMA, je n'ai pas d'opinion particulière. En revanche, en tant que maire, j'aurais beaucoup à dire : c'est épouvantable ! Dans ma commune, nous avons le parc de Thoiry, à la fois site classé et activité économique : je suis donc confronté aux avis non convergents de la Diren, de la direction des services vétérinaires (DSV), de la direction des affaires sanitaires et sociales (Dass), de l'agriculture, des sites classés : c'est une horreur absolue ! Les différents pouvoirs départementaux, régionaux et nationaux qui s'appliquent sur un même territoire prennent des décisions contradictoires. Il faudrait un seul interlocuteur, une seule autorité, une seule compétence. Ce que je dis vaut pour le maire, mais aussi pour l'entreprise : le parc de Thoiry rencontre les mêmes difficultés que moi. Il faut que cela cesse.

M. François Patriat , président . - Dans mon département, un zoo qui fonctionnait très bien a dû fermer du fait des exigences multiples auxquelles il devait faire face.

M. François Moutot . - Quand les exigences sont multiples, c'est difficile ; quand elles sont contradictoires, c'est ingérable.

M. Dominique de Legge , rapporteur . - Ces difficultés sont-elles dues à la RGPP ou préexistaient-elles ?

M. François Moutot . - Avec la RGPP, les choses vont un peu moins mal... Il y a eu harmonisation à chaque niveau. Le problème, c'est qu'il reste divers niveaux de compétence... Encore une fois, il est indispensable que, pour un territoire donné, il n'y ait qu'un seul interlocuteur.

M. Raymond Couderc . - Votre expérience rejoint la mienne en tant que maire de Béziers, notamment en ce qui concerne mes relations avec la Dreal.

M. François Moutot . - Quand une entreprise est confrontée à six ou sept règlementations différentes, tout devient caricatural.

Un exemple : la réglementation pour les handicapés. Les entreprises artisanales installées en centre-ville ne peuvent déposer un permis de construire. Si la réglementation actuelle devait être appliquée à la lettre, il faudrait fermer toutes les boucheries et les boulangeries ! Nous devrions parvenir à trouver un équilibre entre les contraintes et les possibilités. Si nous laissions l'administration édicter les règles, il serait impossible d'avoir des permis de construire pour améliorer les locaux. Les entreprises en centre-ville doivent pouvoir continuer à exister.

M. François Patriat , président . - Cela vient sans doute de notre hyperfécondité normative !

Dans le Nord-Pas-de-Calais et en Bourgogne, la mutualisation est positive et les artisans ne se plaignent pas de la RGPP. Combien de régions ont créé des guichets uniques ?

M. François Moutot . - Les deux régions que vous avez citées sont parvenues à une intégration complète. En Basse-Normandie, un département fait de la résistance pour des raisons politiques et, en Aquitaine, les départements des Landes et des Pyrénées-Atlantiques ne sont pas intégrés car trop éloignés de Bordeaux. En revanche, tout le nord de la région s'est regroupé, à la satisfaction de tous.

Aujourd'hui, 20 régions sur 22 fonctionnent avec des mutualisations telles qu'elles sont très proche de l'intégration.

Le président de l'APCM, Alain Griset, dans la région Nord, et le vice-président Pierre Martin, dans la région Bourgogne, étaient très attachés à cette évolution et ils ont donné l'exemple. En outre, nous étions déjà dans une phase de mutualisation et d'harmonisation si bien que la RGPP a clarifié les choses.

En revanche, nous avons des présidents départementalistes qui considèrent que leur département doit être géré exclusivement par eux. C'est un sentiment logique, pour peu qu'ils acceptent de faire des économies.

M. François Patriat , président . - Logique, mais pas forcément louable !

Merci pour votre intervention.

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