3. Une priorité : le renforcement de l'Etat de droit, de la protection des minorités, des capacités administratives et judiciaires et de la lutte contre la criminalité organisée

Si l'indépendance du Kosovo semble désormais irréversible, il reste toutefois aux autorités de ce pays à bâtir un véritable Etat, fondé sur la démocratie et l'Etat de droit.

Ayant toujours vécu sous occupation étrangère, ottomane ou serbe, et ayant été chassés des institutions par la politique de Slobodan Milosevic, les kosovars n'ont jamais disposé de leur propre Etat au cours de leur histoire et ont développé une forme de réticence à l'égard des institutions.

La construction d'un Etat démocratique, doté d'institutions fortes et solides, et respectueuses de l'Etat de droit, représente dès lors un véritable défi pour ce jeune pays.

Les autorités kosovares ont proclamé l'indépendance en s'engageant à mettre en oeuvre les dispositions du « Plan Athisaari » dans leur Constitution. Ce plan comporte notamment des dispositions en matière de protection des minorités et d'Etat de droit.

Ainsi, la Constitution kosovare est fondée sur le principe de séparation de l'Eglise et de l'Etat et comporte des garanties en matière de liberté religieuse .

Toutefois, si la liberté de culte est garantie au Kosovo, du chemin reste à faire en terme de réconciliation.

De manière générale, les Albanais de confession musulmane, qui représentent la majorité de la population du Kosovo, pratiquent un Islam très modéré. Comme la délégation a pu le constater, on rencontre moins souvent de femmes voilées à Pristina ou dans les villes du Kosovo, qu'à Paris et dans certaines villes de la banlieue parisienne !

La minorité albanaise de confession catholique dispose de lieux de cultes et entretient de manière générale de bonnes relations. Une cathédrale catholique est en construction dans le centre de Pristina.

Les rapports avec l'Eglise orthodoxe sont plus complexes, en raison notamment du rôle politique joué par les popes et des relations avec Belgrade. La présence de nombreuses églises ou monastères orthodoxes isolés entourés de villages albanais demeure une source de tensions.

Le gouvernement kosovar travaille sur le cadre juridique pour la protection de l'héritage religieux et culturel. L'assemblée kosovare a adopté une loi sur les zones de protection spéciales afin de protéger en particulier les sites orthodoxes serbes du Kosovo. Après des attaques répétées au début d'année 2008, la sécurité a été renforcée.

La délégation a ainsi pu visiter le monastère serbe de Devic, entièrement isolé et entouré de villages Albanais, qui a été incendié à de nombreuses reprises par le passé, et qui est placé en permanence sous la protection des militaires français de la KFOR.

Progressivement, la protection des édifices religieux orthodoxes est transférée par la KFOR à la police kosovare, comme la délégation a pu le constater dans ses déplacements.

Si les auteurs d'attaques contre des sites religieux ont été arrêtés, la menace la plus forte pouvant peser sur les édifices vient toutefois des activités de construction à proximité des bâtiments.

Dans son rapport de progrès de 2009 sur le Kosovo, la Commission européenne relevait par exemple la décision d'une municipalité kosovare de construire un parc sur un terrain qui appartient à l'église orthodoxe serbe et qui couvrirait les fondations d'une chapelle détruite lors des émeutes de mars 2004. Elle en concluait que la communication entre les autorités orthodoxes serbes et les institutions du Kosovo devrait être améliorée.

Plus généralement, la Commission européenne note dans son dernier rapport de progrès, d'octobre 2010 : « les capacités de l'administration publique continuent d'être faibles et le système judiciaire ne fonctionne pas efficacement. L'Etat de droit, quant à lui, continue de susciter de vives préoccupations ».

Ainsi, en matière de respect des droits de l'homme et de protection des minorités, la Commission européenne relève que « le cadre institutionnel et l'absence de volonté politique freineront la mise en oeuvre efficace des normes juridiques dans ce domaine. Le processus d'intégration de la communauté serbe se poursuit. Les autorités doivent être plus actives pour traiter les problèmes importants tels que l'accès à la propriété, les personnes disparues, la question des retours et l'éducation ».

Elle note aussi que les conditions de vie des minorités , notamment des Roms, des Ashkali et des communautés égyptiennes ainsi que leur accès à l'éducation, aux soins de santé et à la protection sociale demeurent des questions « extrêmement préoccupantes ».

D'importants progrès ont été réalisés en ce qui concerne la mise en place d'une force de police , grâce notamment au soutien apporté par la mission EULEX de l'Union européenne.

La police kosovare, la KP, s'est beaucoup renforcée ces dernières années et, d'après l'ensemble des observateurs, bénéficie d'une très bonne réputation d'efficacité et d'impartialité auprès de la population.

La délégation a pu ainsi s'entretenir avec le ministre de l'intérieur, Bajram Rexhepi, qui a indiqué que la police kosovare était aujourd'hui en mesure d'exercer ses prérogatives sur l'ensemble du territoire, à l'exception toutefois du Nord du Kosovo, et que le soutien de l'Union européenne pourrait être réduit et réorienté vers l'appui de certains spécialistes, notamment en matière de lutte contre l'immigration illégale ou la criminalité organisée.

En revanche, la justice a encore des moyens limités au Kosovo et la confiance de la population dans le système judiciaire est relativement faible.

La Commission relève certaines avancées dans son rapport de progrès : « Une vaste réforme a été engagée à la faveur de quatre lois de réforme sur les tribunaux, les poursuites, le Conseil judiciaire du Kosovo et le Conseil du ministère public. La loi sur les tribunaux introduit un nouveau système salarial qui améliore sensiblement la situation des juges. (...) Plus de 340 juges et procureurs ont été nommés par le président à tous les niveaux de l'appareil judiciaire, y compris les membres locaux du Conseil judiciaire, qui ont élu le président de ce conseil. (...) » .

Elle note cependant plus loin : « Toutefois, des cas d'ingérence politique dans le système judiciaire ont été rapportés, notamment dans le processus de redésignation des juges et des procureurs. L'arriéré judiciaire reste important, particulièrement en matière civile, notamment au sujet des droits de propriété. Les institutions du Kosovo doivent prêter une importance suffisante à l'appui aux enquêtes et au suivi judiciaire des crimes de guerre. Des projets de réforme du système judiciaire doivent être élaborés et dotés de ressources ». En définitive, la Commission européenne considère que « le Kosovo est encore peu avancé en ce qui concerne le respect des priorités dans le domaine de la justice ».

Le ministre de la justice, Hajredin Kuçi, a indiqué aux membres de la délégation que la première priorité du gouvernement était le renforcement de l'Etat de droit et s'est félicité de la coopération avec EULEX dans ce domaine, même s'il a regretté que les policiers et magistrats d'EULEX ne soient pas plus actifs au Nord, en s'attaquant aux réseaux de criminalité organisée, sur la base de leurs pouvoirs exécutifs propres. Au cours du déplacement de la délégation, il a été fait Etat à de nombreuses reprises de la situation particulière du Nord du Kosovo, où les circuits financiers illégaux et les trafics, notamment d'essence, sont particulièrement bien implantés, avec, dans ce domaine, semble-t-il, une tolérance passive, sinon complice, des « structures parallèles » soutenues par Belgrade.

La lutte contre la criminalité organisée représente également un sérieux défi.

Certes, le Kosovo a adopté une stratégie de prévention de la criminalité et des procureurs spéciaux ont été nommés pour lutter contre ce fléau. Une série d'accords bilatéraux avec des pays tiers a également été signée dans ce domaine, notamment avec la France.

Toutefois, dans son dernier rapport de progrès, la Commission européenne dresse un constat sévère : « Il n'y a eu aucune condamnation à haut niveau. On a noté des cas d'intimidation de juges et de procureurs. La criminalité organisée continue de susciter de très vives préoccupations. Les autorités doivent intensifier leurs efforts pour lutter contre les groupes de criminalité organisée opérant dans les Balkans occidentaux et en Europe, notamment en enquêtant et en procédant à des arrestations, à la confiscation des avoirs et à des condamnations. Le Kosovo se doit de produire des résultats concrets dans ce domaine ».

Dans son dernier rapport, d'avril 2011, l'office européen de police EUROPOL fait figurer la région des Balkans occidentaux parmi les cinq centres de gravité du crime organisé en Europe, avec une spécialisation dans le trafic d'héroïne et de cocaïne.

La criminalité semble être ainsi le seul domaine où l'on constate une très bonne entente et une réelle coopération entre les différentes communautés.

La corruption demeure également un important sujet de préoccupation pour la Commission européenne.

Ainsi, elle relève que, si « le cadre juridique en matière de lutte contre la corruption s'est amélioré à la faveur de l'adoption de lois concernant l'agence de lutte contre la corruption et la déclaration et l'origine des biens et cadeaux offerts aux hauts fonctionnaires », « les résultats de la lutte contre la corruption sont toutefois limités. Les principaux sujets de préoccupation continuent d'être le processus d'attribution des marchés publics, ainsi que le système judiciaire et le système visant à faire appliquer les lois ».

La Commission européenne en conclut que « la corruption, qui demeure répandue au Kosovo, constitue un très grave problème ».

EULEX a lancé plusieurs enquêtes en matière de corruption. En avril 2010, des perquisitions ont été effectuées au ministère des transports et, en juillet, la police kosovare a arrêté le gouverneur de la banque centrale en coopération avec EULEX.

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