Audition de MM. Henri Joyeux, président de l'association Familles de France et Thierry Vidor, directeur général, Mme Béatrice Magdelaine, chargée de mission santé de la Fédération nationale familles rurales, et Mme Marie-Agnès Besnard, administratrice

M. François Pillet, coprésident pour le Sénat . - Nous recevons maintenant MM. Henri Joyeux, président de l'Association nationale des familles de France, Thierry Vidor, directeur général, Mmes Béatrice Magdelaine, chargée de mission santé à la Fédération nationale des familles rurales et Marie-Agnès Besnard, administratrice.

Nous savons, pour les avoir déjà entendues sur nos territoires, le rôle essentiel que jouent les associations, qu'il s'agisse de prévention, d'information, de réduction des risques ou encore d'accompagnement des usagers de drogue et de leur entourage. Un éclairage des associations, particulièrement familiales, nous est apparu utile pour poursuivre nos travaux et notamment aborder le sujet de la toxicomanie en milieu rural.

Je vous propose de nous exposer les récentes prises de position de vos associations dans le domaine des toxicomanies et de nous livrer votre opinion sur les dispositifs actuels de prévention : sont-ils adaptés ? Faut-il les améliorer ?

Nous passerons ensuite au traditionnel échange de questions. Dans l'intervalle, j'aurai certainement dû, pour d'autres impératifs, céder la présidence à mon collègue Gilbert Barbier.

Mme Marie-Agnès Besnard . - Il est difficile de savoir si les jeunes se droguent davantage en milieu rural. Nous ne nous focalisons pas que sur les jeunes. Qu'entend-on par jeunes ? Il existe des anciens, des gens qui se droguent en famille...

Dans les petits bourgs, les villages, on arrive toutefois à dépister les cas qui se présentent. Dès lors, que peut-on faire ? Nous voudrions tout d'abord accentuer la prévention, éviter que les enfants commencent à se droguer mais aussi développer d'autres systèmes d'information pour expliquer aux jeunes qu'ils disposent d'un capital santé qu'il convient de préserver de la drogue, de l'alcool, etc.

M. Henri Joyeux . - Merci de nous auditionner à propos d'un sujet aussi important, qui inquiète beaucoup Familles de France. Vous avez parlé de prévention : si la prévention était efficace, cela se saurait et ne nous ne serions pas là !

Nous sommes très inquiets car on rencontre de plus en plus de jeunes mais aussi de moins jeunes toxicomanes. C'est dans le milieu urbain que l'on en recense le plus, du fait de l'anonymat qu'offre les villes. A Paris, Lyon, Marseille ou Montpellier, certains quartiers sont bien connus pour être des lieux où la drogue circule facilement.

Il est sûr que les jeunes ne sont pas correctement informés sur ces sujets. Je dois ici citer Yannick Noah, que nous admirons tous par ailleurs pour ses réussites sportives, qui n'a pas craint de dire -peut-être sous l'impulsion de certaines substances consommées avant- qu'il avait utilisé de la drogue dite « douce », de la même façon que certains hommes politiques parlent de « drogues douces ». Ce que les jeunes ne savent pas, ce que les médias ne disent pas, c'est que la drogue actuelle, si l'on ne parle que de marijuana, est issue d'organismes génétiquement modifiés (OGM) !

J'ai mis au défi plusieurs journalistes de le publier en première page de leur journal. Un seul directeur de quotidien a eu le courage de le faire, celui du Parisien, en utilisant toutefois la forme interrogative : « La marijuana est-elle génétiquement modifiée ? ». Or, on sait qu'elle l'est ! La drogue produite et utilisée par les jeunes, où que ce soit dans notre pays, est aujourd'hui composée à 35 % de Tetrahydrocannabinol (THC), alors qu'il y a 25 ans, ce chiffre était de 5 % !

Les jeunes sont sensibles à l'écologie et n'ont pas tort. Il faut leur faire passer le message que les adultes qui leur vendent de la drogue les trompent en leur proposant des produits génériquement modifiés dans le but de les rendre « accro » plus vite.

Je suis médecin spécialisé dans le cancer et je puis vous dire que la drogue est un cancer pour deux raisons. Premièrement, elle abîme le cerveau et de multiples études montrent chez les jeunes une augmentation de la schizophrénie liée à l'utilisation de la drogue ; en second lieu, certains jeunes développent des cancers foudroyants des voies respiratoires. Lorsqu'on leur demande s'ils sont fumeurs, ils répondent par la négative. Ils n'ont pas fumé de tabac mais un ou deux joints pour s'endormir le soir et trois à quatre le week-end !

Prenons garde toutefois à ne pas culpabiliser les jeunes qui se droguent : ils ne vont pas bien parce que nous, adultes, n'allons pas bien ! Notre société présente des défauts, certains médias valorisent la drogue, à propos de laquelle ils ne disent pas la vérité ou la minimise.

Nous attendons de votre mission qu'elle livre des informations claires au grand public et pas seulement aux parents car, à partir de 14 ans, un jeune peut avoir tendance à faire la loi à la maison. Nous sommes aujourd'hui dans une situation dramatique : on a trouvé récemment des plans de cannabis génétiquement modifié en région parisienne. Pourquoi ne le dirait-on pas demain en première page dans Le Monde ou Le Figaro ?

Ce fléau social -car c'en est un- atteint les jeunes dans leur cerveau et compromet leur avenir car ils risquent d'être handicapés à vie, avec des risques de cancers foudroyants qui détruisent un jeune en l'espace de quinze mois !

M. François Pillet, coprésident pour le Sénat . - Merci de cette position très claire, qui ne nous étonne guère.

M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - Vous souhaitez donc que l'on fasse davantage peur aux jeunes...

M. Henri Joyeux . - ... Que l'on dise la vérité !

M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - La peur favorise-t-elle la non-consommation ?

M. Henri Joyeux . - Non : on le voit bien avec le tabac !

M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - On sait que, dans d'autres domaines, comme dans celui du jeu du foulard, par exemple, les jeunes ont un désir de transgression, surtout en cas de conflit familial, de déstructuration de la famille.

Comment appréhendez-vous par ailleurs la prévention, essentiellement menée en milieu scolaire, qui est en grande partie un échec ?

Mme Marie-Agnès Besnard . - Vous avez l'air d'affirmer qu'il n'y a que dans les familles où existent des problèmes que les jeunes se droguent. Malheureusement, toutes les familles sont concernées. Les parents sont démunis : quelles solutions leur proposer ?

Je ne sais pas si les jeunes qui commencent à se droguer ont conscience des dégâts que cela peut produire sur leur cerveau, sur leur vie future. Cela détruit des familles.

M. Thierry Vidor . - J'ai vu il y a peu un très beau film de Klapisch, intitulé « Le péril jeune », qui se déroule en 1968. C'est un constat exceptionnel sur la société de l'époque. C'est aujourd'hui cent fois pire !

On voit Romain Duris, garçon plein de vie, bêtement sombrer dans la drogue en consommant un petit « pet » pour la première fois lors d'une soirée, alors qu'il est en seconde ou en première. Ce faisant, il détruit sa vie. Ils étaient quatre ou cinq amis mais cela a détruit sa vie : en un « pet », il voit dix ans de sa vie ruinés, qui aboutissent à son décès.

Ce film est remarquable et montre la détresse des jeunes face à la drogue. Certains s'en sortent heureusement mais une seule victime c'est déjà trop !

Il faut être clair avec les jeunes et leur dire la vérité, ne pas la banaliser en leur disant qu'un « pet » ce n'est pas grave. Or, quel message la société et les médias nous font-ils passer ? « Cela n'a pas de conséquence : il vaut mieux fumer un pétard que prendre un verre de vin ou tomber dans la dépression » ! Pour les jeunes, c'est pratiquement un médicament ! On a complètement banalisé le produit.

Si on dit la vérité aux jeunes, je pense que cela changera complètement leur comportement. Dans ce film, parmi les quatre jeunes, Romain Duris est le seul dont les parents ne sont pas présents et la famille absente. Cela ne veut pas dire que l'encadrement existe dans toutes les familles : je me suis pendant longtemps occupé de groupes de jeunes dont certains parents ne s'apercevaient pas que leur enfant consommait 50 « pets » par mois...

M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - Certains discours ne sont pas faciles à comprendre. Je suis également médecin ; il y a quelques instants, nous avons entendu un autre médecin qui nous rappelait ces campagnes que j'ai bien connues qui montraient le poumon noirci du fumeur et le poumon sain de celui qui n'a jamais fumé. Cela n'a eu aucune incidence sur la consommation de tabac. Je n'ai pas la réponse mais je vous pose la question...

M. Henri Joyeux . - Vous avez raison : dans le cas du cancer, écrire que le tabac tue et afficher des photographies sur les paquets ne sert à rien car les lobbies du tabac sont les plus forts, de la même façon que le lobby de la drogue est le plus fort.

Je passe dans les écoles primaires, les collèges et les lycées toutes les semaines pour aborder les trois sujets que sont la santé, l'amour et la sexualité. La drogue est arrivée dans les collèges même s'il s'agit de fort peu -5 % à 6 %. Les parents sont désarmés. Ce ne sont pas eux qui sont en cause. Il est trop facile de les accuser alors qu'ils sont fragilisés par la société et par les médias qui affirment le contraire de ce que l'on essaye d'apprendre à ses enfants ! C'est pourquoi nous voulons responsabiliser les médias en les intégrant dans la communauté éducative. L'éducation relève de la société entière et les médias, en particulier, ont un rôle majeur à jouer mais personne ne veut le reconnaître ! Les médias, aujourd'hui, se contentent de faire du « business » !

Mme Béatrice Magdelaine . - Je ne suis pas aussi négative que vous : la prévention fonctionne à travers certaines institutions. L'éducation nationale n'est pas le lieu où l'on sensibilise le plus d'enfants ; les choses se font souvent en dehors des murs. Nous avons remarqué que tout ce qui se faisait en dehors de l'établissement fonctionnait nettement mieux, comme dans le cadre des forums intercommunaux. Les jeunes de trois ou quatre collèges que l'on accueille en un même lieu autour d'actions relatives au champ de la santé sont bien plus attentifs à ce qui se passe et aux messages qui leur sont adressés.

Il ne faut pas réduire la prévention à la seule éducation nationale. Il existe d'autres actions sur le terrain, même si l'on est souvent confronté à une certaine méconnaissance des acteurs, à une mauvaise coordination et à une absence de moyens financiers. La position de Familles rurales, en ce qui concerne la toxicomanie, est claire : nous n'intervenons pas à la place des associations spécialisées. Nous ne sommes pas compétents. Nous sommes là pour entendre les familles, les jeunes et les renvoyer vers les réseaux existants.

« Ecoute jeunes » fait ainsi l'objet d'un numéro national, chapeauté par le ministère de la santé. Or, dans certains départements, comme dans celui des Ardennes, par exemple, on ne trouve qu'un seul numéro, celui de l'Union départementale des associations Familiales (UDAF), sans rien au bout ! On voit bien qu'il y a là un problème.

Je suis d'accord avec ce qu'a dit M. Joyeux sur l'aspect médical. Depuis 2007, nous nous sommes lancés dans un plan d'action contre l'alcool et nous avons constaté un ras-le-bol des jeunes. Les jeunes en ont assez d'être sans arrêt pris pour cibles. En matière d'alcool, dans les villages ruraux, les gendarmes font systématiquement passer un test d'alcoolémie aux jeunes alors que les retraités, réunis dans une salle municipale pour jouer aux cartes et boire de la bière ne font jamais l'objet d'un contrôle. Comment l'expliquer aux jeunes ? C'est à partir de réflexions des jeunes que l'on pourra peut-être faire changer les comportements.

La politique de Familles rurales est de refuser le premier joint, mais comment faire ?

Nous sommes également amenés à rencontrer les parents. Les jeunes leur reprochent de ne rien connaître à la drogue lorsqu'ils veulent en parler avec eux. On constate en effet que les parents sont mal à l'aise. Nos conférences n'attirent que trois ou quatre personnes -et pas celles que l'on attendait ! Il me semble que tout un travail est à faire dans ce domaine.

Nous travaillons beaucoup avec la Sécurité routière ; nous leur avons demandé de faire en sorte que leurs campagnes d'affichage ne ciblent pas seulement des jeunes mais également des femmes qui, on le sait, ont aujourd'hui un problème d'alcool. Il existe également des parents qui consomment du cannabis -sans parler des autres drogues. Certains jeunes qui veulent arrêter le cannabis craignent d'être mis à la porte de chez eux. Que peut-on faire ? Ce sont de petites choses mais il faut y réfléchir !

Enfin, pour ce qui est des écoles, nous en sommes au primaire !

Mme Françoise Branget, corapporteure pour l'Assemblée nationale . - C'est la question que je voulais vous poser : à quel moment peut-on commencer la prévention, pour éviter d'intervenir une fois que le jeune a commencé à consommer.

Mme Béatrice Magdelaine . - Nous avons commencé à organiser, en milieu rural, des actions de sensibilisation à destination des élèves de CM 2 qui prennent le car. Un enfant qui n'est pas habitué à prendre le car et qui se rend à la ville est une proie pour les dealers. Nous avons mis en place des jeux de rôle qui fonctionnent très bien dans certains départements, grâce à une prise de conscience politique, même si nous avons maintenant moins de moyens. Dans d'autres départements toutefois, les élus refusent d'en entendre parler à l'école primaire -alors que cela pourrait constituer une approche.

Mme Françoise Branget, corapporteure pour l'Assemblée nationale . - Je suis convaincue que c'est dès le primaire qu'il faut agir. J'ai vu il y a plus de 15 ans de cela un jeune de 5 ème décéder à la suite de la consommation de produits.

Il faut avertir les jeunes très tôt de l'ensemble des dangers qu'ils encourent, au nombre desquels il faut aussi inclure l'alcool.

M. Henri Joyeux . - Nous partageons tout ce que viennent de dire les représentants de Familles rurales. Familles de France a quant a elle établi une corrélation entre l'addiction à la drogue souvent appelée « petite drogue » -le « petit joint », le « pet », etc. - et l'addiction aux jeux vidéo et aux jeux d'argent. Nous avons même créé un numéro vert, le 0 800 00 65 18, où nous recevons en moyenne trois à quatre appels par semaines de parents affolés, que l'on renvoie parfois vers une structure adaptée, comme les CHU de Nantes ou de Montpellier. Dans d'autres cas, on ne sait que faire et l'on conseille aux parents de dialoguer avec leur enfant.

C'est un sujet d'une telle importance que nous avons réuni le Syndicat des jeux vidéo, Sony, Ubisoft, etc. pour créer des jeux vidéo certes violents mais orientés vers la santé, afin que le jeune tire sur le cancer, la métastase, la maladie. Nous essayons ainsi de faire passer des messages de prévention par l'intermédiaire du jeu.

L'enfant qui passe une heure, deux heures, à jouer à ces jeux vidéo violents, va devenir accro et en sortir plus bête qu'il y est entré ! Ubisoft, Sony et les autres producteurs en sont conscients.

A PédaGoJeux, nous avons pu vérifier que nombre de jeunes sont fascinés par des images et des jeux extrêmement intelligents ; or, cette intelligence n'est pas mise au service des jeunes mais du business ! Le business est utile mais il faut absolument qu'il aide le jeune à se construire et ne cherche pas à l'utiliser comme c'est le cas actuellement.

Il faut tenir un discours de vérité aux jeunes, qui sont tout à fait capables de le comprendre. C'est le dialogue qui est important. Souvent, les parents ont des difficultés à dépasser leur peur.

Mme Catherine Lemorton, députée . - Vous parliez de Yannick Noah : il y en a eu d'autres ! Quant aux médias, vous avez tout à fait raison. Il n'est qu'à prendre l'histoire de cet animateur de télévision... Il y a quelques années, Johnny Halliday disait qu'il fumait des rails de cocaïne et qu'il s'en sortait très bien ! Comment accepter qu'un chanteur puisse tenir un tel discours ? Sans doute peut-il s'en sortir mais il n'a pas les mêmes moyens que ceux qui sont issus des quartiers difficiles ! Les médias ont donc un rôle essentiel et il faudrait sans doute que le législateur les contrôle un peu plus.

Il ne s'agit pas de culpabiliser les parents mais lorsqu'un enfant entre dans la toxicomanie, il me semble que les parents, quelle que soit la structure familiale, qu'elle soit déstructurée ou recomposée, ont une part de responsabilité. On ne sort pas un adolescent ou un jeune plus âgé de la dépendance en isolant les parents comme s'ils n'avaient aucune part de responsabilité.

Il faut que les parents soient associés à la prévention au sein de l'école. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait diffuser des plaquettes, comme l'a fait le Conseil général de Haute-Garonne, présentant aux parents certains signes d'alerte. Pourquoi, lorsque vous rentrez à la maison, après une journée de travail, trouvez-vous toutes les fenêtres grandes ouvertes alors qu'il fait froid dehors ? Pourquoi allument-ils des bougies parfumées dans leur chambre ? Pourquoi le salon sent-il le désodorisant aérosol ? Ce sont là des signes d'alerte dont les parents ne sont pas assez informés.

Dans le réseau auquel j'appartiens, on appelle le cannabis la « drogue du feignant » car il peut faire chuter les résultats scolaires d'un enfant très rapidement. Bien souvent, le monde enseignant le constate. Comment faire pour que les enseignants fassent remonter l'information, en parle avec ses collègues ? Ce sujet est tabou du fait de la loi -et il faut la respecter- mais le problème n'est pas là. Il est toujours difficile pour un enseignant de saisir sa hiérarchie.

Ne pensez-vous pas qu'il y a une dichotomie entre une génération qui a pu fumer des « joints » de temps en temps mais que cela n'a pas empêché de réussir l'ENA -comme l'ont malheureusement dit certains membres de ma propre famille politique- et une société où les gens vont mal ? Pour certains parents, ce n'est pas un problème si leur enfant fume un « joint », alors que le jeune peut rapidement basculer dans l'addiction. Comment l'expliquer clairement aux parents ?

M. Henri Joyeux - En parlant de la concentration ! Le cannabis que l'on fumait il y a trente ans était concentré à 5 % ; aujourd'hui, les jeunes fument un cannabis concentré à 35 %. Ce produit ayant la même couleur, la même odeur, les parents le considèrent comme banal. Eux-mêmes en ayant fumé autrefois, veulent être honnêtes avec eux-mêmes !

Je suis entièrement d'accord sur la part de responsabilité des parents qui existe mais ils ne sont pas seuls et il faut cesser de les culpabiliser. On présente aux jeunes des perspectives qui ne sont guère enthousiasmantes. Les jeunes ne cherchent-ils pas à sortir de cette vision de la société que nous leur proposons en recourant à ces artifices ?

Pour en revenir à la plaquette dont vous avez parlé, nous sommes prêts à collaborer avec vous et avec Familles rurales pour établir une liste de ces petits signes, non pour « fliquer » les jeunes mais afin de leur éviter de commettre des erreurs qu'ils paieront extrêmement cher, tout simplement parce qu'on les aime !

J'aimerais par ailleurs que l'information concernant les OGM soit délivrée et diffusée, alors qu'elle ne l'est pas à l'heure actuelle...

M. Thierry Vidor . - Il est capital d'aider les parents et d'informer une bonne partie de la population. Dans les lycées et les lycées professionnels, 90 % des jeunes ont du « chit » sur eux. S'ils n'en ont pas, ils sont déconsidérés. La famille ne peut même plus agir. Il y a là un problème de société.

C'est aussi vrai dans les populations défavorisées que dans les populations favorisées. Dans les lycées où les parents sont vigilants, 50 à 60 % de jeunes ont une barrette de « chit » dans leur poche !

M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - Qu'attendez-vous du législateur ? La répression est-elle mal conduite, insuffisante, laxiste ? Le système contraventionnel vous paraît-il adapté ?

M. Henri Joyeux . - Le laxisme s'applique davantage au dealer qu'au consommateur, qui est plus à plaindre et à soigner.

Dans un lycée public de Bergerac que je visitais, je faisais remarquer au proviseur qui était très fier d'avoir créé le premier lycée sans tabac, que j'avais vu beaucoup de mégots à l'entrée. Il m'a confié qu'il avait dû faire intervenir la police avec des chiens dans l'internat pour éliminer la drogue. Quand les pensionnaires ont vu arriver la brigade canine anti-drogue, ils ont voulu se débarrasser de leurs produits : toutes les chambres en possédaient ! Est-ce une bonne chose d'en arriver jusque là ? Je ne le crois pas.

Le plus important est d'informer les jeunes et d'imposer par la loi des obligations aux médias. Ils font l'inverse de ce qu'il faudrait et minimisent le problème. Si les médias allaient dans notre sens, je suis convaincu que les jeunes y seraient sensibles. Il faut bien entendu le faire astucieusement mais les médias ont d'excellents publicitaires et savent parfaitement faire passer les messages.

M. Patrice Calméjane, député . - Il faudrait instaurer -même si le mot ne plaît pas- une forme de « rééducation ». Sur les ordinateurs ou les postes de télévision numériques, il est possible d'activer le contrôle parental mais seulement si on en a envie alors que ce devrait être le contraire. Il en va de même pour les médiats, qu'il faudrait obliger à favoriser la prévention de la toxicomanie plutôt que de les laisser valoriser les comportements à risques.

Certes, nous sommes dans un pays libre mais c'est un enjeu de société important. Le fait que le monde du sport ou du show-business en fasse un mode de vie pose problème. C'est peut être le travail du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ou d'un autre organisme indépendant, dont ce devrait être la mission, que de réguler cela. Il serait intéressant de les interroger sur ce point.

M. Henri Joyeux . - Nous avons fait des propositions à MM. Jospin, Raffarin, de Villepin puis Fillon, premiers ministres. Nous sommes allés voir les Présidents du CSA successifs ; on nous a dit que nous avions des idées géniales et rien n'a avancé !

Cependant, 152 députés français ont déposé une proposition de loi destinée à faire en sorte que les associations familiales disposent d'un temps d'intervention à la télévision. Nous demandons en effet à disposer d'une minute après 20 heures 30 pour diffuser de courtes séquences faisant appel à des mimes, afin de dispenser des messages de prévention familiale, sur ces sujets et d'autres, qui détendrait les gens en leur permettant de rire.

Les partis politiques et les syndicats ont bien le droit de passer à la télévision : pourquoi pas nous ? Le Président de la République connaît bien les partenaires sociaux mais ignore les partenaires familiaux, qui représentent pourtant 17 millions de familles. L'État n'est pas habitué à travailler avec nous. Si ce travail était fait en coordination avec les partenaires sociaux, nous pourrions faire passer des messages bien plus positifs.

M. Patrice Calméjane, député . - On sait que les adolescents ne regardent plus le journal de 20 heures, à l'instar des adultes qui s'en détachent aussi. Peut-être faudra-t-il recourir à Internet : Google arrive à faire une fenêtre différente chaque jour par rapport à l'actualité. On pourrait peut-être, une fois par an ou tous les semestres, étudier avec eux comment faire passer un message. Encore faut-il sélectionner les liens, mais les jeunes adorent cela. C'est une suggestion...

Mme Marie-Agnès Besnard . - Il faut utiliser les moyens de communication qu'utilisent les jeunes, qui disposent tous d'un portable et d'Internet mais ne regardent plus guère les journaux télévisés, à propos desquels il y aurait également beaucoup à dire. Certaines émissions sont assorties du carré blanc mais on pourrait aussi l'attribuer à quelques séquences diffusées dans les journaux télévisés !

Mme Virginie Klès, sénatrice . - Indépendamment des médias utilisés et du message à faire passer, on sait que l'information ne suffit pas à la prévention. J'ai trois enfants de 18, 20 et 22 ans. A chaque fois que j'évoque ce sujet, ils me répondent qu'on leur en a déjà parlé et qu'ils savent déjà tout ce que je leur dis. S'ils n'y touchent pas plus qu'ils n'y touchent, c'est surtout une question d'éducation.

Pour ce qui est des parents, il s'agit plus d'une aide à la parentalité afin d'apprendre à savoir dire non. Il faut les convaincre que ce n'est pas parce qu'ils refusent quelque chose à leur enfant que celui-ci ne va plus les aimer ! C'est un discours que j'entends souvent lorsque je reçois des parents de ma commune dont les enfants se sont mis en danger ! Comment faire ?

Mme Béatrice Magdelaine . - Il existe des plaquettes qui sont diffusées dans les collèges mais les adolescents en parlent rarement. Qu'en fait-on et comment utilise-t-on ces outils ?

Il en va de même pour les parents, pour qui un accompagnement est nécessaire. Ces documents ne servent à rien sans cela !

M. Thierry Vidor . - Le problème de l'addiction est soit l'oisiveté, soit la solitude. On trouve beaucoup de jeunes qui se retrouvent seuls dans leur chambre le soir et d'autres qui, ne se retrouvant pas en famille, sortent et se retrouvent dans des groupes. Cette oisiveté ou cette solitude est mère de toute addiction, par un effet d'entraînement.

Beaucoup de jeunes ressentent un mal-être existentiel -normal à cet âge- qu'il faut compenser. Autrefois, des structures existaient : aujourd'hui, ne pourrait-on augmenter le nombre de structures sportives, voire culturelles ? Il existe très peu de clubs de football ou de clubs de sport dans notre pays. Or, l'entraîneur perçoit tout de suite les problèmes. C'est aussi une partie de la réponse à ce problème...

M. Henri Joyeux . - Si les parents craignent que leur enfant ne les aime plus s'ils lui disent non, il faut leur dispenser une formation à la parentalité. Nous demandons que soit créé un statut parental qui comprendrait ce type de formation.

Que signifie être parent ou responsable d'un enfant ? Est-ce lui passer tous ses caprices pour lui prouver qu'on l'aime ou l'aider à se construire en lui montrant les limites à ne pas franchir ? Il ne s'agit pas d'autorité mais d'amour. Nos parents nous faisaient obéir à la baguette. On désobéissait d'ailleurs souvent ! Aujourd'hui, il faut dialoguer avec les jeunes. Si nous les aimons, nous devons le faire davantage.

S'agissant des médias, il faut que les parlementaires nous aident pour leur imposer un temps de parole destiné à la prévention contre la drogue ou autres sujets. Si les gens rient, ils n'en retiendront que mieux les messages concrets destinés à leur vie quotidienne. Nous avons quant à nous confiance dans cette façon de voir...

Mme Brigitte Bout, sénatrice . - On a le même problème avec les médias pour ce qui est de l'obésité : on a du mal à faire passer les messages !

Mme Béatrice Magdelaine . - Un dernier point me semble important : il s'agit du fait de pouvoir acquérir n'importe où des graines de cannabis, comme sur Internet par exemple ! 25 graines de cannabis coûtent 25 €. En huit semaines, vous pouvez obtenir 25 g de feuilles ! Ces graines sont également en vente libre dans les bonnes graineteries !

M. Henri Joyeux . - Le sujet n'étant ni de droite, ni de gauche, on va pouvoir avancer ensemble !

Mme Marie-Agnès Besnard . - Le cannabis pousse partout !

M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - Merci.

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