MERCREDI 1ER JUIN 2011

Présidence de M. François Pillet, sénateur, coprésident, et de
M. Serge Blisko, député, coprésident

Audition de M. Paul Louchouarn, directeur de l'établissement pénitentiaire de Fleury-Mérogis

M. François Pillet, coprésident pour le Sénat . - Nous accueillons M. Paul Louchouarn, directeur de l'établissement pénitentiaire de Fleury-Mérogis.

Monsieur Louchouarn, vous avez dirigé plusieurs établissements d'incarcération avant d'arriver à la tête de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis. La mission n'a pas encore entendu de spécialistes sur la problématique des drogues en prison, sujet sur lequel nous souhaiterions connaître la façon dont vous traitez cette question.

M. Paul Louchouarn . - Deux aspects sont importants en la matière. Le premier est le risque de trafic qui concerne avant tout la résine de cannabis et, de façon beaucoup plus marginale l'héroïne ou la cocaïne. Le second est celui de la prise en charge de l'addiction qui constitue un point commun entre l'alcool, les drogues dures et, dans une moindre mesure, la résine de cannabis car je n'ai pas le sentiment que les responsables de santé sont fortement mobilisés par ce dernier type d'addiction.

L'existence potentielle de trafic à l'intérieur de l'établissement, du fait du phénomène d'introduction et de consommation de produits stupéfiants, est une réalité à laquelle nous sommes confrontés ; elle a des influences sensibles sur les phénomènes de violence dans l'établissement.

Il s'agit avant tout de trafic de résine de cannabis. Comment entre-t-elle dans un établissement pénitentiaire ? Différents vecteurs sont possibles. Le plus évident réside dans l'introduction de produits stupéfiants par les familles à l'occasion des parloirs. Cela peut paraître surprenant, le principe voulant que toute personne ayant eu un contact avec la famille au parloir fasse l'objet d'une fouille intégrale à la sortie. L'expérience démontre en fait que les fouilles peuvent être faites sérieusement ou de façon plus approximative.

Il existe une résistance potentielle des détenus face au fait de se déshabiller et de laisser voir des parties intimes de leur anatomie. C'est une situation qui n'est pas facile à gérer pour le personnel et qui peut parfois donner lieu à des moments de faiblesse de la part des agents. Si les détenus s'en aperçoivent, ils feront entrer les produits en se les scotchant à des endroits où ils sont à peu près certains que les agents n'iront pas regarder.

Même si on peut se louer du sérieux du travail des agents, l'expérience prouve que cela ne règle pas le problème : si les agents font correctement leur travail et que les détenus ont le sentiment que quoi que ce soit de visible sur le corps ne pourra passer, ils utiliseront d'autres moyens contre lesquels les agents ne peuvent lutter : ingestion puis évacuation par les voies naturelles et tri en cellule ou introduction dans l'anus.

Par ailleurs, toutes les personnes entrant dans un établissement pénitentiaire - enseignants, personnels soignants, étudiants du GENEPI, concessionnaires des ateliers - peuvent faire pénétrer des produits stupéfiants d'autant que les moyens de détection à l'intérieur de l'établissement concernent avant tout les masses métalliques.

Le troisième vecteur auquel on pense le moins est le personnel. C'est une réalité : on a surpris à plusieurs reprises des agents impliqués dans des trafics avec la population pénale, soit de téléphones portables, soit de produits stupéfiants.

Le quatrième vecteur qui a tendance à se développer est la projection extérieure : il s'agit d'un trafic organisé avec l'extérieur, les portables ayant largement permis le développement de ce type de procédure. Des personnes extérieures s'approchent du mur d'enceinte et projettent des produits de préférence le long des façades. Cela donne ensuite lieu à tout un jeu de récupération avec ce que les détenus appellent eux-mêmes des cannes à pêche. On trouve des stupéfiants, des portables, parfois même de la viande crue, des plaques chauffantes !

Dans la majeure partie des cas, ce sont souvent les détenus les plus faibles qui sont impliqués dans ces trafics, les têtes de réseaux ne s'y investissent pas ; ce sont de pauvres gars que l'on force à aller chercher les produits au parloir ou, durant la promenade, à escalader les grillages pour récupérer ce qui a été projeté dans les zones neutres. S'ils ne le font pas, ils subissent des violences, ce qui constitue un phénomène préoccupant.

Les moyens de lutte sont limités. J'en veux pour preuve l'escalade de la violence à laquelle on a pu assister depuis une quinzaine d'années dans ce domaine. On a apporté des réponses pénitentiaires, judiciaires parfois. Les parquets ont bien souvent été réactifs par rapport aux découvertes de produits stupéfiants ou de portables, et ont prononcé des peines. Le détenu surpris avec des stupéfiants est bien souvent une « mule » qui, s'il est pris, perd ses remises de peines, ses perspectives d'aménagement et récolte des mois de prison supplémentaires ainsi qu'un séjour au quartier disciplinaire. Certains ont donc refusé de prendre ces risques et le niveau de pression a augmenté. On a ainsi pu assister à des phénomènes extrêmement violents, organisés en cours de promenade pour mutiler des détenus à vie. Lors d'une agression à la maison d'arrêt de Villefranche, que je dirigeais alors, un détenu a ainsi perdu un oeil.

D'autres agressions graves de ce type ont eu lieu. Lorsque j'étais chef d'établissement à la maison d'arrêt de Saint-Etienne, j'avais mis en oeuvre un système de retenue des familles jusqu'à ce que les détenus soient fouillés. Si l'on trouvait quelque chose, la famille du détenu faisait l'objet d'une procédure de police qui pouvait parfois avoir des suites.

Ce mode opératoire a été abandonné à l'époque mais je n'ai pu, après coup, m'empêcher de faire un lien entre cette mesure et l'agression d'un agent travaillant au parloir, le 27 juillet 2000. Il a pris deux décharges de chevrotine à bout portant dans le genou. Il a perdu une jambe et a failli perdre la vie. Même si l'enquête judiciaire n'a jamais abouti, il s'agissait là d'un avertissement de ceux qui dirigeaient le trafic de stupéfiants dans l'établissement.

C'est un phénomène qui pèse aujourd'hui sur les établissements, essentiellement autour de la résine de cannabis. Je n'ai pas le souvenir de découvertes significatives de drogues dures en établissement pénitentiaire. On trouve souvent de la poudre et on la fait toujours analyser mais je n'ai jamais vu un résultat positif sur un retour d'analyses, même s'il est extrêmement difficile de trouver un ou deux grammes d'héroïne dans une cellule. Certains psychiatres m'ont toutefois dit qu'ils avaient eu l'occasion d'être confrontés à des situations où des détenus sont devenus dépendants durant leur séjour, ce qui laisse supposer que ce type de trafic peut exister - mais ce n'est pas le sujet majeur pour un chef d'établissement pénitentiaire.

La confrontation des professionnels de l'administration pénitentiaire aux addictions concerne surtout la prise en charge des détenus arrivant en maison d'arrêt, avec le risque de décompensation lié à un état de manque dans les premières heures de l'incarcération ; celle-ci intervient très souvent après une phase de garde à vue pendant laquelle on peut être certain que le détenu n'a pu consommer. L'état de manque est donc déjà bien avancé quand le détenu arrive dans l'établissement pénitentiaire.

A Fleury-Mérogis, il existe un dispositif que je considère satisfaisant en matière de prise en charge des addictions et des états de manque à l'arrivée, avec un entretien systématique dans les vingt-quatre premières heures et une évaluation par des professionnels de santé spécialisés du CSAPA. Ils effectuent une évaluation et peuvent même réaliser une analyse d'urine en cas de doute après discussion avec le détenu. Un protocole de soins est alors mis en oeuvre pour remédier à ces phénomènes d'addiction.

Ce dispositif n'existe pas le week-end mais une évaluation rapide de la situation d'un détenu entrant est rapidement effectuée, avec analyse d'urine par bandelette si le détenu déclare qu'il est en situation de manque afin de vérifier des traces de traitement de substitution dans les urines. S'il y en a, cela peut laisser supposer que le détenu faisait l'objet d'un soin de substitution antérieur. Une prescription est alors établie pour le week-end, en attendant une évaluation complète dès le lundi. Ceci nous évite d'être confrontés à des explosions de violence liées à des états de manque.

A Fleury-Mérogis, 235 détenus par mois en moyenne font l'objet d'une prescription de Subutex et 66 de méthadone. 300 détenus par mois, en moyenne, bénéficient donc d'un traitement de substitution, soit 8 % des détenus.

M. Serge Blisko, coprésident pour l'Assemblée nationale . - S'agit-il de détenus sous traitement de substitution avant l'arrivée en maison d'arrêt ?

M. Paul Louchouarn . - Je n'ai pas de détail entre ceux faisant déjà l'objet d'un traitement de substitution avant d'entrer et ceux qui voient le traitement enclenché après l'arrivée dans l'établissement.

On note, depuis 2006, une baisse de l'ordre de 50 % du nombre de prescription de Subutex.

M. Serge Blisko, coprésident pour l'Assemblée nationale . - Vous êtes bien les seuls !

L'alcool et le vin sont-ils interdits dans le règlement intérieur ?

M. Paul Louchouarn . - Aucune boisson alcoolisée n'est distribuée en établissement pénitentiaire. Jusqu'au milieu des années 1990, on distribuait des bières légèrement alcoolisées qui ont été supprimées du fait de trafics de détenus qui faisaient commander des bières par d'autres et qui les rassemblaient en cellule, celles-ci étant contingentées. L'administration a préféré mettre fin à cette possibilité. Aucune boisson alcoolisée n'est plus distribuée lors des repas, ni autorisée dans le cadre d'achats extérieurs au titre des produits de cantine.

Les détenus qui souhaitent absolument consommer un dérivé alcoolique en sont souvent réduits à concocter eux-mêmes des mélanges pour essayer de retrouver un état proche de l'ivresse. Les résultats sont parfois surprenants : un détenu a un jour mélangé du Coca-Cola avec du gel de combustion. Il a été évacué vers l'hôpital dans un état second, bien au-delà de ce qu'il avait dû imaginer au départ !

Mme Françoise Branget, corapporteure pour l'Assemblée nationale . - Vous avez parlé des personnes sous traitement de substitution. En surprenez-vous certaines à se faire des injections de produits ?

M. Paul Louchouarn . - C'est extrêmement marginal.

M. Serge Blisko, coprésident pour l'Assemblée nationale . - Les comprimés de Subutex sont-ils bien distribués à l'infirmerie en présence du personnel de l'administration ?

M. Paul Louchouarn . - Les chiffres dont je dispose sont ceux que me transmettent les services médicaux mais nous ne sommes pas censés savoir qui reçoit un traitement de substitution. On sent là les limites du secret médical en établissement pénitentiaire car le protocole de soins autour du Subutex fait qu'il existe en général un accompagnement dans la prise du produit. Les détenus qui bénéficient de ce type de traitement sont acheminés tôt le matin au service médical. Les personnels - mais aussi les autres détenus - savent qui sont les détenus qui descendent à l'infirmerie pour recevoir le traitement de Subutex. Ceux-ci peuvent faire l'objet de sollicitations pour le ramener et le remettre à d'autres à l'intérieur des bâtiments. Les détenus sous Subutex font mine d'avaler leur comprimé et le mettent en fait dans un papier aluminium pour le monnayer ensuite. Il existe donc des risques de trafics et de dérives.

Le personnel de santé fait ce qu'il peut et il est difficile de lui en demander plus. Si le détenu fait semblant de l'avaler pour le conserver dans la bouche et le ressortir ensuite, c'est imparable.

Mme Françoise Branget, corapporteure pour l'Assemblée nationale . - Les associations militent pour une distribution de seringues en prison. Pensez-vous que l'échange de seringues y soit nécessaire ?

M. François Pillet, coprésident pour le Sénat . - Cela signifierait qu'il existe des seringues non-saisies qui servent à s'auto-injecter des produits...

M. Paul Louchouarn . - Cela fait dix-sept ans que je travaille en établissement pénitentiaire : on y trouve de tout ! On arrive même à trouver quelques grammes de hachisch. Si l'on trouvait des seringues en grosse quantité, je le saurais ! Un détenu ne peut indéfiniment cacher des seringues dans sa cellule !

Nous sommes extrêmement vigilants, notamment en matière de traitement des détenus diabétiques, dont certains sont amenés à se piquer eux-mêmes. On a longuement hésité face au risque de détournement mais on a choisi cette pratique dans un certain nombre de cas, en surveillant que les choses se passent bien. Je n'imagine pas une seule seconde qu'il existe des détentions massives de seringues, avec un risque d'utilisation par plusieurs utilisateurs et de contaminations virales -VIH ou autres !

J'ai déjà entendu cette revendication de certaines associations. Je l'estime complètement décalée par rapport à la réalité du fonctionnement d'un établissement pénitentiaire. Selon moi, ce n'est pas un sujet en soi !

M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - Personne ne se pique donc ?

M. Paul Louchouarn . - Je ne puis vous l'affirmer ; par contre, je n'ai pas le souvenir, ces trois dernières années, que l'on ait trouvé une seringue à Fleury-Mérogis !

M. Serge Blisko, coprésident pour l'Assemblée nationale . - Cela ne vous est jamais arrivé à Fleury-Mérogis ?

M. Paul Louchouarn . - Si c'est le cas, on ne m'en a pas parlé. Lorsque les agents trouvent quelque chose, cela fait généralement grand bruit et les organisations professionnelles s'en saisissent. Cela ne peut pas ne pas se savoir !

Les cent soixante personnels de santé de Fleury-Mérogis voient des détenus à longueur de journée. Le responsable du pôle santé est en face de mon bureau. Jamais il n'est venu me voir au sujet de seringues trouvées en détention. Je ne l'imagine pas une seconde.

M. Serge Blisko, coprésident pour l'Assemblée nationale . - Le service de santé, que j'ai récemment visité, est en effet impressionnant !

M. Paul Louchouarn . - Quand un détenu présente des traces de coups que nous n'aurions pas détectées, il nous le signale. Pourquoi ne nous signalerait-il pas un détenu qui se pique ?

M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - Comment la distribution de Méthadone se passe-t-elle ?

M. Paul Louchouarn . - J'ai moins de connaissances précises sur ce sujet...

M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - Ce sont bien 66 personnes qui sont sous Méthadone ?

M. Paul Louchouarn . - En effet. Je pars du principe que cela se fait de la même façon que pour le Subutex, au sein même des locaux de l'UCSA mais j'ai moins entendu parler de problèmes autour de la distribution de Méthadone qu'autour de la distribution de Subutex...

M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - N'avez-vous jamais eu d'accidents liés à la Méthadone dans l'établissement ?

M. Paul Louchouarn . - D'accidents liés à un problème de dosage ? Non, pas à ma connaissance...

M. Serge Blisko, coprésident pour l'Assemblée nationale . - On parle de trafics de médicaments psychotropes, que l'on donne à des détenus atteints d'angoisse, de dépression... Ces médicaments sont largement distribués par le service médical dans des conditions plus habituelles que pour les autres traitements. On dit qu'on les pile pour en faire une sorte de « drogue du pauvre »...

M. Paul Louchouarn . - Tout se trafique dans un établissement pénitentiaire, le traitement médical comme le reste. On a 3 000 prescriptions par mois de médicaments divers et variés. Certains détenus sont capables de gérer leur traitement sur plusieurs jours et sont parfaitement autonomes ; d'autres arrêtent les médicaments, s'en servent comme monnaie d'échange ou se font racketter avec ou sans violences.

Il y a des phénomènes d'accumulation qui servent dans un certain nombre de cas aux tentatives de suicide. C'est un vrai sujet de préoccupation.

M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - Comment cela se passe-t-il pour les insulinodépendants ?

M. Paul Louchouarn . - Il en existe différents types : soit ils gèrent eux-mêmes leur traitement en cellule...

M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - Se piquent-ils eux-mêmes ? Ils disposent de seringues !

M. Paul Louchouarn . - Oui, c'est ce que j'ai expliqué. Cela se fait en lien étroit avec les services médicaux du bâtiment...

M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - Il s'agit bien de seringues à insuline ?

M. Paul Louchouarn . - Oui...

M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - Cela suffit...

M. Serge Blisko, coprésident pour l'Assemblée nationale . - Le service médical récupère-t-il la seringue ?

M. Paul Louchouarn . - Oui. Il existe un suivi et un accompagnement. Le personnel pénitentiaire est informé qu'il existe du matériel dans telle ou telle cellule. On est davantage confronté à la difficulté de mise en oeuvre de ce type de traitement - car il existe un risque que le personnel le confisque - qu'à une indifférence ou à un manque de vigilance en la matière.

On s'est entouré de précautions quand on a permis à ces traitements d'être réalisés en cellule par le détenu. L'administration pénitentiaire reste cependant attentive : un agent peut se faire crever un oeil à travers l'oeilleton de la porte. On peut tout imaginer. L'administration pénitentiaire, d'une manière générale, aime bien se faire peur et échafaude tous les scénarios possibles. C'est pourquoi je ne crois pas à la présence de seringues que personne ne verrait !

M. François Pillet, coprésident pour le Sénat . - Quelle est la part des détenus qui souffrent du VIH ou d'hépatites ?

M. Paul Louchouarn . - Je ne sais pas qui est concerné mais on doit en avoir le nombre...

Selon le rapport d'activité du service médical, « en 2010, 65 patients différents ont fait l'objet de délivrance d'antiviraux par la pharmacie ; 30 patients en moyenne par mois ont reçu un traitement antiviral. On note une baisse de 27 % du nombre de patients moyens traités pour une infection au VIH ».

M. François Pillet, coprésident pour le Sénat . - Apparemment, la population toxicomane en prison diminue donc...

M. Paul Louchouarn . - Je n'ai que les chiffres de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis et non les chiffres nationaux.

On est passé en 2006 de 318 détenus sous Buprénorphine haut dosage à 235 en 2010. Cependant, on comptait 52 traitements par Méthadone en 2006, 69 en 2007, 58 en 2008, 59 en 2009, 66 en 2010. La variation annuelle paraît normale alors que le Subutex est en diminution sensible.

M. Serge Blisko, coprésident pour l'Assemblée nationale . - On touche là du doigt les difficultés de ce fameux secret médical partagé, dont on a beaucoup parlé au moment de la loi pénitentiaire. Le secret médical existe mais il faut aussi tenir compte de la vie de tous les jours.

Vos informations vous font-elles penser qu'il y aurait plus de gens atteints du VIH que ce qui est annoncé - même si certains ne sont pas encore sous traitement - les détenus cachant ce type d'affection quand ils arrivent en prison ?

M. Paul Louchouarn . - C'est très difficile à percevoir. Si je puis citer des chiffres de détenus concernés, on a en revanche la plus grande difficulté pour identifier les détenus en question ou faire des analyses. C'est impossible.

Selon moi, la problématique du secret médical en prison n'est pas celle du VIH ou de l'hépatite. On a adopté des comportements professionnels depuis quinze ou vingt ans : les agents, dans toutes les situations, quel que soit le détenu, doivent agir comme si ce dernier était atteint d'une maladie de ce type. Il existe un protocole pour interventions avec risques d'exposition au sang, que les agents ont assez bien intégré. Ils mettent des gants, prennent garde en cas de fouille, etc. On n'intervient plus n'importe comment dans une situation présentant un risque d'exposition au sang.

A Fleury-Mérogis, on effectue 1 600 sorties par an pour emmener un détenu à l'hôpital. C'est un agent pénitentiaire qui fait quotidiennement les listes des détenus admis au service médical. Certains vont voir tel ou tel spécialiste. Il y a donc un minimum d'interférences qui font que le secret médical n'est pas le dogme que l'on pourrait imaginer. On s'appuie néanmoins dessus pour expliquer que l'on ne peut donner d'informations à l'administration pénitentiaire lorsqu'elle veut mieux prendre le détenu en charge, l'accompagner dans son parcours pénitentiaire et préparer son aménagement de peine.

On a besoin d'un avis éclairé de tous les acteurs qui interviennent dans la prise en charge du détenu. On ne demande pas à connaître le dossier médical, ni à savoir de quelle pathologie souffre tel ou tel détenu mais à avoir un conseil d'un médecin sur la façon de construire un aménagement de peine afin d'éviter que le SPIP ne travaille sur une hypothèse pendant que le médecin travaille sur une autre. Il est dommage de se heurter à ce genre de situation. Les agents ont compris qu'ils n'avaient pas besoin de savoir de quelle pathologie souffrait le détenu dès lors qu'ils se protègent en amont.

Il existe des situations particulières : tuberculose, gale, expositions au sang. Quand le sang d'un détenu qui s'est coupé et se débat est projeté dans l'oeil d'un agent, dans huit cas sur dix - sans que j'intervienne en aucune manière - le service médical arrive à rassurer le surveillant en lui disant qu'il ne risque rien...

Le discours sur le secret médical ne correspond pas à la réalité. Alors que l'essentiel est admis par tous les acteurs, on passe à côté de ce qui fait la base du travail pluridisciplinaire de chacun en matière de prise en charge des détenus.

M. Gilbert Barbier, corapporteur pour le Sénat . - Combien de détenus sont-ils incarcérés à Fleury-Mérogis pour trafic de drogues ?

M. Paul Louchouarn . - Environ 20 % - mais il faut que la condamnation figure sur la fiche pénale. Un détenu peut être incarcéré pour vol, ce qui ne l'empêche pas d'être par ailleurs impliqué dans des trafics.

M. François Pillet, coprésident pour le Sénat . - Merci de nous avoir fourni tous ces renseignements.

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