Audition de Mme Nadine CRINIER,
directrice régionale de Pôle emploi Bretagne
(mercredi 27 avril 2011)

M. Claude Jeannerot, président . - Nous accueillons à présent Mme Nadine Crinier, directrice régionale de Pôle emploi Bretagne, que nous avons invitée sur la suggestion de notre collègue M. Ronan Kerdraon, sénateur des Côtes d'Armor. Vous présentez la caractéristique d'avoir, à la fois, une vision globale de Pôle emploi, où vous avez occupé la fonction de directeur du cabinet du directeur général, M. Christian Charpy, et une bonne connaissance de l'institution au niveau régional. Nous sommes notamment intéressés par la question de l'organisation territoriale du service public de l'emploi et nous essayons de comprendre comment l'ensemble des acteurs de l'emploi pourraient travailler ensemble plus efficacement.

Mme Nadine Crinier, directrice régionale de Pôle emploi Bretagne . - J'interviendrai dans un premier temps sur la fusion. Comment ai-je vécu la fusion entre l'ANPE et les Assedic ? J'ai travaillé vingt-cinq ans à l'ANPE où j'ai occupé la quasi-totalité des postes opérationnels susceptibles de l'être au sein de cette structure. L'enjeu de la fusion a d'abord été de constituer des équipes unifiées pour délivrer un premier niveau de service, au sein d'un même lieu. Pôle emploi compte aujourd'hui quarante-deux sites en Bretagne, contre soixante-deux auparavant pour l'ANPE et les Assedic.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Quelle était la part respective du personnel de l'ANPE et des Assedic en Bretagne ?

Mme Nadine Crinier . - Les sites ne couvraient pas nécessairement les mêmes périmètres géographiques. Mais les effectifs se répartissaient, globalement, entre deux tiers pour l'ANPE et un tiers pour les Assedic.

Le premier projet a donc consisté à rassembler les services et le management dans des sites communs. Ce travail a été réalisé alors que le chômage augmentait fortement, ce qui a entraîné le traitement d'un nombre considérable d'inscriptions.

Même si les Assedic et l'ANPE côtoyaient le même public, les cultures des deux structures étaient assez différentes. Au sein des Assedic, les salariés avaient surtout une formation en comptabilité et en gestion. Les agents de l'ANPE ont plutôt effectué un parcours universitaire, avant d'intégrer la structure dès leur premier emploi. Du point de vue du métier, les règles du régime d'assurance chômage imposaient aux agents des Assedic des limites strictes dans leurs relations avec les demandeurs d'emploi, alors que les agents du placement pouvaient avoir le sentiment d'une plus grande latitude dans leurs rapports avec les demandeurs d'emploi.

Dès 2010, nous nous sommes recentrés sur la délivrance des services aux demandeurs d'emploi et aux entreprises : 130 000 contacts et 30 000 visites en entreprises ont été réalisés cette année-là, ainsi qu'un million d'entretiens avec les demandeurs d'emploi ; nous avons procédé à 300 000 entretiens d'inscriptions, auxquels s'ajoutent les entretiens de suivi. Le niveau d'activité a donc été très soutenu à une époque où la conduite du changement était importante.

En Bretagne, nous avons décidé que le directeur et le directeur-adjoint de chaque agence seraient nécessairement issus, l'un de l'ANPE, l'autre des Assedic, ou inversement, afin qu'il n'y ait pas de perte de repères pour les agents. Cette situation constituait un atout au démarrage, mais il est désormais important que le directeur joue pleinement son rôle. Nous redéfinissons donc aujourd'hui les rôles de chacun, alors que nous avions auparavant plutôt une responsabilité partagée, un collaborateur pouvant avoir un référent différent selon la question posée. Nous créons de nouveaux repères, le directeur intervenant de plus en plus sur les partenariats dans les territoires.

Une convention collective est entrée en vigueur en janvier 2010, ce qui a contribué à fédérer les équipes. En Bretagne, 70 % des agents sont sous statut privé, la moyenne nationale d'agents sous ce statut étant de 60 %.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Les 30 % restants relèvent donc du statut public ?

Mme Nadine Crinier . - Oui. Les personnes sous statut public espèrent parfois un avancement plus rapide et considèrent qu'il ne serait pas avantageux pour elles d'opter pour le statut privé.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Pourriez-vous préciser ce point ? L'avancement rapporte peut-être quelques dizaines d'euros supplémentaires alors que le salaire des agents de droit privé est souvent supérieur de 15 % à 20 % à celui des agents de droit public.

Mme Nadine Crinier . - L'avancement dans le statut public rapporte plus de quelques dizaines d'euros. Il s'agit d'un avancement qui s'effectue tous les deux ans et qui peut avoir un impact important pour ceux qui ont beaucoup d'ancienneté. Un autre élément qui peut expliquer le choix de conserver ce statut est lié à un attachement au service public ou à une représentation du statut de l'emploi public. Les personnels qui relèvent du statut public sont agents contractuels de l'Etat. Lors de l'annonce, fin 2010, d'une baisse des effectifs, un attachement à la sécurité de l'emploi s'est manifesté.

Nous avons également conclu, en février 2011, un accord régional sur l'organisation du temps de travail en Bretagne, qui est une déclinaison de l'accord national sur ce sujet. Cet accord est structurant car, auparavant, les agents de Pôle emploi relevaient d'horaires de travail différents.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Les droits des salariés de statut public diffèrent-ils de ceux de droit privé en matière de temps de travail ?

Mme Nadine Crinier . - L'accord sur le temps de travail vient justement d'unifier les règles, quel que soit le statut des salariés. Nous avons également fait évoluer la classification des métiers avec deux référentiels métiers.

Pour citer un autre élément fédérateur, nous avons déployé l'entretien d'inscription et de diagnostic (EID) dans cinq sites bretons. Le fait d'avoir ce projet de service constitue un levier qui nous permet de susciter des échanges entre les agents autour du métier.

En ce qui concerne l'offre de services, nous avons, en avril 2010, intégré cinquante-huit agents de l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) au sein de Pôle emploi Bretagne. Ils nous ont permis de compléter l'offre de services des agences spécialisées : contrat de transition professionnelle (CTP) ou convention de reclassement personnalisé (CRP), selon les bassins d'emploi, équipes d'orientations spécialisées des psychologues de l'Afpa, plates-formes de vocations en vue d'orienter les demandeurs d'emploi en fonction des besoins des entreprises.

Nous avons développé, à la fin de l'année 2010, un nouvel outil de stratégie commerciale visant à mieux segmenter les entreprises et à faire le lien entre les demandeurs d'emploi et les offres d'emploi. Nous avons également remis en place le suivi mensuel personnalisé, qui bénéficie aux demandeurs d'emploi à partir de leur quatrième mois d'inscription au chômage. En 2011, notre objectif est que 45 % des demandeurs d'emploi en Bretagne en bénéficient, contre 39 % actuellement. Les conseillers ont, en moyenne, un portefeuille de cent deux personnes. Le taux de chômage en Bretagne s'élève à 7,6 %, mais avec de grandes disparités selon les bassins d'emploi, de 4 % ou 5 % dans certains territoires, jusqu'à 9,2 % à Auray.

En 2009, nous avons financé pour 15 millions d'euros de sessions de formation en lien avec la région, pour près de 5 500 bénéficiaires. En 2010, 9 000 bénéficiaires ont bénéficié de 20 millions d'euros de dépenses de formation, grâce à des cofinancements apportés par la région, les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) et les branches. Ces sessions ont permis d'atteindre un taux de reclassement de 80 % à l'issue des formations. Ces formations sont fortement liées au marché du travail et visent surtout une adaptation aux besoins des entreprises, en complément des formations qualifiantes proposées par la région. Ce système a permis de trouver des réponses au niveau local, en lien avec les plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie) et les maisons de l'emploi.

En ce qui concerne la déconcentration des services de Pôle emploi, je rappelle que l'offre de services de Pôle emploi s'applique dans l'ensemble du territoire, de la manière la plus homogène possible. Toutefois, le futur cahier des charges prévoit de donner plus de souplesse, notamment pour repérer les publics en difficulté et adapter l'appui susceptible de leur être proposé, c'est-à-dire personnaliser le service en lien avec la problématique de chaque public et de chaque bassin d'emploi. Par ailleurs, la programmation de nos moyens est annuelle, qu'il s'agisse des ressources humaines ou des budgets d'intervention et de formation. Une programmation pluriannuelle nous donnerait plus de lisibilité et nous serait utile pour inscrire nos partenariats dans la durée.

La mission majeure d'un directeur régional est de garantir le service le plus approprié aux demandeurs d'emploi. Nous avons chaque année un dialogue de performance avec la direction générale, qui donne des orientations stratégiques déclinées au niveau régional. Le directeur régional s'interroge sur la manière de mettre en oeuvre ces orientations. En 2010, le dialogue de performance a associé l'ensemble de la ligne managériale à l'élaboration des objectifs pour 2011, en vue de créer de l'adhésion et d'obtenir une action plus homogène sur le territoire. La conduite de ce dialogue de performance aboutit à la conclusion d'un contrat de performance, qui alloue aux directeurs régionaux, puis aux niveaux départemental et local, les moyens en termes d'effectifs et de budget pour atteindre nos objectifs.

Concernant l'appui dont peut bénéficier Pôle emploi au niveau régional, je rappelle qu'il existe une instance paritaire régionale, composée de représentants des partenaires sociaux. Son rôle consiste surtout à veiller à la bonne application de la convention d'assurance chômage. Mais elle nous apporte également un soutien dans nos relations avec les entreprises. Lors du transfert du recouvrement à l'Urssaf, la présence du président de l'Urssaf au sein de l'instance paritaire nous a aidés à avoir une approche régionale et à conduire une opération globale dans les quatre départements bretons. Un autre exemple très concret de notre collaboration porte sur le plan de formation. Nous programmons les formations par semestre et les présentons à notre instance paritaire, qui peut nous donner des indications sur les besoins des entreprises, ce qui permet ensuite de faire évoluer le plan de formation. L'instance paritaire vote enfin sur la convention bipartite qui régit les rapports entre Pôle emploi et l'Etat sur le territoire.

En termes de ressources, Pôle emploi comprend, en Bretagne, un effectif de 1 900 personnes. En 2010, Pôle emploi Bretagne comptait 126 salariés en CDD et cinquante trois en contrats aidés. Le taux d'absentéisme s'élève à 4,5 % en 2010, contre 4 % à 6 % au cours des dernières années. Soixante-trois nouveaux salariés ont été intégrés en 2010, dont quarante-six étaient auparavant en CDD et huit en contrats aidés ; les autres salariés qui nous ont rejoints sont arrivés d'autres régions. Nous avons délivré 76 000 heures de formation, chiffre en augmentation de 36 % par rapport à l'année 2009. Il est important de travailler sur les compétences des agents de Pôle emploi qui demandent à bénéficier de ces formations.

Trois priorités ont été définies pour la région Bretagne en 2011 :

- assurer une cohérence des réponses, tant sur l'accueil physique que sur l'accueil téléphonique, en préparant une réponse unique quelle que soit l'origine de l'agent, pour le premier niveau de réponse. A l'heure actuelle, près de la moitié des sites ont réussi à instaurer ce premier niveau de réponse homogène. Cet objectif suppose d'accompagner les conseillers sur les réponses à apporter et de les convaincre qu'ils sont en capacité de le faire ;

- mettre en place l'EID, dont le déploiement s'achèvera en novembre 2011, et améliorer le suivi mensuel personnalisé. En 2009, il fallait patienter 230 jours entre le moment où un besoin de formation était exprimé et validé et l'entrée en formation, contre 189 jours en 2010. Il est essentiel de réfléchir aux problématiques des demandeurs d'emploi afin de raccourcir ces délais et d'apporter une offre structurée au niveau des territoires ;

- la stratégie commerciale : rechercher des offres d'emploi pour les demandeurs d'emploi que nous connaissons mieux grâce à un suivi plus régulier.

Lors de la première année de la fusion, dans un contexte de montée du chômage, il a fallu expliquer la situation pour s'adapter et répondre aux besoins des demandeurs d'emploi. Un travail important doit encore être accompli pour donner de nouveaux repères aux agents et expliquer les nouvelles pratiques professionnelles, en rencontrant les managers de terrain pour qu'ils puissent relayer notre action. Chaque trimestre, nous organisons des séminaires avec la ligne managériale et nous nous déplaçons sur le terrain pour expliquer notre stratégie.

En ce qui concerne le maillage territorial, nous cherchons à nouer des partenariats pour compléter notre offre de services. Certains demandeurs d'emploi ont des problèmes qui ne peuvent être traités avec les outils dont dispose Pôle emploi. Il est alors important de pouvoir solliciter la mission locale, le Plie, ainsi que l'ensemble des acteurs, afin de trouver des réponses complémentaires.

En Bretagne, nous avons une convention annuelle avec la région qui définit notre contribution au programme régional d'actions de formation. Nous adressons chaque semaine à la région la liste des actions que nous conventionnons, afin que nos actions respectives soient cohérentes. Nous veillons à ce que les formations soient adaptées aux besoins de recrutement des entreprises, ce qui suppose des remontées de terrain sur ces besoins. La convention aborde également la question des cofinancements pour multiplier les actions.

Nous avons également des conventions avec les conseils généraux, qui portent sur l'orientation des bénéficiaires de minima sociaux et la mise à disposition de personnels, afin de renforcer l'accompagnement vers l'emploi de ces publics.

Nous avons également des conventions avec les missions locales et les Cap emploi, ainsi qu'avec les branches et les Opca, ce qui permet de démultiplier l'offre de formations et les contrats en alternance.

M. Claude Jeannerot, président . - Je vous remercie pour cette première intervention. Je salue M. Jean-Luc Reicher, votre directeur adjoint, qui vous accompagne. Je voudrais me faire l'écho de deux critiques, auxquelles vous avez déjà en partie répondu, que nous avons souvent entendues concernant Pôle emploi.

Pôle emploi est d'abord confronté à un traitement de masse du chômage, qui impose de mettre en place des organisations de travail efficaces. Cette situation est conjuguée, en 2011, à une baisse des moyens alloués à Pôle emploi, dans un contexte de chômage élevé. Beaucoup de conseillers estiment que cette situation a abouti à un travail taylorisé et organisé de manière erratique, pour faire face aux flux, ce qui a une double conséquence : d'abord, une certaine inefficacité dans le traitement des demandes d'emploi ; ensuite, un sentiment d'insatisfaction par rapport au travail accompli.

Une deuxième critique, exprimée par les partenaires de Pôle emploi, consiste à dire que Pôle emploi est une structure trop centralisée, monolithique, qui éprouve des difficultés à développer une politique d'ancrage territoriale et ne travaille pas suffisamment en réseau. Ce diagnostic conduit un certain nombre de structures à affirmer qu'elles savent créer ce lien avec les territoires et qu'elles peuvent donc jouer un rôle complémentaire de celui de Pôle emploi.

M. Jean-Paul Alduy, rapporteur . - Comment traitez-vous la situation des personnes en très grande difficulté, qui ne sont pas directement employables ? Leur suivi est-il sous-traité aux Plie ?

M. Ronan Kerdraon . - Je me réjouis que le président ait accédé à ma demande d'auditionner Mme Nadine Crinier. En effet, il est intéressant d'entendre son parcours et son regard sur la structure qu'elle dirige. Je souhaite poursuivre la réflexion amorcée par le président sur plusieurs points : critique interne des salariés vis-à-vis de Pôle emploi, regard nuancé du monde de l'entreprise sur l'action de cette structure. Nous devrions également parler du regard des élus sur Pôle emploi et du système informatique Neptune, qui a posé quelques problèmes.

En ce qui concerne les salariés, les représentants syndicaux et les agents sur le terrain font un constat relativement amer par rapport à la fusion. Ils regrettent que la gestion des personnels n'ait pas été suffisamment anticipée, ce qui provoque parfois des tensions entre les agents issus de l'ex-ANPE et les agents issus des ex-Assedic. Des préconisations devraient vraisemblablement être faites en la matière. Des erreurs ont-elles été commises ? Quelles seraient vos préconisations ?

De nombreuses personnes critiquent également le fait qu'en Bretagne, cent deux dossiers sont traités, en moyenne, par chaque agent. Ce nombre est très supérieur à celui annoncé initialement de soixante dossiers par agent. Cet écart empêche nécessairement de passer un temps suffisant sur chaque dossier. Les agents regrettent qu'il leur soit demandé de résoudre un maximum de cas en un minimum de temps. Nous recueillons également un certain nombre de critiques de la part des chefs d'entreprise.

Une enquête menée dans le département des Côtes d'Armor a montré que les relations avec Pôle emploi sont plutôt positives lorsque les demandeurs d'emploi ont un interlocuteur physique. De ce fait, cette voie est à privilégier plutôt que le recours à la plate-forme téléphonique ou à internet. En revanche, les demandeurs d'emploi regrettent que 70 % des offres d'emploi ne passent pas par Pôle emploi. Comment améliorer ce résultat ?

Enfin, ma dernière question portera sur le système Neptune, mis au point pour fusionner les systèmes d'information des Assedic et de l'ANPE, qui étaient peu compatibles. Ce système a connu des dysfonctionnements au cours de l'année 2010. Pourriez-vous apporter des précisions sur ce sujet ?

Mme Annie David . - Ma première question porte sur le statut de Pôle emploi. Lors de la séance des questions au Gouvernement qui s'est déroulée hier, le ministre a affirmé qu'il s'agissait d'un établissement public à caractère administratif (EPA), mais cette affirmation suffit-elle à lever toutes les incertitudes sur le plan juridique ?

En ce qui concerne le suivi mensuel personnalisé des demandeurs d'emploi, je note que seulement 39 % des chômeurs inscrits depuis plus de quatre mois sont suivis. Comment Pôle emploi sélectionne-t-il les demandeurs d'emploi inscrits depuis plus de quatre mois pour les accompagner ?

Je relève également que chaque conseiller de Pôle emploi Bretagne suit, en moyenne, cent deux personnes. Ce chiffre est-il calculé en prenant en compte l'ensemble des agents de Pôle emploi ou uniquement ceux en contact avec le public ? Il serait faussé si on incluait tous les agents de Pôle emploi dans cette moyenne.

Les formations dispensées par Pôle emploi sont-elles qualifiantes ou les demandeurs d'emploi doivent-ils multiplier les formations pour trouver un emploi ?

L'intégration du personnel de l'Afpa devrait permettre une meilleure orientation des demandeurs d'emploi. Mais comment se faisait l'orientation des demandeurs d'emploi lorsque ces salariés n'étaient pas intégrés à Pôle emploi ?

Enfin, l'EID semble mal vécu par les agents de Pôle emploi, alors que vous avez indiqué que ce dispositif était fédérateur.

Mme Nadine Crinier . - Il y a encore beaucoup d'inquiétude au sein du personnel par rapport à la fusion, notamment sur le devenir des différents métiers. Toutefois, la nouvelle organisation se met progressivement en place.

En ce qui concerne l'EID, nous avons conduit un dialogue social approfondi avec les représentants du personnel. Ce sujet a donné lieu à de nombreux échanges et nous avons rencontré les conseillers sur le terrain. Il était nécessaire de former et accompagner le personnel dans les cinq agences pilotes. Nous avons eu la volonté de procéder au déploiement de l'EID en accompagnant les agents afin de ne pas les laisser sans réponse.

Les directeurs d'agence affirment que la décision de créer l'EID favorise l'échange et une dynamique professionnelle, ce qui ne signifie pas que l'ensemble des agents n'ont pas de craintes. Ce nouveau dispositif est véritablement porteur, même s'il doit encore être déployé dans nos quarante-deux sites. Il faut se donner un peu de temps et ne pas oublier qu'un grand nombre d'actions ont déjà été menées depuis deux ans, dans un contexte difficile.

M. Claude Jeannerot, président . - Certains agents estiment que leur travail est devenu taylorisé et erratique dans sa gestion. Ils disent qu'ils peuvent passer d'une fonction à une autre, ce qui diminue l'intérêt de leur métier et remet en cause le sens de leur activité professionnelle.

Mme Nadine Crinier . - Nous avons élaboré des outils de planification afin de mieux prévoir la charge de travail et gérer le flux des personnes à recevoir. De cette manière, nous avons redonné de la visibilité aux agents, ce qui contribue à créer un environnement de travail plus sécurisant. Cependant, nous avons encore beaucoup de travail à accomplir pour améliorer notre organisation, qui a été bouleversée avec la création des équipes et des sites mixtes. L'année 2010 a été le premier exercice au cours duquel nous avons pu reprendre en main l'organisation, en augmentant notamment le nombre d'heures de formation, ce qui a aidé les salariés à retrouver des repères.

Un directeur régional sait de quels moyens il dispose et il définit des priorités. Tout demandeur d'emploi qui arrive au quatrième mois de chômage intègre le suivi mensuel personnalisé. Nous effectuons des choix concernant les modalités de réception du demandeur d'emploi. Tous les demandeurs d'emploi n'ont pas besoin de rencontrer leur conseiller tous les mois. Un entretien téléphonique peut éventuellement remplacer l'accueil physique pour faire le point avec le demandeur sur ses démarches de retour à l'emploi.

Certains secteurs recrutent, par exemple pour des postes de chauffeurs, et pourtant des demandeurs d'emploi ayant, à première vue, le bon profil n'arrivent pas à se faire embaucher. Pour remédier à ce problème, des collègues organisent des « cafés-offres », auxquels ils invitent les entreprises de transport et des demandeurs d'emploi pour ajuster l'offre à la demande et voir quel suivi mettre en place. D'une manière générale, il faut adapter les parcours aux besoins. Les directeurs d'agence et les conseillers effectuent eux-mêmes des arbitrages en fonction des personnes suivies.

La moyenne de cent deux dossiers suivis par agent est calculée en prenant en compte les seuls agents chargés du suivi, et non l'ensemble du personnel de Pôle emploi. Un conseiller est amené à faire des choix, en fonction de sa connaissance du demandeur d'emploi et des parcours, ce qui suppose de leur part un professionnalisme important, de même que pour les directeurs d'agence et les animateurs d'équipe qui encadrent sept à dix personnes. Nous devons effectuer des choix d'organisation pour offrir un service optimal au plus grand nombre.

En ce qui concerne la qualité de service, j'estime que les conseillers de Pôle emploi délivrent des services de qualité. Ainsi, 95 % des dossiers d'indemnisation sont traités dans les quinze jours, ce qui est important pour les demandeurs d'emploi. Le fait que les offres d'emploi soient satisfaites dans le délai de trente jours traduit aussi une réelle qualité de service. Nous formons le management pour qu'il puisse valoriser l'action des conseillers et mettre en valeur leurs réussites. Un article publié récemment dans Ouest-France sur Pôle emploi est mitigé, d'autres articles sont très bons, d'autres plus négatifs. Le conseiller est en tout cas attaché à ses missions et il est important de rappeler que la qualité de service de Pôle emploi a été maintenue malgré un contexte difficile.

En ce qui concerne les outils, nous avons démarré notre activité avec des sites distincts, qui ont été progressivement fusionnés, et des outils informatiques situés dans des environnements différents, que le projet Neptune a unifiés. Il devait être déployé en juin 2010, mais sa mise en place a été reportée dans certaines régions, notamment en région Centre. En Bretagne, il a été déployé à la fin du mois de mars et fonctionne correctement. Il contribue à améliorer le confort de travail des agents.

Nous nouons aussi des partenariats avec des acteurs qui ont une offre de services complémentaire de la nôtre. Nous pouvons orienter vers les Plie les demandeurs d'emploi qui sont passés par Pôle emploi sans trouver de solution. Un conseiller référent de Plie suit cinquante à soixante personnes. Nous mettons à leur disposition des conseillers pour les aider à remplir leur mission. Le Plie, la mission locale ou Pôle emploi poursuivent la même finalité qui est de placer les demandeurs d'emploi. Notre offre de service, dans le cadre du suivi mensuel, consiste à offrir du conseil aux demandeurs d'emploi, à intervalle régulier, et elle est donc complémentaire du service d'accompagnement proposé par le Plie ou la mission locale.

Certains conseillers suivent la cotraitance mise en place avec les Cap emploi pour les personnes handicapées. Nous faisons le point régulièrement avec les Cap emploi pour savoir ce que ces personnes deviennent sur le plan professionnel. D'une manière générale, nous suivons des personnes dont les parcours peuvent être très hétérogènes.

Concernant nos relations avec les entreprises, une difficulté provient du fait que le tissu économique breton est surtout composé de petites entreprises, qui sont plus difficiles à approcher. Nous avons tendance à aller naturellement vers les grandes entreprises, qui sont plus structurées. J'encourage donc les directions territoriales à travailler avec les chambres des métiers afin de mieux connaître les besoins des petites entreprises. Nos conseillers ont effectué 30 000 visites en entreprise en 2010. Nous veillons à diversifier les contacts avec les entreprises et à les fidéliser. Les entreprises qui ne connaissent pas encore Pôle emploi peuvent entrer en contact avec nous en composant le 39 95, qui est un numéro facile à mémoriser. En Bretagne, le 3995 a été mis en place en avril 2010 et nous avons reçu environ 18 000 appels au cours de l'année. Il est vrai que Pôle emploi ne collecte pas toutes les offres d'emploi mais, si c'était le cas, nous ne saurions pas nécessairement toutes les traiter. L'essentiel est que nous ayons des offres à proposer aux demandeurs d'emploi que nous suivons.

En région Bretagne, une entreprise sur quatre est cliente de Pôle emploi, c'est-à-dire qu'elle a déposé au moins une offre auprès de nos services au cours des douze derniers mois. Nous cherchons à cibler les entreprises et à diversifier nos contacts. Nous devons tenir compte de la diversité du marché du travail afin que chacun puisse trouver une offre d'emploi qui lui corresponde.

M. Ronan Kerdraon . - Votre connaissance du marché du travail doit également vous permettre d'adapter les formations aux demandeurs d'emploi.

Mme Nadine Crinier . - En ce qui concerne la formation, nous dispensons à la fois des formations d'adaptation, qui ne débouchent pas sur un diplôme, et des formations qualifiantes, dans le cadre de cofinancements avec la région. Quand un demandeur d'emploi suit une formation, le taux de reprise d'emploi est de 70 % dans un délai de trois mois. Certes, la reprise d'emploi ne s'effectue pas toujours sur un emploi à durée indéterminée, notamment parce que nous recevons un grand nombre d'offres saisonnières. Néanmoins, ces offres sont porteuses pour les demandeurs d'emploi et accélèrent leur processus de retour vers l'emploi. Il ne serait pas satisfaisant, en tout état de cause, d'avoir un niveau de chômage élevé et des offres d'emploi non satisfaites.

En ce qui concerne l'intégration des psychologues et des assistants techniques de l'Afpa, je voudrais d'abord rappeler que la mission d'orientation et de formation de Pôle emploi a été réaffirmée en novembre 2009. Les Assedic et l'ANPE prescrivaient déjà des formations, mais cette mission a été fortement réaffirmée. L'arrivée des psychologues du travail de l'Afpa a complété notre offre de services. Il a d'abord fallu travailler sur leur intégration dans nos équipes. Nous avons accueilli cinquante-huit agents de l'Afpa, alors que nos équipes comptent 1 900 personnes. Ils ont dû s'intégrer à notre structure hiérarchique, alors que celle de l'Afpa était à la fois hiérarchique et fonctionnelle, et s'habituer à notre culture de travail, qui comprend des cibles et des objectifs, éléments nouveaux pour eux. Nous veillons maintenant à les intégrer à notre offre de services. Par exemple, nous étions confrontés à Lorient à une problématique importante de chômage des seniors. Nos collègues venus de l'Afpa ont créé, avec deux collègues d'une agence polyvalente, une nouvelle prestation pour les seniors. Il est également prévu de déployer des ateliers qui seront co-animés par les collègues venus de l'Afpa et par d'autres agents pour aider les demandeurs d'emploi à prendre les bonnes décisions en matière de formation.

Pour évaluer le degré de satisfaction vis-à-vis des services offerts par Pôle emploi, nous avons mis en place en Bretagne un « baromètre des parties prenantes » consistant à questionner, tous les trois mois, les agents, des demandeurs d'emploi, nos partenaires et des entreprises. Ce système a été mis en place en mars. Plus de trois cents agents, sur les sept cents qui ont répondu, ont formulé par écrit des remarques qualitatives. Nous avons la volonté de suivre l'évolution de ces indicateurs et de nous en servir pour anticiper le déploiement de nos futurs projets, étudier leur impact et maîtriser les risques. Le niveau de satisfaction des entreprises concernant notre travail est plutôt positif en Bretagne.

M. Claude Jeannerot, président . - Je souhaiterais faire une ultime observation. Comment réagissez-vous lorsque les maisons de l'emploi justifient leur rôle en indiquant qu'elles sont les seules en capacité de fédérer les acteurs locaux ? La multiplicité d'acteurs est un facteur d'opacité pour les demandeurs d'emploi, qui va à l'encontre du processus de simplification engagé avec la fusion entre l'ANPE et les Assedic.

Mme Nadine Crinier . - Nous sommes implantés dans trois maisons de l'emploi en Bretagne, à Loudéac, Vitré et Ploërmel, ce qui est l'idéal pour garantir une cohérence dans les actions et une optimisation du service rendu. Avec les autres maisons de l'emploi, nous sommes plutôt sur des logiques de plan d'action partagé. Nous ne ressentons pas de concurrence de la part des maisons de l'emploi et nous sommes plutôt dans une logique de complémentarité. Au sein du conseil régional de l'emploi, nous suivons régulièrement les résultats et les contributions des maisons de l'emploi.

Mme Annie David . - Vous n'avez pas encore répondu à ma question sur le statut juridique de Pôle emploi.

Mme Nadine Crinier . - Pôle emploi a le statut d'EPA depuis sa création, mais nous comptons des agents de statut public, d'autres de statut privé, et notre institution a un statut sui generis. En ce qui concerne le dialogue social, Pôle emploi Bretagne dispose d'un comité d'entreprise, d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et de délégués du personnel, comme dans une entreprise privée. Lorsque nous nous interrogeons pour savoir si, sur telle ou telle question, nous devons appliquer le droit privé ou le droit public, nous faisons appel à nos juristes pour obtenir une réponse précise.

M. Claude Jeannerot, président . - Merci beaucoup.

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