C. LES EFFECTEURS

Le terme « effecteur » désigne le système d'arme qui va permettre l'interception. Dans le cas d'une interception balistique, il comporte nécessairement un « intercepteur », qui est l'ensemble missile + autodirecteur, et un radar de conduite de tir qui va guider l'intercepteur de façon précise jusqu'à ce que l'autodirecteur du missile puisse prendre le relais et assurer le guidage terminal sur la cible.

1. Les différents types d'intercepteurs

Navals ou terrestres, les systèmes d'interception combinent au moins un radar de poursuite de la cible (trajectographie), une conduite de tir (C2) qui gère les interfaces et commande les tirs de missiles, plusieurs systèmes de lancement (sur véhicule terrestre, en silo, ou intégré au bateau) regroupant en général plusieurs missiles intercepteurs .

Contrairement à ce qui est souvent dit, les intercepteurs ne sont pas liés à la zone défendue (théâtre ou territoire), mais à la nature de la menace, et en particulier à la vitesse de rentrée de cette menace. En effet, un théâtre comme un territoire peuvent être agressés par des missiles balistiques de vitesses très variées, y compris des missiles à haute vitesse tirés à portée très inférieure à leur portée maximale, mais conservant à la rentrée leur vitesse initiale.

La protection d'un territoire, comme d'un théâtre, nécessite des intercepteurs couche basse et des intercepteurs couche haute.


Couche haute, exo-atmosphérique : GBI, SM-3, Arrow 3 , concept Exoguard .

Un intercepteur couche haute opère dans le domaine spatial, à partir de 70 km d'altitude. Il profite de la phase balistique de la menace qui dure plusieurs minutes et qui est prédictible, une fois acquise sa trajectoire par le radar de suivi.

Typiquement, le missile est détecté dans les premières minutes de vol. Sa trajectoire képlérienne est trajectographiée en 1 à 2 minutes. Le système de commandement dispose de quelques dizaines de secondes à quelques minutes pour déclencher le lancement de l'intercepteur et placer son véhicule terminal autonome sur une trajectoire de rendez vous. Le véhicule d'interception spatial est doté d'un télescope infrarouge à longue portée (plusieurs centaines de km) qui lui permet de détecter le cortège assaillant. Associé à des algorithmes spécifiques, ce senseur permet également de repérer au sein de ce cortège le véhicule de rentrée porteur de la charge militaire.

Enfin, aligné sur sa cible, il permet un guidage fin à l'aide d'une propulsion spatiale qui assure l'impact direct sur la cible et sa destruction par énergie cinétique (vitesse relative de plusieurs km/s).

Interceptant loin de leur point de tir, la zone protégée par les intercepteurs exo-atmosphériques est très large: plusieurs centaines de milliers de km².

Couche moyen - haut endoatmosphérique : THAAD, Arrow 2

L'interception dans le domaine haut endo-atmosphérique (30-70 km)

Interceptant dans l'atmosphère, ces systèmes constituent le seul moyen de neutraliser les cibles qui n'en sortent pas ou très peu de temps, comme les missiles de portée inférieure à 800 km ayant des trajectoires dites à « énergie minimale » ou les missiles de portée inférieure à 1 500 km ayant des trajectoires dites tendues, c'est-à-dire une grande partie des menaces actuelles.

De plus, interceptant entre 20 et 80 km d'altitude, ces systèmes interceptent les missiles balistiques faisant des manoeuvres terminales dans les basses couches de l'atmosphère tels les SS26 Iskander , M9 et Fateh 110 qui mettent en défaut, non seulement les systèmes Exo mais aussi les systèmes bas endo-atmosphérique.

Au niveau du système d'armes, la mise en oeuvre d'intercepteurs de cette catégorie est compatible de l'utilisation de radars multi-fonctions de défense aérienne élargie permettant ainsi de conserver tous les attributs de ce type de systèmes d'armes en terme de mobilité, d'aéro-transportabilité et d'intégration dans les systèmes de commandement existants. La nécessité d'utiliser des désignations d'objectifs externes provenant de senseurs d'alerte (satellite, radar TLP) peut permettre de conserver des zones défendues importantes contre la catégorie haute des missiles MRBM, mais elle n'est pas indispensable pour la mise en oeuvre du système.

Un autre avantage de ce régime d'interception réside dans le fait que la majorité des aides à la pénétration envisageables sur les missiles balistiques des pays proliférants auront été naturellement éliminées à la rentrée dans l'atmosphère, c'est-à-dire avant que le système de guidage terminal IR de l'intercepteur n'accroche la cible. D'éventuels débris restants pourront être rejetés par des traitements spatio-temporels et bi-spectraux analogues à ceux mis en oeuvre sur nos missiles d'interception tactiques.

Cela étant, ces systèmes sont limités à l'interception de missiles de portées inférieures à environ 3 000 km, car au-delà, les vitesses de rapprochement sont telles que la destruction par impact direct n'est plus possible, même en utilisant le guidage terminal IR.

Le THAAD ( Terminal High Altitude Area Defense ), en cours de déploiment dans les forces terrestres américaines, est un système haut endo-atmosphérique et bas exo-atmosphérique.

L'essentiel des essais du THAAD a été réalisé dans l'atmosphère et, d'après les autorités américaines, présente un pourcentage élevé de réussite.

Le domaine d'interception du THAAD, tel que présenté par la MDA et Lockheed Martin, à des publics sélectionnés, se situe entre 45/50 km et 150 km d'altitude. Il convient toutefois d'observer que la présentation en source ouverte fait état d'un départ de la fourchette basse à 20 km, chiffre sujet à caution. Le bilan actuel des tirs entre 2006 et 2010 est de 7 interceptions réussies sur 7 essais: 4 en moyen endo, 2 en haut endo et une en bas exo. Les quatre premières interceptions et la dernière ont été réalisées contre des cibles unitaires, les deux autres contre une tête séparable de la classe MRBM.


Couche basse, endo-atmosphérique : Patriot PAC 3, MEADS, SAMP/T Block 1/ 1 NT .

Dérivé de la défense anti-aérienne, les intercepteurs couche basse donnent satisfaction face aux menaces à faible vitesse, interceptées à basse altitude (moins de 20 km), la vitesse de la cible ayant été réduite par les couches denses de l'atmosphère. Ils nécessitent un temps de réaction de la conduite de tir extrêmement bref, la fenêtre de tir étant très étroite (une à quelques secondes maximum). Ils doivent avoir des capacités de manoeuvre aérodynamique très élevées (d'où la limite d'altitude de fonctionnement) avant l'interception, car les perturbations atmosphériques entraînent des mouvements imprévisibles du missile balistique.

L'altitude d'interception étant réduite, la zone protégée au sol est limitée : quelques centaines de km².

Depuis plusieurs années, les Etats-Unis ont étudié d'autres systèmes d'interception : laser aéroporté, armes en orbite spatiale, intercepteur en phase ascendante, interception en altitude intermédiaire (30-60 km). Tous ces systèmes ont été abandonnés ou ont connu d'énormes difficultés de développement et de validation, avec les dérives calendaires et budgétaires associées.

L'interception dans le domaine haut endo-atmosphérique (30-100 km) est jugée par certains comme cumulant toutes les difficultés :

- la discrimination est difficile, car les équipements accompagnant la tête rentrante ne sont pas encore freinés par l'atmosphère ;

- les manoeuvres de la cible sont difficilement prévisibles à cause des pressions aérodynamiques avant l'interception ;

- l'échauffement important du senseur infrarouge de l'intercepteur limite ses performances, à l'instant où il doit détecter la cible, l'intercepteur est encore à moins de 30 km d'altitude (échauffements importants par l'aérodynamique), alors que la cible est à environ 100 km d'altitude, donc encore à température spatiale, froide ; sa détection est donc difficile, d'autant plus que la ligne de visée est perturbée par les effets thermiques.

Après 20 années de développement 6 ( * ) , le THAAD semble offrir une capacité exo-atmosphérique et une capacité haut endo-atmosphérique, principalement grâce à :

- son radar bande X de forte puissance, utilisant une technologie qui a bénéficié de financements très importants ;

- son fonctionnement en mode Shoot-Look-Shoot , avec une possibilité de deuxième tir, en dernier recours, conduisant forcément à une interception dans les couches hautes de l'atmosphère.


* 6 Le THAAD a nécessité un investissement technologique important: démarré à la fin des années 80 (premier tir au banc de propulseur en 1991) pour une mise en service initialement prévue en 1998, il a essuyé 9 échecs consécutifs en vol avant d'être entièrement remanié en décembre 2000, avec une augmentation de budget (radar et missile) de 2,5 à 4,2 milliards de dollars. Depuis 2007 il a connu 7 essais d'interception réussis sur 7, à des altitudes non communiquées. Un ou des radars sont déployés au Japon depuis 2004, une mise en service du système complet devrait avoir lieu l'année prochaine.

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