3. L'Europe sera-t-elle exonérée des charges liées à la protection de son territoire ?

A ce stade, il n'y a pas de contribution européenne à la défense antimissile des territoires de l'OTAN . La France a certes annoncé la mise à disposition d'une future capacité d'alerte avancée (satellite d'alerte et radar), mais les programmes correspondants n'ont pas encore été lancés. Aucun autre pays n'a mentionné de contribution potentielle.

Les seuls programmes en cours en Europe concernent la défense antimissile de théâtre. Ils pourront s'intégrer à la future architecture mais n'assureront pas de missions de défense territoriale.

Cette situation interpelle.

Doit-on considérer la contribution américaine comme définitivement acquise à l'OTAN, alors qu'elle se veut flexible et que son objectif final demeure, ce qui n'a rien d'anormal, la protection des Etats-Unis ?

Les déploiements prévus dans le cadre de l'EPAA répondront-ils aux performances annoncées lorsque celle-ci a été présentée ? Une véritable couverture complète n'exigera-t-elle pas des contributions complémentaires, au-delà de ce que les Etats-Unis ont prévu de fournir gratuitement ?

Les Etats-Unis ne seront-ils pas amenés, pour des raisons financières ou en fonction de leurs priorités stratégiques, notamment en Asie, de réviser le niveau des moyens nationaux qu'ils avaient prévu de positionner en Europe ?

Ces questions n'ont pas pour objet de mettre en doute la bonne foi des Etats-Unis lorsqu'ils présentent l'apport de leur contribution à la protection du territoire européen. Elles reposent simplement sur un constat : selon le principe arrêté à Lisbonne et valable pour l'ensemble des Etats membres de l'OTAN, la contribution américaine est et restera une contribution nationale volontaire, et comme telle tributaire des intérêts nationaux américains.

Ces questions s'adressent finalement moins aux Etats-Unis qu'à l'Europe. Peut-on imaginer une défense antimissile du territoire européen reposant exclusivement sur des moyens non européens ? L'Europe pourra-t-elle se croire réellement protégée sans une contribution forte des nations européennes ?

Il s'agit finalement de savoir si l'objectif politique fixé à Lisbonne - assurer la couverture totale et la protection de l'ensemble des populations, du territoire et des forces des pays européens - créera pour les nations de l'OTAN une obligation de moyens ou une obligation de résultat .

S'il ne s'agit que d'une obligation de moyens, le risque est grand que la défense antimissile territoriale de l'OTAN ne soit qu'une coquille vide. Il s'agira d'une défense antimissile de l'Europe assurée par les Etats-Unis et à la mesure des efforts que ceux-ci voudront bien consentir au profit des nations européennes.

S'il s'agit d'une obligation de résultat, le risque est alors que la contribution américaine n'apparaisse pas suffisante, soit parce que les performances annoncées ne seront pas au rendez-vous, soit parce que les Etats-Unis ne pourront pas déployer les capacités prévues, pour des raisons politiques ou financières. La pression serait alors très forte sur les Etats européens pour qu'ils prennent à leur charge le complément nécessaire. Ils n'auraient alors d'autre choix que de réaliser leurs propres moyens ou, plus vraisemblablement, d'acquérir des intercepteurs américains, les seuls actuellement à couvrir la « couche haute » pour des missions de défense territoriale.

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