B. ADAPTER LES RÈGLES AUX BESOINS

1. Favoriser un mode de fonctionnement basé sur le dialogue et les échanges entre les différents acteurs de la recherche archéologique

La réforme du CNRA présentée ci-avant ne pourrait être complète sans une modification de sa composition (cf. encadré). L'une des revendications des opérateurs agréés était relative à leur représentativité au sein du CNRA. Cette question concerne en fait la place des opérateurs privés qui ne sont pas encore considérés comme des acteurs à part entière de la recherche et dont la position peut paraître délicate au regard de la mission du Conseil national en matière d'agrément.

Vos rapporteurs souhaitent rappeler que les travaux de publication issus d'opérateurs privés justifieraient qu'ils soient pleinement associés aux échanges au sein du Conseil national . En outre, les services des collectivités territoriales y sont déjà représentés. Ces dernières jouent certes un rôle particulier en étant investies d'une mission de service public partagée avec l'Inrap pour la réalisation des diagnostics, mais elles sont également concernées par la procédure d'agrément qui intervient pour l'activité de fouilles. Aussi serait-il cohérent d'associer, à tout le moins avec une voix consultative, les opérateurs privés aux travaux du CNRA. Une règle simple de retrait des débats d'agrément les concernant leur éviterait facilement d'être juge et partie dans la procédure d'agrément, ce que faciliterait certainement la structuration du CNRA en commissions.

ART. 4 DU DÉCRET N° 2007-823 DU 11 MAI 2007

Outre son président, le Conseil national de la recherche archéologique comprend trente et un membres :

1° Cinq représentants de l'État, membres de droit :

a) Le directeur de l'architecture et du patrimoine au ministère chargé de la culture ;

b) Le sous-directeur chargé de l'archéologie à la direction de l'architecture et du patrimoine au ministère chargé de la culture ;

c) Le chef de la mission de la recherche et de la technologie à la délégation au développement et aux affaires internationales au ministère chargé de la culture ;

d) Le directeur de la recherche au ministère chargé de la recherche ;

e) Le directeur de l'enseignement supérieur au ministère chargé de l'enseignement supérieur ;

2° Douze personnalités qualifiées, nommées par arrêté du ministre chargé de la culture, choisies en raison de leurs compétences scientifiques en matière d'archéologie dont :

a) Deux membres choisis, sur proposition du directeur de l'architecture et du patrimoine, issus des corps des conservateurs généraux du patrimoine, conservateurs du patrimoine, ingénieurs de recherche et ingénieurs d'étude compétents en matière d'archéologie et affectés dans une direction régionale des affaires culturelles, à la direction de l'architecture et du patrimoine ou dans un service à compétence nationale rattaché à cette direction ;

b) Un membre choisi, sur proposition du directeur des musées de France, au sein des corps de conservateurs généraux du patrimoine et conservateurs du patrimoine, affecté dans un musée de France conservant des collections archéologiques ;

c) Deux membres choisis, sur proposition du conseil scientifique de l'Institut national de recherches archéologiques préventives, parmi les agents relevant, au sens du décret du 2 avril 2002 susvisé, des catégories 4 ou 5 de la filière scientifique et technique de cet établissement public ;

d) Deux membres choisis parmi les conservateurs du patrimoine ou les attachés de conservation du patrimoine travaillant dans un service archéologique de collectivité territoriale ;

e) Deux membres choisis, sur proposition du ministre chargé de la recherche, parmi les directeurs de recherche, les chargés de recherche et les ingénieurs du Centre national de la recherche scientifique, recherche scientifique, à raison d'un membre par section ;

f) Deux membres choisis, sur proposition du ministre chargé de l'enseignement supérieur, parmi les professeurs et maîtres de conférences des universités ou les personnels qui leur sont assimilés, compétents en matière d'archéologie du territoire national, après avis des sections compétentes du Conseil national des universités ;

g) Un membre choisi parmi les chercheurs spécialisés en archéologie exerçant leurs fonctions dans des institutions étrangères ;

3° Quatorze membres élus en leur sein par les commissions interrégionales de la recherche archéologique à raison de deux membres par commission.

Le vice-président du conseil national est désigné par arrêté du ministre chargé de la culture après accord du ministre chargé de la recherche parmi les membres mentionnés au 2°.

Proposition n° 8 : Prévoir la possibilité d'associer les opérateurs privés aux travaux du CNRA pour une meilleure représentativité de l'ensemble de la communauté scientifique .

Ce dialogue ne doit évidemment pas se limiter aux échanges au sein de la communauté scientifique. Toutes les propositions formulées dans ce rapport ont pour but de réconcilier les différents acteurs pour que les tensions accumulées depuis une dizaine d'années ne jettent plus l'opprobre sur la politique d'archéologie préventive. Des débats récurrents sur les délais, sur la responsabilité de tel ou tel finissent parfois par faire perdre de vue l'objectif scientifique collectif : l'amélioration de la connaissance de notre passé. Compte tenu de tous les enjeux mais aussi de toutes les solutions trouvées sur les territoires qui ont su appliquer les principes de dialogue et d'écoute, vos rapporteurs affirment la nécessité d'un rendez-vous régulier entre tous les acteurs de l'archéologie préventive . Les réformes législatives ou réglementaires ne constituent pas la seule réponse. En outre, vos rapporteurs ont pu constater, au regard des témoignages recueillis lors de leur déplacement à Chartres, que l'archéologie préventive peut devenir un atout de développement économique d'un territoire. La valorisation des travaux réalisés a pu recueillir le soutien des habitants, ce qui n'aurait pas été possible sans le sens du dialogue du service régional d'archéologie, le professionnalisme du service municipal de la Ville de Chartres, et l'ouverture au dialogue de tous les aménageurs concernés, publics comme privés, qui ont su déceler l'intérêt d'un mode opératoire basé sur la communication en amont des projets d'aménagement. Ce qui est vrai pour un territoire constitue une piste de progrès à ne pas négliger pour l'ensemble du pays.

Proposition n° 9 : Organiser, tous les trois ans, des entretiens de l'archéologie préventive réunissant les deux ministères de tutelle, le CNRA, et les opérateurs agréés - collectivités territoriales et opérateurs privés, ainsi que les aménageurs.

Ce dialogue en amont peut demeurer informel et reposer uniquement sur de simples échanges entre le SRA et l'aménageur. Il peut également être suivi plus formellement par la mise en oeuvre des demandes volontaires de diagnostics (DVD) . Cette possibilité est précisée par l'article L. 522-4 du code du patrimoine qui prévoit que, en dehors des zones identifiées dans la carte archéologique nationale, les « personnes qui projettent de réaliser des aménagements, ouvrages ou travaux peuvent saisir l'État afin qu'il examine si leur projet est susceptible de donner lieu à des prescriptions de diagnostic archéologique. A défaut de réponse dans un délai de deux mois ou en cas de réponse négative, l'État est réputé renoncer, pendant une durée de cinq ans, à prescrire un diagnostic, sauf modification substantielle du projet ou des connaissances archéologiques de l'État sur le territoire de la commune . Si l'État a fait connaître la nécessité d'un diagnostic, l'aménageur peut en demander la réalisation anticipée » par l'Inrap. Ce dernier cas entraîne la perception de la RAP.

Vos rapporteurs soulignent la vertu du recours à ce type de procédure, qu'elle soit informelle ou non , car elle permet d'anticiper les éventuels travaux et points de tension entre aménageurs et pouvoirs publics. Les témoignages recueillis lors des auditions et déplacements ont permis d'apprécier les avantages de cette pratique, puisque dans certains cas elle a permis d'alerter et de dégager des consensus évitant des fouilles à des aménageurs, ravis des gains ainsi réalisés, en contrepartie d'une adaptation de leur projets, parfois de seulement quelques mètres. La préservation de vestiges archéologiques est finalement l'objectif implicite, beaucoup de personnes auditionnées ayant d'ailleurs cité spontanément la même phrase : « la meilleure fouille est celle qui n'a pas lieu ». Cette affirmation, partagée par tous les archéologues, est aussi valable pour les aménageurs qui ont tout intérêt à modifier leurs projets, même de façon modérée, lorsque cela est possible car les gains de temps et d'argent peuvent être considérables.

Vos rapporteurs rappellent néanmoins que l'Inrap est déjà confronté à une situation d'engorgement des opérations d'archéologie préventive et qu'il ne s'agirait pas d'aggraver la situation . Cette pratique du DVD ne peut donc être considérée de façon isolée et doit s'envisager parallèlement aux autres pistes de réformes, au titre desquelles figure la meilleure prise en compte des données archéologiques dans l'urbanisme réglementaire.

Proposition n° 10 : Encourager le dialogue en amont des projets entre aménageurs et SRA et les demandes volontaires de diagnostic.

Le réflexe archéologique n'est pas encore acquis et l'anticipation nécessaire devrait se traduire par l'intégration systématique des données archéologiques dans les documents d'urbanisme. Les données issues de la carte archéologique nationale sont précieuses et pourraient, si elles étaient intégrées dans ces documents, aiguiller davantage les aménageurs dans leurs projets. Vos rapporteurs soulignent la nécessaire prudence qui doit accompagner une telle proposition : en effet, l'identification de zones archéologiques ne doit pas déboucher sur une présomption d'absence de vestiges sur les autres zones. Elle doit simplement permettre une meilleure connaissance des sols et l'anticipation éventuelle de déclenchement d'opérations archéologiques par les aménageurs.

Proposition n° 11 : Favoriser une meilleure planification urbaine intégrant systématiquement les informations archéologiques aux documents d'urbanisme.

L'expérience des personnels des SRA est un atout majeur et une qualité indispensable pour mener à bien les échanges entre tous les acteurs de l'archéologie préventive. Pourtant il n'est pas toujours évident, pour les lauréats de l'Institut national du patrimoine, d'avoir eu le temps de se former pour répondre à cette exigence de taille. D'un autre côté, il est indéniable que les archéologues de l'Inrap qui ont oeuvré un certain nombre d'années sur le terrain maîtrisent parfaitement les enjeux liés aux activités de diagnostic et de fouille. Aussi vos rapporteurs souhaitent-ils proposer de développer les passerelles entre DRAC et Inrap.

Les modalités techniques de cette passerelle sont d'ailleurs actuellement à l'étude et ce dispositif ne devrait pas concerner plus de quelques personnes par an, de l'ordre de 5 ou 6.

Proposition n° 12 : Développer les passerelles entre les institutions de l'archéologie préventive.

2. Remettre les objectifs de recherche au coeur de l'archéologie préventive

La qualité de la démarche scientifique et la crédibilité des professionnels de l'archéologie préventive ont été au coeur de tous les échanges entre vos rapporteurs et l'ensemble des personnes auditionnées. Tout d'abord parce qu'elles constituent la clé de voûte du système, mais aussi parce qu'elles sont le fil conducteur de ces professionnels passionnés.

La crédibilité scientifique a aussi été abordée sous un angle un peu moins consensuel, parfois utilisée par certains de façon à semer le doute sur la garantie de sérieux de tel ou tel acteur de l'archéologie préventive. Or, compte tenu de la procédure concurrentielle qui laisse à l'aménageur le choix de l'opérateur pour la fouille, cette question ne manque pas d'être soulevée dans une dialectique opposant l'objectif de coûts et délais à celui de la qualité du projet scientifique. Au regard des contraintes pesant sur les aménageurs parmi lesquels figurent les collectivités, on peut se demander si la cohérence du projet scientifique ne risque pas d'être minorée au profit de considérations économiques évidemment essentielles pour tout acteur de l'aménagement du territoire. En outre, la tâche incombant à l'aménageur est difficile dans la mesure où il lui revient de définir le cahier des charges alors qu'il ne dispose pas nécessairement des compétences scientifiques et techniques nécessaires pour appréhender les enjeux en matière d'archéologie préventive et transcrire en marché les prescriptions de l'État . Il ressort des échanges avec vos rapporteurs que les aménageurs, comme les opérateurs, seraient extrêmement favorables à une assistance à maîtrise d'ouvrage qui permettrait notamment :

- de garantir un cahier des charges complet au regard des enjeux scientifiques des opérations de fouille ;

- de réduire les délais de conclusion du contrat de fouille avec une facilitation de la rédaction du cahier des charges ;

- d'offrir aux opérateurs une nouvelle source d'activité et de revenu, avec pour contrepartie à cette assistance l'interdiction de répondre à l'appel d'offre.

Cette proposition a d'ailleurs été formulée par M. Eric Doligé dans son récent rapport 19 ( * ) sur les normes.

Proposition n° 13 : Prévoir une assistance à maîtrise d'ouvrage auprès des aménageurs.

Vos rapporteurs se félicitent enfin que, malgré les réductions d'effectifs liées à la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le ministère de la culture ait eu l'autorisation de recruter une personne pour occuper un emploi au sein de la sous-direction de l'archéologie et dont la mission est de procéder à tous les recensements et analyses chiffrées de la politique d'archéologie préventive.

Le rôle de cet « observatoire de l'archéologie préventive » est très important dans une démarche d'amélioration de la gouvernance et d'évaluation de la politique de prescription des différentes régions. La transmission de ces informations sera particulièrement utile aux travaux du CNRA pour mieux apprécier les enjeux de l'archéologie préventive.

Proposition n° 14 : Demander la transmission, par le futur Observatoire de l'archéologie préventive du ministère de la culture et de la communication, des données chiffrées au CNRA.


* 19 M. Eric Doligé, rapport sur les normes applicables aux collectivités territoriales, remis au Président de la République le 16 juin 2011.

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