B. LA RECONNAISSANCE DES ARTISTES DE LA SCÈNE FRANÇAISE AU PLAN MONDIAL

1. La mondialisation du système de reconnaissance des artistes

Mondialisation, globalisation, financiarisation ont contribué à faire émerger de la scène artistique internationale quelques dizaines d'artistes « stars » dont le prix des oeuvres atteignent aujourd'hui des sommets et entretiennent un marché puissamment spéculatif. Le lien qui s'est établi entre le pays d'origine des artistes reconnus internationalement et sa puissance sur le plan économique a affaibli la représentation des artistes français sur le marché de l'art et dans les grandes manifestations d'art contemporain.

a) La suprématie de la peinture américaine et la nouvelle domination de la peinture chinoise

Au cours de la dernière décennie, la peinture américaine a conforté sa première place sur la scène mondiale des enchères, tandis que la peinture chinoise s'est imposée aux tous premiers rangs. Artistes américains et chinois forment ainsi la clé de voûte de l'édifice du marché de l'art d'aujourd'hui.

Les plus grands collectionneurs et acheteurs ont ainsi donné la priorité à la peinture américaine et chinoise. Figurent dans le « top 10 » des artistes en termes de chiffre d'affaires : Jean-Michel Basquiat, Jeff Koons Richard Prince, et Christopher Wool pour les Américains, Chen Yifei, Zeng Fanzhi et Zhou Chunya pour les Chinois. Dans cette liste dominée par deux nationalités, qui exercent aussi une suprématie au plan économique, quelques noms viennent jouer les trouble-fêtes, encore qu'ils appartiennent à deux nations puissantes sur le marché de l'art, les Britanniques Peter Doig et Damien Hirst ainsi que l'Allemand Martin Kippenberger.

Sur la base du classement « Top 500 Artprice » des artistes nés après 1945, les artistes américains représentent en 2006/2007 et 2009/2010 respectivement 20 % et 17 % des artistes contemporains en termes de chiffre d'affaire, les Chinois 35 % et 28 %, et les Français 1,8 % et 2 %. A eux seuls les artistes américains et chinois dominent en valeur le marché de l'art contemporain , même si leur prééminence semble s'éroder au cours des dernières années.

PRÉSENCE DES ARTISTES AMÉRICAINS, CHINOIS ET FRANÇAIS
DANS LE CLASSEMENT « TOP 500 ARTPRICE » - PRODUIT DES VENTES

Source : Données Artprice

L'entrée en scène des artistes chinois sur la scène artistique internationale a été particulièrement spectaculaire. Il faut remarquer, d'une part, que la cote de l'art contemporain chinois a progressé entre janvier 2004 et janvier 2009 de 416 %, et d'autre part, que les artistes chinois se sont rapidement imposés parmi les enchères millionnaires. L'année 2006 a été celle des premières enchères millionnaires, en euros, pour trois artistes chinois, Zhang Xiaogang, Yue Minjun et Chen Yifei. « L'une des forces du marché asiatique, et chinois en particulier, est de soutenir avec un formidable dynamisme ses compatriotes, y compris les artistes les plus jeunes » 14 ( * ) .

La visibilité internationale de la Chine recouvre une tendance plus large, l'apparition sur le marché d'artistes des pays émergents, à l'exemple de l'Inde. Entre 2000 et 2008, l'indice des prix pour l'art contemporain indien a été multiplié par sept. Les raisons en sont l'implantation des maisons de vente en Inde et la présence d'artistes indiens dans les catalogues de ventes aux enchères à New York.

b) Les prescripteurs d'art contemporain, leaders de goût, personnes ressources : les nouveaux acteurs clés

Les différentes auditions réalisées dans le cadre de ce rapport d'information ont permis d'apporter un éclairage particulier sur les nouveaux acteurs clés qui exercent une influence certaine sur le monde de l'art contemporain et son marché. L'existence de prescripteurs dans le domaine des arts plastiques, tout en s'inscrivant dans une forme de tradition, est de plus en plus déterminée par des relations complexes qui se nouent autour de l'art d'aujourd'hui.

Ainsi, chaque année, le magazine Artreview établit une liste, au plan international, des cent personnes considérées comme les plus influentes dans le monde de l'art, avec un prisme sur l'art contemporain.

Seules quatre personnalités françaises figurent dans le classement Artreview 2011, deux collectionneurs privés, un directeur d'institution publique et un galeriste, contre cinq en 2010.

Rang 2011

Rang 2010

Personnalités

12

10

Alfred Pacquement, directeur du Musée national d'art moderne

19

15

François Pinault, collectionneur

29

36

Bernard Arnault, collectionneur

51

54

Emmanuel Perrotin, galeriste

---

56

Nicolas Bourriaud, commissaire d'exposition, critique d'art

(1) Des galeries puissantes

Comme le montre le tableau ci-après, les galeries sont prépondérantes en tant que prescripteurs , plus particulièrement dans les deux principaux pays du marché de l'art que sont les États-Unis et le Royaume-Uni. Certaines galeries, à l'image de la galerie Gagosian qui a ouvert en 2010 une succursale à Paris, disposent d'une force de frappe mondiale. Par le soutien puissant apporté à leurs artistes, notamment à l'occasion de ventes publiques, les galeries jouent un rôle de premier plan dans la mondialisation du système de reconnaissance.

RÉPARTITION PAR PROFESSION DES PERSONNALITÉS
CITÉES DANS LA LISTE « POWER 100 »

Professions / secteurs

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Rang en 2009

Galeriste

26 %

24 %

24 %

26 %

22 %

22 %

24 %

27 %

1

Conservateur

19 %

18 %

20 %

20 %

20 %

15 %

16 %

25 %

2

Artiste

12 %

17 %

22 %

20 %

25 %

19 %

30 %

23 %

3

Collectionneur

19 %

18 %

20 %

21 %

21 %

31 %

20 %

13 %

4

Critique d'art

1 %

1 %

0 %

0 %

2 %

2 %

3 %

5 %

5

Foire d'Art

0 %

3 %

2 %

1 %

2 %

3 %

3 %

2 %

6

Maison de vente aux enchères

6 %

6 %

3 %

3 %

3 %

5 %

3 %

2 %

7

Autre

2 %

1 %

0 %

0 %

0 %

0 %

0 %

2 %

8

Site Web

0 %

1 %

1 %

0 %

1 %

0 %

0 %

1 %

9

Architecte

3 %

4 %

5 %

5 %

4 %

2 %

0 %

0 %

Conseiller

2 %

3 %

1 %

1 %

0 %

0 %

0 %

0 %

Avocat

2 %

0 %

0 %

1 %

0 %

0 %

0 %

0 %

Politicien

2 %

0 %

0 %

0 %

0 %

1 %

0 %

0 %

Éditeur

3 %

1 %

2 %

2 %

0 %

0 %

0 %

0 %

Agent immobilier

3 %

2 %

0 %

0 %

0 %

0 %

0 %

0 %

Restaurateur

0 %

1 %

0 %

0 %

0 %

0 %

0 %

0 %

Total

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

99 %

100 %

Source : Christie's 2009

(2) Des collectionneurs influents

Les collectionneurs privés d'art contemporain ont un poids économique et médiatique considérable aujourd'hui . L'influence s'est déplacée vers quelques collectionneurs « stars » au détriment des critiques d'art. Le cas français est à ce titre emblématique, puisque figurent dans les trente premiers rangs deux collectionneurs d'envergure internationale et dont l'ascendance au sein du marché de l'art contemporain est prépondérante.

De tous temps, les grands collectionneurs ont fait partie du monde de l'art. Le positionnement international des deux plus importants collectionneurs français actuels confirme cette tendance à l'intégration au monde de l'art, notamment par les moyens financiers dont ils disposent pour se positionner en tant que leaders du marché et faiseurs de goûts. Le plasticien américain Jeff Koons est ainsi collectionné par François Pinault et soutenu par la galerie Gagosian.

Ces collectionneurs n'exercent pas nécessairement une fonction de mécène ou de découvreur de talents, comme certaines collections du XIX e siècle ou du début du XX e siècle en apportent pour le passé le témoignage. Par ailleurs, certaines personnes auditionnées par votre rapporteur ont souligné que les collectionneurs français détenaient peu d'oeuvres d'artistes français.

Certains collectionneurs en France se sont constitués en réseau, tel l'Association pour la diffusion internationale de l'art français (ADIAF) et se définissent comme des « éclaireurs et défricheurs ».

L'ADIAF (ASSOCIATION POUR LA DIFFUSION INTERNATIONALE
DE L'ART FRANÇAIS)

Créée en 1994 sous forme d'association de loi 1901, l'Adiaf est une initiative d'amateurs d'art contemporain. Elle regroupe actuellement 220 collectionneurs privés et est présidée par Gilles Fuchs.

Le Centre Pompidou est le partenaire de référence de l'Adiaf, qui dépend par ailleurs de plusieurs grands mécènes : Lombard Odier, Artcurial, la fondation Hermès notamment.

La stratégie de l'Adiaf s'appuie sur le rapport Quémin de 2001, qui déplore le « lent effacement » de la scène française sur le marché international. Elle comprend trois objectifs :

- encourager un « esprit de collectionneurs » dans la société civile ;

- produire des expositions pour promouvoir la scène française ;

- soutenir les artistes résidents via le Prix Marcel Duchamp.

L'Adiaf encourage particulièrement les oeuvres les plus novatrices dans le domaine des arts plastiques et visuels, et contribue ainsi à la valorisation de la cote de jeunes artistes.

Par leur politique d'acquisitions à travers différentes structures ou institutions, l'État et les collectivités territoriales sont aussi des collectionneurs influents, tout au moins sur la scène artistique française.

(3) Le positionnement des conservateurs et directeurs d'institutions

L'autre grande figure du monde de l'art est le conservateur ou directeur d'institution, à l'image du directeur du musée national d'art moderne, Alfred Pacquement, dont l'influence croissante - 24 e rang en 2008, 18 e rang en 2009, 15 e rang en 2010 et 12 e rang en 2011 du classement Artreview - est à comparer avec l'absence d'artistes français au sein de ce même classement. Les conservateurs exercent à la fois un pouvoir prescripteur à l'égard de la formation du goût artistique du public mais aussi de pérennisation de l'institution muséale. Mme Judith Benhamou-Huet, lors de son audition par votre rapporteur, a mentionné leur « rôle phare dans le monde volage de l'art contemporain » .

Par ailleurs, pour l'artiste, l'entrée de ses oeuvres dans les collections d'un musée fonde la reconnaissance de son travail - cela constitue une forme « d'adoubement » - et pour le collectionneur, le legs de sa collection à une institution publique fonde la pertinence de ses choix. Les choix opérés par le conservateur permettent d'apporter une forme de validation en dehors du marché. Il se situe donc à la frontière du marché, car tout en n'y appartenant pas, il est susceptible de l'influencer.

Dans ce jeu d'influence entre galeristes, collectionneurs privés et dirigeants d'institutions, il faut remarquer la disparition des intermédiaires que pouvaient être les critiques d'art . D'ailleurs, force est de constater que les articles critiques sur l'art contemporain occupent une place très restreinte dans la presse grand public au profit de titres évoquant la plupart du temps la flambée des prix des oeuvres. La presse diffuse surtout de l'information sur l'art d'aujourd'hui et semble avoir abandonné toute ambition critique. Des blogs spécialisés traitant de l'actualité artistique ont cependant pris le relais. Ce phénomène n'apparaît pas propre à la France.

2. « Le plus irrationnel dans l'art est son marché » (Daniel Buren)

Le secteur de l'art contemporain a connu une hausse vertigineuse des cotes des artistes vivants les plus médiatisés sur la scène internationale. Ces enchères multimillionnaires ont contribué à créer un marché de valeurs spéculatives très sensibles aux aléas économiques.

Faisant le constat pour l'art d'aujourd'hui que « la seule folie de l'art est le prix » , l'artiste Daniel Buren a qualifié d'irrationnel le lien actuel entre la qualité et le prix des oeuvres d'artistes vivants, jugeant que celui-ci ne peut être établi du vivant de l'artiste.

Les prix en ventes publiques des oeuvres d'art d'aujourd'hui ont ainsi atteint des records, comme l'illustre la liste des plus fortes enchères réalisées par des artistes nés après 1945 depuis 2006. Un phénomène de construction de cotes d'artistes vivants s'est mis en place, dont certains observateurs du marché de l'art contestent la réalité et qu'ils considèrent comme artificielles.

ARTISTES NÉS APRÈS 1945 AYANT RÉALISÉ LES PLUS FORTES ENCHÈRES
DEPUIS 2006

Artistes

Pays

Adjudications en euros

Date

Jeffs Koons

USA

14 536 000

30/06/2008

Damien Hirst

UK

12 752 080

21/06/2007

Jean-Michel Basquiat

USA

9 600 500

15/05/2007

Takashi Murakami

Japon

8 706 150

14/05/2008

Peter Doig

UK

7 741 800

07/02/2007

Yifei Chen

CN

5 621 400

29/05/2010

Maurizio Cattelan

IT

5 507 600

12/05/2010

Richard Prince

USA

4 763 395

01/07/2008

Source : Données Artprice

La mondialisation a fait évoluer les critères d'achat d'une oeuvre d'art. Elle a conduit les acheteurs à réaliser des effets spéculatifs. La puissance économique des pays émergents tend à déstabiliser les équilibres anciens. La présence en masse des financiers parmi les acheteurs actuels d'oeuvres d'art est une des caractéristiques du marché. Il s'agit en particulier de gérants de fonds spéculatifs, de professionnels du secteur du capital investissement ou de grandes fortunes.

Profitant d'un marché de l'art plutôt favorable, se sont créés des fonds d'investissement en oeuvres d'art qui proposent d'en acquérir des parts, dans une optique de rendement et de défiscalisation.

Par ailleurs, le tableau ci-après des dix plus fortes enchères mondiales d'artistes nés après 1945 montre que deux plasticiens, l'Américain Jeffs Koons et le Britannique Damien Hirst se partagent la totalité des enchères supérieures à dix millions d'euros pour la période comprise entre 2006 et le premier semestre 2011. Ils réalisent ainsi avec la vente de sept oeuvres un chiffre d'affaires de plus de 85 millions d'euros, réparti équitablement entre eux deux.

LES DIX PLUS FORTES ENCHÈRES MONDIALES
2006 - 1 er semestre 2011

Rang

Artistes

Adjudications en euros

Date

Lieu

1

Jeffs Koons (1955)

14 536 000

30/06/2008

Londres

2

Jeffs Koons

14 403 900

14/11/2007

New York

3

Damien Hirst (1965)

12 752 080

21/06/2007

Londres

4

Damien Hirst

11 606 720

15/09/2008

Londres

5

Jeffs Koons

10 804 500

10/11/2010

New York

6

Damien Hirst

10 723 600

15/09/2008

Londres

7

Jeffs Koons

10 441 500

10/05/2011

New York

8

Jean-Michel Basquiat (1960-1988)

9 600 500

15/05/2007

New York

9

Jean-Michel Basquiat

9 450 000

12/11/2008

New York

10

Takashi Murakami (1962)

8 706 150

14/05/2008

New York

(c) Artprice.com

On constate également une tendance haussière du coût de la production artistique. Dans les années 1960, une oeuvre sortie d'atelier de Picasso avait une valeur comparable à l'époque aux États-Unis à celle d'un véhicule Ford bas de gamme, alors qu'aujourd'hui une oeuvre sortie d'atelier d'un artiste plus jeune peut valoir 2 à 3 millions d'euros.

Votre rapporteur fait observer que la connaissance des prix des oeuvres d'art d'aujourd'hui se fonde quasi exclusivement sur les valeurs d'adjudications en ventes publiques, ce qui n'est pas sans influence sur la reconnaissance d'un artiste sur la scène internationale. Cette lecture de l'art d'aujourd'hui apparaît biaisée et artificielle. En effet, certains artistes dont le travail est reconnu et connu internationalement sont peu présents en ventes publiques, à l'exemple du français Daniel Buren.

La cote des artistes français sur la scène internationale se situe en très fort décalage avec celle d'artistes américains, britanniques ou chinois. En termes de records de prix de ventes et de présence dans les grandes manifestations internationales, il y a peu d'artistes français qui ont une visibilité internationale.

LES DIX PLUS FORTES ENCHÈRES D'ARTISTES NÉS EN FRANCE APRÈS 1945
2006 - 1 er semestre 2011

Rang

Artistes

Adjudications en euros

Date

Lieu

1

Jules de Balincourt (1972)

284 004

30/06/2010

Londres

2

Richard Texier (1955)

283 800

20/01/2008

Shanghai

3

Jules de Balincourt

204 568

12/05/2010

New York

4

Jules de Balincourt

204 461

14/10/2010

Londres

5

Jules de Balincourt

178 656

29/06/2011

Londres

6

Jules de Balincourt

150 084

15/11/2007

New York

7

Richard Orlinski (1966)

140 000

15/05/2011

Cannes

8

Pierre et Gilles (1976)

130 000

30/05/2011

Paris

9

Jules de Balincourt

118 989

28/02/2008

Londres

10

Pierre et Gilles

116 460

15/05/2008

New York

(c) Artprice.com

Ainsi, l'artiste français, Jules de Balincourt, qui enregistre les plus hautes enchères et domine le classement réalisé par Artprice concernant les artistes nés en France après 1945 n'appartient pas à la scène française puisqu'il vit et travaille à New York après y avoir étudié au Hunter College. D'ailleurs, il est absent des maisons de ventes dans notre pays.

Force est de reconnaître également la faiblesse de la place de Paris sur le marché des ventes aux enchères haut de gamme puisqu'y dominent les villes de Londres et de New York.

TOP 10 DES ARTISTES CONTEMPORAINS FRANÇAIS (NÉS EN FRANCE APRÈS 1945)
au 1 er semestre 2011
PRODUITS DES VENTES AUX ENCHÈRES

Rang

Artiste

Produits
des Ventes

Lots vendus

Produits
des Ventes

Lots vendus

Produits
des Ventes

Lots vendus

1

PIERRE & GILLES (1976)

650 100 €

21

650 100 €

21

0 €

0

2

COMBAS Robert (1957)

379 020 €

71

240 890 €

58

138 130 €

13

3

BALINCOURT de Jules (1972)

295 247 €

3

0 €

0

295 247 €

3

4

ORLINSKI Richard (1966)

154 700 €

5

149 800 €

4

4 900 €

1

5

TEXIER Richard (1955)

153 940 €

13

153 940 €

13

0 €

0

6

PASQUA Philippe (1965)

96 034 €

7

66 800 €

6

29 234 €

1

7

FRIZE Bernard (1954)

90 549 €

3

12 000 €

1

78 549 €

2

8

BLEK LE RAT (1951)

90 005 €

14

84 160 €

8

5 845 €

6

9

ROSA DI Hervé (1959)

87 090 €

21

86 190 €

20

900 €

1

10

SPEEDY GRAPHITO (1961)

78 830 €

11

78 830 €

11

0 €

0

(c) Artprice.com

TOP 10 DES ARTISTES CONTEMPORAINS CHINOIS (NÉS EN CHINE APRÈS 1945)
au 1 er semestre 2011

PRODUITS DES VENTES AUX ENCHÈRES

Monde (Total)

Chine seulement

Monde (Hors Chine)

Rang

Artiste

Produits des ventes

Lots vendus

Produits des ventes

Lots vendus

Produits des ventes

Lots vendus

1

ZENG Fanzhi (1964)

22 982 415 €

32

20 613 527 €

29

2 368 888 €

3

2

CHEN Yifei (1946-2005)

20 569 782 €

32

20 566 148 €

31

3 634 €

1

3

ZHANG Xiaogang (1958)

19 999 467 €

35

19 768 405 €

24

231 062 €

11

4

LIU Wei (1965)

7 895 965 €

31

7 463 341 €

29

432 624 €

2

5

ZHOU Chunya (1955)

7 638 148 €

57

6 271406 €

44

1 366 742 €

13

6

WANG Yidong (1955)

5 573 956 €

15

5 571 380 €

13

2 576 €

2

7

WANG Guangyi (1957)

5 337 223 €

29

5 179 595 €

21

157 628 €

8

8

FANG Lijun (1963)

4 141 585 €

13

4 068 577 €

10

73 008 €

3

9

AI Xuan (1947)

4 069 821 €

17

3 680 627 €

16

389 194 €

1

10

LUO Zhongli (1948)

3 919 010 €

23

3 873 882 €

22

45 128 €

1

La comparaison des deux tableaux qui nous ont été communiqués par la société Artprice est particulièrement révélatrice de la distorsion qui existe au sein du marché de l'art d'aujourd'hui entre la France et la Chine pour les artistes nés après 1945. Le prix moyen d'une oeuvre se situe en Chine entre 170 000 et 720 000 euros contre 7 000 à 100 000 euros en France pour les artistes réalisant les plus gros chiffres d'affaires en ventes publiques. Mathématiquement, on surpasse la « théorie du zéro manquant » en termes de comparaison, en valeur, entre le marché français et le marché chinois. Alors que les ventes hors du pays d'origine sont similaires, de l'ordre de 15 %, on se situe dans une échelle de 1 à 49 s'agissant du produit des ventes des artistes français par rapport aux artistes chinois de moins de soixante-cinq ans.

3. La faible représentation des artistes français
a) Une présence dispersée dans les grandes manifestations internationales d'art contemporain

« Personnellement je ne connais pas d'autre pays ménageant une place aussi ridicule à ses artistes dans les expositions internationales » 15 ( * )

La question de la place des artistes de la scène française dans le marché de l'art contemporain ne s'appréhende pas uniquement au travers de l'évaluation des ventes aux enchères. La présence française dans les grandes rencontres internationales d'art contemporain constitue un bon indicateur du dynamisme de l'art d'aujourd'hui dans notre pays et de sa reconnaissance sur le marché de l'art.

Or lorsqu'on observe les listes des galeries et artistes exposés, on peut se demander si les artistes de la scène française ne sont pas les oubliés d'une dynamique sans précédent vis-à-vis de l'art contemporain. En effet, les chiffres de la Foire internationale d'art contemporain (FIAC), dont tout le monde s'accorde à souligner le succès et l'effet d'entraînement pour la capitale, sont révélateurs d'une tendance : en 2009, 83 galeries sur les 203 exposées étaient françaises. Ce taux de 40,3 % a chuté en 2010 à 36,9 % et finalement cette année on ne compte que 30,9 % de galeries françaises sur les 168 exposées . Évidemment la sélectivité s'est accrue compte tenu de l'évolution de la surface d'exposition dont dispose la FIAC. Mais ces chiffres indiqueraient-ils alors que plus la qualité et la sélectivité croît, notamment en France, moins la scène française a ses chances ?

La représentativité française n'est d'ailleurs pas particulièrement forte dans les grands rendez-vous à l'étranger : en 2011 les galeries françaises ont représenté 13,16 % des exposants (25 galeries sur 190) à Art Brussels en Belgique, et elles représenteront 4,88 % à la foire Art Basel de Miami et 6 % à la foire de Bâle (Art Basel). En 2005, un seul artiste français - Bernard Frize - avait été retenu dans la section internationale de la Biennale de Venise.

b) Une présence marginale des artistes français dans les grandes collections.

Les artistes français du début du siècle sont bien représentés, notamment au MoMA de San Francisco (pour les modernistes) et à la Tate Modern de Londres (pour les nouveaux réalistes).

Leur présence décline toutefois avec le temps , avec une rupture nette après la seconde guerre mondiale. A partir des années 1960, la scène française est presque totalement absente. La création contemporaine se limite souvent à quelques artistes phares : Christian Boltanski, Sophie Calle ou Cyprien Gaillard, lauréat 2010 du prix Marcel Duchamp.

Cet effacement est d'autant plus dommageable que ce sont les accrochages permanents des grandes institutions qui garantissent la reconnaissance durable des oeuvres.

Le Centre national des arts plastiques (CNAP) prête chaque année un peu plus de 1 000 oeuvres du FNAC à l'étranger. Ce rythme sera cependant ralenti jusqu'au 1 er décembre 2012, pendant le déménagement des collections.

En 2010, les prêts pour des expositions ont été plus nombreux qu'en 2009 (575 soit +14,5 %) et destinés à un cercle plus restreint d'acteurs (-13,9 %). La Russie et le Cameroun en ont reçu la moitié, à l'occasion de coproductions avec le CNAP.

Le reste des dépôts est destiné principalement aux locaux des ambassades et consulats (118 oeuvres en 2010). Une part très marginale va aux musées étrangers, dont le musée d'art moderne et contemporain (Mamco) de Genève.

Les sociétés multinationales constituent pour certains artistes une passerelle vers l'étranger, à l'instar des Galeries Lafayette, de Total ou encore de Pernod Ricard qui a financé une rétrospective de Daniel Buren au musée Guggenheim de New York en 2005.

A ce titre, votre rapporteur observe que les responsables des grandes expositions d'art contemporain semblent privilégier les artistes non français, donnant ainsi le sentiment d'une perte de confiance de l'institution à l'égard des artistes de la scène française. Cette inclinaison peut peser sur le marché et la création nationale. Les institutions nationales concourent également à cette absence de visibilité de la scène française.

Plusieurs personnes auditionnées par votre rapporteur ont regretté que dans le cadre du château de Versailles, peu d'artistes français aient été montrés à un large public et que les grandes « stars » internationales aient été privilégiées, d'autant que de telles manifestations rencontrent un succès d'affluence toujours plus considérable. Maître Olivier Perrin, commissaire-priseur à Versailles, a également relevé l'influence des grandes rétrospectives sur le marché. Il a ainsi cité l'exposition « l'Envolée lyrique » retraçant l'invention de l'art abstrait, qui avait eu lieu en 2006 au musée du Luxembourg. On peut citer également l'enchère de 1,46 million d'euros réalisée par un tableau de Jean-Michel Basquiat chez Christie's Paris en décembre 2010, alors que son estimation était de 1 à 1,5 million d'euros, au moment où se déroulait une grande rétrospective de son oeuvre au Musée d'art moderne de la Ville de Paris. Votre rapporteur considère ainsi que la présentation par les institutions françaises des artistes français a un rôle déterminant.

c) Le rôle des commissaires d'exposition

Se mettre au service des artistes, des lieux et du public, telle pourrait être la définition de la profession de commissaire d'exposition. Il s'agit d'une activité qui s'est professionnalisée depuis une quarantaine d'années.

Les commissaires d'exposition ne sont pas définis par un statut mais par une pratique. Ils exercent souvent une autre profession : ils sont ainsi souvent conservateurs, directeurs de FRAC ou de centres d'art, parfois galeristes ou critiques d'art. Ce sont les « têtes chercheuses » à la recherche des talents qui méritent un investissement (« bankable »).

Ils jouent un rôle crucial pour le rayonnement de la scène française par leur capacité à exporter et à importer des artistes. De par leur intervention sur la scène internationale et leur connaissance des scènes locales, ils peuvent exercer une influence sur la carrière des artistes.

Ainsi, les commissaires d'exposition lorsqu'ils s'exportent à l'étranger emmènent avec eux des artistes de leur pays d'origine. La force de la Suisse se situe sans doute dans ses commissaires d'exposition reconnus qui sont invités à travailler sur des manifestations internationales par d'autres pays et qui invitent des artistes suisses à les accompagner.

La participation de commissaires d'exposition étrangers en France a également contribué à une plus grande notoriété et reconnaissance dans le monde de l'art de certaines Biennales. Le fait d'avoir confié cette année le commissariat de la Biennale de Lyon à l'Argentine Victoria Noorthoorn lui a permis d'affirmer sa dimension internationale.

Curateur français, Nicolas Audureau vit en Russie et a organisé une exposition de sept artistes français depuis la fin du mois de septembre 2011 dans le cadre de la 4 e Biennale d'art contemporain de Moscou.

La valeur du commissaire d'exposition s'apprécie au regard de son indépendance tant artistique que financière. Il n'est pas partie prenante de l'économie.

LES COMMISSAIRES D'EXPOSITION D'ART CONTEMPORAIN EN FRANCE

PORTRAIT SOCIAL

La situation professionnelle des commissaires d'art contemporain est caractérisée par une forte précarité et par une intermittence des périodes d'emploi. L'indépendance est aussi une étape incontournable dans les carrières, un commissaire sur deux seulement exerçant aujourd'hui dans une structure et un cinquième bénéficiant d'un CDI. En conséquence, les commissaires sont très majoritairement pluriactifs dans le monde de l'art contemporain, 75 % obtenant au moins la moitié de leurs revenus d'une autre activité dans ce secteur. Le commissariat est très majoritairement une activité complémentaire d'autres activités dans le milieu de l'art. Le revenu annuel médian issu de l'activité de commissariat est d'ailleurs inférieur à 500 euros annuels et seules 7 % des personnes interrogées touchent plus de 20 000 euros par an en étant commissaire. Les diplômes ont en outre peu d'effets pour protéger de cette précarité économique.

Pourtant, les commissaires d'art contemporain sont de plus en plus diplômés : d'abord dans les disciplines des arts plastiques puis en histoire de l'art, même si les plus jeunes viennent désormais de plus en plus souvent de formations spécialisées dans les métiers de l'exposition et la gestion culturelle. Les commissaires ont par ailleurs très majoritairement moins de 45 ans et sont d'origine provinciale. Ils sont majoritairement issus des classes moyennes et supérieures, ont hérité de ressources culturelles importantes et ont souvent connu une orientation scolaire précoce vers les mondes de l'art. L'activité est plus féminisée que l'activité de plasticien.

L'activité curatoriale est caractérisée par la polyvalence des compétences mises en jeu. La prospection des artistes et des oeuvres, l'accrochage et la mise en espace, la communication, le conseil aux artistes constituent, pour la majorité des commissaires d'art contemporain, le coeur de leur métier. Ainsi le « commissaire idéal » doit-il avant tout avoir de l'oeil puis des capacités relationnelles et de travail en équipe. Une exposition « réussie » suscite des débats avant d'attirer un nombre de visiteurs importants ou de permettre de poursuivre son activité. Mais les commissaires se plaignent d'un manque de reconnaissance de la part du grand public et surtout des conservateurs et de l'administration. Les obstacles à l'activité sont cependant vus aujourd'hui comme étant avant tout matériels : il s'agit d'abord des difficultés techniques à se faire rétribuer puis du manque de ressources disponibles pour monter des expositions.

Au total, sur le plan économique et professionnel, la vie des commissaires est actuellement plus proche de la vie d'artiste que de celle des conservateurs de musée. Le commissariat d'art contemporain constitue en effet un marché du travail ouvert et non régulé où l'offre est très supérieure à la demande, ce qui implique de fortes inégalités dans la distribution des rétributions économiques et symboliques. À ce tableau conforme à ce qu'est l'emploi artistique actuel en général s'ajoute une incertitude forte des commissaires sur leur identité collective, ce dont témoigne la variation importante des définitions de soi utilisées par les personnes interrogées. Une telle variation est cependant explicable par le fait que le commissariat d'art contemporain est rarement la principale source de revenus et que d'autres activités - notamment d'artistes, de directeurs de centre d'art, d'enseignants, etc. - définissent mieux l'identité principale des personnes.

Il y a en définitive, derrière ces variations de définitions de soi, plusieurs manières d'être commissaires d'art contemporain. L'enquête a ainsi permis d'aller au-delà des seuls traits généraux de l'activité et de ses représentations afin d'isoler trois profils distincts : le jeune commissaire indépendant qui tend à être plus souvent parisien et précaire ; l'artiste-commissaire qui tend à travailler plus souvent en association et en province avec en général une reconnaissance et des revenus encore plus faibles ; le commissaire salarié qui tend à être plus souvent rattaché à une structure, est fréquemment plus âgé et moins diplômé, mais pourtant plus actif, plus reconnu et plus internationalisé que les deux autres types de commissaires. Suivant son appartenance à l'un de ces trois sous-groupes, chaque commissaire d'art contemporain aura aujourd'hui des intérêts différents, notamment en ce qui concerne la structuration souhaitable de l'activité et les formes de revendications qui pourraient ou devraient être construites collectivement.

Rapport d'enquête remis à l'association Commissaires d'exposition associés - Laurent Jeanpierre - Saint-Denis et Séverine Sofio


* 14 Le marché de l'art contemporain 2008/2009 Artprice.

* 15 C. Millet - L'art contemporain en France.

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