Christian GAUDIN, Préfet des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)

Nous devons donner une vision politique de la France sur ces territoires et nous assurer que les dimensions scientifiques y sont les plus affirmées. Je suis conforté dans cette analyse par les échos de la communauté scientifique, des responsables politiques et des organismes depuis cinq ans. Je constate que l'addition des problèmes logistiques, scientifiques, de la question de la surveillance de la pêche et de la défense complique l'équation lorsque nous souhaitons aboutir à la mutualisation des moyens.

La spécificité des territoires recouvre deux aspects : la desserte des terres australes et celle du niveau subantarctique. La logistique simultanée de ces deux territoires me semble difficile à assurer. En effet, ces districts sont abordés grâce à un bateau, qui conduit 1 200 tonnes de gasoil, 100 personnes, en plus d'un certain tonnage de matériel scientifique et de vivres. Etant donné qu'il abrite une communauté scientifique, il comporte 650 mètres carrés de laboratoires et permet de travailler durant les cinq à six jours de transit nécessaires pour rejoindre les territoires. Il est sans doute difficile d'utiliser le bateau pour d'autres missions, comme la surveillance de la pêche ou la défense d'une zone, extérieures à la vocation du Marion Dufresne, dont la capacité d'emport est mixte, qui permet une logistique particulière et le séjour de scientifiques.

De ce fait, nous pouvons réfléchir à la mutualisation, comme c'est engagé. Les moyens semblent plus simples à mutualiser dans le canal du Mozambique, qui offre une réponse en termes de menaces de piraterie. Cependant, la mutualisation des moyens marins destinés à couvrir les besoins subantarctiques doit être distinguée : nous pouvons opter pour un bateau mutualisé ou pour la jouvence du Marion Dufresne. L'emprunt sera terminé et le contrat arrivera à échéance en 2015. La jouvence du Marion Dufresne lui permettrait de prolonger son activité de quinze à vingt ans moyennant des coûts réalistes et de poursuivre la collaboration unique entre l'IPEV et les TAAF. Pourquoi ne pas imaginer pour ce couple la possibilité d'arriver jusqu'aux Eparses ? En effet, le Marion Dufresne assure la rotation logistique sur l'ensemble des districts austraux sous la houlette des TAAF pendant quatre mois dans l'année. Pendant les huit autres mois, l'IPEV l'utilise pour assurer des missions océanographiques sur l'ensemble du globe.

La mutualisation de ce bateau déliterait les rapports des TAAF avec l'IPEV et modifierait le partenariat qui existe sur un territoire scientifique. En tant qu'ancien représentant national et ancien membre de la Commission des Finances, je conçois les contraintes budgétaires. Cependant, nous ne devrons pas confondre la vision scientifique que nous voulons donner aux TAAF, subordonnée à la protection de ces territoires, et la mutualisation, qui couvrirait l'ensemble des missions à accomplir dans ces régions. La surveillance des pêches au niveau subantarctique a permis assurément l'installation d'une recherche particulière. Par ailleurs, la dimension économique de la pêche est bien affirmée aujourd'hui. En outre, le financement de la recherche en amont de la définition de la biomasse permet de définir des quotas, pourvoyeurs de ressources. Les moyens que nous utilisons depuis ces dernières années permettent d'ajouter cette dimension économique à la dimension scientifique.

Du point de vue des territoires subantarctiques, je considère que la jouvence du Marion Dufresne et la reconnaissance de sa vocation scientifique sont une voie à privilégier. De la sorte, nous pourrions apporter à ce bateau des équipements plus adaptés à la recherche océanographique, qui représente deux tiers de l'activité de l'année du Marion Dufresne. Nous pourrions également profiter de cette jouvence pour équiper le navire des moyens adéquats pour implanter une véritable recherche sur les îles Eparses et le compléter de dispositifs légers. En résumé, nous gagnerions à profiter de la jouvence du Marion Dufresne, d'ici quelques années, pour le réadapter à la demande, poursuivre une activité scientifique océanographique et lui permettre de répondre à la logistique scientifique réclamée par les TAAF.

Nous devons veiller au remplacement de l'Astrolabe, dont l'espérance de vie est réduite. Nous gagnerions à chercher d'autres missions qui pourraient accompagner la desserte des la bases Concordia et Dumont d'Urville.

La Curieuse, bateau de 25 mètres, assurait la logistique saisonnière nécessaire pour conduire les équipes aux îles Kerguelen, soit 300 îles et une surface équivalente à la Corse. Compte tenu des restrictions budgétaires, les TAAF et l'IPEV ont été seules à pouvoir supporter les coûts du bateau. Voici trois ans, une convention avec un armateur a permis aux TAAF et à l'IPEV d'exercer une activité sur le bateau 60 jours par an. Cependant, compte tenu des contraintes inhérentes au canal du Mozambique, l'armateur a dû mettre en place une équipe de protection embarquée. Nous n'avons pu répondre à la demande, qui était trop forte. Ainsi, il est resté à quai, faute de pouvoir remplir sa mission. Nous devons trouver un moyen pour permettre au bateau de résister à ces contraintes financières. En tant que responsable d'une administration chargée d'assurer des dessertes logistiques, je voulais attirer l'attention du Parlement sur le peu d'années qui restaient à de nombreux bâtiments voués à la logistique et à la surveillance de ces régions.

Quant aux moyens aériens, nous rejoindrons les détachements militaires présents sur les îles Eparses avec les vols par Transall, qui partiront tous les 30 à 45 jours. Or la durée de vie des Transall est également limitée. Nous ne savons pas si les appareils qui les remplaceront seront immédiatement disponibles, ni si les militaires seront maintenus sur ces territoires, dans le cadre du Livre Blanc.

De grandes préoccupations sont également liées aux moyens financiers, qui résultent d'arbitrages. Donnons une vision politique à ce territoire unique. Peut-être la France doit-elle s'ouvrir à d'autres nations, peut-être doit-elle se limiter à l'Europe prioritairement. Si nous sommes capables d'organiser des concours avec les pays européens avec lesquels nous partageons déjà des travaux au nord et au sud, peut-être pouvons-nous privilégier une situation porteuse de mutualisation, avec un apport de moyens financiers de ces opérateurs. L'intégration de ces partenaires suscite des interrogations sur l'organisation française. Tentons de les approfondir. En effet, les moyens d'assurer les missions demain dépendront des moyens financiers. Si nous ne pouvons en mobiliser, nous devrons trouver d'autres partenariats.

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