N° 4214 N° 286

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ASSEMBLÉE NATIONALE SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE SESSION ORDINAIRE DE 2011 - 2012

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Enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale Enregistré à la présidence du Sénat

le 24 janvier 2012 le 24 janvier 2012

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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

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RAPPORT

sur

L'INNOVATION À L'EPREUVE DES PEURS ET DES RISQUES

Annexes sur

Par MM. Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut, Députés.

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Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Claude BIRRAUX, par M. Bruno SIDO,

Premier Vice-Président de l'Office Président de l'Office

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Composition de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Président

M. Bruno SIDO, sénateur

Premier Vice-Président

M. Claude BIRRAUX, député

Vice-Présidents

M. Claude GATIGNOL, député M. Roland COURTEAU, sénateur

M. Pierre LASBORDES, député M. Marcel DENEUX, sénateur

M. Jean-Yves LE DÉAUT, député Mme Virginie KLÈS, sénatrice

DÉPUTÉS

SÉNATEURS

M. Christian BATAILLE

M. Claude BIRRAUX

M. Jean-Pierre BRARD

M. Alain CLAEYS

M. Jean-Pierre DOOR

Mme Geneviève FIORASO

M. Claude GATIGNOL

M. Alain GEST

M. François GOULARD

M. Christian KERT

M. Pierre LASBORDES

M. Jean-Yves LE DÉAUT

M. Michel LEJEUNE

M. Claude LETEURTRE

Mme Bérengère POLETTI

M. Jean-Louis TOURAINE

M. Philippe TOURTELIER

M. Jean-Sébastien VIALATTE

M. Gilbert BARBIER

Mme Delphine BATAILLE

M. Michel BERSON

Mme Corinne BOUCHOUX

M. Marcel-Pierre CLÉACH

M. Roland COURTEAU

Mme Michèle DEMISSINE

M. Marcel DENEUX

Mme Chantal JOUANNO

Mme Fabienne KELLER

Mme Virginie KLES

M. Jean-Pierre LELEUX

M. Jean-Claude LENOIR

M. Gérard MIQUEL

M. Christian NAMY

M. Jean-Marc PASTOR

Mme Catherine PROCACCIA

M. Bruno SIDO

SAISINE

L'innovation à l'épreuve des peurs et des risques

Quand la France et l'Europe se réveilleront...

L'OPECST a été saisi par le Bureau de l'Assemblée nationale le 27 octobre 2010, à la suite d'une demande de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe SRC de l'Assemblée nationale, dont le texte figure à la page précédente.

Deux rapporteurs, MM. Claude Birraux et Jean-Yves Le Déaut ont été désignés par l'Office parlementaire lors de sa réunion du 18 janvier 2011.

Les deux rapporteurs ont défini leurs objectifs, leur plan de travail et leur méthode lors de la traditionnelle étude de faisabilité qui précède tout rapport de l'Office. Cette étude a permis d'en déterminer le titre : « L'innovation à l'épreuve des peurs et des risques » .

Elle a aussi permis d'en définir les principaux thèmes de réflexion :

Quelles sont les conditions nécessaires pour que l'innovation ait un rôle moteur dans le monde du début du XXI ème siècle ? Comment peut-on tirer les leçons des expériences réussies et des échecs, en tenant compte de la spécificité du système français de recherche et de stimulation de l'innovation ? Faut-il mettre en place une stratégie nouvelle permettant de rendre notre pays plus réactif et plus innovant ? Quels sont les politiques et les outils qui permettraient de mieux évaluer les risques au regard des bénéfices et de rendre l'innovation plus dynamique ?

Cette thématique a été affinée avec les membres d'un comité de pilotage, dont la liste figure en annexe. La composition de ce comité a reflété un souci marqué de multidisciplinarité. Il regroupe en effet des chercheurs de plusieurs domaines, relevant tant des sciences dites « dures » que des sciences humaines, et des présidents d'associations importantes dont les réseaux ont permis de s'entourer de conseils avisés.

Les rapporteurs se sont alors engagés dans un travail de longue haleine qui les a amenés à dialoguer avec plus de mille personnes sur un an. La liste de leurs interlocuteurs figure en annexe. Elle retrace ces rencontres lors d'auditions privées ou publiques, lors de missions en France et à l'étranger, lors de colloques auxquels ils ont participé.

Durant cette année de travail, les deux rapporteurs ont également tenu à rencontrer des acteurs de terrain, tant en Lorraine qu'en Haute Savoie, pour prendre la mesure des recherches innovantes qui y sont menées, et constater le travail mené par les entreprises, les universités, les organismes de recherche, mais aussi par les pôles de compétitivité.

Ces deux missions ont été l'occasion de rencontres originales avec des lycéens de classe de première, autour d'un questionnaire portant sur l'approche intergénérationnelle de l'innovation, des peurs et des risques. Ce questionnaire, auquel ont répondu plus de cent cinquante lycéens de Pont à Mousson, d'Annemasse, mais aussi du lycée français de Singapour a servi de base à un dialogue intergénérationnel, auquel ont été associés des étudiants de Master, des experts, des jeunes retraités comme des adultes engagés dans la vie professionnelle.

Les enseignements qui en ont été tirés ont été largement débattus lors de missions à l'étranger, en Inde, en Chine, en Belgique, en Allemagne, en Suède, aux Etats-Unis, en Afrique du Sud et en Suisse. Des rencontres avec des lycéens ont notamment été organisées en Inde et en Chine.

Les objectifs de ces missions à l'étranger étaient clairement établis. Il s'agissait de vérifier si la France restait au niveau le plus élevé de la recherche au plan mondial ; de s'assurer que nos priorités nationales de recherche étaient pertinentes ; d'identifier les expériences les plus intéressantes dont la France pourrait s'inspirer ; de prendre la mesure du débat sur des questions qui font l'objet de controverses particulières dans notre pays, qu'il s'agisse par exemple des OGM ou des nanotechnologies.

En France, les rapporteurs ont, de manière très systématique, organisé des débats sur les questions qu'ils se posaient, en organisant cinq auditions publiques : la première, le 14 avril 2011 sur l'apport du dialogue intergénérationnel ; la deuxième, le 26 mai 2011, sur les innovations pour la société de demain ; la troisième, le 12 octobre 2011, sur les outils pour une société innovante ; la quatrième, le 27 octobre 2011 sur l'avenir du plateau de Saclay ; la cinquième, le 24 novembre 2011, sur les comparaisons internationales.

Parallèlement, les rapporteurs ont engagé une réflexion approfondie sur le statut des docteurs et leurs possibilités de carrière. Ils ont établi un deuxième questionnaire sur ce thème, qui a reçu un accueil très chaleureux, puisque 1300 docteurs y ont répondu. Leurs réponses sont présentées en annexe, ainsi qu'une première analyse.

Ce rapport repose sur des choix : certains thèmes sont développés plus que d'autres. Il en est ainsi des biotechnologies, où les missions à l'étranger ont permis de s'apercevoir de la diversité et de la richesse de la recherche. Il en est de même du financement de la recherche et de l'innovation, et des réponses à apporter aux risques.

Dans le domaine de la santé, l'innovation a été privilégiée. Les réels dysfonctionnements de l'industrie pharmaceutique, les conflits d'intérêt n'ont pas été approfondis, car ils le sont dans plusieurs autres rapports parlementaires, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.

De même, l'énergie nucléaire n'a pas été directement traitée lors des auditions, puisqu'elle fait l'objet d'autres rapports de l'Office et de la mission d'information qu'il a pilotée.

Pour que les témoignages entendus puissent faire l'objet d'études ultérieures et être utilisés, le rapport sera composé de deux tomes : le premier, comme c'est l'usage, en fera la synthèse des éléments les plus pertinents, les analysera et débouchera sur des recommandations. Il présentera les deux questionnaires et en proposera une première interprétation des résultats qui ont vocation à être discutés à l'extérieur du Parlement ; les données seront librement accessibles. Le second regroupera les comptes-rendus des cinq auditions publiques.

Du plan du premier tome apparaît la nature de l'innovation, résultat d'une idée qui émerge souvent en laboratoire pour aboutir sur le marché, et à son adoption par la population. Une première partie portera donc sur la mise en place d'un cadre nouveau pour la recherche et l'innovation ; la seconde sur l'acceptation de l'innovation par la société, condition de sa diffusion, avec notamment une étude thématique comparée de sujets controversés.

PREMIERE PARTIE : UN CADRE RENOUVELÉ POUR LA RECHERCHE ET L'INNOVATION

Dès le début de XXème siècle, Schumpeter développe les fondements théoriques du processus d'innovation ; selon lui, l'entrepreneur incarne ce pari de l'innovation : son dynamisme, sa mobilité, son goût du risque, assurent la réussite de celle-ci.

L'entrepreneur, c'est-à-dire celui qui entreprend, qui prend le risque de développer quelque chose de nouveau, est pour lui un véritable aventurier qui n'hésite pas à sortir des sentiers battus pour innover et déstabiliser son environnement en le plongeant dans une Terra Incognita .

Selon lui, l'évolution du monde et de la société ne peut pas venir d'une modification quantitative, mais d'une transformation qualitative : l'innovation. Celle-ci est au coeur non seulement du processus de croissance, mais aussi de transformations structurelles plus importantes.

Nous nous proposons dans cette première partie de considérer le cadre global actuel de recherche et d'innovation, d'en identifier les forces et les faiblesses, et de proposer des évolutions.

I. L'INNOVATION, MOTEUR DES SOCIÉTÉS CONTEMPORAINES

Qu'est-ce que l'innovation ?

L'innovation, c'est l'art d'intégrer le meilleur état des connaissances à un moment donné dans un produit ou un service, et ce afin de répondre à un besoin exprimé par les citoyens ou la société.

Comme nous le verrons, l'innovation n'est pas seulement un moteur de la croissance, elle constitue également un atout qualitatif par l'amélioration du mode et du niveau de vie qu'elle apporte, par l'invention de produits et de services plus confortables et plus économiques. C'est d'ailleurs à cet aspect des choses que le citoyen est sensible dans sa vie quotidienne, et c'est ce qui leur fait en règle générale associer le concept d'innovation à un sentiment positif, à un désir, un espoir.

Il convient toutefois de différencier l'innovation de la notion de progrès, terme que la France avait diffusé dans le monde, et qui peut-être vu comme la recherche d'un idéal positif à atteindre par les sciences, les techniques, et donc l'innovation. C'est donc la finalité de l'innovation qui en constitue le processus le plus puissant.

La société accumule ainsi des connaissances, qualifiées d'avancée scientifique. Lors de la création du premier prototype, il est alors question d'avancée technologique, et l'aboutissement de ce processus par sa mise au service de la société constitue l'innovation.

La notion de progrès n'intervient ainsi qu'à cette dernière étape, quand la population considère dans son ensemble qu'il est délivré quelque chose de mieux.

A. CONTEXTE HISTORIQUE DE L'INNOVATION

Lors de notre première audition publique, Marc Giget nous a exposé les grandes vagues d'innovations survenues dans notre histoire.

1. L'innovation dans l'Histoire

Les fondements modernes de l'innovation moderne trouvent leur source à la Renaissance, tout d'abord par l'apparition du brevet d'invention qui a permis la sécurisation de la propriété intellectuelle et l'intéressement des inventeurs à leurs inventions.

Dans le même temps, l'établissement du venturi capitale, malheureusement traduit capital-risque en français, a permis le financement de projets plus conséquents, accompagnant les coûts liés aux évolutions scientifiques et techniques, dans un esprit partenarial d'accompagnement de projet.

Le courant de pensée humaniste a irrigué la notion d'innovation en l'inscrivant dans celle du progrès, en tant qu'objectif, en tant qu'idéal qui donne sens à l'innovation en plaçant l'homme au centre de l'innovation.

Enfin c'est le concept de disegno, c'est-à-dire la preuve de concept, précédant le passage à l'échelle industrielle, qui a ensuite fourni les bases au cadre bien connu actuellement de « recherche, développement » en différenciant la partie recherche jusqu'à la preuve de concept de la partie développement avec le passage à l'échelle supérieure.

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