II. LA CROISSANCE VERTE : LE NOUVEAU PARI DE LA CORÉE DU SUD

Dans un pays dont l'énergie provient très majoritairement du charbon et du pétrole, la croissance verte constitue un nouveau défi, similaire à ceux affrontés par ce pays dans le passé. Une nouvelle fois, le gouvernement tente de fixer des objectifs ambitieux de long terme, comptant sur les entreprises privées pour les atteindre.

A. UNE NÉCESSAIRE PRISE DE CONSCIENCE

Au cours des cinq décennies de développement à marche forcée qu'a connues la Corée du Sud, sur un territoire restreint et très densément habité, la protection de l'environnement n'a pas toujours été la première de ses priorités.

Ainsi l'Organisation mondiale de la santé mesure-t-elle un taux moyen de particules de 10ìm égal à 61 ìg/m3 dans les villes de Corée du Sud, contre 22 ìg/m3 seulement dans les villes japonaises, 27 ìg/m3 dans les villes françaises et moins de 40 ìg/m3 dans la plupart des pays européens 19 ( * ) .

De plus, si la Corée du Sud a réussi à stabiliser quelque peu ses émissions de gaz à effet de serre à partir du début des années 2000, sa courbe d'évolution depuis 1990 se rapproche plus de celle de la Chine que de celle des États-Unis ou de la France :

Source : d'après CGDD, Les relances vertes dans le monde, 2009

Ce bilan est lié notamment à un bilan énergétique encore fondé très largement sur des sources d'énergies fossiles et fortement émettrices de gaz à effet de serre. Ainsi, pour une consommation d'énergie primaire de 243 Mtep en 2009, la Corée du Sud a eu recours :

- pour 42 %, au pétrole, importé surtout du Moyen-Orient ;

- pour 27 %, au charbon, les principaux fournisseurs étant l'Australie et la Chine ;

- pour 13 %, à l'uranium, de provenance diverse ;

- pour 14 %, au gaz : la Corée du Sud, en raison de sa situation quasi-insulaire et du manque de ressources sur son propre sol, est le deuxième importateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL) derrière le Japon.

B. LE CHOIX POLITIQUE DE LA CROISSANCE VERTE

La politique de « relance verte » suivie par la Corée du Sud a paru à votre délégation d'autant plus nécessaire à considérer que, comme le faisait observer en 2009 le Commissariat général au développement durable, « la France et la Corée du Sud partagent (...) la même démarche : celle visant à construire un pacte environnemental global, dont le constat et les objectifs sont partagés par toutes les parties prenantes, et qui a vocation à transformer la société dans son ensemble, de la méthode de gouvernance jusqu'aux comportements des consommateurs » 20 ( * ) .

1. Une politique de croissance durable volontariste

Votre délégation a rencontré à Séoul le président du Comité présidentiel pour la croissance verte. Cet organisme, établi en février 2009, est responsable directement devant le président de la République. Sa mission est la promotion de l'objectif national de croissance verte et à bas carbone.

La stratégie de croissance verte n'est pas sans précédent : M. Lee Myung-bak, avant d'être élu président de la République de Corée, a été remarqué dans les années 2000, en tant que maire de Séoul, pour la transformation du Cheonggyecheon : cette voie express qui traversait le centre de la capitale a été supprimée et remplacée par une promenade de 6 kilomètres de longueur, le long d'un cours d'eau. La ville de Séoul change ainsi peu à peu de visage, même si elle demeure souvent classée derrière les capitales occidentales en termes de qualité de vie 21 ( * ) .

À l'occasion du 60 e anniversaire de la fondation de la République de Corée, le 15 août 2008, M. Lee Myung-bak, élu président au mois de décembre 2007, a annoncé le lancement d'un programme de « croissance verte à faible émission carbone ».

Après la survenance de la crise économique et financière, où la Corée a été l'un des premiers pays touchés, ce programme a été renforcé en janvier 2009 par un « Green New Deal », sur le modèle de la politique de relance par les grands travaux entreprise par le président Roosevelt au cours des années 1930.

Les objectifs de cette politique sont la promotion de nouveaux moteurs de croissance protecteurs de l'environnement pour l'économie nationale, l'amélioration de la qualité de vie et une contribution aux efforts internationaux en matière de lutte contre le changement climatique.

À cette fin, le gouvernement a lancé un plan national de cinq ans sur la période 2009-2013, renouant avec la politique volontariste des plans quinquennaux qui ont organisé le développement du pays depuis les années 1960 jusqu'aux années 1980 :

- des dépenses fiscales de 107 400 milliards de wons (soit environ 68 milliards d'euros) doivent être consacrés à ce plan ;

- 2 % du produit intérieur brut national est alloué à des investissements « verts ».

Le plan prévoit des investissements dans un vaste panel de technologies : batteries, bio-énergies, réacteurs nucléaires, hydrogène, automobiles à faible émission, réseaux intelligents, performance énergétique des bâtiments, captage et stockage du CO 2 , amélioration de la qualité des eaux...

La Corée se fixe des objectifs environnementaux ambitieux par rapport à la situation actuelle 22 ( * ) :

Situation en 2006

Objectif en 2030

Indépendance énergétique

3,2 %

40,0 %

Part des énergies renouvelables

2,2 %

11,0 %

Dépendance par rapport au pétrole

43,6 %

22,0 %

Population en situation de précarité énergétique

7,8 %

0,0 %

Ces objectifs demeurent en retrait par rapport à ceux que se fixe l'Europe, qui a prévu que, dès 2020, 20 % de son énergie serait produite à partir de sources renouvelables. Il convient toutefois de faire observer que la Corée, pauvre en énergies fossiles, ne dispose pas d'une situation naturelle très favorable concernant les énergies renouvelables. Le pays ne dispose que de peu de ressources hydroélectriques et sa forte densité rend le déploiement de vastes parcs photovoltaïques ou éoliens plus difficile qu'ailleurs.

Les aides publiques aux énergies renouvelables en Corée

Le gouvernement coréen subventionne l'installation d'équipements d'énergies nouvelles et renouvelables. Ainsi, 50 % du coût de l'installation d'éoliennes (particulièrement pour les unités de démonstration ou pour l'utilisation privée) est compensé par le gouvernement.

Plusieurs autres systèmes ont été mis en place :

- le programme « un million de maisons vertes » promeut l'utilisation d'énergies renouvelables dans l'immobilier résidentiel ;

- lors de la construction ou de la rénovation de bâtiments publics d'une superficie supérieure à 3 000 m2, au moins 5 % de la dépense doit être consacré à l'installation de systèmes d'énergies nouvelles ou renouvelables ;

- un tarif d'achat est garanti, comme en France, pour la production d'énergie à partir de sources renouvelables. Ce tarif est adapté chaque année en fonction de l'état du marché ;

- à partir de 2012, la Corée optera pour le système du « Renewable Portfolio Standard » (RPS), déjà pratiqué par une dizaine de pays dans le monde, dont le Japon, les États-Unis et le Royaume-Uni. Les grands fournisseurs d'électricité devront garantir que 2 % de l'électricité qu'ils vendent (10 % en 2020) est produite à partir de sources d'énergie renouvelable.

Il existe également des dispositifs d'aide fiscaux ou émanant des collectivités locales.

Source : d'après IEA Wind, 2010 Annual Report


* 19 Organisation mondiale de la santé, Outdoor air pollution in citie s, données recueillies entre 2003 et 2010.

* 20 Commissariat général au développement durable, Les relances vertes dans le monde , Études et documents, n° 11, octobre 2009.

* 21 L'enquête annuelle The Wealth Report 2011 classe ainsi Seoul en 13 e position parmi 40 « villes globales » pour leur importance dans le monde des affaires, la ville étant seulement 16 e pour l a qualité de vie. Les cinq premières villes de ce classement sont New York, Londres, Paris, Tokyo et Bruxelles.

* 22 Source : Science and Technology Policy Institute (STEPI), Strategies for Green Technology Development in Korea.

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