III- UNE SITUATION DIFFICILE EN FRANCE

Une des spécificités de la France est la séparation de la neurologie et de la psychiatrie, reflet d'une conception dualiste des maladies du cerveau. Cette séparation fait débat ; elle entraîne des controverses encore très vives mettant en cause parfois, de manière pertinente, les classifications de l'OMS ou les modalités de prise en charge de telle ou telle pathologie. Les débats très actuels sur la prise en charge de l'autisme en témoignent.

Les rapporteurs ne peuvent que le regretter car les patients sont littéralement pris en otage par de virulentes querelles d'école qui ont parfois de graves retentissements sur les traitements.

La communauté scientifique a depuis longtemps pris conscience de l'ampleur de la progression des maladies neurodégénératives, des besoins en psychiatriques et des conséquences en termes de santé publique, et elle le rappelle chaque année lors de la semaine du cerveau qui a lieu dans toutes les grandes villes d'Europe, la troisième semaine de mars. La plupart des grandes villes de France y participent en organisant des colloques et des débats, initiatives des plus louables.

A- UNE PROGRESSION LIÉE AU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION14 ( * )

En France, la maladie d'Alzheimer et les démences apparentées concerneraient globalement de 650 000 à 950 000 personnes, selon les estimations. L'incidence augmente très fortement avec l'âge (de 1,5 % pour la population âgée de 65 ans, elle double tous les trois ans pour atteindre 30 % à l'âge de 80 ans). Ces démences engendrent rapidement une dépendance physique, intellectuelle et sociale majeure. C'est la principale cause de dépendance lourde et de placement en institution (40 % des malades sont en institution).

Les pathologies du mouvement concernent environ 500 000 personnes en France : 300 000 personnes sont atteintes de tremblement essentiel, 120 000 de la maladie de Parkinson, 6 000 de la maladie de Huntington. La sclérose latérale amyotrophique, la plus fréquente des maladies du neurone moteur dont l'issue est fatale, a une prévalence de 6/100 000 habitants. La maladie de Gilles de la Tourette concerne 1/1 000 à 10/1 000 habitants. Les maladies des canaux, dont l'épilepsie, atteignent environ 500 000 personnes. La sclérose en plaque (SEP), première cause de handicap non traumatique de l'adulte jeune, concerne 80 000 patients. Les leucodystrophies, qui sont à l'origine de handicaps moteurs et intellectuels importants, ont une incidence globale de 1/2 000 naissances.

B- LA PRÉVALENCE DES MALADIES NEUROPSYCHIATRIQUES

La prise en charge et le traitement des maladies mentales font l'objet de débats vifs en France : le clivage entre psychiatrie et neurologie qui tend à se réduire au plan de la recherche reste prégnant dans les pratiques courantes. En outre, même si statistiquement ces maladies sont fréquentes, 1 Français sur 5 a été ou est atteint d'une maladie mentale (18.8 %), il reste encore difficile de faire admettre la nécessité d'une prévention, d'un suivi et d'un traitement au long cours.

1- Le taux élevé de suicides

Les maladies neuropychiatriques seraient responsables en France de 11 500 morts annuelles par suicide, auxquelles s'ajoute la surmortalité non suicidaire (accidentelle, consommation d'alcool, de tabac et de drogues). La France reste l'un des pays européens dans lequel la mortalité par suicide est la plus forte. Chaque année en France, un peu moins de 200 000 personnes font une tentative de suicide. Il existe une sous-déclaration du phénomène estimée entre 20 et 25 %. Les pays du Nord ont des taux de suicide plus élevés que les pays du Sud (c'est le cas de la Finlande et de la Hongrie par exemple). Les principales victimes sont les hommes (représentant environ 80 % des morts par suicide), les femmes et les jeunes étant les plus nombreux à faire des tentatives de suicide. La proportion de suicides augmenterait avec l'âge. La catégorie la plus touchée reste les personnes âgées car ce sont elles qui meurent le plus souvent du suicide.

Cependant, en 2005, l'Institut national de la recherche médicale relevait une augmentation des tentatives de suicide chez les 15-24 ans et un rajeunissement des sujets « suicidants ». Le suicide des adolescents est un problème de santé publique majeur ; en 2008, il était la première cause de décès des 25-34 ans, la deuxième cause de mortalité en France dès 15-24 ans (entre 600 et 800 décès par an, 16,6 % des causes de décès) après les accidents de la route, et représentait, 3,8 % des causes de décès chez les 5-14 ans. La multiplication et la médiatisation de ces suicides a amené les pouvoirs publics à se pencher sur ce phénomène. Le Dr Boris Cyrulnik 15 ( * ) a remis en septembre 2011 un rapport sans concession à ce sujet à la Secrétaire d'État à la jeunesse.

On estime qu'il y a une tentative de suicide toutes les 3 minutes environ et un mort par suicide toutes les 40 minutes. La récidive pose un problème grave du point de vue préventif, car 10 à 15 % des suicidants finissent par se tuer. La récidive intervient dans plus de la moitié des cas au cours de l'année qui a suivi la première tentative.


* 14 Sources principales : Colloque « priorité cerveau » organisé le 16 septembre 2010, l'ouvrage d'Olivier Lyon-Caen, PUPH, chef de service à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et Etienne Hirsch, neurobiologiste, directeur de recherche au CNRS « priorité cerveau : des découvertes au traitement », et l'audition des Rapporteurs le 17 janvier 2012.

* 15 « Quand un enfant se donne la mort » - Editions O. Jacob 2011.

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