N° 499

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 avril 2012

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois (1) sur l'application de la loi n° 2011-13 du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l' exercice des pouvoirs de police de l' État en mer ,

Par MM. Jean-Claude PEYRONNET et François TRUCY,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. David Assouline, Président ; M. Philippe Bas, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Claire-Lise Campion, Isabelle Debré, M. Claude Dilain, Mme Muguette Dini, M. Ambroise Dupont, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Gaëtan Gorce et Louis Nègre, Vice-Présidents ; Mme Corinne Bouchoux, MM. Luc Carvounas et Yann Gaillard, secrétaires ; MM.  Philippe Darniche, Robert del Picchia, Mme Catherine Deroche, MM. Félix Desplan, Yves Detraigne, Pierre Frogier, Patrice Gélard, Mme Dominique Gillot, MM. Pierre Hérisson, Jean-Jacques Hyest, Claude Jeannerot, Philippe Kaltenbach, Marc Laménie, Jacques Legendre, Jean-Claude Lenoir, Jacques-Bernard Magner, Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, Mme Isabelle Pasquet, MM. Jean-Claude Peyronnet, Gérard Roche, Yves Rome, Mme Laurence Rossignol, MM. François Trucy et René Vandierendonck.

SYNTHÈSE

SYNTHÈSE

La commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des Lois, présidée par M. David Assouline (Soc, Paris), s'est réunie le mercredi 11 avril 2012 et a examiné le rapport de MM. Jean-Claude Peyronnet (Soc, Haute-Vienne) et François Trucy (UMP, Var) sur l' application de la loi n°2011-13 du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'Etat en mer .

Cette loi a été adoptée dans un contexte marqué par la forte résurgence de la piraterie maritime, en particulier dans le Golfe d'Aden et au large des côtes somaliennes, qui a conduit les pays européens à lancer la première opération navale de l'Union européenne Atalanta de lutte contre la piraterie dans l'océan Indien.

La loi du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'Etat en mer comporte trois principaux volets :

- elle introduit d'abord dans notre droit un cadre juridique relatif à la répression de la piraterie , inspiré des stipulations de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, dite Convention de Montego Bay. Cette loi détermine ainsi les infractions pénales constitutives d'actes de piraterie, les modalités de recherche et de constatation de ces infractions, ainsi que les agents habilités à y procéder ;

- elle reconnaît ensuite aux juridictions françaises une compétence « quasi universelle » pour juger des actes de piraterie commis hors du territoire national, quelle que soit la nationalité du navire ou des victimes d'actes de piraterie. La compétence des juridictions françaises, qui reste une simple faculté, ne peut toutefois être retenue que lorsque les auteurs sont appréhendés par des agents français et à défaut d'entente avec tout autre Etat ;

- elle établit enfin un régime sui generis pour la rétention à bord des personnes interpellées dans le cadre de l'action de l'Etat en mer, afin de se conformer aux griefs retenus par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) à l'encontre de la France, dans son arrêt dit Medvedyev du 10 juillet 2008, qui a été confirmé par un arrêt rendu en grande chambre le 29 mars 2010. Dans ces arrêts, la CEDH a condamné la France en lui reprochant de ne pas disposer à l'époque d'un cadre légal suffisant organisant les conditions de privation de liberté à bord d'un navire et de ne pas faire assurer le contrôle des éventuelles mesures de privation de liberté par un magistrat présentant des garanties d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties, ce qui n'est pas le cas du ministère public.

Une année après son adoption, les premiers résultats de son application semblent plutôt confirmer la pertinence du dispositif.

L'ensemble des textes réglementaires nécessaires à sa mise en oeuvre ont été publiés, de sorte que la loi du 5 janvier 2011 est aujourd'hui pleinement applicable . Différentes mesures ont été prises pour informer les acteurs chargés de son application, notamment les commandants des navires de la marine nationale et les magistrats, ainsi que des mesures matérielles, en particulier pour aménager des locaux sur les bâtiments destinés à accueillir les personnes faisant l'objet de mesures restrictives ou privatives de liberté.

La loi a déjà été appliquée à plusieurs reprises dans différentes affaires . Ainsi, les dispositions relatives à la rétention à bord des personnes appréhendées dans le cadre de l'action de l'Etat en mer ont été mises en oeuvre à deux reprises en matière de

lutte contre la piraterie dans l'océan Indien et à six reprises en matière de lutte contre le narcotrafic, dont quatre fois aux Antilles et deux fois en Méditerranée. La disposition prévoyant la reconnaissance de la qualité de pupille de la Nation aux enfants de victimes d'actes de piraterie a aussi été appliquée dans une affaire. En revanche, bien que l'occasion se soit déjà présentée, les autorités françaises n'ont pas souhaité recourir à ce jour à la « compétence quasi universelle » introduite par la loi. En effet, alors que la loi du 5 janvier 2011 le permettait, la France a choisi de ne pas faire usage de cette disposition pour juger sur son territoire des pirates somaliens ayant tenté de détourner un navire maltais affrété par un armateur allemand et avec un équipage yéménite, arrêtés par des militaires français en mai 2011. Ceux-ci ont été relâchés en Somalie.

Malgré certaines difficultés pratiques , comme l'aménagement de locaux sur les bâtiments, les problèmes de communication et d'interprétariat ou le coût du transfert, et quelques interrogations de nature juridique , par exemple concernant les eaux territoriales et intérieures françaises ou l'appréciation de la durée des mesures restrictives et privatives de liberté, la mise en oeuvre de cette la loi ne semble pas avoir donné lieu à de réelles difficultés et donne satisfaction à l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des officiers de la marine nationale, des magistrats ou des armateurs .

La loi du 5 janvier 2011 a permis de doter notre pays d'un cadre juridique clair de répression de la piraterie maritime, inspiré de la Convention sur le droit de la mer de Montego Bay. Cette loi a également mis en place un régime spécifique de rétention des personnes appréhendées dans le cadre de la lutte contre la piraterie et de l'action de l'Etat en mer, qui paraît de nature à concilier les nécessités opérationnelles et les droits et libertés des personnes et de répondre ainsi aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme. Enfin, cette loi a confirmé le rôle moteur joué par la France au niveau international en matière de lutte contre la piraterie maritime.

Vos rapporteurs portent donc une appréciation très positive sur l'application de la loi du 5 janvier 2011.

Toutefois, face à une menace comme la piraterie, qui par définition existe au-delà des frontières nationales, puisqu'elle sévit en haute mer, des mesures nationales ne peuvent être suffisantes. Une action au niveau international s'avère indispensable. Or, de ce point de vue, le bilan est relativement décevant.

Ainsi, malgré le succès de l'opération Atalanta de l'Union européenne et la baisse du nombre de navires capturés, la question du traitement juridictionnel des pirates capturés reste entière , puisque l'on estime que près de 90 % des pirates capturés sont ensuite relâchés, faute de pays disposés à les juger devant ses tribunaux.

Dès lors, face à la persistance de la menace, vos rapporteurs considèrent que la France devrait poursuivre ses efforts diplomatiques pour placer la piraterie au centre des préoccupations de la communauté internationale et renforcer les moyens de lutter contre ce fléau, en s'appuyant notamment sur la récente prolongation et l'extension du mandat de l'opération Atalanta ou encore les propositions formulées par notre collègue député Jack Lang dans son rapport au Conseil de sécurité des Nations unies, concernant notamment le traitement juridictionnel, et la création de deux tribunaux, l'un au Puntland, l'autre au Somaliland, et d'une Cour somalienne extraterritorialisée.

Enfin, compte tenu des difficultés rencontrées par la marine nationale pour répondre à l'ensemble des demandes des navires français et étant donné la nécessité de préserver le « pavillon français », il semble inévitable d'envisager le recours à d'autres solutions, complémentaires aux équipes de protection embarquées, telles que le recours éventuel à des sociétés de sécurité privées , à condition toutefois que les conditions de leur emploi soient strictement encadrées par la loi.

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