N° 545

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 mai 2012

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1), par le groupe de travail (2) « Négociations internationales - Climat Environnement » , sur Rio + 20 : l' émergence d'un nouveau monde ,

Par Mme Laurence ROSSIGNOL,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : M. Raymond Vall , président ; MM. Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Esnol, Alain Houpert, Hervé Maurey, Rémy Pointereau, Mmes Laurence Rossignol, Esther Sittler, M. Michel Teston , vice-présidents ; MM. Pierre Camani, Jacques Cornano, Louis Nègre, secrétaires ; MM. Joël Billard, Jean Bizet, Vincent Capo-Canellas, Yves Chastan, Philippe Darniche, Marc Daunis, Marcel Deneux, Michel Doublet, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Jean-Luc Fichet, Jean-Jacques Filleul, Alain Fouché, Francis Grignon, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Houpert, Benoît Huré, Daniel Laurent, Alain Le Vern, Jean-François Mayet, Robert Navarro, Charles Revet, Roland Ries, Yves Rome, Henri Tandonnet, Paul Vergès, René Vestri .

(2) Ce groupe de travail est composé de : Mme Laurence Rossignol, présidente ; MM. Jean Bizet, Ronan Dantec, Marcel Deneux, Mme Evelyne Didier, MM. Jean-Claude Lenoir, Raymond Vall.

RIO+20 : L'ÉMERGENCE D'UN NOUVEAU MONDE

« Le pessimisme est d'humeur, l'optimisme est de volonté »

Alain

INTRODUCTION

La concentration des conférences internationales relatives au développement durable en 2012 correspond à une aggravation sans précédent des indicateurs environnementaux. La phrase prononcée par le président Jacques Chirac au sommet de Johannesburg en 2002 n'a jamais résonné aussi juste : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » . Le monde, obsédé par sa course à la compétition, continue de soumettre les questions environnementales aux intérêts nationaux de la croissance économique alors que ce modèle de développement n'est pas adapté au concept communément admis de développement durable. Le monde continue à commenter les constats et à reporter toujours plus tard le passage à l'acte, les décisions à prendre. Or, le temps perdu en matière environnementale ne se rattrape pas. Les dégâts sont irréversibles.

La globalisation de l'économie permet certes l'accès d'un plus grand nombre au progrès mais en même temps, cette marche vers le progrès s'accompagne d'un développement insoutenable, d'une augmentation de l'écart des richesses et d'un renforcement des inégalités sociales et territoriales. Du point de vue de l'empreinte écologique des populations, il faudrait trois ou quatre planètes, voire davantage, si le mode de vie des pays industriels était adopté par le monde entier.

Longtemps a prévalu l'idée qu'en matière d'environnement, le court terme du politique n'était pas compatible avec le long terme de l'environnement. Nous avons franchi une étape supplémentaire : les questions environnementales ne sont plus des questions de long terme mais deviennent des questions de court terme. Le nombre de catastrophes naturelles ne cesse d'augmenter avec environ 788 événements pouvant être classés comme catastrophes naturelles en 2010, au lieu de 630 par an en moyenne sur les trente dernières années. Aujourd'hui, l'objet des sommets internationaux environnementaux peut se résumer ainsi : quelle mesure, quelle part de richesse les pays riches sont désormais prêts à concéder pour prévenir les désastres environnementaux déjà à l'oeuvre ?

L'Assemblée générale des Nations unies a adopté en décembre 2009 une résolution 1 ( * ) décidant de la tenue au Brésil en 2012 d'une Conférence des Nations Unies sur le développement durable (CNUDD).

2012, année du développement durable ? Sur fond de crise, l'année 2012 concentre un grand nombre de rendez-vous internationaux consacrés au développement durable. Les processus de négociation engagés dans le cadre des Nations Unies sur des thématiques parallèles convergent sur cette période.

La 17 ème Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 17) à Durban en décembre 2011 a ainsi marqué le premier temps fort de la période avec l'enjeu essentiel de la reconduction du Protocole de Kyoto. Une Conférence internationale sur l'énergie durable s'est tenue à Genève du 10 au 12 janvier 2012 : les Nations unies ont proclamé 2012, année de l'énergie durable. Et la 13 ème session de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) s'est déroulée à Doha du 21 au 26 avril. En décembre prochain, la COP 18 se réunira, elle aussi, à Doha.

Enfin, et c'est l'objet de cette résolution, se tiendra à Rio du 20 au 22 juin 2012 la quatrième Conférence des Nations Unies sur le développement durable (CNUDD) , quarante ans après la Conférence de Stockholm de 1972, qui a fait entrer l'environnement au rang des préoccupations internationales, et vingt ans après le « Sommet de la Terre » de 1992 qui a entériné les principes du développement durable dans la « Déclaration de Rio » et a lancé, avec l'Agenda 21, un principe d'action décliné à l'échelon territorial. L'objectif principal sera de redonner un souffle aux problématiques du développement durable dans le modèle économique mondial et de faire avancer, concrètement et juridiquement, les principes essentiels du droit international de l'environnement.

La force symbolique de ces sommets n'est plus à démontrer. Elle dépasse de loin la portée réelle et concrète des engagements qui en ressortent. Néanmoins, le risque est grand de passer à côté des véritables enjeux de ces négociations, compte tenu de la réticence des pays développés ou émergents à contribuer concrètement à cette évolution.

En outre, ces « temps forts » pour la planète sont encore aujourd'hui beaucoup trop éloignés des citoyens. Ils demeurent confinés dans le secret des enceintes internationales qui peinent à relancer des négociations empesées par les logiques propres des Etats souverains. L'opinion publique est ainsi déconnectée de ces processus, alors même que les conséquences des dérèglements environnementaux se font de plus en plus menaçantes et que la « conscience » de la planète est de plus en plus présente dans nos quotidiens.

Après la déception de Copenhague en 2009, ces rendez-vous sont moins couverts médiatiquement et les citoyens n'en perçoivent plus qu'une technicité décourageante et abstraite, renforçant leur sentiment d'impuissance, d'autant que les axes de décisions avaient fortement évolué vers un tandem entre les Etats-Unis et la Chine.

Démobilisation de l'opinion, imminence des risques liés à l'environnement : les courbes sont en train de se croiser. A la prise de conscience doit succéder l'action. La faillite du modèle actuel de production et de consommation invite à poser les bases - l'heure n'est plus à le penser mais à le faire - d'un nouveau modèle de développement intégrant les questions sociales et environnementales. C'est un véritable changement de civilisation que nous avons à accompagner.

Mais cette conférence des Nations unies pour le développement durable, appelée Conférence « Rio+20 », revêt une dimension bien plus large que celle d'un simple anniversaire : il s'agit bel et bien d'un moment de réflexion, voire de conscientisation collective. Le vrai paradigme du développement durable est à portée de main si l'on se décide, enfin, à changer les modèles actuels de développement et de régulation.

En consacrant la notion de développement durable, en provoquant une prise de conscience internationale, en aboutissant à l'adoption de trois conventions des Nations unies et de la Déclaration de Rio, le Sommet de la Terre de 1992 avait constitué un pas décisif, un temps fort pour la Terre. Vingt ans plus tard, si ce succès initial est incontestable, le bilan est décevant. L'heure est à la relance de l'espoir/de l'action et à la définition d'une véritable gouvernance de la planète.

«Jamais l'humanité ne s'est assignée des objectifs aussi ambitieux. Mais jamais non plus cela n'avait été comme aujourd'hui la condition de sa survie.» Ce que le président François Mitterrand avait déclaré à Rio en 1992 demeure vrai aujourd'hui, à l'aube de ce nouveau rendez-vous.

La réussite des sommets internationaux dépend aussi de l'implication des Etats. La présence et la solidité de l'Union européenne à la Conférence de Rio sera déterminante. En effet, alors qu'elle n'avait pas réussi à imposer son leadership lors de la conférence de Copenhague de 2009, la Conférence de Durban sur le climat de décembre 2011 a marqué le retour sur la scène des négociations internationales environnementales d'une Union européenne solide, cohérente et jouant un rôle moteur. C'est pourquoi la France, de son côté, doit aborder le sommet de juin avec une position ambitieuse et forte mais également se montrer active dans et pour l'Union européenne.

Le Sénat, représentant des territoires, a souhaité appuyer la position française et celle de l'Union européenne. La commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire a créé, en octobre 2011, avec l'appui du Président du Sénat, un groupe de travail « Négociations internationales - Climat Environnement » chargé du suivi des discussions internationales relatives au développement durable. Après avoir concentré son attention sur la préparation du Sommet de Durban de décembre 2011, le groupe a orienté ses travaux sur la préparation de la Conférence de Rio de juin 2012.

Le présent rapport d'information fait le point sur les enjeux de la prochaine Conférence « Rio+20 » pour le développement durable et propose des recommandations afin de conforter la position française et européenne dans les négociations. Il est aussi la première expression d'une volonté d'une plus grande implication des parlements nationaux dans le processus des négociations internationales environnementales.


* 1 Résolution (A/RES/64/236) de l'Assemblée générale des Nations unies du 24 décembre 2009.

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