B. CARACTÉRISTIQUES DU SECTEUR LAITIER

La crise du secteur laitier a révélé certaines faiblesses dans l'organisation du secteur, en particulier en France.

1. La situation dans l'Union européenne

En Europe, s'il y a des producteurs de lait dans tous les Etats membres, la situation y est très contrastée. Plusieurs différences peuvent être mentionnées.

Dans la taille des exploitations tout d'abord, entre les micro élevages de quelques vaches (en Roumanie par exemple) et les méga exploitations (jusqu'à 8000 vaches !) totalement robotisées dans certains pays d'Europe du nord. La France est dans une situation intermédiaire avec un cheptel moyen par exploitation de 50 vaches.

Ensuite, les Etats ont une attitude variable face aux évolutions réglementaires. Le régime des quotas fut une initiative française et beaucoup d'éleveurs y restent très attachés, considérant que seule une régulation de l'offre peut préserver les exploitations. En temps de crise comme ce fut le cas en 2008/2009, les Français ont spontanément un réflexe de maîtrise de l'offre, de réduction de volumes, tandis que d'autres pays (l'Allemagne par exemple) réagissent à la baisse des prix unitaires par une augmentation des quantités. A l'exception des éleveurs français, l'abandon des quotas est admis en Europe de façon presque unanime ne serait-ce que parce que certains pays continuent de payer des pénalités pour dépassement des quotas (contrairement à la France qui est en sous réalisation avec 92 % du potentiel en 2008, 97 % en 2011).

Enfin, la restructuration du secteur s'est opérée de façon très contrastée. Aux Pays-Bas et au Danemark, les producteurs sont regroupés sous forme de coopérative et la collecte de lait est assurée par une coopérative en situation de quasi monopole ( Friesland aux Pays Bas et Arla foods au Danemark). Les éleveurs de quelques nouveaux Etats membres peuvent être au contraire totalement isolés. En Allemagne, premier producteur de lait, les restructurations se sont opérées plutôt au niveau des exploitations. 5 % des exploitations allemandes ont plus de 100 vaches, soit une proportion du double de celle de la France. La France est dans une situation intermédiaire. La restructuration s'est opérée par l'amont, autour de grandes entreprises laitières, tandis que les éleveurs restent dispersés.

2. La situation en France

En France, le secteur est caractérisé par un très grand déséquilibre entre éleveurs et industriels fabricants. La France compte 75 000 producteurs et 400 fabricants. La diversité des entreprises est un atout pour la France laitière et une singularité européenne. Parmi ces fabricants, plusieurs sociétés françaises sont de dimension internationale (Danone, Lactalis, Bongrain, Sodial...). La collecte s'organise entre le secteur privé et les coopératives (avec transfert de propriété de la marchandise, en l'espèce le lait), chacun intervenant dans la collecte à parts à peu près égales. Cependant le secteur privé est prépondérant et est jugé plus dynamique. Même s'il intervient à 45 % dans la collecte, il réalise les deux tiers du chiffre d'affaire total.

Une grande dépendance naît de ce déséquilibre. La matière première traitée, fragile et non stockable, crée elle-même une grande vulnérabilité, puisque les éleveurs doivent impérativement trouver un acheteur et un transformateur très peu de temps après la traite. Avant 2011, dans le secteur privé, le lien entre l'éleveur et le fabricant était souvent sous forme de contrat oral, créant une dépendance de fait totale et entièrement maîtrisée par l'industriel. Quand rien n'est écrit c'est celui qui a le pouvoir qui décide, y compris de changer à tout moment ce qui n'est au plus qu'un arrangement. Cette dépendance économique est bien illustrée par cette pratique dite de la « paye de lait » puisque c'est l'acheteur qui fait la facture au vendeur !

Que pèse un éleveur qui détient vingt ou trente vaches face à un industriel présent dans vingt ou trente pays ? Les récentes réformes du secteur laitier tant en France qu'en Europe, avaient pour but de réduire ce déséquilibre. Il faut cependant admettre que cette question ne se pose pas toujours avec la même acuité dans d'autres pays de l'Union, soit parce que les conséquences - parfois dévastatrices - du libre jeu du marché y sont admises, soit parce que les éleveurs y sont depuis longtemps regroupés sous forme de coopérative et que ces questions sont, de fait, sans objet. Comme on l'a vu, la situation en France mêle des industriels de très grande envergure et des éleveurs dispersés. La filière lait assure en France une fonction fondamentale d'aménagement du territoire. La restructuration semble inévitable, mais doit être accompagnée pour garantir cette fonction d'intérêt public.

Mais comment favoriser le regroupement des producteurs sans enfreindre les règles de concurrence nationales et européennes, notamment en ce qui concerne la détermination du prix du lait ?

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