Rapport d'information n° 130 (2012-2013) de MM. Jean-Yves LECONTE et Christophe-André FRASSA , fait au nom de la commission des lois, déposé le 14 novembre 2012

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N° 130

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 novembre 2012

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la procédure de demande d' asile ,

Par MM. Jean-Yves LECONTE et Christophe-André FRASSA,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, Louis-Constant Fleming, René Garrec, Gaëtan Gorce, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Mme Hélène Lipietz, MM. Roger Madec, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

LES 21 PROPOSITIONS DU RAPPORT D'INFORMATION

Proposition n°1 : Mettre un terme à la tutelle du ministère de l'Intérieur sur l'OFPRA.

Proposition n°2 : Rééquilibrer la composition du conseil d'administration de l'OFPRA en augmentant le nombre de personnalités qualifiées nommées en raison de l'intérêt particulier qu'elles portent aux questions liées au droit d'asile et en doublant le nombre de parlementaires.

Proposition n°3 : Désigner un « correspondant asile » dans les chancelleries politiques des postes diplomatiques français installés dans les principaux pays d'origine. Celui-ci serait tenu de répondre dans un délai précis et dans des conditions garantissant la confidentialité de l'information fournie.

Proposition n°4 : Créer un centre de documentation commun à l'OFPRA et à la CNDA, doté d'un statut garantissant son autonomie. Ce centre de documentation serait également chargé de la gestion d'un site internet comprenant les informations nécessaires pour demander l'asile, dans les principales langues des demandeurs.

Proposition n°5 : Engager une réflexion tendant à mieux articuler les missions d'assistance juridique proposées, d'une part, par les CADA et les plateformes d'accueil, et, d'autre part, par les avocats désignés au titre de l'aide juridictionnelle.

Proposition n°6 : Dégager les moyens et les effectifs nécessaires pour permettre aux préfectures de respecter le délai réglementaire de 15 jours entre la demande d'admission au séjour au titre de l'asile et son enregistrement effectif. Corrélativement, rendre publics les délais effectifs d'enregistrement des demandes d'asile par les préfectures.

Proposition n°7 : Imposer à l'OFPRA et à la CNDA de se prononcer sur toute demande d'asile examinée selon la procédure normale dans un délai maximal de six mois chacun.

Proposition n°8 : Autoriser un tiers habilité à assister à l'entretien à l'OFPRA. Ce tiers ne devrait pas intervenir au cours de l'entretien mais il aurait la possibilité de formuler des observations écrites à son issue, lesquelles, le cas échéant, pourraient être annexées au compte-rendu d'entretien.

Proposition n°9 : Prévoir qu'un secrétaire doit être présent aux côtés de l'officier de protection pour établir le compte-rendu d'entretien.

Proposition n°10 : Recourir systématiquement aux services d'un interprète lorsque le demandeur d'asile n'est pas francophone.

Proposition n°11 : Engager une réflexion sur la mise en oeuvre de méthodes d'entretien qui privilégient les questions ouvertes et tiennent compte des conditions dans lesquelles le demandeur d'asile est arrivé en France et y séjourne.

Proposition n°12 : Permettre, dans certains cas précisément identifiés, que l'entretien avec le demandeur soit mené par une personne du même sexe.

Proposition n°13 : Permettre aux membres des formations de jugement de la CNDA de participer à des sessions de présentation de l'activité de l'OFPRA, incluant si possible l'assistance à des entretiens et un temps de dialogue avec des officiers de protection en charge de l'instruction.

Proposition n°14 : Revaloriser l'aide juridictionnelle et élargir le recrutement des avocats susceptibles d'être désignés par le bureau d'aide juridictionnelle de la CNDA.

Proposition n°15 : Assurer systématiquement la représentation de l'OFPRA aux audiences de la CNDA.

Proposition n°16 : Renforcer la formation des membres des formations de jugement de la CNDA.

Proposition n°17 : Améliorer l'application de la jurisprudence de la CNDA par l'OFPRA.

Proposition n°18 : Promouvoir l'établissement d'une liste de pays d'origine sûrs commune à l'ensemble des États membres.

Dans l'intervalle, revoir les modalités selon lesquelles la liste de pays d'origine sûrs est établie au niveau national :

- redéfinir la notion de pays d'origine sûr selon les termes retenus par le droit communautaire ;

- rendre plus transparentes les conditions d'établissement de cette liste ;

- prévoir un réexamen semestriel tendant à vérifier que les conditions posées pour l'inscription d'un pays sont toujours réunies ;

- créer une procédure d'alerte en cas de changement de circonstances dans un des pays figurant sur la liste ;

- enserrer le jugement des recours formés contre l'inscription de nouveaux pays dans un délai déterminé.

Proposition n°19 : Redéfinir, à partir de critères objectifs et non équivoques, la notion de demande dilatoire, frauduleuse ou abusive.

Proposition n°20 : Autoriser le demandeur d'asile en procédure prioritaire à se maintenir sur le territoire jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile se soit prononcée sur son recours.

Proposition n°21 : Assortir l'instauration d'un recours suspensif en procédure prioritaire d'une obligation pour la CNDA de se prononcer dans des délais contraints.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le droit d'asile est profondément ancré dans l'histoire et les valeurs de notre République. Dès la Révolution française, l'article 120 de la Constitution du 24 juin 1793 proclame : « le Peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans ». Depuis la Libération, il fait définitivement partie de nos principes constitutionnels, le quatrième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 énonçant que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ».

Mais le droit d'asile en France repose également sur nos engagements internationaux - la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, dont la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile a assuré l'application en droit interne -, ainsi que sur le droit européen de la protection des droits de l'homme, qui permet, avec la loi n°2003-1176 du 10 décembre 2003, d'accorder une protection subsidiaire à toute personne ne remplissant par les conditions pour être reconnue réfugiée mais qui pourrait être exposée à un risque de persécutions en cas de retour dans son pays.

Comme l'ont reconnu le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État, le droit d'asile a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié 1 ( * ) .

En France, ce droit est mis en oeuvre par un établissement public administratif aujourd'hui placé sous la tutelle du ministère de l'Intérieur - l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) -dont les décisions sont susceptibles d'être contestées devant une juridiction administrative spécialisée- la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) .

Avec 56 250 demandes de protection formulées en 2011 sur son territoire 2 ( * ) , la France est la seconde terre d'accueil des demandeurs d'asile dans le monde (après les États-Unis), la première en Europe.

A regarder les choses de plus près, les conditions dans lesquelles s'exerce aujourd'hui le droit d'asile en France appellent toutefois des nuances, sinon des réserves.

En effet, avec les fortes restrictions apportées à l'immigration économique depuis les années 1970, le droit d'asile a parfois été utilisé par certains étrangers comme un moyen de se maintenir légalement sur le territoire national, au moins de façon provisoire. Des filières de passeurs et de trafiquants ont pu prospérer, tandis que l'apparition et le développement de « flux migratoires mixtes » - mêlant sur les mêmes chemins de l'exil migrants économiques et personnes en quête d'asile - ont conduit les États d'accueil, en réaction, à réexaminer leurs pratiques, à mettre en place des procédures d'examen simplifiées, voire à multiplier les obstacles administratifs afin de décourager le dépôt de demandes infondées. Cela n'a pu se faire sans multiplier les risques de renvoyer dans leur pays d'origine des personnes recherchant pourtant légitimement une protection.

La situation française présente à cet égard un certain nombre de singularités :

- si notre pays se situe dans la moyenne européenne s'agissant du taux global d'octroi de protections (environ 25% des demandeurs d'asile en Europe se voient accorder le statut de réfugié ou le bénéfice d'une protection subsidiaire), cet état de fait résulte pour l'essentiel de l'activité de la Cour nationale du droit d'asile, et non de celle de l'OFPRA. En effet, depuis 2003, en raison de la combinaison d'un taux d'accord par l'OFPRA relativement restreint (autour de 10%), d'un taux de recours élevé contre ses décisions de rejet (85% en moyenne) et d'un taux d'annulation important par la Cour de ces dernières (22,1% en 2010, 17,7% en 2011), la majorité des statuts de réfugié et des protections subsidiaires accordés par la France le sont aujourd'hui par décision de la Cour nationale du droit d'asile (cf. tableau ci-dessous) ;

Statuts de réfugiés et protections subsidiaires accordés par la France

OFPRA

CNDA

Ensemble des statuts de réfugiés et des protections subsidiaires accordés par la France

Nombre d'accords par l'OFPRA

Taux d'accord par l'OFPRA

Nombre d'annulations prononcées par la CNDA

Nombre total de personnes reconnues bénéficiaires d'une protection

Taux d'admission global

2004

6 358

9,3%

4 934

11 208

16,6%

2005

4 184

8,2%

9 586

13 770

26,9%

2006

2 929

7,8%

4 425

7 7354

19,5%

2007

3 401

11,6%

5 380

8 781

29,9%

2008

5 153

16,2%

6 288

11 441

36,0%

2009

5 048

14,3%

5 325

10 373

29,4%

2010

5 096

13,5%

5 244

10 340

27,5%

2011

4 630

11,0%

6 072

10 702

25,3%

Source : Secrétariat général à l'immigration et à l'intégration (SGII)

- par ailleurs, la mise en place d'une procédure dite « prioritaire », destinée à permettre l'examen dans des délais très brefs de demandes d'asile a priori insusceptibles de prospérer, a été largement dévoyée de son objet pour concerner aujourd'hui environ 26% des demandes formulées en France (18,6% des premières demandes en 2011, 25,1% des premières demandes au premier semestre 2012). Son maintien en l'état soulève une véritable interrogation, comme en témoigne le taux significatif de protections accordées aux étrangers concernés, à peine inférieur aux taux globaux d'accord constatés pour les demandes dites « normales » (8,9% à l'OFPRA en 2011, 14,2% à la CNDA). Les restrictions de droits attachées à cette procédure, en particulier l'absence de caractère suspensif du recours devant la CNDA, posent par ailleurs la question de la compatibilité de cette procédure à nos engagements internationaux, comme l'a illustré il y a quelques mois l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme I.M. c. France du 2 février 2012 ;

- enfin, le système d'examen des demandes d'asile à trois acteurs (préfectures - OFPRA - CNDA), propre à la France, dont la dernière évolution a été l'autonomisation de la CNDA par rapport à l'OFPRA et son rattachement au Conseil d'État au 1 er janvier 2009, n'est pas encore stabilisé et, confronté à une demande d'asile très fluctuante, peine toujours à traiter l'ensemble des demandes de façon équitable et dans des délais raisonnables.

C'est pour analyser les ressorts de cette situation et formuler des propositions susceptibles de l'améliorer que votre commission des lois a souhaité confier à nos collègues Jean-Yves Leconte et Christophe-André Frassa une mission d'information sur la procédure d'examen des demandes d'asile.

Pour ce faire, ces derniers ont procédé au cours des semaines écoulées à l'audition d'une cinquantaine de personnes concernées par la question de l'examen des demandes d'asile en France : associations d'aide aux demandeurs d'asile, Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), juges de l'asile, avocats, professeurs de droit, Commission nationale consultative des droits de l'homme et représentants des personnels. Ils ont également entendu des représentants du Conseil d'État, du ministère de l'Intérieur et du ministère des Affaires étrangères, ainsi que le président du conseil d'administration de l'OFPRA.

Vos rapporteurs ont également souhaité prendre la mesure, sur le terrain, de ce que représente au quotidien l'examen des demandes d'asile en France. Pour cela, ils se sont rendus au service des étrangers de la préfecture de Seine-Saint-Denis, à l'OFPRA, à la CNDA ainsi que dans une plate-forme d'accueil chargée d'accompagner les demandeurs d'asile dans leurs démarches.

Ils se sont appuyés sur une note de législation comparée élaborée par les services du Sénat 3 ( * ) , et se sont rendus à Londres afin de comparer les pratiques françaises avec les procédures mises en oeuvre au Royaume-Uni.

Enfin, ils ont tiré le plus grand profit des divers rapports élaborés au cours des années récentes sur la question de l'asile, notamment celui qu'ont consacré nos collègues Pierre Bernard-Reymond et Jean-Claude Frécon à la Cour nationale du droit d'asile 4 ( * ) ainsi que l'enquête très riche réalisée en janvier 2010 par la Cimade intitulée « Voyage au centre de l'asile ».

Au terme de leurs travaux, vos rapporteurs souhaitent en tout premier lieu rendre un hommage appuyé à l'ensemble des personnes qui accompagnent et écoutent, au quotidien, les demandeurs d'asile. Ils soulignent tout particulièrement le travail, l'implication et la compétence des personnels de l'OFPRA et de la CNDA qui, confrontés chaque jour à des récits de persécutions, exercent leurs fonctions avec beaucoup de professionnalisme dans des conditions parfois éprouvantes.

Examinant l'ensemble du dispositif français d'examen des demandes d'asile, vos rapporteurs se sont interrogés sur la meilleure façon de concilier respect des droits fondamentaux et célérité de la procédure. Ils ont formulé 21 propositions destinées à rééquilibrer ce dispositif et à restaurer une certaine sérénité qui, à l'heure actuelle, fait défaut à maints égards.

Pour cela, ils ont limité le champ de leur étude au seul dispositif procédural, sans élargir leurs investigations à la question de l'accueil et de l'hébergement des demandeurs d'asile 5 ( * ) . Cette question, qui soulève à l'heure actuelle de sérieuses difficultés, ne doit toutefois pas être perdue de vue, dès lors qu'elle a une incidence directe sur les conditions dans lesquelles les étrangers formulent leur demande d'asile à leur arrivée en France et sont mis en mesure d'exercer leurs droits ; elle est par ailleurs loin d'être anodine pour les pouvoirs publics puisqu'un mois de délai d'examen des demandes d'asile représente un coût moyen pour les dépenses publiques de 15 millions d'euros.

Vos rapporteurs ont également écarté du champ de leur étude les dérèglements que rencontre à l'heure actuelle le dispositif dit « Dublin II », relatif à la détermination de l'État compétent pour examiner, au sein de l'espace Schengen, la demande d'asile présentée par un étranger extracommunautaire - cette question complexe méritant de faire, à elle seule, l'objet d'une étude spécifique.

Au total, vos rapporteurs ont souhaité mettre l'accent sur la cohérence de l'ensemble du dispositif d'examen des demandes d'asile, sur la bonne articulation entre l'ensemble des acteurs concernés et la légitimité des décisions.

Ils forment le pari que le respect des droits et la bonne gouvernance du système ne peuvent qu'aller de pair et se renforcer mutuellement.

*

* *

I. UNE PROCÉDURE QUI PEINE À S'ADAPTER AU FLUX IRRÉGULIER MAIS TOUJOURS IMPORTANT DES DEMANDEURS D'ASILE

La demande d'asile présente la particularité d'être extrêmement volatile et de se répartir de façon inégale sur le territoire, appelant de la part des pouvoirs publics une réactivité et une capacité d'adaptation qui font parfois défaut. La difficulté d'anticiper l'évolution à court terme du nombre de demandes d'asile formulées sur notre territoire et le « sous-dimensionnement » de notre dispositif d'accueil ont conduit, depuis le début des années 2000, à l'allongement des délais de traitement des demandes d'asile et à l'embolie de notre système d'accueil et d'hébergement.

Évolution des demandes d'asile enregistrées en France

Premières demandes

Mineurs accompagnants

Demandes de réexamen

Total des demandes d'asile soumises à l'OFPRA

2004

50 547

7 998

7 069

65 614

2005

42 578

7 155

9 488

59 221

2006

26 269

4 479

8 584

39 332

2007

23 804

5 583

6 133

35 520

2008

27 063

8 341

7 195

42 599

2009

33 235

8 883

5 568

47 686

2010

36 931

11 143

4 688

52 762

2011

40 464

11 683

5 190

57 337

Source : Secrétariat général à l'immigration et à l'intégration

A. UNE PROCÉDURE EN TROIS TEMPS

L'examen des demandes d'asile relève en France de la compétence de l'OFPRA, les décisions de rejet de celui-ci étant susceptibles d'être contestées devant la CNDA.

Au préalable, le demandeur d'asile doit toutefois être autorisé à demeurer sur le territoire afin d'entamer ses démarches devant l'OFPRA : de fait, les préfectures sont les premiers interlocuteurs des demandeurs d'asile à leur arrivée sur le territoire.

L'asile à la frontière

En 1982, une procédure particulière a été instituée pour régler la situation des personnes qui se présentent à la frontière de notre territoire et sollicitent d'y entrer pour y demander l'asile.

Cette procédure relève de la compétence du ministère de l'Intérieur qui prend la décision d'admission sur le territoire après consultation de l'OFPRA.

L'étranger peut être maintenu en zone d'attente le temps nécessaire à l'examen et au règlement de sa situation. Au bout de quatre jours, le juge des libertés et de la détention doit autoriser la prolongation du maintien en zone d'attente, qui, en toutes hypothèses, ne peut excéder 20 jours - 26 dans certains cas particuliers.

La division de l'asile aux frontières de l'OFPRA entend chaque demandeur d'asile et transmet un avis portant sur le caractère manifestement infondé ou non de sa démarche au ministère de l'Intérieur, auquel il revient de prendre la décision finale d'admettre ou non l'intéressé sur le territoire national.

En cas d'admission, la police aux frontières délivre à l'intéressé un sauf conduit, qui donne huit jours à son bénéficiaire pour formuler une demande d'asile dans le cadre des procédures d'asile de droit commun.

En cas de refus d'admission sur le territoire au titre de l'asile, l'étranger dispose de 48 heures à compter de la notification de cette décision pour former un recours auprès du président du tribunal administratif. La juridiction dispose de 72 heures pour rendre sa décision.

Une décision de non-admission se traduit par le renvoi de l'intéressé vers son pays d'origine ou le pays d'où il provient.

1. L'enregistrement des demandeurs d'asile en préfecture : un parcours du combattant

Comme l'a reconnu le Conseil constitutionnel dans sa décision n°93-325 DC du 13 août 1993, « le respect du droit d'asile, principe de valeur constitutionnelle, implique d'une manière générale que l'étranger qui se réclame de ce droit soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ; que sous réserve de la conciliation de cette exigence avec la sauvegarde de l'ordre public, l'admission au séjour qui lui est ainsi nécessairement consentie doit lui permettre d'exercer effectivement les droits de la défense qui constituent pour toutes les personnes, qu'elles soient de nationalité française, de nationalité étrangère ou apatrides, un droit fondamental à caractère constitutionnel » (§84).

Aussi, à moins qu'il n'ait déjà été autorisé à résider en France pour un autre motif, le demandeur d'asile doit se voir délivrer par la préfecture une autorisation provisoire de séjour (APS) d'une durée d'un mois. Le demandeur dispose alors de 21 jours pour adresser lui-même son formulaire de demande d'asile à l'OFPRA.

L'APS est renouvelée tous les trois mois jusqu'à ce que l'OFPRA ait statué sur sa demande ou, le cas échéant, que la CNDA se soit prononcée sur son recours.

Depuis 2006, l'admission au séjour des demandeurs d'asile est régionalisée : à l'exception de l'Île-de-France, de l'Alsace et de la collectivité territoriale de Corse, le préfet compétent pour procéder à l'admission au séjour est le préfet du département, chef lieu de région 6 ( * ) .

La procédure est la suivante : une fois que l'étranger a rassemblé l'ensemble des documents exigés (informations sur son état-civil, ses conditions d'entrée en France et sa domiciliation, etc.), il est reçu par les services de la préfecture qui procèdent tout d'abord au relevé de ses empreintes digitales au moyen d'une borne EURODAC 7 ( * ) , destinée à vérifier qu'il n'a pas déjà formulé une demande d'asile dans un autre État membre ou dans une autre préfecture. L'autorisation provisoire de séjour lui est alors délivrée, à moins que le préfet n'estime qu'il entre dans un des cas prévus par les dispositions relatives à la procédure prioritaire (voir infra ) ou qu'il doit faire l'objet d'une réadmission dans un autre État membre sur le fondement du règlement « Dublin II ».

En principe, le demandeur d'asile doit être convoqué à la préfecture dans un délai maximal de 15 jours après le dépôt des documents exigés (article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). En réalité, faute d'effectifs suffisants, de nombreuses préfectures ne parviennent pas à respecter ce délai. D'après les constatations établies par la Coordination française du droit d'asile au cours de l'été dernier, les délais de convocation des demandeurs d'asile peuvent atteindre dans certaines préfectures plusieurs semaines, voire plusieurs mois - trois mois à Lille et jusqu'à cinq mois à Paris par exemple.

Mme Arlette Magne, directrice du service des étrangers à la préfecture de Bobigny, a ainsi indiqué à vos rapporteurs lors de leur déplacement à la préfecture de Seine-Saint-Denis qu'en 2011, confronté à l'augmentation du nombre des demandeurs d'asile dans ce département, le service des étrangers de la préfecture ne parvenait à convoquer les demandeurs d'asile que dans un délai moyen de deux mois. Lors de la visite de vos rapporteurs en février 2012, ce délai moyen avait été ramené à 13 jours, en très large partie du fait de l'inscription du Bangladesh sur la liste des pays d'origine dits « sûrs », ce qui avait substantiellement réduit le nombre de demandes émanant des ressortissants de ce pays, particulièrement nombreux en région parisienne (voir infra les conditions et conséquences des procédures prioritaires)...

Ces retards occasionnés dans la convocation des demandeurs d'asile en préfecture et dans la délivrance des autorisations provisoires de séjour ont été fortement critiqués par les représentants des principales associations entendues par vos rapporteurs. En effet, non seulement l'étranger ne peut, durant cette attente, bénéficier des droits attachés à la qualité de demandeur d'asile, mais aussi, dépourvu de titre provisoire de séjour, il encourt à tout moment le risque d'être interpellé et de faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

2. Un examen par l'OFPRA souvent déroutant

C'est une fois en possession de l'autorisation provisoire de séjour délivrée par la préfecture que le demandeur d'asile peut adresser sa demande à l'OFPRA.

Celle-ci s'effectue au moyen d'un formulaire dans lequel l'étranger est invité à décliner son identité, celle des membres de sa famille (parents, frères et soeurs, conjoint, enfants), un certain nombre d'informations concernant les langues qu'il parle couramment, sa religion, son niveau d'études, etc., son parcours pour parvenir jusqu'en France ainsi que les motifs pour lesquels il sollicite l'asile. A cette fin, il dispose de sept pages libres auxquelles il peut joindre des feuilles supplémentaires.

D'apparence simple, cette première étape s'avère très souvent déroutante pour de nombreux demandeurs. Comme l'indique la Cimade dans son rapport « Voyage au coeur de l'asile », « ce récit circonstancié et personnalisé est le coeur de la demande d'asile. La personne, ou celle qui l'assiste, doit décrire sa vie souvent douloureuse, les tortures et les mauvais traitements, les privations de liberté, les discriminations qu'elle a subies en étant le plus précis possible, en se souvenant des lieux, des dates, des circonstances d'évènements qui ont pu se dérouler il y a longtemps ou qu'elle a pu effacer de sa mémoire, car extrêmement traumatisants. En apparence, il s'agit d'un simple récit biographique mais c'est un exercice particulièrement difficile que peu de Français seraient capables de faire, si, par hypothèse, ils devaient solliciter une protection dans un pays dont ils ne connaissaient ni la langue, ni la culture, ni les usages administratifs » 8 ( * ) .

En principe, la traduction du récit du demandeur d'asile non francophone en français fait partie des missions des plateformes d'accueil des demandeurs d'asile 9 ( * ) . A défaut, les demandeurs ont recours aux associations, à des compatriotes plus ou moins désintéressés, parfois encore à des écrivains publics ou à des bureaux de traduction lorsque leurs ressources le leur permettent.

D'où viennent les demandeurs d'asile
qui sollicitent la protection de la France ?

L'origine géographique des demandeurs d'asile a varié modérément au fil des ans. Depuis 2003, parmi les dix principaux pays de provenance, plusieurs reviennent de façon régulière : la Turquie, le Sri Lanka, la République démocratique du Congo, la Serbie, le Kosovo, la Russie, Haïti, la Chine, l'Algérie et l'Arménie. Certains flux sont présents depuis le début des années 1980, d'autres sont arrivés plus tardivement à la suite de l'éclatement de l'ex-Yougoslavie et de l'ex-URSS dans les années 1990.

En 2011, les dix principaux pays de provenance des demandeurs d'asile étaient le Bangladesh (3 462 demandes), la République démocratique du Congo (2 827 demandes), l'Arménie (2 651 demandes), le Sri Lanka (2 544 demandes), la Russie (2 205 demandes), la Chine (1 991 demandes), Haïti (1 831 demandes), le Kosovo (1822 demandes), la Guinée (1 598 demandes) et la Turquie (1 488 demandes).

Le Bangladesh reste en 2011 le premier pays de provenance, mais le rythme de progression enregistré (+13%) est largement inférieur à celui enregistré en 2010 (+123%).

Un des faits majeurs de l'année 2011 est l'augmentation de la demande arménienne (+107 %) qui fait suite à l'annulation par le Conseil d'État, le 23 juillet 2010, de l'inscription de l'Arménie sur la liste des pays d'origine sûrs. Cette demande avait connu en 2010 une diminution de 44 % qui faisait suite à l'inscription de ce pays sur cette liste par le conseil d'administration de l'OFPRA le 13 novembre 2009.

D'autres nationalités connaissent en 2011 une forte hausse de la demande : Haïti (+22 %), Turquie (+20 %), Somalie (+70 %), Érythrée (+32 %).

A l'inverse, on observe une baisse importante de la demande en provenance de certains pays, principalement européens (-44 % pour le Kosovo et -9 % pour la Russie).

Source : Secrétariat général à l'immigration et à l'intégration

Une fois enregistrée à l'OFPRA, la demande est attribuée à l'un des 162 officiers de protection chargés d'instruire les demandes d'asile. Agents publics de catégorie A, fonctionnaires ou contractuels, les officiers de protection sont répartis en divisions géographiques et spécialisés sur quelques pays dont ils parlent parfois la langue.

Le demandeur est alors convoqué dans les locaux de l'OFPRA, situés à Fontenay-sous-Bois, en région parisienne, afin d'y être entendu et de pouvoir s'expliquer de vive voix sur les motifs de sa demande d'asile 10 ( * ) .

Plus de 90% des primo-demandeurs sont convoqués pour un entretien ; 80% d'entre eux y répondent effectivement.

Les entretiens se déroulent dans des conditions strictes de confidentialité, en présence de l'officier de protection en charge du dossier et, la plupart du temps (82% des auditions), d'un interprète.

Employés par les titulaires des marchés publics conclus par l'OFPRA, les interprètes ne sont pas des agents de l'établissement, mais ils sont tenus de respecter les règles déontologiques de leur profession (impartialité, indépendance, confidentialité et stricte neutralité) 11 ( * ) . Le rapport de la Cimade précité fait toutefois état d'une grande diversité de niveaux parmi les interprètes 12 ( * ) .

Vos rapporteurs ont eu l'opportunité, lors de leur visite dans les locaux de l'OFPRA, d'assister à l'audition de demandeurs d'asile aux côtés d'un officier de protection.

Les entretiens se déroulent dans des boxes relativement exigus, dans lesquels ont été placés une table, quelques chaises et un poste informatique. Après avoir expliqué les conditions dans lesquelles intervient l'entretien, l'officier de protection interroge le demandeur sur son état-civil, l'itinéraire emprunté pour arriver jusqu'en France, et enfin sur les raisons qui l'ont poussé à quitter son pays ou qui le font craindre d'y retourner.

Depuis plusieurs années, l'officier de protection est tenu d'établir un compte-rendu de l'entretien sous fichier informatique. En l'absence de secrétaire ou de dactylo chargé de l'assister, il retranscrit lui-même, au fil de la discussion, les éléments de réponse que lui fournit le demandeur, le cas échéant en mettant à profit les temps de traduction pour mettre de l'ordre dans ses notes.

Vos rapporteurs se sont étonnés de cette contrainte qui empêche l'officier de protection de se consacrer pleinement à son échange avec le demandeur et limite les possibilités d'un dialogue spontané avec ce dernier. En outre, comme l'ont reconnu les représentants des personnels de l'Office, de ce fait, le compte-rendu n'est jamais totalement fidèle aux propos tenus par le demandeur.

Enfin, les difficultés de ventilation des locaux, qui rendent rapidement l'atmosphère étouffante, ne semblent pas de nature à favoriser la sérénité de l'échange.

L'entretien constitue la pièce maîtresse de la demande, mais l'officier de protection a la faculté de compléter l'instruction en faisant des recherches complémentaires, soit par lui-même, soit en recourant aux services de la Division de l'information, de la documentation et des recherches (DIDR) qui gère notamment une base de données et archive les rapports de missions de recueil d'informations que l'OFPRA conduit dans certains pays d'origine (voir infra ).

Ce travail accompli, l'officier de protection rédige une proposition de décision qu'il soumet à un chef de section pour validation. D'après les représentants du personnel de l'OFPRA entendus par votre rapporteur, l'avis de l'officier de protection est suivi dans 90% des cas, avec des variations d'une section à une autre.

Rappel des conditions dans lesquelles un étranger
peut se voir accorder l'asile en France

Aux termes de l'article 1 er , A, 2, de la convention de Genève du 28 juillet 1951, la qualité de réfugié doit être reconnue à toute personne qui, « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

Les motifs pour lesquels une personne peut se voir reconnaître réfugiée sont ainsi limitativement énumérés.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 2003, une personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié peut se voir attribuer une protection subsidiaire si elle établit « qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes :

a) La peine de mort ;

b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

c) S'agissant d'un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international » (article L. 712-1 du CESEDA).

En dépit d'un effort significatif consenti par les pouvoirs publics au cours des années récentes pour tenter de traiter dans des délais raisonnables les demandes d'asile en augmentation (le nombre d'officiers de protection en charge de l'instruction est passé de 106 en 2007 à 162 en 2012), les délais moyens d'examen d'une demande d'asile demeurent élevés : 145 jours en 2010, 174 jours en 2011 (soit un peu moins de six mois).

Il ne s'agit toutefois là que d'une moyenne : pour les seules premières demandes en procédure normale, le délai de traitement était de sept mois en 2011, de 15 jours pour les demandes de réexamen. Les procédures prioritaires - qui imposent à l'OFPRA de statuer dans des délais particulièrement brefs (voir infra ) - concourent par ailleurs à désorganiser le travail de l'Office, au détriment de la célérité de traitement des demandes dites « normales ». Par rapport à ses homologues européens, l'OFPRA se montre relativement peu généreux dans l'octroi des statuts de réfugiés ou des protections subsidiaires.

Taux d'admission en première instance à une protection internationale sur le territoire de l'Union européenne pour l'année 2011 (Source : Eurostat)

Taux global d'admission (%)

Total UE

25,1

Belgique

25,6

Bulgarie

31,7

République Tchèque

46,5

Danemark

36,8

Allemagne

24,0

Estonie

26,2

Irlande

5,4

Grèce

2,1

Espagne

29,1

France

10,9

Italie

29,6

Chypre

2,6

Lettonie

20,2

Lituanie

7,5

Luxembourg

3,4

Hongrie

17,4

Malte

55,0

Pays-Bas

43,2

Autriche

30,8

Pologne

14,8

Portugal

52

Roumanie

7,1

Slovénie

10,3

Slovaquie

54,2

Finlande

41,0

Suède

32,9

Royaume-Uni

31,5

NB : Ces taux d'admission sont les taux d'admission en première instance, qui ne prennent pas en compte les décisions en appel. Or, en France, la moitié des protections est accordée par la CNDA, et le taux global d'admission en 2011 s'élève ainsi à 25,2% , soit un taux proche de la moyenne européenne en la matière. Il convient également de relever que certains écarts entre les taux d'admission constatés entre les États membres peuvent s'expliquer par des différences dans la nationalité des demandeurs d'asile accueillis.

S'interrogeant sur les causes de cette relative sévérité de l'OFPRA, vos rapporteurs ont constaté que plusieurs intervenants attribuait celle-ci à la tutelle exercée sur cet établissement public par le ministère de l'Intérieur, qui est également compétent en matière d'immigration : pour certains, les officiers de protection seraient nécessairement soumis à des « quotas » d'admission au titre de l'asile d'étrangers jugés indésirables.

Au terme de leurs travaux, vos rapporteurs ont acquis la certitude que cette allégation était infondée. Tant les personnels de l'OFPRA que les responsables des principales associations qui accompagnent les demandeurs d'asile au quotidien, comme la direction de l'Office et les représentants du Gouvernement du reste, ont confirmé qu'aucune instruction n'était donnée aux agents de l'OFPRA pour infléchir le sens des décisions rendues.

En revanche, les officiers de protection sont bel et bien soumis à des exigences de « productivité » : il leur est en effet demandé de traiter 385 dossiers par an , ce qui représente une moyenne de deux décisions par jour 13 ( * ) . Il s'agit là de l'objectif le plus élevé assigné à des agents chargés d'instruire des demandes d'asile en Europe. Par comparaison, M. Jean-François Cordet, ancien directeur général de l'Office, a indiqué à vos rapporteurs que les agents chargés de l'instruction en Belgique étaient soumis à un objectif de 90 demandes par an, ceux du Royaume-Uni à un objectif de deux demandes par semaine.

De l'avis de l'ensemble des personnes entendues, cette pression exercée sur les délais d'instruction et le nombre de décisions à rendre, en encourageant un examen rapide des demandes, serait de nature à inciter au rejet de ces dernières.

En outre, d'après les informations recueillies par vos rapporteurs, 60% des officiers de protection en charge de l'instruction à l'heure actuelle sont des personnels contractuels, et la plupart d'entre eux ont moins de deux ans d'ancienneté : selon certains interlocuteurs, la précarité du statut d'une part importante des officiers en charge de l'instruction constitue un élément de pression implicite supplémentaire incitant à un examen restrictif des demandes.

D'autres facteurs sont également avancés pour expliquer cette relative sévérité de l'OFPRA : les incompréhensions possibles entre l'officier de protection et le demandeur lors de l'entretien, alors que ce dernier n'a pas la possibilité d'être accompagné par un tiers ; la nécessité, pour le demandeur, de démontrer l'existence de risques de persécutions le visant personnellement ; le fait que, confronté à des demandes d'asile pour lesquelles l'octroi d'une protection paraît évidente, les agents de l'OFPRA puissent avoir tendance à être plus sévères à l'égard de dossiers moins étayés ; enfin, comme l'a observé la Cimade dans son rapport précité, « dans certains cas, les officiers de protection font l'hypothèse que le demandeur pourra éclaircir les points devant l'instance d'appel qu'est la Cour nationale du droit d'asile et s'y voir reconnaître une protection. Dans le jargon de l'OFPRA, ces décisions sont des « rejets ouverts » ou des « admissions différées » » 14 ( * ) .

Il convient enfin de souligner que ce taux global d'admission recouvre des réalités diverses. Il existe ainsi des nationalités pour lesquelles le taux d'accord est élevé : Mali (74%), Syrie (68%), Iran (67%), Irak (64%), Rwanda (50%). A l'inverse, des pays très fortement représentés dans la demande d'asile connaissent des taux d'admission faibles : Bangladesh (1,2%), Arménie (3,3%), Kosovo (3%) par exemple.

3. Un recours massif à la CNDA

Lorsque l'étranger a vu sa demande d'asile rejetée par l'OFPRA, il dispose d'un délai d'un mois pour saisir la Cour nationale du droit d'asile d'un recours en annulation contre cette décision de rejet. Il peut au préalable solliciter l'octroi de l'aide juridictionnelle : si cette demande est faite dans un délai d'un mois, elle interrompt le délai de recours qui ne court alors qu'à compter de la décision du bureau d'aide juridictionnelle.

La CNDA est le successeur de la Commission des recours des réfugiés, créée dès la loi du 25 juillet 1952 pour examiner les recours dirigés contre les décisions de l'Office. Initialement rattachée administrativement et budgétairement à l'OFPRA - ce qui constituait une anomalie institutionnelle à laquelle la loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007 a mis fin -, la CNDA est rattachée au Conseil d'État pour sa gestion depuis le 1 er janvier 2009.

Juridiction administrative spécialisée, elle présente la particularité de statuer en plein contentieux , c'est-à-dire qu'elle ne se prononce pas sur la légalité interne et externe de la décision de l'Office mais réexamine l'ensemble de la demande d'asile, au besoin en tenant compte des éléments, arguments et documents dont le demandeur n'aurait pas fait état devant l'OFPRA 15 ( * ) . Ses décisions d'annulation ont pour effet d'accorder automatiquement le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire au demandeur d'asile, sans que le dossier doive à nouveau être examiné par l'OFPRA.

Les recours sont examinés par une formation de jugement de trois personnes composée :

- d'un président, qui est issu soit des membres du Conseil d'État ou du corps des magistrats administratifs, en activité ou honoraires, soit des magistrats de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes, en activité ou honoraires, soit enfin des magistrats de l'ordre judiciaire (magistrats du siège en activité et magistrats honoraires de l'ordre judiciaire) ;

- d'un assesseur nommé par le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) sur avis conforme du vice-président du Conseil d'État, en sa qualité de personnalité qualifiée. Cette personne doit être de nationalité française ;

- enfin, d'un assesseur nommé en sa qualité de personnalité qualifiée par le vice-président du Conseil d'État sur proposition de l'un des ministres représentés au conseil d'administration de l'OFPRA.

Ainsi la CNDA présente-t-elle l'originalité d'être la seule juridiction française dans laquelle siège avec voix délibérative le représentant d'une organisation internationale .

La participation de membres nommés par le HCR aux formations de jugement de la Cour - choix qui a été fait par le législateur dès l'adoption de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile - a été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°98-399 DC du 5 mai 1998 (voir ci-dessous).

Les représentants du ministère des affaires étrangères entendus par vos rapporteurs ont réitéré leur attachement à ce dispositif, qui permet à la juridiction de disposer d'une expertise juridique et géographique utile pour évaluer le besoin de protection des demandeurs d'asile.

Extraits de la décision du Conseil constitutionnel n°98-399 DC du 5 mai 1998

« 14. Considérant que, dans son article 3, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 énonce que "le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation" ; que l'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que "la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum" ; que le Préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République française "se conforme aux règles du droit public international" et, dans son quinzième alinéa, que "sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix" ;

« 15. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'en principe ne sauraient être confiées à des personnes de nationalité étrangère, ou représentant un organisme international, des fonctions inséparables de l'exercice de la souveraineté nationale ; que tel est le cas, en particulier, des fonctions juridictionnelles, les juridictions, tant judiciaires qu'administratives, statuant "au nom du peuple français" ; qu'il peut, toutefois, être dérogé à ce principe dans la mesure nécessaire à la mise en oeuvre d'un engagement international de la France et sous réserve qu'il ne soit pas porté atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;

« 16. Considérant, d'une part, que la commission de recours des réfugiés est une juridiction administrative instituée par la loi du 25 juillet 1952 susvisée pour connaître des recours formés contre les décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides statuant sur les demandes tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié présentées par toute personne sur laquelle le haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés exerce son mandat, aux termes des articles 6 et 7 de son statut, ou qui se réclament des définitions de l'article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ; qu'elle a ainsi vocation à mettre en oeuvre la protection des réfugiés résultant d'engagements internationaux souscrits par la France ;

« 17. Considérant, d'autre part, que la présence, dans la proportion d'un tiers, dans chacune des sections de la commission de recours des réfugiés, ainsi que dans sa formation dite de "sections réunies", de représentants du haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies, ne porte pas atteinte, compte tenu du caractère minoritaire de cette présence, aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;

« 18. Considérant que, dans ces conditions, la composition de la commission des recours des réfugiés ne méconnaît pas, eu égard à ses compétences actuelles, les exigences constitutionnelles susrappelées ».

Du fait de l'activité soutenue de la CNDA - première juridiction administrative en nombre de décisions rendues chaque année - il y a environ, à l'heure actuelle, une centaine de formations de jugement . Autrefois présidées exclusivement par des présidents vacataires, elles le sont désormais de plus en plus souvent par des présidents permanents , dont l'affectation à temps plein à la Cour a été rendue possible par la loi du 12 mai 2009 de simplification du droit.

Autre particularité : les recours ne sont pas instruits par un membre de la formation de jugement, mais par un rapporteur qui assiste au délibéré sans voix délibérative. Agent de catégorie A n'ayant pas le statut de magistrat, fonctionnaire titulaire ou contractuel affecté de façon permanente à la Cour, le rapporteur cumule les fonctions de rapporteur et celles de rapporteur public (anciennement commissaire du Gouvernement), puisqu'il est invité à conclure son rapport en prenant parti en faveur d'un rejet de la requête ou de l'annulation de la décision de l'OFPRA.

Au nombre de 135 (fin 2011), les rapporteurs de la Cour sont, comme les officiers de protection de l'OFPRA, soumis à des exigences de « productivité » : 24 audiences à 16 dossiers ou 31 audiences à 12 dossiers par an, ce qui représente une moyenne de deux à trois audiences par mois.

Lorsque, compte tenu des diverses contraintes pesant sur la Cour (disponibilités des interprètes, des avocats, etc.), le recours est en état d'être enrôlé et jugé, le demandeur d'asile reçoit une convocation l'invitant à se rendre dans les locaux de la Cour, situés à Montreuil-sous-Bois, en région parisienne 16 ( * ) .

Lors de l'audience, qui est ouverte au public, il a la possibilité d'être assisté d'un avocat ; dans les faits, 82% des requérants se présentent à l'audience avec un avocat. S'il n'est pas francophone, un interprète est présent. Après la lecture de son rapport par le rapporteur, l'avocat prend la parole, puis la formation de jugement interroge le requérant sur les motifs de sa demande d'asile. Bien que partie à l'affaire, l'OFPRA n'est quasiment jamais présent (3% des affaires seulement environ). L'affaire est ensuite mise en délibéré et la décision rendue, en règle générale, trois semaines après l'audience.

Tous les recours ne sont toutefois pas jugés en audience publique : outre les recours irrecevables, les recours « qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause les motifs de la décision du directeur général de l'Office » sont susceptibles d'être rejetés par ordonnance (article R. 733-16 du CESEDA). En 2011, ces ordonnances dites « nouvelles » ont représenté 13,6% de l'ensemble des décisions rendues par la Cour.

L'activité de la Cour est fortement tributaire de celle de l'OFPRA . En effet, le taux de recours contre les décisions de rejet de l'OFPRA présente la double particularité d'être élevé et relativement constant au fil des ans - de l'ordre de 85% environ (cf. tableau ci-dessous).

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Nombre de rejets OFPRA

47 088

34 786

25 915

26 648

30 283

32 571

37 619

Nombre de recours enregistrés à la Cour

40 342

30 501

22 676

21 636

25 044

27 445

31 983

Taux de recours contre les décisions de rejet de l'OFPRA

85,7%

87,7%

87,5%

81,2%

82,7%

84,3%

85,0%

Un temps très élevés (15 mois en 2009 et en 2010), les délais moyens de jugement devant la CNDA ont été significativement réduits grâce à des recrutements massifs de rapporteurs et de secrétaires d'audiences opérés en 2010-2011, auxquels se sont ajoutés le recours à des présidents et assesseurs vacataires supplémentaires 17 ( * ) . Ce délai prévisible moyen de jugement, qui était de 9 mois et 15 jours en 2011 , devrait atteindre environ 8 mois d'ici la fin de cette année .

Le taux d'annulation des décisions de l'OFPRA a fortement fluctué : de l'ordre de 5% dans le courant des années 1990, il a ensuite constamment progressé pour atteindre son plus haut niveau (26,5%) en 2009. Il est depuis en diminution : 22,1% en 2010, 17,7% en 2011, mais demeure élevé.

Source : Secrétariat général à l'immigration et à l'intégration (SGII)

Vos rapporteurs se sont particulièrement interrogés sur les causes d'un tel taux d'annulation qui, combiné à un fort taux de recours et au fait que la CNDA statue en plein contentieux, conduit à cette situation insolite qu'aujourd'hui, en France, la majorité des statuts de réfugié et des protections subsidiaires sont accordés par la Cour nationale du droit d'asile.

Plusieurs arguments ont été avancés par les interlocuteurs de vos rapporteurs :

- la première explication avancée tient à la nature même du plein contentieux : la Cour se prononce sur l'ensemble des éléments de fond et de fait versés au dossier, y compris sur ceux qui sont postérieurs à la décision de l'OFPRA ou qui n'ont pas été soumis devant cet établissement. Les délais d'instruction, qui s'étendent sur plusieurs mois, permettent aux requérants de produire devant la juridiction de nouveaux éléments qui peuvent justifier une protection. D'après certaines personnes entendues, certains demandeurs d'asile mettraient même en oeuvre à l'égard de l'OFPRA une stratégie d'évitement , ne produisant volontairement des éléments décisifs sur leur demande qu'au stade de l'instruction de leur recours, afin que l'OFPRA, qui n'intervient qu'épisodiquement devant la Cour, ne puisse en contester le bien-fondé ;

- par ailleurs, les demandeurs d'asile ont la possibilité de se faire assister d'un avocat devant la Cour (le taux d'assistance étant d'ailleurs supérieur à 82%), alors qu'ils sont seuls face à l'officier de protection au cours de l'entretien ;

- le cadre dans lequel les demandes sont examinées est également très différent : à l'OFPRA, l'instruction est confidentielle, conduite par un officier de protection spécialisé sur le pays dont le demandeur a la nationalité. A l'inverse, à la CNDA, les audiences sont publiques et les formations de jugement, nombreuses, ne sont pas spécialisées et sont donc invitées à statuer sur des recours formulés par des requérants de toutes nationalités. La diversité des membres des formations de jugement et leur plus ou moins fine connaissance des pays d'origine influe d'autant plus sur le taux d'annulation que le contentieux de l'asile est un contentieux dans lequel l'appréciation des faits, voire l'intime conviction du juge, jouent un rôle prépondérant ;

- à cette diversité des formations de jugement et de l'appréciation qu'elles peuvent porter sur des situations particulières s'ajoutent aussi, parfois, une réelle divergence d'appréciation entre la Cour et l'OFPRA sur la situation d'un pays d'origine. Cela a par exemple été le cas pendant un temps au sujet du Sri-Lanka, la Cour ayant estimé dans une décision de sections réunies de 2008 que certaines régions de ce pays se caractérisaient par une situation de violence généralisée résultant d'un conflit armé, susceptible, dès lors, d'ouvrir aux demandeurs originaires des régions concernées un droit à l'octroi d'une protection subsidiaire ;

- enfin, d'après la Cimade, « cette hausse [du taux d'annulation] s'explique en partie et paradoxalement par l'amélioration de la qualité de l'instruction de l'OFPRA : l'audition du demandeur par l'OFPRA. Le compte-rendu d'entretien permet aux juges de se faire une opinion des craintes de la très grande majorité des demandeurs alors que cette pièce ne se trouvait que dans une minorité de dossiers. En motivant plus explicitement les motifs du rejet, l'OFPRA donne des leviers au demandeur d'asile et à son défenseur pour y répondre mais montre également qu'un examen plus poussé de la demande ou la simple application de la jurisprudence de la CNDA aurait pu lui permettre de reconnaître la qualité de réfugié ou d'octroyer la protection subsidiaire » 18 ( * ) .

4. Un juge de cassation peu sollicité

Juridiction administrative spécialisée, la Cour nationale du droit d'asile est placée sous le contrôle de cassation du Conseil d'État.

Dans les faits, ce contrôle s'avère toutefois anecdotique : d'après les informations communiquées par M. Jacques-Henri Stahl, président de la deuxième sous-section de la section du contentieux au Conseil d'État, moins de 2% des décisions de la CNDA font l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État (248 pourvois en 2009, 385 en 2010, 525 en 2011, cette augmentation étant à mettre en rapport avec l'augmentation de la capacité de jugement de la Cour et du nombre de ses décisions).

En outre, l'essentiel de ces pourvois sont irrecevables, faute, la plupart du temps, d'avoir été introduits par un avocat au Conseil d'État.

De ce fait, le nombre d'arrêts de cassation est infime : 6 en 2009, 15 en 2010, 22 en 2011. Dans 75% des cas, l'OFPRA est à l'origine du pourvoi. Les arrêts de cassation portent en règle générale sur des règles de procédure, plus rarement sur des erreurs de droit ou des insuffisances de motivation.

Plusieurs causes peuvent expliquer ce relatif désintérêt des demandeurs pour le juge de cassation en matière d'asile : d'une part, le pourvoi en cassation est un contentieux du droit, alors que la demande d'asile repose essentiellement sur des faits et leur appréciation souveraine par les formations de jugement de la CNDA ; d'autre part, le pourvoi en cassation n'est pas dispensé du ministère d'avocat ; enfin, il n'a pas d'effet suspensif 19 ( * ) .

Le Conseil d'État n'est toutefois pas totalement absent de la régulation du droit d'asile en France : non seulement il intervient fréquemment dans des contentieux relatifs aux conditions d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile, mais il joue également un rôle essentiel pour limiter les abus pouvant survenir dans l'utilisation faite par les préfectures des procédures prioritaires.

B. UN RECOURS EXCESSIF AUX PROCÉDURES PRIORITAIRES

Par exception aux principes rappelés ci-dessus, la loi autorise le préfet à refuser de délivrer un titre provisoire de séjour à un étranger dans deux hypothèses (article L. 741-4 du CESEDA) :

- soit, en application du règlement « Dublin II », il s'avère que l'examen de la demande relève d'un autre État membre que la France : dans ce cas, une procédure de réadmission doit être mise en oeuvre à son encontre et l'étranger doit être transféré dans l'État membre compétent pour instruire sa demande ;

- soit, considérant que le demandeur provient d'un pays d'origine « sûr », que sa présence en France constitue une menace à l'ordre public ou que sa demande est abusive, frauduleuse ou dilatoire, le préfet peut décider que sa demande sera examinée selon la procédure dite « prioritaire ».

Cette décision conduit à réduire considérablement les droits de l'intéressé pendant la procédure. En outre, les critères permettant d'engager une procédure prioritaire sont très contestés.

1. Des droits substantiellement réduits

La décision du préfet tendant à ce que la demande d'asile présentée par un étranger soit examinée selon la procédure prioritaire emporte un certain nombre de conséquences :

- en premier lieu, l'étranger se voit refuser la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour. Si, en dépit de ce refus, il maintient son intention de demander l'asile, il lui appartient de remettre le formulaire OFPRA à la préfecture dans un délai de 15 jours, la préfecture se chargeant ensuite d'adresser la demande à l'Office en mentionnant son caractère prioritaire. Si l'étranger est placé en centre de rétention administrative (CRA), il ne dispose que de cinq jours à compter de la notification de ses droits pour formuler sa demande d'asile ;

- l'OFPRA est tenu de statuer sur la demande dans un délai de quinze jours. Ce délai est ramené à 96 heures lorsque le demandeur est placé en rétention administrative.

Ces délais constituent une contrainte indéniable pour les services de l'OFPRA, qui s'efforcent cependant d'instruire la demande dans les mêmes conditions qu'une demande normale. 83,1% des primo-demandeurs d'asile placés en procédure prioritaire (hors CRA) ont ainsi été convoqués à un entretien par l'Office en 2011, et environ 70% ont effectivement été entendus. Les deux tiers des primo-demandeurs d'asile placés en centre de rétention sont également entendus par un officier de protection.

Dans les faits, l'OFPRA statue dans un délai moyen de 27 jours s'agissant des premières demandes, de six jours lorsqu'il s'agit d'une demande de réexamen. Lorsque le demandeur d'asile est placé en rétention administrative, l'Office s'efforce de rendre une décision dans un délai moyen de quatre jours pour les premières demandes, et de deux jours pour les réexamens ;

- non admis au séjour, le demandeur d'asile placé en procédure prioritaire n'est pas éligible à un hébergement en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) ni à la couverture maladie universelle de base (CMU) ;

- surtout, si la loi l'autorise à se maintenir provisoirement sur le territoire jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA, tel n'est pas le cas ensuite en cas de rejet même s'il formule un recours devant la CNDA contre le rejet de sa demande d'asile par l'Office : en procédure prioritaire, le recours n'ayant pas d'effet suspensif , le demandeur encourt à tout moment le risque d'être interpellé et reconduit dans son pays avant que la CNDA n'ait statué sur son recours ;

- enfin, si le Conseil d'État a jugé que les demandeurs d'asile placés en procédure prioritaire devaient pouvoir avoir accès à l'allocation temporaire d'attente et à un hébergement d'urgence (arrêts du 16 juin 2008 et du 7 avril 2011) jusqu'à la notification de la décision de l'OFPRA, tel n'est pas le cas lorsque le demandeur d'asile en procédure prioritaire a saisi la CNDA d'un recours contre le rejet de sa demande par l'OFPRA.

Dans sa décision du 13 août 1993 n°93-325 DC précitée, le Conseil constitutionnel a validé le principe d'une telle procédure prioritaire, considérant que « si l'autorité administrative peut s'opposer à l'admission au séjour des intéressés, ces derniers ont le droit [...] de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que l'office français de protection des réfugiés et apatrides leur notifie sa décision lorsque cette décision est une décision de rejet ; qu'au regard des exigences de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public, le législateur pouvait, dès lors qu'il garantissait la possibilité d'un recours, prévoir que l'intéressé n'aurait pas droit à être maintenu pendant l'examen de ce recours sur le territoire français ».

Le principe de la procédure prioritaire est désormais reconnu par le droit communautaire (article 23 de la directive 2005/85/CE du 1 er décembre 2005 définissant des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié).

2. Des demandes d'asile qui sont loin d'être toutes infondées

Initialement destinée à traiter rapidement des demandes d'asile a priori peu susceptibles de prospérer, la procédure prioritaire a été, au cours des récentes années, très largement dévoyée de son objet initial et utilisée à des fins de gestion des flux migratoires et de limitation des dépenses publiques induites par la présence sur le territoire des demandeurs d'asile.

Depuis 2004, la part des demandes d'asile examinées selon la procédure prioritaire a oscillé entre 16% et 30% de l'ensemble des demandes (voir graphique ci-contre).

Source : rapport annuel de l'OFPRA pour 2011

Toutefois, alors que la procédure prioritaire a initialement été utilisée pour traiter des demandes de réexamen ainsi que des demandes formulées en rétention, les préfets y ont de plus en plus fréquemment recours pour l'examen de premières demandes d'asile.

En 2011, les procédures prioritaires ont représenté 26% de la demande globale .

15% des premières demandes d'asile hors rétention ont été examinées selon cette procédure. La part des premières demandes dans l'ensemble des procédures prioritaires est ainsi passée de 34% en 2006 à 63% en 2011.

Demandes examinées selon la procédure prioritaire en 2011

Nombre de demandes

Part dans la demande d'asile globale

Premières demandes hors rétention

6 896

15,1%

Premières demandes formulées en rétention

616

1,35%

Demandes de réexamen hors rétention

354

0,77%

Demandes de réexamen formulées en rétention

4 033

8,83%

Total de demandes examinées selon la procédure prioritaire

11 899

26,06%

Source : données OFPRA

Or, les taux d'accord de l'OFPRA et les taux d'annulation de la CNDA sont loin de confirmer le caractère a priori infondé de ces demandes.

Taux d'accord à l'OFPRA pour les demandes examinées
selon la procédure prioritaire en 2011

Nombre d'admissions (statut de réfugié et protection subsidiaire)

Taux d'admission OFPRA

Premières demandes hors rétention

870

13,4%

Premières demandes formulées en rétention

23

3,9%

Demandes de réexamen hors rétention

126

3,1%

Demandes de réexamen formulées en rétention

1

0,3%

Total

1 020

8,9%

Source : données OFPRA

Ainsi l'OFPRA a-t-il accordé à 8,9 % des demandeurs d'asile placés en procédure prioritaire en 2011 le bénéfice du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire . Ce taux passe même à 13,4% si l'on retient les seules premières demandes d'asile n'ayant pas été formulées dans un centre de rétention administrative.

En ce qui concerne la CNDA, en 2011, 3 551 recours, soit 10,2 % du total, concernaient des requérants ayant fait l'objet d'un examen par l'OFPRA en procédure prioritaire.

En 2011, le taux d'annulation des décisions de l'OFPRA prises au terme d'un examen en procédure prioritaire s'est élevé à 14,2 %.

3. Des hypothèses de recours à la procédure prioritaire contestées

Ces taux -peu éloignés du taux global d'admission à l'OFPRA et du taux global d'annulations devant la CNDA, qui sont respectivement de l'ordre de 10 % et de 18 %- invitent à s'interroger sur le bien-fondé des motifs justifiant un placement en procédure prioritaire.

Ceux-ci sont en théorie au nombre de trois :

- soit le demandeur d'asile provient d'un pays d'origine jugé « sûr » ;

- soit sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public ;

- soit, enfin, sa demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile.

En réalité, seuls le premier et ce dernier motifs sont utilisés par les préfectures, la possibilité de placer un demandeur d'asile en procédure prioritaire pour menace grave à l'ordre public n'étant, d'après les informations recueillies par vos rapporteurs, quasiment jamais utilisée par les préfectures.

a) La notion de pays d'origine sûrs dévoyée à des fins de gestion des flux migratoires

Aux termes du 2° de l'article L. 741-4 du CESEDA, la demande peut être examinée selon la procédure prioritaire si « l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1 er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr. Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande ».

Si la première hypothèse visée par ces dispositions fait référence à la clause de cessation prévue par la convention de Genève 20 ( * ) , la seconde vise la notion de « pays d'origine sûr » introduite par le droit communautaire.

Ainsi, le protocole annexé au traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997 a posé le principe selon lequel « les États membres de l'Union européenne [étaient] considérés comme constituant des pays d'origine sûrs les uns vis-à-vis des autres pour toutes les questions juridiques et pratiques liées aux affaires d'asile ».

Puis la directive n°2005/85/CE du 1 er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres a autorisé ces derniers à examiner selon la procédure prioritaire les demandes d'asile émanant de ressortissants de pays considérés comme « sûrs ».

Cette notion a été introduite par anticipation en droit français par la loi n°2003-1176 du 10 décembre 2003 relative à l'asile. A cette occasion, le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions n'étaient pas contraires à la Constitution. Dans sa décision n°2003-485 DC du 4 décembre 2003, il a ainsi jugé que « la loi déférée tend à traiter de façon appropriée les demandes d'asile, en vue de mieux protéger les personnes remplissant les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire ; qu'eu égard à cet objet, les demandeurs d'asile provenant de pays qui peuvent être considérés comme assurant le respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'État de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sont dans une situation différente de celle des demandeurs d'asile provenant d'autres pays ; qu'ainsi, la circonstance que les règles de procédure soient différentes selon que le demandeur provient ou non d'un pays sûr n'est pas contraire au principe d'égalité ».

L'article 29 de la directive du 1 er décembre 2005 précitée prévoyait l'élaboration d'une liste de pays sûrs commune à l'ensemble des États membres. Cette liste commune n'a jamais vu le jour , faute d'accord entre les États membres.

N'existent donc à ce jour, et en dépit des efforts accomplis pour harmoniser les conditions d'examen des demandes d'asile au sein de l'Union européenne, que des listes nationales de pays d'origine sûrs 21 ( * ) .

En France, l'établissement de cette liste relève de la compétence du conseil d'administration de l'OFPRA .

Depuis le 30 juin 2005 - date d'adoption de la première liste de pays d'origine sûrs par la France -, les pays que le conseil d'administration de l'OFPRA a jugés comme sûrs sont loin d'avoir tous répondu aux critères posés par la loi (respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'État de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales), ainsi que l'a jugé le Conseil d'État à plusieurs reprises.

Ainsi, le 30 juin 2005, le conseil d'administration de l'OFPRA a adopté une première liste de douze pays d'origine sûrs, composée du Bénin, de la Bosnie-Herzégovine, du Cap-Vert, de la Croatie, de la Géorgie, du Ghana, de l'Inde, du Mali, de l'île Maurice, de la Mongolie, du Sénégal et de l'Ukraine. Cette liste a été complétée le 16 mai 2006 par l'Albanie, la Macédoine, Madagascar, le Niger et la Tanzanie.

Dans un arrêt Association Forum Réfugiés du 13 février 2008, le Conseil d'État a annulé l'inscription de l'Albanie et du Niger en raison de l'instabilité du contexte politique et social propre à ces deux pays au moment de l'adoption de la liste.

Le 13 novembre 2009, le conseil d'administration de l'OFPRA a révisé cette dernière, en retirant la Géorgie et y ajoutant l'Arménie, la Serbie et la Turquie.

Par un arrêt Amnesty International et autres du 23 juillet 2010, le Conseil d'État a annulé l'inscription de l'Arménie, de Madagascar et de la Turquie, ainsi que du Mali en ce qui concerne les femmes (en raison de la prévalence de l'excision dans ce pays).

Le 18 mars 2011, le conseil d'administration de l'OFPRA a une nouvelle fois modifié la liste des pays d'origine sûrs afin d'y ajouter l'Albanie (dont le Conseil d'État avait annulé l'inscription en février 2008) et le Kosovo . L'inscription de ces deux pays a été annulée par le Conseil d'État dans un arrêt Action syndicale libre OFPRA (ASYL) du 26 mars 2012 .

Enfin, le 6 décembre 2011, le conseil d'administration de l'OFPRA a ajouté à la liste des pays d'origine sûrs l'Arménie (dont le Conseil d'État avait annulé l'inscription en juillet 2010), le Bangladesh, la Moldavie et le Monténégro.

Le recours exercé contre l'inscription de ces nouveaux pays est toujours pendant devant le Conseil d'État.

A ce jour, la liste des pays d'origine sûrs est donc composée de dix-huit pays : Arménie, Bangladesh, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cap-Vert, Croatie, Ghana, Inde, Macédoine, Mali (pour les hommes uniquement), île Maurice, Moldavie, Mongolie, Monténégro, Sénégal, Serbie, Tanzanie et Ukraine - auxquels s'ajoutent l'ensemble des États membres de l'Union européenne en application du « protocole Aznar » annexé au traité d'Amsterdam.

Comme l'ont observé l'ensemble des personnes entendues par vos rapporteurs, la liste des pays d'origine sûrs française, telle qu'elle est actuellement conçue, soulève la question de sa crédibilité . Non seulement les pays faisant l'objet d'une nouvelle inscription ne correspondent pas tous, loin s'en faut, aux critères posés par la loi, mais continuent également à y figurer des pays dans lesquels l'évolution du contexte géopolitique rend leur présence sur la liste anachronique. Tel a par exemple été le cas de la Géorgie, qui, en dépit de la guerre engagée avec la Russie en août 2008, a figuré sur la liste des pays d'origine sûrs jusqu'en novembre 2009. Tel est actuellement le cas du Mali, dont une partie du territoire est contrôlé depuis le mois de mars 2012 par des rebelles affiliés à des groupes terroristes mais qui figure toujours sur la liste des pays désignés comme sûrs par le conseil d'administration de l'OFPRA...

Les auditions de vos rapporteurs ont montré que l'inscription d'un pays sur la liste des pays d'origine sûrs était davantage motivée par le souci de faire pression à la baisse sur les flux de demandes d'asile que par le caractère objectivement sûr de la situation politique et sociale d'un pays donné.

Les demandes d'asile émanant de ressortissants de pays « sûrs » sont en effet quasiment exclusivement examinées selon la procédure prioritaire : 87% d'entre elles en 2010, 84% en 2011 et 92% au cours du premier semestre 2012 ont fait l'objet d'un placement en procédure prioritaire.

Dans les faits, l'inscription ou le retrait d'un pays de la liste a des conséquences rapides et importantes sur le flux des demandes . Les représentants de la préfecture de Seine Saint-Denis ont ainsi confirmé que le nombre de demandes d'asile émanant de ressortissants bangladais avait diminué de façon spectaculaire à la suite de l'inscription du Bangladesh sur la liste des pays d'origine sûrs en décembre 2011.

Or, les taux d'admission à l'asile des ressortissants de ces pays ne confirment pas la présomption de sûreté censée justifier, en théorie, l'inscription d'un pays sur cette liste : devant l'OFPRA, 7,1% des demandeurs d'asile originaires d'un pays « sûr » en 2011 se sont vu reconnaître l'asile ; ce taux était de 11,5% en 2010. Devant la CNDA, les recours formulés par ces mêmes ressortissants ont donné lieu à un taux d'annulation de 17,9% en 2011 (19,8% en 2010).

b) Des interprétations extensives de la notion de demande d'asile frauduleuse, abusive ou dilatoire

Aux termes du 4° de l'article L. 741-4 du CESEDA, peut être examinée selon la procédure prioritaire « la demande d'asile [reposant] sur une fraude délibérée ou [constituant] un recours abusif aux procédures d'asile ou [qui] n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre État membre de l'Union européenne. Constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités ».

Le ministère de l'Intérieur encourage les préfectures, sous réserve d'un examen individuel de chaque situation particulière, à utiliser largement la procédure prioritaire lorsque l'étranger a déposé plusieurs demandes d'asile simultanées ou successives sous des identités différences, dans le cas des demandes de réexamen, ainsi que pour les demandes formulées en centre de rétention administrative ou postérieurement à la notification d'une décision de refus de titre de séjour, d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure d'éloignement administrative ou judiciaire (circulaire du 1 er avril 2011).

84,5% des demandes de réexamen en 2011 ont ainsi été examinées selon la procédure prioritaire.

Le juge administratif veille toutefois à ce que le placement en procédure prioritaire n'ait pas de caractère systématique. Par exemple, saisi du cas des personnes évacuées de la « jungle de Calais » en septembre 2009 qui, tentant de rallier la Grande-Bretagne, n'avaient formulé leur demande d'asile en France qu'au moment de leur placement en centre de rétention, le juge des référés du Conseil d'État, dans une ordonnance du 17 décembre 2009, a jugé que « ni le fait [que l'intéressé] ait, comme la plupart de ses compatriotes, envisagé d'abord de demander l'asile en Grande-Bretagne, ni le délai qui a séparé l'intervention de l'arrêté préfectoral prescrivant sa reconduite à la frontière de sa demande d'asile, ne [permettaient] à eux seuls, dans les circonstances de l'espèce, de faire présumer le caractère abusif de cette dernière demande ».

Ce motif de placement en procédure prioritaire fait surtout, à l'heure actuelle, l'objet de débats lorsqu'il est opposé à des demandeurs d'asile dont les empreintes digitales ont été altérées.

Rappelons que, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile à la préfecture, l'étranger est tenu de se prêter au relevé de ses empreintes digitales au moyen d'une borne EURODAC, destinée à vérifier qu'il n'a pas formulé une demande d'asile dans un autre État membre de l'Union européenne ou dans une autre préfecture.

Or, depuis plusieurs années, un certain nombre de demandeurs d'asile - souvent issus des pays de la corne de l'Afrique (Érythrée, Somalie, Soudan) - se présentent à la préfecture avec des empreintes digitales altérées.

De telles situations ont d'abord été condamnées par le Conseil d'État qui, dans plusieurs décisions rendues en référé, a considéré « que l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile doit justifier de son identité, de manière à permettre aux autorités nationales de s'assurer notamment qu'il n'a pas formulé d'autres demandes ; qu'il résulte, en particulier, des dispositions du règlement du 11 décembre 2000 que les demandeurs d'asile âgés de plus de quatorze ans ont l'obligation d'accepter que leurs empreintes digitales soient relevées ; que, par suite, les autorités nationales ne portent pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile en refusant de délivrer une autorisation provisoire de séjour au demandeur qui refuse de se soumettre à cette obligation ou qui, en rendant volontairement impossible l'identification de ses empreintes, les place, de manière délibérée, par son propre comportement, dans l'incapacité d'instruire sa demande » 22 ( * ) .

Une circulaire du 2 avril 2010 a indiqué aux préfectures la marche à suivre dans cette hypothèse : en cas d'échec d'une première prise d'empreintes, le demandeur doit se voir remettre une convocation à un mois pour permettre, le cas échéant, la reconstitution de ses empreintes digitales. Si, à l'occasion de ce second rendez-vous, les empreintes s'avèrent toujours inexploitables, sa demande d'asile est examinée selon la procédure prioritaire.

Cette circulaire a été validée par le Conseil d'État 23 ( * ) .

La situation de ces demandeurs soulève une réelle difficulté car, provenant de pays particulièrement peu sûrs, un nombre important des intéressés se sont vus accorder une protection par l'OFPRA.

Par une note datée du 3 novembre 2011, le directeur général de l'OFPRA, mettant en avant la difficulté à examiner les demandes d'asile de personnes dissimulant sciemment leur identité, a donné instruction à ses services de rejeter purement et simplement toute demande qui serait formulée par un demandeur ayant altéré ses empreintes digitales.

Ces instructions ont été suspendues par le Conseil d'État statuant en référé le 11 janvier 2012 - décision qui a été confirmée au fond le 3 octobre 2012.

Elles ont également été sanctionnées par la Cour nationale du droit d'asile dans une décision de sections réunies du 21 février 2012, qui a considéré que, « s'il revient à la Cour, en tant que juge de plein contentieux, non d'apprécier la légalité de la décision du directeur général de l'OFPRA, mais de se prononcer elle-même sur le droit du demandeur à une protection au titre de l'asile en substituant sa propre décision à celle de l'office, il en va autrement lorsque le demandeur d'asile a été privé de la garantie essentielle d'un examen particulier des éléments qu'il a présentés à l'appui de sa demande ; qu'il appartient en ce cas à la Cour d'annuler la décision attaquée et de renvoyer la demande à l'examen de l'office ».

C. UNE COOPÉRATION INSUFFISANTE ENTRE LES PAYS D'ACCUEIL

Alors même que le droit d'asile trouve son ancrage dans des instruments internationaux ratifiés par l'ensemble des pays d'accueil (la convention de Genève du 28 juillet 1951 et la Convention européenne des droits de l'homme), il existe une grande disparité dans les différents systèmes mis en oeuvre par les États pour examiner les demandes d'asile.

En dépit des efforts engagés depuis le début des années 2000 pour tenter d'harmoniser les procédures entre États membres de l'Union européenne, les spécificités nationales perdurent et la coopération demeure insuffisante, chaque État semblant essentiellement préoccupé par le souci de ne pas mettre en oeuvre de dispositions trop « attractives » qui pourraient accroître le flux des demandes d'asile qui lui sont soumises.

1. Une hétérogénéité des procédures d'examen des demandes d'asile : éléments de droit comparé
a) Des procédures administratives diverses

A la demande de vos rapporteurs, la division de législation comparée du Sénat a établi une note sur la procédure de reconnaissance du droit d'asile dans cinq États membres de l'Union européenne (Allemagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède), à laquelle elle a ajouté les États-Unis, qui demeurent la première terre d'accueil de demandeurs d'asile dans le monde. Cette note figure en annexe du présent rapport.

Il en ressort le constat d'une grande disparité des systèmes d'examen des demandes d'asile.

Ainsi, en ce qui concerne tout d'abord l'organisme compétent pour examiner les demandes d'asile (comme l'est l'OFPRA en France), l'examen des dossiers est effectué par un office fédéral en Allemagne et aux États-Unis, une administration nationale aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suède, et par des commissions territoriales composées d'un membre du corps préfectoral, de diplomates et d'élus locaux en Italie.

Le dépôt de la demande nécessite la présence physique de l'étranger dans les cinq États européens, afin, notamment de procéder à la prise d'empreintes digitales au moyen de la borne EURODAC. Un système de « filtrage » des demandes manifestement irrecevables est également opéré au Royaume-Uni, à l'issue d'un « screening interview ». En revanche, la procédure de dépôt se limite à l'envoi d'un formulaire accompagné de justificatifs et de photos aux États-Unis, où les opérations d'identification de la personne ont lieu dans un service spécialisé de l'administration dans les 21 jours suivant la réception de ce document par celle-ci.

Cette phase préliminaire de la procédure est expressément limitée à deux jours aux Pays-Bas, délai qui constitue un objectif au Royaume-Uni où l'on communique de surcroît au demandeur le nom de la personne chargée du suivi de son dossier.

S'agissant de l'information du demandeur sur ses droits, les Pays-Bas et le Royaume-Uni prévoient la tenue d'un premier entretien avec le responsable du dossier afin d'expliquer la procédure à l'intéressé, lui préciser ses obligations, l'informer des conséquences de son manque de coopération, voire l'aider à trouver un avocat.

L'ensemble des procédures étudiées prévoit la tenue d'un entretien avec le demandeur, afin de permettre à celui-ci de s'expliquer sur les motifs de sa demande d'asile.

Cette audition a lieu le plus tôt possible en Allemagne, au bout de neuf jours aux Pays-Bas, une semaine après la première rencontre au Royaume-Uni, dans les trente jours de la demande en Italie et au plus tard quarante-cinq jours après celle-ci aux États-Unis.

Le demandeur est explicitement soumis à une obligation de loyauté dans ses réponses par la loi britannique. En vertu des lois allemandes et italiennes, il a le devoir de coopérer à l'établissement des faits le concernant et des raisons qui motivent sa demande. Il peut être accompagné d'un avocat ou d'un conseil en Allemagne, en Italie, au Royaume Uni, aux États-Unis et en Suède.

S'il ne parle pas la langue du pays d'accueil, un interprète est fourni :

- par l'administration en Italie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Suède ainsi qu'en Allemagne où le demandeur peut recourir à un autre traducteur à ses frais ;

- par le demandeur lui-même aux États-Unis où l'administration a la faculté de solliciter un autre interprète pour contrôler le travail du premier.

Le demandeur :

- a droit à une aide juridique publique dès cette phase de la procédure en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suède ;

- prête serment tout comme les personnes qui l'accompagnent aux États-Unis.

La plupart des pays étudiés prescrivent un délai pour le prononcé de la décision : trois jours après l'audition du demandeur en Italie, 14 jours après le dépôt de la demande aux Pays-Bas, dans les trente jours à compter de l'enregistrement de la demande au Royaume-Uni, dans les trois mois suivant la demande en Suède et dans les 180 jours à compter du dépôt de la demande aux États-Unis. En revanche, aucun délai n'est prescrit en Allemagne.

Au Royaume-Uni, d'après les informations recueillies par vos rapporteurs lors de leur visite, l'UKBA parvient à respecter le délai trente jours qui lui est fixé dans 60% des cas.

L'administration peut faire part de son intention d'opposer un refus à la demande pour permettre au demandeur de fournir d'autres informations aux États-Unis et aux Pays-Bas. Ce dernier pays a recours à un dispositif de droit commun très « minuté » dont l'organisation est contraignante et rapide puisqu'elle est mise en oeuvre, une fois passés les deux jours du dépôt de la demande et les six jours qui suivent celui-ci, dans un délai total de huit jours au terme duquel est rendue la décision.

b) Une diversité des systèmes juridictionnels chargés du contentieux de l'asile

La diversité des systèmes est la plus évidente si l'on examine le régime des recours contre les décisions refusant la reconnaissance d'une protection au demandeur (voir la note de la division de législation comparée en annexe pour un panorama de la diversité des voies de recours ouvertes).

A l'occasion du colloque organisé pour le soixantième anniversaire de la CNDA dans les locaux du Sénat le lundi 29 octobre 2012, Mme Odile Pierart, présidente de la cour administrative d'appel de Nancy, a dressé lors de son intervention un panorama de la diversité du traitement juridictionnel de l'asile dans le monde.

La typologie des juridictions chargées du contentieux de l'asile fait apparaître quatre modèles :

- une majorité d'États européens a choisi de confier le contentieux de l'asile à la juridiction administrative de droit commun. Ce modèle, qualifié de « modèle allemand de droit commun », est celui retenu par l'Allemagne, les pays scandinaves, les États baltes, les Pays-Bas, la Suisse et l'Espagne, notamment.

Toutefois, le contentieux de l'asile fait l'objet de spécificités procédurales dans ces pays. Ainsi, en Espagne, la nature du recours dépend du motif du rejet de la demande. Par ailleurs, aux Pays-Bas, seule la juridiction administrative de La Haye est compétente en matière d'asile, même si cette dernière n'est pas une juridiction spécialisée ;

- dans un certain nombre de pays, le contentieux de l'asile, tout comme celui du droit au séjour des étrangers et de l'éloignement, est confié à une juridiction spécialisée en matière de droits des étrangers. C'est le cas en Belgique, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis. En France, cette solution du regroupement du droit des étrangers a été écartée par le rapport de la commission présidée par M. Pierre Mazeaud en juillet 2008 ;

- certains États, comme la France, ont confié le seul contentieux de l'asile à une juridiction spécialisée. C'est le cas de l'Autriche, de l'Irlande, du Danemark, de l'Australie, de l'Afrique du sud et de la Côté d'Ivoire. Dans ce cas, les juges siégeant au sein de ces juridictions peuvent ne pas tous être des magistrats professionnels ;

- enfin, l'Italie, seule, a souhaité confier le contentieux de l'asile aux juridictions judiciaires civiles de droit commun.

En dépit de leur diversité, l'immense majorité des juridictions compétentes en matière de contentieux de l'asile, à l'exception des Pays-Bas, de la Belgique et des États-Unis, reconnait au juge la possibilité de statuer en plein contentieux, lui permettant ainsi de se substituer à l'autorité administrative et d'accorder lui-même une protection.

Les Pays-Bas n'ont pas retenu un tel système, mais une loi de 2010 a demandé au juge de tenir compte dans son office d'éléments postérieurs à la décision de l'autorité administrative.

2. Une harmonisation européenne a minima

La création d'un espace commun de liberté, de sécurité et de justice assurant la libre circulation des personnes a rendu nécessaire un rapprochement des législations des États membres de l'Union européenne en matière d'asile.

Dans un premier temps, la mise en oeuvre d'une politique commune de l'asile a reposé sur deux objectifs :

- d'une part, procéder à un début d'harmonisation des législations nationales par l'adoption d'un ensemble de règles définissant des normes minimales s'agissant des statuts, des procédures et des conditions d'accueil. Plusieurs directives ont été adoptées à cette fin entre 1999 et 2005, dont la directive 2005/85/CE du Conseil du 1 er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres ;

- d'autre part, mettre en oeuvre un mécanisme tendant à confier à un seul État membre la responsabilité de l'examen d'une demande d'asile formulée dans un État de l'Union européenne, afin de prévenir les demandes multiples. Ce mécanisme, établi par le règlement « Dublin II » du 18 février 2003, formule un certain nombre de règles permettant d'identifier l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile et définit la procédure applicable, lorsque le demandeur se trouve sur le territoire d'un autre État, pour procéder à son transfert vers l'État responsable de l'examen de sa demande. Il repose sur la base de données EURODAC, qui recense les empreintes digitales des demandeurs d'asile au sein de l'Union européenne.

Cette première étape s'est effectuée sur la base de compromis a minima , en raison principalement de la règle de l'unanimité qui a prévalu jusqu'au 1 er janvier 2006 dans cette matière.

De fait, elle n'a pas conduit à une modification des flux de demandeurs d'asile au sein de l'Union européenne , six États continuant de concentrer à eux seuls les trois quarts des demandes.

En outre, elle a reposé sur une conception bien peu ambitieuse du principe de solidarité entre États membres . Des solutions tendant à répartir les demandeurs d'asile entre les États membres en fonction d'une clé de répartition, ou à mettre en place une solidarité financière entre chacun d'entre eux, ont été écartées au profit d'un dispositif laissant chaque État membre faire face, seul, aux flux de demandeurs d'asile présents sur son territoire.

Ce choix a conduit à faire peser sur certains États périphériques une charge démesurée par rapport à la capacité de traitement de leurs systèmes. A titre d'exemple, à population globale comparable (environ 11 millions d'habitants), le Portugal ne traite que 150 à 300 demandes d'asile par an, la Hongrie entre 2 000 et 4 000, et la Grèce entre 10 000 et 20 000 24 ( * ) . Les graves dysfonctionnements rencontrés dans le système d'examen des demandes d'asile de ce dernier pays - sanctionnés par la Cour européenne des droits de l'homme dans un arrêt MSS c. Belgique et Grèce du 21 janvier 2011 - ont d'ailleurs conduit à la suspension de l'application des transferts « Dublin » de demandeurs d'asile vers ce pays.

Une seconde étape dans le rapprochement des systèmes nationaux a été engagée avec le programme de La Haye (2005-2009) et l'adoption, sous présidence française de l'Union européenne, du Pacte européen sur l'immigration et l'asile (octobre 2008).

Ce dernier a donné lieu au lancement de plusieurs initiatives dont certaines ont abouti et d'autres achoppent sur des désaccords persistants entre, d'une part, les États membres représentés au Conseil et, d'autre part, le Parlement européen. Ainsi, si un Bureau européen d'appui en matière d'asile a été créé et exerce effectivement ses missions depuis juin 2011, si des transferts intracommunautaires de réfugiés ont été mis en oeuvre et si un accord a pu être trouvé relativement rapidement sur la refonte de la directive « qualification », en revanche, les discussions ont été bien plus complexes à mener s'agissant de la refonte du règlement Dublin, de la directive « accueil » et de la directive « procédure » et n'ont, pour l'instant, pas abouti à un compromis.

3. Les perspectives ouvertes par la refonte de la directive « procédure »

De l'ensemble des textes du « paquet asile » présenté par la Commission européenne en 2008-2009, la proposition de directive sur les procédures de traitement des demandes d'asile est sans doute le texte qui suscite le plus de désaccords entre le Conseil et le Parlement européen.

Dans un premier temps, cette proposition a été jugée déséquilibrée par les principaux États d'accueil, dont la France, qui ont estimé que ce texte, dont le but est d'améliorer les droits et garanties apportés aux demandeurs d'asile, ne prenait pas suffisamment en considération les contraintes administratives et financières nombreuses qui en découleraient pour eux, ni même les risques que les nouvelles procédures envisagées encouragent les détournements de procédures.

Cette position a constitué un point de désaccord avec le Parlement européen, soucieux, quant à lui, de renforcer les garanties offertes aux demandeurs d'asile tout au long de la procédure.

Les négociations se poursuivent au sein d'un trilogue afin de tenter de rapprocher les positions.

En l'état des discussions, ce projet de texte prévoit un certain nombre de dispositions susceptibles d'entraîner en France des modifications législatives ou réglementaires. Ainsi l'accent serait-il mis sur les demandeurs d'asile présentant des « besoins particuliers de protection », sur un renforcement de l'assistance offerte aux demandeurs aux premiers stades de la procédure, sur la formation des personnels, mais également sur le déroulement même de l'entretien. Le demandeur pourrait en effet y être assisté d'un conseil, un rapport d'entretien serait obligatoirement établi et devrait être signé par le demandeur ; l'entretien pourrait par ailleurs faire l'objet d'un enregistrement.

II. 21 PROPOSITIONS POUR RÉNOVER EN PROFONDEUR NOTRE SYSTÈME D'EXAMEN DES DEMANDES D'ASILE

Forts de l'ensemble de ces constats, vos rapporteurs se sont efforcés de dégager des pistes de réflexion et de proposition propres à améliorer et à renforcer notre système d'examen des demandes d'asile. Ils ont été guidés dans leur démarche par une triple préoccupation :

- faire en sorte qu'un demandeur d'asile puisse obtenir une réponse à sa demande dans un délai raisonnable ;

- sans ignorer la charge budgétaire que constitue à l'heure actuelle l'accueil des demandeurs d'asile (entre 400 et 500 millions d'euros par an), avoir pour objectif premier le respect des droits fondamentaux que notre Constitution et nos engagements internationaux reconnaissent aux demandeurs d'asile ;

- enfin, formuler des propositions réalistes et pragmatiques qui permettront à notre pays de se prononcer sereinement sur les demandes de protection qui sont formulées sur son territoire sans pour autant encourager les détournements de procédure.

A. RENDRE UNE COHÉRENCE À DES DISPOSITIFS TROP FRAGMENTÉS

Dans un premier temps, vos rapporteurs ont souhaité formuler cinq propositions de nature, à leurs yeux, à améliorer la cohérence globale de notre dispositif d'examen des demandes d'asile.

1. Libérer l'OFPRA de toute suspicion injustifiée en changeant son autorité de tutelle

Vos rapporteurs ont pu constater au cours de leurs auditions et de leur déplacement dans les locaux de l'Office que ses personnels disposaient de compétences remarquables et d'une réelle autonomie dans l'exercice de leurs fonctions.

Pourtant, le fait que cet établissement public soit placé sous la tutelle du ministère de l'Intérieur est fréquemment dénoncé par les associations, qui font valoir que cette tutelle est de nature à brouiller les missions de l'Office et à l'inciter à intégrer dans son activité des considérations liées à la gestion des flux migratoires. En témoigne, également, l'idée parfois avancée que les officiers de protection de l'OFPRA seraient soumis à des « quotas » d'admissions au statut de réfugié ou à la protection subsidiaire de la part de leur hiérarchie. Or le droit d'asile, qui est un droit fondamental et inconditionnel, ne saurait être assimilé à des considérations liées à la politique d'immigration de notre pays.

Vos rapporteurs ont pu constater qu'une telle accusation n'était pas fondée (cf. supra ).

Pour autant, ils ont conscience que celle-ci pourrait faire peser sur certaines décisions de l'OFPRA un soupçon d'illégitimité qui nuit à leur bonne compréhension.

C'est la raison pour laquelle, afin de mettre un terme à ce procès d'intention et de renforcer la légitimité et la crédibilité de l'activité de l'OFPRA, vos rapporteurs préconisent en premier lieu de mettre un terme à la tutelle du ministère de l'Intérieur sur cet établissement public.

Ils se sont donc interrogés sur le ministère qui serait le mieux à même, à l'avenir, d'exercer cette mission.

A cet égard, ils n'ont pas souhaité préconiser un rétablissement de la tutelle du ministère des affaires étrangères - situation qui avait pourtant prévalu jusqu'en 2007, où l'OFPRA avait dans un premier temps été rattaché au ministère de l'Immigration avant de rejoindre le ministère de l'Intérieur en novembre 2010.

En effet, il leur a semblé que l'OFPRA exerçait une mission qui, dans ses finalités, n'avait que peu de rapports avec celle du ministère des affaires étrangères.

En outre, ils ont écarté cette solution qui pourrait, peut-être, laisser penser que l'action de l'OFPRA puisse être infléchie par des considérations tenant à la politique extérieure de notre pays et à des considérations diplomatiques.

Il leur a en revanche paru que, s'agissant de la reconnaissance d'un droit fondamental inscrit dans notre Constitution et dans nos engagements internationaux, le ministère de la Justice , ou, directement, le Premier ministre , seraient sans doute les mieux à même d'exercer une tutelle sur l'OFPRA acceptée par toutes les parties.

Ils préconisent donc qu'une réflexion tendant à transférer la tutelle de l'OFPRA à l'une de ces administrations puisse avoir lieu rapidement.

Proposition n°1 : Mettre un terme à la tutelle du ministère de l'Intérieur sur l'OFPRA.

2. Modifier la composition du conseil d'administration de l'OFPRA

Une telle réforme irait de pair avec une modification de la composition du conseil d'administration de l'OFPRA.

Rappelons qu'aux termes de l'article L. 722-1 du CESEDA, « l'office est administré par un conseil d'administration comprenant deux parlementaires, désignés l'un par l'Assemblée nationale et l'autre par le Sénat, un représentant de la France au Parlement européen désigné par décret, des représentants de l'État et un représentant du personnel de l'office ».

A l'heure actuelle, les parlementaires siégeant au conseil d'administration de l'OFPRA sont respectivement notre collègue Éliane Assassi pour le Sénat, Mme Seybah Dagoma pour l'Assemblée nationale et Mme Constance Le Grip pour le Parlement européen.

Aux termes de l'article R. 722-1 du CESEDA, les représentants de l'État au conseil d'administration sont :

1° Une personnalité nommée par décret du Premier ministre pour une durée de trois ans ;

2° Le secrétaire général du ministère chargé de l'asile ;

3° Le directeur de la modernisation et de l'action territoriale au ministère de l'intérieur ;

4° Le secrétaire général du ministère des affaires étrangères ;

5° Le directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice ;

6° Le directeur du budget au ministère chargé du budget ;

7° Le chef du service de l'asile au ministère chargé de l'asile.

Le président du conseil d'administration est nommé pour une durée de trois ans renouvelable parmi ses membres, par décret, sur proposition du ministre chargé de l'asile. A l'heure actuelle, cette fonction est exercée par M. Jean Gaeremynck.

Chacune de ces personnes a voix délibérative.

Par ailleurs, le délégué du HCR ainsi que trois personnalités qualifiées nommées par décret peuvent assister aux séances du conseil d'administration et y présenter leurs observations et leurs propositions. Au moins l'une d'entre elles représente les organismes participant à l'accueil et à la prise en charge des demandeurs d'asile et des réfugiés. En 2011, ces trois personnalités qualifiées étaient MM. Xavier Emmanuelli et Olivier Brachet, ainsi que Mme Nicole Guedj, respectivement président du SAMU social, administrateur de Forum Réfugiés et présidente de la Fondation Casques Rouges.

Ces quatre personnes, tout comme le directeur général de l'OFPRA, qui participe aux séances du conseil d'administration, n'ont qu'une voix consultative.

On le voit, la composition du conseil d'administration de l'OFPRA, en dépit d'un certain pluralisme, accorde aux représentants du Gouvernement, et singulièrement à ceux du ministère de l'Intérieur, une place prépondérante.

Celle-ci est fréquemment dénoncée en raison des missions confiées par la loi au conseil d'administration de l'OFPRA.

Aux termes de l'article L. 722-1 du CESEDA, il appartient en effet non seulement à celui-ci de fixer les orientations générales concernant l'activité de l'Office et de délibérer sur les modalités de mise en oeuvre des dispositions relatives à l'octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire, mais également de fixer la liste des pays d'origine sûrs .

Or, comme vos rapporteurs ont pu le constater, les préoccupations de gestion des flux migratoires ne sont pas absentes de l'élaboration de cette liste, au risque, parfois, d'y faire figurer des pays qui sont loin de répondre aux critères fixés par la loi (voir supra ).

C'est la raison pour laquelle vos rapporteurs invitent à ce qu'une réflexion s'engage sur un rééquilibrage de la composition du conseil d'administration de l'OFPRA.

Ils suggèrent, par exemple, que le nombre de personnalités qualifiées nommées en raison de l'intérêt particulier qu'elles portent aux questions liées au droit d'asile puisse être augmenté , en privilégiant les magistrats issus du Conseil d'État et de la Cour de cassation. Cela pourrait concerner, par exemple, d'anciens présidents de section de la CNDA.

Par ailleurs, le nombre de parlementaires pourrait être doublé.

Proposition n°2 : Rééquilibrer la composition du conseil d'administration de l'OFPRA en augmentant le nombre de personnalités qualifiées nommées en raison de l'intérêt particulier qu'elles portent aux questions liées au droit d'asile et en doublant le nombre de parlementaires.

3. Encourager une plus grande implication de l'ensemble des administrations, en particulier du ministère des affaires étrangères, dans la mise en oeuvre du droit d'asile en France

Corrélativement, vos rapporteurs souhaitent que l'ensemble des ministères, et plus particulièrement le ministère des affaires étrangères, s'investissent davantage dans les problématiques liées à la mise en oeuvre du droit d'asile en France.

En effet, ils ont souvent eu le sentiment, au cours des auditions, que les services de l'OFPRA et de la CNDA étaient peu épaulés dans l'exercice de leurs missions.

Tel est en particulier le cas en matière d'instruction des demandes, pour laquelle les officiers de protection et les rapporteurs pourraient utilement bénéficier de l'expertise des postes diplomatiques français implantés dans les pays d'origine, s'agissant par exemple de la vérification d'informations précises ou de l'authenticité des documents produits.

Or, dans les faits, les rares occasions où une telle aide a été sollicitée se sont soldées, soit, dans la majeure partie des cas, par une absence de réponse, soit - pire encore -, dans quelques cas par des démarches maladroites, effectuées au mépris des règles élémentaires de prudence (sollicitation directe des autorités du pays d'origine).

Vos rapporteurs ne peuvent que regretter cette situation, puisqu'elle conduit les personnels chargés de l'instruction des demandes d'asile à se priver de ressources précieuses, et ce alors même que la transmission d'informations sur les pays d'origine constitue une des missions de nos postes diplomatiques à l'étranger.

Or une telle expertise pourrait s'avérer particulièrement utile, notamment en matière de « faux documents », phénomène qui a été souligné comme une des difficultés majeures de l'instruction de certaines demandes d'asile par plusieurs personnes entendues par vos rapporteurs.

C'est la raison pour laquelle ces derniers préconisent un renforcement des liens entre l'OFPRA et la CNDA, d'une part, et les services de l'État installés à l'étranger, d'autre part.

Ainsi, un « correspondant asile » pourrait-il être désigné dans les chancelleries politiques des postes diplomatiques des principaux pays d'origine. Lorsqu'un magistrat de liaison y est en poste, cette tâche pourrait lui revenir.

Cette personne serait chargée d'être le correspondant attitré de l'OFPRA et de la CNDA, ou du service central de documentation et de formation commun à ces deux entités (voir infra ). Afin de lui éviter de se retrouver submergée sous des demandes multiples, chacun de ces organismes désignerait un référent qui serait en retour, au sein de l'OFPRA, de la CNDA ou du service central commun, le correspondant unique du « correspondant asile ».

Afin de préserver l'efficacité de l'instruction, ce dernier serait tenu à une obligation de réponse , celle-ci étant enserrée dans un délai précis (par exemple un mois).

Ces relations devraient être formalisées par des dispositions réglementaires adoptées après consultation de l'ensemble des administrations concernées, afin de prévoir de façon précise la nature des demandes susceptibles d'être soumises au « correspondant asile » et les démarches pouvant être accomplies par ce dernier pour y répondre.

Proposition n°3 : Désigner un « correspondant asile » dans les chancelleries politiques des postes diplomatiques français installés dans les principaux pays d'origine. Celui-ci serait tenu de répondre dans un délai précis et dans des conditions garantissant la confidentialité de l'information fournie.

4. Créer un service central de documentation et de formation autonome
a) Des ressources insuffisantes

La directive « procédure » du 1 er décembre 2005 précitée, tout comme la directive « qualification» 25 ( * ) du 29 avril 2004 prévoit que les organes de décision en matière d'asile doivent pouvoir fonder leur décision sur une information solide sur les pays d'origine .

L'article 8, paragraphe 2, point b) de la directive « procédure » dispose ainsi que les États « veillent à ce que des informations précises et actualisées soient obtenues auprès de différentes sources, telles que le haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), sur la situation générale existant dans les pays d'origine des demandeurs d'asile et, le cas échéant, dans les pays par lesquels les demandeurs d'asile ont transité, et à ce que le personnel chargé d'examiner les demandes et de prendre les décisions ait accès à ces informations ». L'article 4, paragraphe 3, point a) de la directive « qualification » dispose quant à lui qu' « il convient de procéder à l'évaluation individuelle d'une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants : a) tous les faits pertinents concernant le pays d'origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et règlements du pays d'origine et la manière dont ils sont appliqués [...] ».

L'information sur les pays d'origine (en anglais « country of origin information » ou « COI ») revêt ainsi une grande importance pour un traitement de bonne qualité des demandes d'asile . En outre, son élaboration et sa diffusion doivent permettre d'améliorer l'homogénéité des décisions en matière d'asile.

Au niveau communautaire , l'une des fonctions du Bureau européen en matière d'asile 26 ( * ) est précisément de fournir un niveau commun d'information et des rapports réguliers sur les pays d'origine des demandeurs d'asile. Le Bureau a ainsi récemment établi un rapport sur l'Afghanistan, plus précisément sur la question des personnes enrôlées par les Talibans 27 ( * ) , afin de tenter de réduire la forte disparité, entre membres de l'Union européenne, des taux de rejet en première instance des demandes formulées par des personnes arrivant d'Afghanistan.

En France, l'OFPRA disposait jusqu'à 2009 d'un service de documentation spécialisé où travaillaient six officiers de protection fournissant aux divisions géographiques une information sur les pays d'origine des demandeurs. Toutefois, ce service était sous-dimensionné au regard des nombreuses demandes qui lui étaient faites.

Un nouveau service nommé « division de l'information, de documentation et des recherches » (DIDR) a ensuite été mis en place, fort d'une vingtaine d'officiers de protection, spécialisés par zone géographique. La division effectue également un travail prospectif avec une veille géopolitique destinée à anticiper les évolutions futures de la demande d'asile.

La Commission de recours des réfugiés - ancêtre de la CNDA - pouvait avoir accès au service de documentation de l'OFPRA. Lorsque la Commission, transformée en Cour nationale du droit d'asile, a été détachée de l'Office pour être rattachée au Conseil d'État, elle a dû renforcer son propre organe de documentation.

Le centre d'information géopolitique de la CNDA ne comporte toutefois que 4,8 équivalents temps-plein (une douzaine d'agents au total en comptant le centre d'information juridique en 2011), ce qui est largement insuffisant pour répondre aux questions des rapporteurs et des formations de jugement, même s'il s'efforce de produire une information fiable et de développer de nouveaux outils comme les « cartables documentaires électroniques » renvoyant à des sites Internet apportant des informations fiables sur les pays d'origine.

Enfin, il convient de noter que les personnels de l'OFPRA et de la CNDA peuvent effectuer des missions communes dans certains pays afin d'établir une vision partagée des problématiques correspondantes. Ainsi, en 2011 a eu lieu une mission commune au Bangladesh, puis, en 2012, une mission commune en Géorgie. Une mission est également prévue en Côte d'Ivoire en novembre 2012.

b) Un centre de documentation mutualisé ?

L'Office et la Cour traitent exactement des mêmes questions de fond puisque la CNDA est une juridiction de plein contentieux qui n'examine que rarement les moyens de droit soulevés contre les décisions de l'Office. Les demandes faites aux deux centres de documentation par les personnels des deux institutions sont les mêmes.

Dès lors, compte tenu des moyens limités à la disposition des deux organismes, la question de la mutualisation ne peut, selon vos rapporteurs, être écartée .

Une telle mutualisation pourrait en outre contribuer à améliorer la transparence des sources utilisées par les officiers de protection et par les rapporteurs de la CNDA, ce qui constitue une revendication de longue date des avocats, tout particulièrement en ce qui concerne l'Office.

La solution qui consisterait à revenir en arrière en développant exclusivement les moyens de la DIDR (à l'OFPRA), auxquels les rapporteurs de la CNDA auraient alors pleinement accès, ou, à l'inverse, de supprimer la DIDR et de renforcer le centre de documentation de la CNDA, ne semble pas pertinente, n'étant pas cohérente avec la volonté de manifester l'indépendance des deux institutions.

Vos rapporteurs estiment par conséquent qu'il serait préférable de mettre en place un centre de documentation commun .

Un tel centre de documentation, doté d'un nombre suffisant d'agents, pourrait répondre aux demandes de l'OFPRA et de la Cour tout en affichant une indépendance et une neutralité qui rejailliraient sur les décisions des deux institutions 28 ( * ) .

Ce centre de documentation, qui serait doté d'une autonomie dans des conditions qu'il conviendrait de préciser, serait également compétent pour organiser des formations à l'intention des nouveaux officiers de protection de l'OFPRA, des rapporteurs et des formations de jugement de la CNDA.

Il pourrait s'adjoindre très utilement l'expertise du HCR , dont les moyens sont également limités, afin de constituer un pôle de référence en matière d'information, d'expertise et de formation dans le domaine du droit d'asile.

Enfin, ce nouvel organisme pourrait se voir confier la création et la gestion d'un site Internet dédié à l'asile, comportant, dans les principales langues des demandeurs, toutes les informations nécessaires pour demander une protection . Ce site pourrait également indiquer, préfecture par préfecture, les délais d'attente pour pouvoir déposer un dossier, dans une optique de transparence qui serait également incitatrice pour l'administration.

Proposition n°4 : Créer un centre de documentation commun à l'OFPRA et à la CNDA, doté d'un statut garantissant son autonomie. Ce centre de documentation serait également chargé de la gestion d'un site internet comprenant les informations nécessaires pour demander l'asile, dans les principales langues des demandeurs.

5. Repenser l'aide juridique apportée aux demandeurs d'asile au cours de la procédure d'examen de leur demande

Enfin, vos rapporteurs souhaitent qu'une réflexion s'engage sur l'aide juridique actuellement apportée aux demandeurs d'asile pour les assister dans leurs démarches auprès de l'OFPRA et de la CNDA.

A l'heure actuelle, les demandeurs d'asile en procédure normale bénéficiant d'un hébergement en centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) ont droit, dans ce cadre, à un accompagnement social et administratif pendant la durée d'instruction de leur demande d'asile. Cette mission prend fin à l'expiration du délai de recours contre la décision de l'OFPRA ou à la date de la notification de la décision de la CNDA (article L. 348-2 du code de l'action sociale et des familles).

Toutefois, du fait de la pénurie de places en CADA, seuls 40% environ des demandeurs d'asile éligibles peuvent effectivement y être hébergés 29 ( * ) . En outre, les demandeurs d'asile en procédure prioritaire n'ont pas accès à un hébergement en CADA.

Ces autres demandeurs d'asile sont susceptibles de recevoir une aide administrative et juridique de la part d'une plateforme d'accueil .

Les plateformes d'accueil pour demandeurs d'asile assurent une fonction de guichet unique auprès des demandeurs d'asile, proposant une première évaluation sociale, la délivrance d'une information juridique et administrative, l'ouverture des droits, l'orientation vers une solution d'hébergement d'urgence, voire dans certains cas une domiciliation.

Le précédent Gouvernement avait engagé une réforme d'ensemble de ces plateformes, qui s'est traduite par la fermeture d'une trentaine de structures entre 2008 et 2010, le transfert à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du pilotage et du financement du dispositif et l'adoption, en décembre 2011, d'un nouveau référentiel définissant de façon précise les missions de ces dernières.

Ce dernier inclut, s'agissant des démarches devant l'OFPRA :

« 7.1- Informer le demandeur d'asile sur la procédure de dépôt de la demande d'asile.

« 7.2- Expliquer au demandeur d'asile le contenu et les attendus du dossier de l'OFPRA.

« 7.3- Aider si besoin le demandeur d'asile à renseigner la partie administrative (questions 1 à 14 du formulaire de demande d'asile de l'OFPRA).

« 7.4- Retranscrire en français la réponse du demandeur d'asile à la question n°15 du formulaire de l'OFPRA ».

Cette aide n'est toutefois accordée que jusqu'à la date de dépôt du dossier. Toute préparation du demandeur d'asile à l'entretien OFPRA est expressément exclue.

Le référentiel inclut par ailleurs une assistance en cas de recours devant la CNDA, expressément limitée à l'obtention de l'aide juridictionnelle :

« Aider à l'obtention d'une aide juridictionnelle (AJ) dans le cas d'un recours auprès de la CNDA :

« 8.1- Expliquer l'AJ au demandeur d'asile

« 8.2- Expliquer le rôle de l'avocat.

« 8.3- Fournir le cas échéant une liste d'avocats.

« 8.4- Aider le cas échéant le demandeur d'asile à compléter la demande d'AJ ».

Cette aide n'est toutefois fournie qu'aux demandeurs d'asile en procédure normale, les demandeurs en procédure prioritaire, du fait du caractère non suspensif du recours, étant expressément exclus du bénéfice de cette aide.

On le voit, l'assistance juridique susceptible d'être apportée aux demandeurs d'asile tout au long de la procédure devant l'OFPRA et jusqu'à la formulation de leur recours varie fortement selon que la demande est examinée selon la procédure normale ou selon la procédure prioritaire, et selon que le demandeur bénéficie d'un hébergement en CADA ou doit faire appel à une plateforme d'accueil. Il est en effet très largement admis que l'aide administrative et juridique apportée en CADA permet aux demandeurs d'asile qui y sont hébergés de formuler et de soutenir leur demande d'asile dans des conditions plus favorables que les demandeurs d'asile ne bénéficiant que de l'assistance des plateformes d'accueil 30 ( * ) .

Par ailleurs, qu'ils soient en procédure normale ou en procédure prioritaire, tous les demandeurs d'asile ne disposant pas de ressources suffisantes peuvent, depuis le 1 er décembre 2008, obtenir l'aide juridictionnelle devant la CNDA.

Toutefois, le faible montant - jusqu'à présent (voir infra ) - de cette dernière soulève des difficultés quant à l'aide juridique susceptible d'être effectivement apportée par un avocat désigné dans ce cadre. En particulier, il rend très aléatoire la possibilité de recourir à un interprète lorsque le demandeur n'est pas francophone, ce qui n'est pas propice à la préparation du recours dans des conditions satisfaisantes. En outre, à l'heure actuelle, seuls les avocats inscrits dans les barreaux de la région parisienne peuvent être désignés au titre de l'aide juridictionnelle.

Une réflexion tendant à élargir la liste des barreaux susceptibles de désigner des avocats au titre de l'aide juridictionnelle a été engagée récemment, et la revalorisation du montant de cette dernière dans le projet de loi de finances pour 2013 contribuera sans nul doute à l'amélioration de cette situation.

Vos rapporteurs estiment toutefois qu'une réflexion plus globale, tendant à mieux articuler l'accompagnement administratif et juridique proposé par les CADA et les plateformes d'accueil et l'aide juridictionnelle devant la CNDA devrait être envisagée, de concert avec les barreaux . Comme l'a indiqué M. Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile, lors de son audition, l'aide juridique apportée dans le cadre de l'asile devrait être un tout.

Une meilleure coordination entre ces dispositifs serait non seulement de nature à améliorer les conditions dans lesquelles les demandeurs d'asile effectuent leurs démarches, mais elle serait également source d'efficacité, par la mutualisation qu'elle permettrait (notamment dans le recours à des interprètes par exemple).

Proposition n°5 : Engager une réflexion tendant à mieux articuler les missions d'assistance juridique proposées, d'une part, par les CADA et les plateformes d'accueil, et, d'autre part, par les avocats désignés au titre de l'aide juridictionnelle.

6. Créer une grande agence de l'asile ?

Vos rapporteurs ont volontairement limité le champ de leur étude aux seules questions portant sur la procédure d'examen des demandes d'asile, qui soulève, comme on l'a vu, des enjeux importants.

Pour autant, au terme de leurs travaux, ils ne peuvent que s'étonner du nombre important d'acteurs intervenant dans le domaine du droit d'asile, particulièrement en matière d'accueil et d'hébergement des demandeurs : préfectures, Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), Pôle Emploi 31 ( * ) , multiplicité des partenaires privés.

C'est pourquoi ils invitent, à plus long terme, à engager une réflexion sur l'opportunité de confier l'ensemble de ces missions à une seule entité, qui pourrait être également compétente pour examiner le bien-fondé des demandes de protection et accorder les statuts de réfugié et les protections subsidiaires.

B. DÉGAGER LES MOYENS NÉCESSAIRES POUR PERMETTRE UN EXAMEN DES DEMANDES D'ASILE DANS UN DÉLAI RAISONNABLE

L'objectif tendant à diminuer les délais d'examen des demandes d'asile - recours devant la CNDA inclus - est un objectif partagé par l'ensemble des personnes entendues par vos rapporteurs.

Il s'agit en effet d'une condition essentielle pour permettre aux demandeurs de sortir de la précarité inévitable et de l'incertitude quant à l'avenir dans lesquels ils sont plongés dans l'attente d'une décision sur leur demande. Les représentants du comité médical pour les exilés (COMEDE) ont par ailleurs souligné que l'état de santé, notamment psychique, des demandeurs d'asile avait tendance à se dégrader au cours de la procédure d'examen des demandes, notamment sous l'effet des conditions d'hébergement, de leur capacité à s'alimenter correctement et de l'isolement relationnel et social qui accompagne l'exil.

Il s'agit également d'une condition essentielle à une bonne instruction des demandes : un entretien à l'OFPRA ou une audience devant la CNDA plusieurs mois après l'arrivée du demandeur sur le territoire français, alors que les circonstances qui l'ont conduit à quitter son pays ont peut-être évolué, complique l'appréciation que l'officier de protection ou la formation de jugement peut avoir de la réalité de ses craintes de persécutions en cas de retour.

Il s'agit, enfin, d'un impératif de bonne gestion des deniers publics. En effet, il est couramment considéré qu'un mois d'instruction supplémentaire représente, en frais d'accueil et d'hébergement, une charge budgétaire d'environ 15 millions d'euros.

La réduction des délais d'examen des demandes est avant tout une question de moyens : à ce sujet, des efforts très significatifs, tant à l'OFPRA qu'à la CNDA, ont été accomplis au cours des années récentes pour leur permettre, d'une part, de faire face à l'augmentation du nombre de demandes, et, d'autre part, de réduire le délai moyen de traitement (voir supra ).

Des pistes complémentaires peuvent toutefois être suggérées.

1. Imposer aux préfectures d'enregistrer les demandes dans le délai réglementaire de 15 jours

En premier lieu, le délai moyen d'examen des demandes par l'OFPRA puis par la CNDA ne tient pas compte du délai dans lequel les préfectures enregistrent effectivement la demande et délivrent au demandeur (ou non, lorsque ce dernier est en procédure prioritaire) une autorisation provisoire de séjour.

Or, dans certaines préfectures, le délai séparant la demande formulée par l'étranger et son enregistrement effectif en préfecture peut atteindre plusieurs mois (voir supra ). Dans l'intervalle, le demandeur ne bénéficie d'aucune aide ou prestation d'aucune sorte, ce qui accroît encore davantage la précarité de sa situation.

Vos rapporteurs souhaitent donc qu'un effort tout particulier soit accompli par le Gouvernement pour permettre à l'ensemble des préfectures de respecter le délai maximal réglementaire de 15 jours entre la formulation de la demande et son enregistrement effectif.

Ils ont conscience que cette proposition, d'apparence simple, n'a rien d'évident. En effet, les demandeurs d'asile sont très inégalement répartis sur le territoire national . Ainsi, en 2011, l'Île-de-France a accueilli plus de 44% des primo-arrivants demandeurs d'asile enregistrés sur le territoire (hors réexamens) et la région Rhône-Alpes en a accueilli plus de 10%. Le reste de la demande se répartit ensuite principalement autour des grandes régions (Pays de la Loire, Alsace, Provence - Alpes - Côte d'Azur).

En outre, les flux de demandes sont extrêmement volatiles . Ainsi, d'après les chiffres communiqués par le secrétariat général à l'immigration et à l'intégration du ministère de l'Intérieur, la comparaison entre le nombre de demandes formulées au premier semestre 2011 et celui des demandes formulées au cours du premier semestre 2012 fait apparaître une diminution de 32,9% pour la région Poitou-Charentes, tandis que la Bourgogne ou la Lorraine ont connu une augmentation de plus de 50% du nombre de demandes formulées sur leur territoire.

Le respect du délai réglementaire de 15 jours par toutes les préfectures impliquera donc une volonté et une réactivité fortes de la part du ministère de l'Intérieur.

Il pourra impliquer, le cas échéant, la désignation d'un second, voire d'un troisième point d'entrée dans la région pour accueillir les demandeurs et procéder à l'examen de leur admission au séjour au titre de l'asile.

Corrélativement, vos rapporteurs souhaitent que, dans un effort de transparence et de bonne information des demandeurs d'asile, les délais effectifs d'enregistrement des demandes d'asile par les préfectures fassent l'objet d'une publication sur le site Internet de chacune d'entre elles.

Proposition n°6 : Dégager les moyens et les effectifs nécessaires pour permettre aux préfectures de respecter le délai réglementaire de 15 jours entre la demande d'admission au séjour au titre de l'asile et son enregistrement effectif.

Corrélativement, rendre publics les délais effectifs d'enregistrement des demandes d'asile par les préfectures.

2. Faut-il imposer aux demandeurs d'asile un délai maximal pour formuler leur demande à leur arrivée sur le territoire ?

Afin de lutter contre de possibles détournements de la procédure d'asile, certains pays enserrent la recevabilité des demandes dans un délai à compter de l'arrivée de l'étranger sur le territoire national.

Ce cas de figure est expressément prévu par la directive 2005/85/CE, qui autorise les États membres à examiner selon la procédure prioritaire la demande d'asile formulée par un étranger « [qui] n'a pas introduit plus tôt sa demande, sans motif valable, alors qu'il avait la possibilité de le faire », ou celle formulée par un étranger « [qui] est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire de l'État membre et, sans motif valable, ne s'est pas présenté aux autorités et/ou n'a pas introduit sa demande d'asile dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée sur le territoire » (article 23 de la directive). Toutefois, l'examen d'une demande d'asile ne doit être ni refusé ni exclu au seul motif que la demande n'a pas été introduite dans les plus brefs délais.

Pour l'instant, la France n'a pas retenu une telle solution 32 ( * ) .

Vos rapporteurs considèrent qu'elle n'est pas illégitime dans son principe : il paraît en effet logique qu'une personne quittant un pays dans lequel elle se sent persécutée formule sa demande d'asile rapidement après son arrivée sur le territoire du pays dont elle souhaite obtenir la protection.

Sa mise en oeuvre se heurterait toutefois à de multiples obstacles.

Comment, en premier lieu, s'assurer de la date à laquelle le demandeur d'asile est effectivement entré sur le territoire ? Cette question soulèverait à cet égard une difficulté dès lors que le demandeur d'asile est entré irrégulièrement sur le territoire français.

Sa mise en oeuvre devrait également être combinée avec la possibilité de tenir compte de changements de circonstances dans le pays d'origine (changement de Gouvernement, coup d'État, etc.), lorsque l'étranger se trouve sur le territoire français depuis un certain temps et bénéficie éventuellement d'un titre de séjour pour un autre motif.

Elle devrait également tenir compte de la situation particulière de certains demandeurs, tels ceux qui sont pris dans des réseaux de traite des êtres humains ou menacés de mariage forcé par exemple, et qui ne sont pas nécessairement en mesure de formuler leur demande dès leur arrivée sur le territoire national.

Au total, vos rapporteurs n'ont pas souhaité formuler de proposition tendant à soumettre le dépôt d'une demande d'asile à un délai déterminé à compter de l'entrée du demandeur sur le territoire.

Leur visite d'étude au Royaume-Uni les a confortés dans cette position. Sans doute les demandeurs d'asile se présentant à un point d'entrée sur le territoire de ce pays disposent-ils de 72 heures pour formuler leur demande d'asile. Mais ces personnes représentent à peine 10% de l'ensemble des demandeurs d'asile présents sur le territoire britannique. 50% des demandeurs d'asile formulent leur demande directement auprès de l'UK Border Agency (UKBA) ; 40% formulent leur demande à l'occasion d'une procédure d'éloignement. Dans l'ensemble de ces cas, aucun délai n'est imposé au demandeur, même si le caractère tardif d'une demande est susceptible, en l'absence de motif valable, de nuire à la crédibilité de celle-ci.

Vos rapporteurs invitent en revanche à réfléchir à cette question en lien avec les conditions de mise en oeuvre de la procédure prioritaire : peut-être pourrait-il être posé comme principe qu'une demande d'asile ne doit pas, sauf exceptions, être examinée selon la procédure prioritaire dès lors que le demandeur est en mesure de prouver qu'il l'a formulée dès son arrivée sur le territoire français - huit jours par exemple, comme cela est prévu en matière d'asile à la frontière (voir supra ) ?

3. Enserrer l'examen des demandes par l'OFPRA et des recours par la CNDA dans des délais maximaux

A l'heure actuelle, le délai moyen de réponse de l'OFPRA sur les demandes qui lui sont soumises est d'un peu moins de six mois. Il est toutefois de sept mois si l'on ne tient compte que des demandes examinées selon la procédure normale. Quant à la CNDA, grâce aux efforts budgétaires conséquents dont elle a fait l'objet ces dernières années, ses délais prévisibles moyens de jugement ont été ramenés à huit mois environ cette année.

A l'exception des procédures prioritaires, il n'existe toutefois aucune disposition légale ou réglementaire imposant à l'Office ou à la Cour de rendre sa décision dans un délai déterminé. Tout au plus celui-ci constitue un élément du contrat d'objectifs et de moyens conclu entre l'OFPRA et son autorité de tutelle.

Il existe de nombreux cas où la juridiction compétente doit se prononcer dans un certain délai. Cette situation constitue une exception au sein du contentieux des étrangers. Par exemple, sauf lorsque l'étranger se trouve en rétention ou qu'il est assigné à résidence, le tribunal administratif est tenu de statuer dans un délai de trois mois en matière de recours contre une obligation de quitter le territoire français (article R. 776-13 du code de justice administrative).

M. Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile, a soulevé lors de son audition l'intérêt d'instaurer des dispositions similaires en matière d'asile.

En effet, les délais mentionnés plus haut ne constituent que des moyennes. Or, il semble que des demandes d'asile formulées par des ressortissants de certaines nationalités fassent ponctuellement l'objet d'un « gel » à l'OFPRA ou à la CNDA, dans l'attente d'une évolution de la situation de leur pays d'origine. Tel serait, d'après lui, actuellement le cas de demandeurs d'asile ressortissants de Syrie par exemple.

Une telle situation est préjudiciable pour les intéressés qui, parfois, n'obtiennent pas de réponse à leur demande avant plusieurs années. Elle ne saurait se justifier dès lors qu'il est possible de réexaminer la protection accordée à un réfugié lorsque les circonstances qui ont justifié l'octroi du statut ont cessé d'exister (article 1 er , C, 5, de la convention de Genève).

Dès lors, vos rapporteurs considèrent opportun d'imposer à l'Office comme à la Cour un délai maximal pour se prononcer sur les demandes d'asile qui leur sont soumises.

Ce délai devrait être fixé de façon réaliste.

Les personnes entendues par vos rapporteurs ont considéré qu'à condition d'être doté des moyens appropriés, l'OFPRA pouvait traiter l'ensemble des demandes qui lui sont soumises en l'espace de quelques mois. Vos rapporteurs proposent de fixer à cette administration l'objectif de répondre à toute demande dans un délai maximal de six mois.

S'agissant de la CNDA, vos rapporteurs ont conscience des diverses contraintes de procédure auxquelles elle fait face et de la charge qui est la sienne depuis plusieurs années. Ils proposent là aussi de lui demander de se prononcer sur tout recours dans un délai maximal de six mois.

Ce faisant, vos rapporteurs ont conscience d'aller plus loin que les objectifs actuellement posés à ces deux institutions par les pouvoirs publics : leur proposition se rapporte non à des délais moyens globaux, mais bien à l'instauration d'un délai maximal susceptible de s'appliquer à toute demande ou à tout recours.

La mise en oeuvre de cette préconisation nécessitera donc probablement, en fonction de l'évolution à venir de la demande d'asile, de dégager des moyens supplémentaires afin de permettre à l'OFPRA et à la CNDA de respecter ces délais.

L'instauration de tels délais maximaux présenterait plusieurs avantages. Tout d'abord, elle apporterait à tout demandeur d'asile la garantie que son dossier serait traité dans les mêmes délais que les autres. Elle contraindrait par ailleurs ces deux instances à justifier les raisons pour lesquelles elles n'ont pas répondu dans le délai imparti. Corrélativement, elle donnerait aux gestionnaires de ces deux instances un argument solide pour obtenir des postes supplémentaires en cas de nouvelle augmentation du flux de demandes d'asile à l'avenir.

Au total, l'ensemble de la procédure (OFPRA + CNDA) devrait, pour tout demandeur d'asile, pouvoir être achevée dans un délai maximal d'un an.

Proposition n°7 : Imposer à l'OFPRA et à la CNDA de se prononcer sur toute demande d'asile examinée selon la procédure normale dans un délai maximal de six mois chacun.

C. RESTAURER LE RÔLE CENTRAL DE L'OFPRA EN CONFORTANT L'AUTORITÉ DE SES DÉCISIONS

Vos rapporteurs ont pu constater au cours de leurs travaux que, pour un ensemble de raisons tenant notamment à un taux d'accord modeste combiné à l'exercice d'une tutelle par le ministère de l'Intérieur, les décisions prises par l'OFPRA souffraient d'un déficit de légitimité et de crédibilité qui permettait d'expliquer en partie le fort taux de recours devant la CNDA. Ce constat donnerait même lieu, de la part de certains demandeurs d'asile, à des stratégies d'évitement de l'OFPRA, les conduisant à produire l'ensemble des éléments relatifs à leur demande au seul stade de la CNDA.

Vos rapporteurs considèrent que cet état de fait est dommageable : le système d'examen des demandes d'asile en France doit reposer avant tout sur l'OFPRA, établissement public spécialisé et doté de compétences et d'une expertise reconnues. S'il est nécessaire que les décisions prises par ce dernier puissent être contestées devant une juridiction, celle-ci ne saurait se substituer à l'organe administratif auquel incombe, en premier lieu, la charge de se prononcer sur les demandes d'asile formulées sur notre territoire.

C'est la raison pour laquelle, au-delà du changement de tutelle de l'établissement (voir supra ), vos rapporteurs ont souhaité formuler un ensemble de propositions propres à conforter la légitimité et la crédibilité des décisions de l'OFPRA.

A cet égard, ils observent que les Britanniques se sont lancés dans une démarche similaire tendant à renforcer la qualité et la légitimité des décisions de l'UK Border Agency (UKBA) et, ainsi, à faire diminuer le taux de recours et le taux d'annulation de ces décisions, qui, comme en France, est élevé (autour de 26% d'après les informations recueillies par vos rapporteurs). Un dispositif appelé « early legal advice » est ainsi actuellement expérimenté dans deux régions de ce pays et se traduit, pour l'essentiel, par une plus grande place accordée à l'avocat dès les premiers stades de la procédure.

En France, une telle démarche passerait, avant tout, par une redéfinition des modalités de l'entretien.

1. Permettre à un tiers habilité d'assister à l'entretien

Vos rapporteurs ont pu le constater lors de leur visite dans les locaux de l'OFPRA, l'entretien peut être un moment déroutant, voire éprouvant, pour les demandeurs d'asile.

Seul face à l'officier de protection et l'interprète, le demandeur peut être intimidé, ne pas comprendre les questions qui lui sont posées ou craindre de donner certaines informations - même si l'officier de protection est tenu de lui rappeler en début d'entretien le caractère confidentiel de celui-ci.

Pour briser cette solitude et mettre le demandeur en confiance, vos rapporteurs proposent de permettre à un tiers habilité d'assister à l'entretien aux côtés du demandeur .

Une telle présence devrait être conçue comme une aide bienveillante pour le demandeur, non comme un élément essentiel du contradictoire qui, s'agissant d'une procédure administrative, ne se justifie pas. Il s'agirait, comme l'indique la Cimade dans son rapport précité « Voyage au coeur de l'asile », de diminuer l'anxiété du demandeur et de permettre de s'assurer du bon déroulement des entretiens 33 ( * ) .

Dès lors, une telle présence n'aurait rien de comparable à l'assistance d'un avocat au cours d'une procédure contentieuse et devrait, afin de ne pas déstabiliser le travail de l'officier de protection, être soumise un certain nombre de conditions.

Tout d'abord, vos rapporteurs estiment que le tiers présent ne devrait pas intervenir ; sa présence devrait être « taisante », si possible en léger retrait par rapport au demandeur, afin de préserver les conditions du dialogue entre le demandeur et l'officier de protection. Ce tiers aurait toutefois la possibilité de formuler des observations à l'issue de l'entretien. Écrites, ces observations pourraient être annexées au compte-rendu d'entretien.

Par ailleurs, ce tiers ne pourrait être qu'une personne habilitée - représentant d'une association ou avocat. En effet, il serait délicat, au regard de certains types de demandes (demandeurs d'asile pris dans des réseaux, femmes victimes de violences familiales ou conjugales, etc.), de permettre à toute personne se réclamant d'une certaine proximité avec le demandeur d'asile d'assister à l'entretien.

Les personnes susceptibles d'assister aux entretiens devraient ainsi faire l'objet d'une habilitation et devraient être astreints à un certain nombre d'obligations (neutralité, confidentialité, etc.).

Vos rapporteurs estiment que, ainsi encadrée, la présence d'un tiers constituerait non seulement un soutien moral important pour le demandeur, mais également une garantie du bon déroulé de l'entretien dont les conditions, de ce fait, ne pourraient être contestées avec succès devant la CNDA.

Du reste, vos rapporteurs observent que la directive 2005/85/CE du 1 er décembre 2005 précitée autorise expressément une telle présence (article 13, §4 de la directive).

Proposition n°8 : Autoriser un tiers habilité à assister à l'entretien. Ce tiers ne devrait pas intervenir au cours de l'entretien mais il aurait la possibilité de formuler des observations écrites à son issue, lesquelles, le cas échéant, pourraient être annexées au compte-rendu d'entretien.

2. Épauler les officiers de protection dans l'établissement du compte-rendu

Vos rapporteurs ont déjà souligné à quel point il leur paraissait insolite de demander à l'officier de protection de dialoguer avec le demandeur d'asile tout en transcrivant instantanément les propos tenus par ce dernier sur ordinateur. Une telle contrainte donne un caractère artificiel à l'entretien et oriente le type de questions susceptibles d'être posées (voir infra ).

C'est la raison pour laquelle, sans méconnaître le coût qu'une telle mesure engendrerait, vos rapporteurs souhaitent que soit réexaminée sérieusement la possibilité de permettre à un secrétaire dactylographe ou sténotypiste d'être présent aux côtés de l'officier de protection pour établir le compte-rendu d'entretien .

Comme l'indique la Cimade dans son rapport précité, cette solution pourrait permettre à l'officier de protection de se concentrer sur l'écoute du demandeur. En outre, le compte-rendu serait plus fidèle au déroulé même de l'entretien.

Proposition n°9 : Prévoir qu'un secrétaire doit être présent aux côtés de l'officier de protection pour établir le compte-rendu d'entretien.

Cette question, tout comme celle de la présence d'un tiers à l'entretien, soulève celle du caractère systématique du recours à un interprète lorsque le demandeur n'est pas francophone.

A l'heure actuelle, 18% des entretiens se déroulent sans interprète. Parfois, le demandeur est francophone. Parfois aussi, l'officier de protection parle la langue du demandeur, ce qui permet à l'entretien de se dérouler directement dans cette langue, à charge ensuite pour l'officier de protection de retranscrire en français les propos tenus.

Cette pratique a été contestée par plusieurs interlocuteurs de vos rapporteurs, notamment M. Jean-Michel Belorgey, président de section à la CNDA, qui considèrent qu'il n'est pas acceptable que la demande d'asile formulée par une personne victime de persécutions de la part des autorités du pays dont elle est la ressortissante puisse être directement instruite par une personne parlant la même langue que lesdites autorités.

En tout état de cause, la présence d'un tiers habilité et d'un secrétaire dactylo aux côtés du demandeur et de l'officier de protection rendraient inévitable le recours à un interprète, dès lors que l'entretien ne se déroule pas en français.

Proposition n°10 : Recourir systématiquement aux services d'un interprète lorsque le demandeur d'asile n'est pas francophone.

Vos rapporteurs relèvent qu'en tout état de cause, les conditions d'établissement de l'entretien seront probablement amenées à évoluer à l'avenir, la proposition de refonte de la directive « procédure », actuellement en cours de discussion, prévoyant en l'état, d'une part, que le compte-rendu peut faire l'objet d'un enregistrement audio ou vidéo, et, d'autre part, qu'il doit être approuvé expressément par le demandeur.

3. Repenser la méthode de l'entretien

Comme l'indique la Cimade dans son rapport précité, « on constate une grande diversité des méthodes d'entretien. Des officiers de protection posent une question ouverte de type « pourquoi craignez-vous d'être persécuté dans votre pays ? » afin que le demandeur puisse s'exprimer longuement sur les motifs de la demande d'asile. La majorité est plus directive, en posant des questions précises dès le début de l'audition. Ces questions peuvent porter sur les évènements relatés dans le récit du demandeur (demande de précision sur une arrestation, sur un fait peu clair, etc.) mais également sur la monnaie utilisée dans le pays ou sur la description de la ville où vivait la personne. Les questions peuvent être posées dans l'ordre chronologique du récit mais il arrive régulièrement qu'un officier revienne sur un point déjà abordé et repose une question qui a été posée au préalable sans que l'on sache si c'est un problème de méthode dans l'entretien ou si c'est volontaire. Dans certains cas, cette méthode vise à déstabiliser un discours préconstruit du demandeur [...].

« Cette méthode principalement directive peut être guidée par deux impératifs. Le premier est la maîtrise de la durée de l'audition : si un officier de protection a programmé trois auditions dans la demi-journée, il ne pourra consacrer qu'une heure à une heure et demie pour chaque audition et devra donc poser des questions fermées. Le deuxième est la saisie sur ordinateur des questions-réponses. Si certains officiers de protection peuvent taper très vite tout en regardant le demandeur d'asile, la plupart maintiennent leur attention sur leur clavier ou sur leur écran, tapent lentement ou font des fautes de frappe ou de sens, ce qui les amènent à corriger constamment le compte-rendu pour qu'il soit lisible et fidèle aux déclarations. Dans ces conditions, prendre in extenso un long récit paraît difficile. En posant des questions semi-ouvertes ou fermées, l'officier de protection peut taper en même temps que le demandeur lui répond brièvement ou que l'interprète traduit ses déclarations » 34 ( * ) .

Ainsi les contraintes pesant actuellement sur les officiers de protection ne leur permettent-elles pas de se conformer pleinement aux normes posées par le HCR s'agissant des procédures de détermination du statut de réfugié. Cet organisme recommande notamment que « les questions posées par l'agent chargé de l'éligibilité pendant l'entretien [facilitent] la description la plus complète et la plus précise possible des faits invoqués à l'appui de la demande de statut. L'agent chargé de l'éligibilité doit si possible poser des questions ouvertes pour permettre au demandeur d'utiliser ses propres mots pour décrire les éléments qu'il juge les plus importants pour sa demande de statut. Les agents chargés de l'éligibilité doivent éviter d'interrompre le demandeur inutilement » 35 ( * ) .

Vos rapporteurs estiment que de telles préconisations seront d'autant plus simples à mettre en oeuvre de façon systématique que les officiers de protection pourront recevoir l'appui d'un secrétaire dactylographe pour les aider à établir le compte-rendu d'audition (voir supra ).

En outre, les représentants du Comité médical pour les exilés (COMEDE) ont regretté que les officiers de protection ne tiennent pas davantage compte des conditions dans lesquelles le demandeur est arrivé en France et y séjourne. Sans doute ces éléments sont-ils sans incidence sur l'appréciation du bien-fondé de la demande d'asile. Toutefois, l'exil et la précarité conduisent bien souvent à une altération de la santé, notamment psychique, du demandeur qui vient « parasiter » sa capacité à tenir un discours cohérent sur les circonstances qui l'ont conduit à quitter son pays et peut être source d'incompréhensions avec l'officier de protection. Au regard de ces éléments, il apparaît clairement que l'entretien ne devrait pas totalement faire l'impasse sur les conditions de vie de l'étranger en France .

Enfin, un certain nombre de personnes entendues par vos rapporteurs se sont émues du recours de plus en plus fréquent aux certificats médicaux pour accréditer le bien-fondé d'une demande d'asile, dénonçant ce que les représentants du COMEDE ont qualifié de « prime à la torture ». Sans doute de tels certificats peuvent-ils compléter utilement certaines demandes d'asile. Mais, comme l'a rappelé M. Jean-Michel Belorgey, président de section à la CNDA, nos engagements internationaux nous invitent à accorder l'asile, non pas nécessairement à une personne qui est en mesure de prouver qu'elle a effectivement été persécutée, mais à une personne qui est en mesure de fournir suffisamment d'éléments permettant de penser qu'elle risque d'être persécutée en cas de retour dans son pays.

Proposition n°11 : Engager une réflexion sur la mise en oeuvre de méthodes d'entretien qui privilégient les questions ouvertes et tiennent compte des conditions dans lesquelles le demandeur d'asile est arrivé en France et y séjourne.

4. Tenir compte de la fragilité particulière de certains demandeurs d'asile

Selon plusieurs personnes entendues, notre système d'examen des procédures d'asile ne tient pas encore suffisamment compte de la spécificité de certaines demandes, notamment celles liées aux violences intrafamiliales (mariages forcés, excision) et celles tenant à l'appartenance à un certain groupe social.

Outre un effort de formation portant sur ces problématiques spécifiques, vos rapporteurs estiment qu'il serait intéressant, dans la mesure permise par les ressources de l'Office, de faire en sorte que les femmes demandeurs d'asile présentant certaines fragilités puissent être entendues par une femme officier de protection, assistée d'une femme interprète.

Cette configuration serait mise en oeuvre lorsque la demande d'asile fait état de certaines problématiques identifiées ou sur signalement de l'association accompagnant la personne dans ses démarches.

Il s'agit, du reste, d'une préconisation figurant dans la proposition de refonte de la directive « procédure » en cours de discussion, qui inviterait les États membres à faire en sorte, « dans la mesure du possible, que l'entretien avec le demandeur soit mené par une personne du même sexe si le demandeur concerné en fait la demande ».

Proposition n°12 : Permettre, dans certains cas précisément identifiés, que l'entretien avec le demandeur soit mené par une personne du même sexe.

5. Améliorer la connaissance de l'OFPRA par les formations de jugement de la CNDA

Enfin, il est apparu à vos rapporteurs qu'une des raisons permettant d'expliquer le taux élevé d'annulations des décisions de l'OFPRA par certaines formations de jugement de la CNDA pouvait être une relative méconnaissance par ces dernières des conditions dans lesquelles l'Office travaille et prend ses décisions.

Comme l'ont indiqué les personnels de la CNDA lors de la visite de vos rapporteurs, la plupart des magistrats et des assesseurs siégeant à la Cour n'ont jamais assisté à des entretiens à l'OFPRA. Ils n'ont pas non plus connaissance de l'ensemble des demandes qui font l'objet d'un accord de la part de l'Office. Il en résulterait un regard biaisé , qu'accentue encore la quasi-absence de représentant de l'OFPRA pendant les audiences de la CNDA (voir infra ).

Vos rapporteurs estiment pour leur part qu'une meilleure connaissance du fonctionnement de l'OFPRA - et notamment des conditions dans lesquelles se déroulent les entretiens - serait de nature à permettre aux formations de jugement de mieux mettre en perspective les recours dont elles sont saisies.

En conséquence, il leur paraîtrait utile que l'OFPRA organise de façon régulière des sessions de présentation de son activité à destination des magistrats et des assesseurs de la Cour, incluant si possible l'assistance à des entretiens et un temps de dialogue avec des officiers de protection en charge de l'instruction.

Proposition n°13 : Permettre aux membres des formations de jugement de la CNDA de participer à des sessions de présentation de l'activité de l'OFPRA, incluant si possible l'assistance à des entretiens et un temps de dialogue avec des officiers de protection en charge de l'instruction.

D. CONCILIER CÉLÉRITÉ ET QUALITÉ DES DÉCISIONS DE LA CNDA

1. Améliorer l'organisation de la Cour pour conforter la diminution des délais de traitement des recours
a) La nécessité d'un délai raisonnable

La diminution du délai de jugement des recours formulés devant la CNDA constitue l'un des principaux leviers de l'amélioration de l'ensemble de la procédure de traitement des demandes d'asile.

Actuellement, le délai total de traitement des demandes, à partir du premier rendez-vous en préfecture jusqu'à la décision de la Cour, peut être de plus de deux ans, dont près de la moitié est imputable au délai d'examen du recours par la CNDA. Pendant toute cette durée, les demandeurs d'asile vivent dans l'incertitude de leur sort et dans des conditions sociales difficiles . S'ils sont en principe logés ou indemnisés, ils ne peuvent occuper un emploi et ne disposent donc en général que de revenus tout juste suffisants pour vivre.

En outre, la durée de la procédure peut constituer pour certains migrants une incitation à déposer une demande d'asile alors que les raisons de leur arrivée en France n'entrent pas dans les critères de la convention de Genève. Si la CNDA rend une décision de rejet, il sera très difficile d'organiser le retour dans son pays d'origine d'une famille vivant parfois en France depuis presque trois ans et dont les enfants sont scolarisés.

Le délai de traitement des dossiers des demandeurs d'asile a également un impact budgétaire non négligeable. Le rapport précité de nos collègues Pierre Bernard-Reymond et Jean-Claude Frécon sur la CNDA comportait ainsi une évaluation du coût, pour la mission « Immigration, asile et intégration », d'un mois de traitement des recours par la CNDA 36 ( * ) . Selon leurs estimations, ce montant s'établissait en 2009 à environ 16,25 millions d'euros.

Or, il existe une durée incompressible pour le jugement d'une affaire en formation collégiale. Selon l'estimation de la présidente de la Cour, cette durée se décompose au minimum des périodes suivantes :

- un mois pour la mise en état du dossier comprenant le délai de transmission du dossier de l'OFPRA à la Cour, deux mois si le recours est accompagné d'une demande d'aide juridictionnelle ;

- deux mois pour assurer le respect du principe du contradictoire ;

- cinq semaines pour l'instruction et la tenue de l'audience ;

- deux à trois semaines pour la notification de la décision.

L'association France Terre d'asile, entendue par vos rapporteurs, estime qu'un délai de jugement d'environ six mois serait raisonnable (voir supra ).

b) Les progrès déjà accomplis

Les délais de jugement des recours par la Cour nationale du droit d'asile ont connu une forte augmentation entre 2001 et 2004, puis se sont stabilisés à un haut niveau, avant de connaître récemment une forte diminution. La durée moyenne de traitement d'un dossier (somme des délais de jugement des affaires traitées sur une période divisée par le nombre de dossiers effectivement jugés pendant la même période) est ainsi passée de six mois environ en 2001 à quinze mois en 2008. Elle était de 12 mois et 20 jours en 2009, 12 mois et 27 jours en 2010 et 11 mois et 10 jours fin 2011 (pour les affaires examinées en audience collégiale) .

Quant au délai prévisible moyen de jugement, correspondant au nombre de dossiers en stock en fin d'année divisé par le nombre d'affaires jugées pendant une année, il est passé de 15 mois et 9 jours en 2009 à 14 mois et 20 jours en 2010, puis à 9 mois et 15 jours en 2011. Selon la Cour, il atteindra 8 mois à la fin de l'année 2012. Un effort est toutefois encore nécessaire afin d'atteindre le délai souhaitable de six mois.

Ces progrès sont intervenus dans un contexte où le nombre de recours enregistrés a continué à croître de manière importante, passant de 25 000 environ en 2009 à 27 500 en 2010 et 32 000 en 2011. Il convient de rappeler que le nombre de recours est en effet directement dépendant du nombre de demandeurs d'asile (voir supra ). Il ne peut donc que fluctuer de manière imprévisible, puisqu'il paraît difficile de prédire l'évolution du nombre de demandeurs d'asile d'une année sur l'autre 37 ( * ) .

Plusieurs facteurs ont contribué à inverser la tendance à la hausse de la durée d'examen des recours.

Tout d'abord, alors que la généralisation de l'accès à l'aide juridictionnelle par la loi du 24 juillet 2006, en application de la législation communautaire, avait eu pour effet d'allonger la durée moyenne de jugement des recours 38 ( * ) , deux dispositions nouvelles, entrées en vigueur en 2011, ont encadré le régime de l'aide juridictionnelle :

- d'une part, la loi de finances pour 2011 a prévu que cette aide devrait être sollicitée dans un délai d'un mois à compter de la réception par le requérant de l'avis de réception de son recours. D'après les informations communiquées par la CNDA, la mise en oeuvre de cette nouvelle disposition a eu moins pour effet de diminuer les demandes d'aide juridictionnelle que de rendre irrecevables celles qui étaient présentées hors délai ;

- d'autre part, l'article 95 de la loi n°2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité a exclu du bénéfice de l'aide juridictionnelle, sous un certain nombre de réserves, les requérants en situation de réexamen. La CNDA estime que cette disposition devrait réduire légèrement le taux d'augmentation des demandes d'aide juridictionnelle, puisqu'elle évalue à 6,5% environ le nombre de recours formulés contre des décisions de l'OFPRA prises après un réexamen.

Parallèlement, l'activité de la Cour, après avoir diminué de manière très importante en 2009, a augmenté en 2010 et surtout en 2011, avec 23 934 décisions rendues en 2010 contre 20 240 en 2009 et 34 595 décisions en 2011. Cette progression 39 ( * ) , sans doute directement liée au recrutement massif de rapporteurs au cours de l'année 2010 (passage de 70 à 95 rapporteurs) puis de l'année 2011 (135 rapporteurs), devrait se poursuivre au cours des deux prochaines années. Un effort important a ainsi été accompli depuis deux ans pour améliorer les capacités de travail de la Cour . Le rapport précité de nos collègues Pierre Bernard-Reymond et Jean-Claude Frécon avait par ailleurs souligné que, de manière plus générale, « la Cour s'est orientée au cours de ces dernières années vers une structure plus pérenne et plus stable de ses emplois ».

Il semble difficile d'aller beaucoup plus loin dans cette voie. En effet, l'augmentation forte de la demande d'asile constatée depuis quelques années ne se poursuivra pas nécessairement, le nombre de demandes ayant déjà fortement fluctué par le passé. La Cour se retrouverait ainsi en nette surcapacité si la demande s'effondrait. Il conviendra donc d'adapter les effectifs au nombre de recours constatés en 2012.

c) Faire baisser le taux de renvoi et revaloriser l'aide juridictionnelle

L'un des facteurs ayant contribué à l'allongement de la durée de traitement des dossiers entre 2002 et 2010 est l'importance du taux de renvoi . En effet, lorsque, le jour d'une audience, une affaire est renvoyée, il n'est pas possible d'en appeler une autre à la place. Dès lors, le nombre d'affaires en stock et le délai moyen de traitement augmente. Or, en 2009, une affaire sur trois environ faisait l'objet d'un renvoi, en général pour l'une des raisons suivantes : demande tardive d'aide juridictionnelle (voir supra ), indisponibilité imprévue d'un avocat ou demande de report pour raison de santé d'un requérant ne pouvant se présenter à l'audience.

Si la restriction de l'accès à l'aide juridictionnelle a permis de supprimer les renvois dus à une demande d'AJ lors de l'audience, elle n'a pas permis de faire baisser de manière importante le taux de renvoi, qui est passé de 29,3 % en 2009 à 28,1 % en 2010 et 28,6% en 2011 .

La création d'un service central d'enrôlement, alors que cette tâche était auparavant confiée à chaque division, ne semble pas non plus avoir eu d'effet en la matière.

Cette situation a partie liée avec la manière dont le ministère d'avocat est assuré à la CNDA. En effet, la programmation des audiences à la Cour a ceci de particulier qu'elle est faite notamment en fonction des disponibilités des avocats des requérants.

A l'heure actuelle, 111 avocats - volontaires - sont susceptibles d'être désignés au titre de l'aide juridictionnelle par la Cour. Ils appartiennent aux barreaux de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre, et, depuis un décret du 15 mars 2011, de Basse-Terre, de Fort-de-France et de Saint-Denis de la Réunion. A ces avocats s'ajoutent ceux qui, déjà constitués dans une affaire, acceptent d'être désignés par le bureau de l'aide juridictionnelle près la Cour, à la demande du requérant.

Le nombre d'avocats inscrits sur les listes demeure toutefois nettement insuffisant au regard des demandes , ce qui conduit à une désignation trop fréquente des mêmes avocats. Cette insuffisance tient en partie à la faiblesse de la rétribution de l'aide juridictionnelle dans le contentieux de l'asile (8 UV, soit environ 187 euros seulement par dossier). Par comparaison, le contentieux du refus de séjour devant le tribunal administratif est rémunéré à hauteur de 20 UV.

Ainsi, selon les informations recueillies par vos rapporteurs, une douzaine d'avocats se partageraient environ 40% des recours en première demande, certains d'entre eux étant constitués dans plusieurs centaines d'affaires . La Cour ayant décidé de plafonner à sept le nombre de dossiers par avocat et par jour, il est inévitable que des dossiers plus récents soient souvent inscrits au rôle au détriment d'affaires plus anciennes.

En outre, il n'est pas rare que ces avocats demandent un renvoi faute d'avoir eu le temps de préparer le dossier ou de s'entretenir avec le requérant, notamment lorsqu'ils n'ont pu s'adjoindre les services d'un interprète. A cet égard, force est de constater que l'aide juridictionnelle n'est pas suffisante pour inclure l'emploi d'un interprète. Il n'est par ailleurs pas envisageable que l'interprète désigné pour l'audience parmi les 120 interprètes dont dispose la Cour dans le cadre d'un marché commun avec l'OFPRA puisse assister le requérant en amont de l'audience : cela risquerait en effet d'affecter son impartialité au cours de celle-ci.

Enfin, les avocats se font rarement substituer, en partie en raison de leur relative spécialisation géographique.

A ce sujet, vos rapporteurs ont pu constater les tensions qui régnaient entre les avocats et les formations de jugement de la Cour. Les audiences se déroulent parfois dans une ambiance peu sereine. Les difficultés ont culminé en mai 2012 avec une grève déclenchée par les avocats pour des motifs tenant tant aux caractéristiques générales de la procédure de traitement des demandes d'asile qu'au fonctionnement spécifique de la Cour, notamment le recours aux ordonnances nouvelles ou la faiblesse du montant de l'aide juridictionnelle. Les avocats ayant demandé à la Chancellerie qu'un médiateur soit désigné, le choix s'est porté sur M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté. Ce dernier devrait rendre ses conclusions au cours du mois de décembre 2012.

Deux progrès sont cependant annoncés qui devraient apporter une amélioration substantielle : le projet de loi de finances pour 2013 prévoit une augmentation de l'aide juridictionnelle qui devrait passer de 8 à 16 UV. En outre, un décret devrait prochainement élargir le champ de recrutement des avocats susceptibles d'être désignés au titre de l'aide juridictionnelle. Vos rapporteurs ne peuvent que se féliciter de ces évolutions.

Reste que le bureau d'aide juridictionnelle de la CNDA semble rencontrer des difficultés à l'heure actuelle pour instruire dans un délai raisonnable les demandes qu'il reçoit (le délai de désignation des avocats à l'aide juridictionnelle étant d'environ dix semaines). Or, il est nécessaire que l'avocat soit désigné suffisamment en amont de l'audience pour que la défense puisse s'organiser.

Enfin, il serait préférable que les avocats s'organisent plus souvent pour se faire substituer lorsqu'ils sont dans l'impossibilité d'être présents à l'audience.

Proposition n°14 : Revaloriser l'aide juridictionnelle et élargir le recrutement des avocats susceptibles d'être désignés par le bureau d'aide juridictionnelle de la CNDA.

2. Promouvoir une amélioration qualitative de l'examen des demandes

La qualité de l'examen des recours par la CNDA a considérablement progressé au cours des dernières années, de l'aveu même des associations de défense des demandeurs d'asile. Selon France Terre d'asile, par exemple, « la CNDA change en bien ».

Toutefois, de nombreux interlocuteurs de vos rapporteurs ont estimé que des améliorations pouvaient encore être accomplies. En effet, plusieurs ont considéré que le taux élevé d'annulation des décisions de l'OFPRA, s'il pouvait résulter pour une part de la sévérité excessive de l'Office (voir supra ), résultait aussi sans doute d'une appréhension parfois imparfaite, par les formations de jugement, de la situation prévalant dans les pays d'origine des demandeurs .

Les écarts significatifs de taux d'annulation entre formations de jugement ont également suscité la perplexité de nombre de personnes entendues par vos rapporteurs.

D'après les informations communiquées par les services de la Cour, ces divergences existent, mais de manière moins prégnante que certains témoignages le laissaient penser . En ce qui concerne les formations de jugement ayant traité un nombre d'affaires suffisant pour qu'il soit raisonnable d'en tirer des conclusions, le taux d'annulation varierait autour de 20 %, avec cependant quelques rares cas autour de 35-40 %.

a) Des progrès certains

Le rattachement de la CNDA au secrétariat général du Conseil d'État à compter du 1 er janvier 2009 40 ( * ) a marqué une étape importante dans l'affirmation et le renforcement de la Cour. Ainsi, le budget de cette juridiction est-il désormais inscrit au programme 165 : « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'État » ; les personnels de la Cour sont rattachés à ceux du Conseil d'État.

Dans un premier temps, dix emplois de présidents permanents, recrutés dans le corps des magistrats administratifs et judiciaires (sept issus des tribunaux administratifs et trois de l'ordre judiciaire) 41 ( * ) , ont été créés.

Cinq présidents permanents supplémentaires ayant été recrutés par la suite, la CNDA compte actuellement (à la fin de l'année 2012) quinze présidents permanents . Les décisions sont rendues par l'une des 90 formations de jugement, présidées soit par le président permanent de la division, soit par un président vacataire. Les formations de jugement comportent en outre les deux assesseurs vacataires (voir supra ). La Cour est par ailleurs organisée en onze divisions, composées de rapporteurs et de secrétaires d'audience, et présidées par un magistrat permanent.

La professionnalisation de la Cour par le recrutement des présidents permanents a constitué, de l'avis de l'ensemble des acteurs rencontrés par vos rapporteurs, un progrès important pour la juridiction. Ainsi le secrétaire général du Conseil d'État a-t-il souligné, lors de son audition, que la motivation des décisions de la CNDA, telle que constatée par le juge de la cassation, avait été renforcée depuis cette réforme.

b) Assurer la présence de l'OFPRA à l'audience

L'OFPRA, qui est le défendeur et partie adverse du requérant devant la Cour, n'est que très rarement représenté à l'audience 42 ( * ) , de sorte que le caractère contradictoire de la procédure n'est pas assuré. En 2011, il n'y a eu que 500 interventions de l'Office, alors que plus de 30 000 recours ont été jugés . Les interventions de l'OFPRA sont ainsi très ciblées et ont pour objet de défendre ponctuellement une jurisprudence propre à l'Office, fortement divergente avec celle de la Cour et relative, par exemple, à la situation géopolitique d'un pays.

En amont, l'Office ne demande à avoir communication des recours que dans un nombre limité de cas 43 ( * ) , de l'ordre d'un millier par an, pour plus de 25 000 recours en moyenne au cours des dernières années. Il arrive ainsi souvent que les décisions de l'OFPRA soient annulées sur la base d'éléments nouveaux dont l'Office n'a pas pris connaissance.

La plupart des interlocuteurs de votre commission, y compris le vice-président du Conseil d'État lors de son audition devant votre commission 44 ( * ) , ont souligné le caractère singulier et éminemment regrettable de cette situation.

L'absence de l'OFPRA aux audiences est de nature à maintenir un taux élevé d'annulation des décisions de l'Office , contribuant ainsi au déséquilibre global déjà souligné par vos rapporteurs. En effet, les officiers de protection, dont chacun s'accorde à reconnaitre la compétence, parviendraient sans doute, dans un certain nombre de cas, s'ils étaient présents à l'audience, à convaincre la formation de jugement de la justesse de leur analyse 45 ( * ) .

En outre, la formation de jugement et surtout le rapporteur, qui conclut la plupart du temps son rapport en proposant le rejet de la demande du requérant, apparaît aux yeux de celui-ci et de son avocat comme la partie adverse, chargée de défendre la décision de l'Office en son absence .

Sans doute, le taux de recours de plus de 85 % contre les décisions de l'OFPRA fait du contentieux devant la CNDA un contentieux de masse et lui interdit, compte tenu de ses moyens sont limités, de suivre l'activité de la Cour.

Bien que vos rapporteurs soient conscients des dépenses supplémentaires que requerrait ainsi une présence plus fréquente de l'OFPRA, ils ne peuvent que préconiser que l'Office soit doté de moyens suffisants pour assurer systématiquement la défense de ses décisions lors des audiences devant la Cour.

Proposition n°15 : Assurer systématiquement la représentation de l'OFPRA aux audiences de la CNDA.

c) Favoriser l'harmonisation et l'autorité de la jurisprudence de la CNDA

La divergence des taux de décisions favorables et défavorables entre les différentes formations de jugement s'explique sans doute en partie par la nature même du contentieux porté devant la Cour. En effet, celle-ci présente la particularité de juger en plein contentieux, et ainsi de se prononcer essentiellement non sur la légalité de la décision de l'OFPRA, mais sur la question de savoir si le requérant doit ou ne doit pas bénéficier d'une protection internationale. Il s'agit ainsi le plus souvent d'une question d'établissement des faits et de qualification juridique de ces faits.

Or, les ressources dont dispose la formation de jugement pour apprécier les faits sont limitées . En général, ces faits sont difficiles à établir avec certitude dans la mesure où il est difficile d'apporter la preuve concrète de persécutions ou de torture subies, les certificats médicaux produits, dont certains peuvent être de complaisance, ne pouvant qu'attester d'une compatibilité entre ce qu'affirme le requérant et les traces physiques qu'il a fait constater.

En outre, les marges d'interprétation dont dispose la formation de jugement sont très larges. Les notions de persécutions et de risque de persécutions ne font pas l'objet d'une définition stricte. Les différences culturelles aussi bien que la plus ou moins grande compréhension de la procédure par les requérants peuvent également avoir une influence sur les juges.

Par ailleurs, il existe une vision forte de la souveraineté du juge, attaché à son autonomie dans le jugement de chaque affaire.

Enfin, le Conseil d'État, instance de cassation, ne joue qu'un rôle modeste dans l'harmonisation de la jurisprudence de la CNDA (voir supra ).

Malgré ces difficultés, des mesures pourraient être prises pour améliorer la qualité des décisions et réduire la dispersion des taux d'annulation entre les formations de jugement .

(1) Améliorer la formation des présidents et des assesseurs

Selon certains interlocuteurs de vos rapporteurs 46 ( * ) , les juges de l'asile s'impliquent de manière inégale dans la connaissance des pays d'origine, ce qui, parfois, nuit à la qualité des audiences et des décisions et favorise la disparité de celles-ci entre formations de jugement.

Selon le rapport d'observations précité de la Cimade, les questions posées par les formations de jugement ne sont pas toujours en rapport avec l'objet de la demande d'asile. Par exemple, il arrive souvent que soient posées des questions relatives au degré d'intégration du requérant dans la société française, alors que ce type de questions est sans lien évident avec l'objet de la demande d'asile 47 ( * ) .

Pourtant, les présidents nouvellement nommés se voient proposer une formation de géopolitique ainsi qu'une information portant sur la jurisprudence de la Cour par le centre d'information géopolitique et le centre d'information juridique. Des conférences de géopolitique sont également fréquemment organisées. Le CIG élabore en outre régulièrement des notes de géopolitique à destination des formations de jugement. Il semble toutefois que la prise de connaissance de ces éléments soit assez inégale.

La nomination de quinze présidents permanents a certes permis d'améliorer la qualité des décisions rendues. Cette professionnalisation doit-elle se poursuivre ? Une grande partie des décisions sont aujourd'hui rendues par des formations comprenant un président permanent. La tâche d'un juge de l'asile est parfois lourde, du fait de la difficulté des situations rencontrées. De ce fait, la présence de juges qui ne sont pas des professionnels de l'asile comporte aussi certains avantages, en permettant un regard extérieur et en renouvelant l'approche des questions rencontrées.

Une autre manière de renforcer la professionnalisation des juges serait de spécialiser les formations de jugement par zone géographique . Il semble qu'une telle spécialisation, en limitant le nombre de pays que les présidents et les assesseurs auraient à connaître, leur permettrait d'en avoir une connaissance plus approfondie.

Toutefois, de nombreux intervenants ont estimé que la spécialisation pouvait comporter le risque d'une certaine « accoutumance » : à force d'entendre les récits souvent très proches de requérants provenant d'une même région, les juges auraient de plus en plus de difficulté à distinguer les cas où la protection est justifiée et pourraient inconsciemment se montrer plus exigeants. En outre, les rapporteurs ne semblent pas souhaiter une telle spécialisation géographique des sections, en partie par crainte d'être cantonnés à certaines nationalités donnant lieu à des récits souvent répétitifs.

Au total, selon le secrétaire général du Conseil d'État, il est ainsi plus important que la Cour dispose de juges professionnels (par opposition à des vacataires) que de juges spécialistes de l'asile, d'autant que la fonction deviendrait moins attractive si les magistrats devaient s'y spécialiser au point de ne plus pouvoir changer de juridiction sans difficulté.

Enfin, si la qualité des assesseurs nommés par le HCR semble reconnue très largement, certaines associations ont en revanche estimé que la formation et les compétences de certaines personnalités qualifiées nommées par le vice président du Conseil d'État pouvaient être insuffisantes 48 ( * ) .

En tout état de cause, il paraît nécessaire d'accomplir, au sein de chaque division, un effort de formation supplémentaire pour les présidents et les assesseurs (qui pourrait prendre appui sur un nouveau centre de documentation commun à l'OFPRA et à la CNDA, voir supra ) et de choisir ces derniers de manière plus sélective .

Cette formation ne devrait d'ailleurs pas nécessairement se cantonner à la géopolitique et à la connaissance de la jurisprudence de la Cour. Lors de son audition, M. Jean-Michel Belorgey, président de section à la Cour, a ainsi préconisé une formation complémentaire en sciences humaines : anthropologie, géographie, psychologie, qui serait à même de donner un recul supplémentaire au juge et à réduire le fossé qui le sépare souvent d'un requérant issu d'une autre culture et qui se trouve dans une situation précaire.

Par ailleurs, le travail en commun entre les présidents et les rapporteurs doit encore être encouragé.

Proposition n°16 : Renforcer la formation des membres des formations de jugement.

(2) La nécessaire élaboration d'une jurisprudence qui s'impose à l'OFPRA

Depuis 1993, la procédure dite des « sections réunies » permet à la Cour de réunir trois sections de jugement pour examiner une affaire qui pose une nouvelle question de droit ou de fait. Le président de la Cour préside cette formation de jugement qui rassemble neuf juges. L'OFPRA est plus souvent présent que dans les autres audiences pour défendre ses décisions. Les sections réunies ont permis d'établir une jurisprudence de la Cour en matière de situation des réfugiés palestiniens, de guerre civile au sri Lanka ou encore d'excision par exemple.

Les sections réunies

Les sections réunies jugent les affaires renvoyées par le président de la Cour ou une section en raison d'une difficulté particulière ou du besoin de fixer une ligne jurisprudentielle. Elles sont composées de trois sections : la section initialement saisie et deux sections constituées spécifiquement.

La période récente a été marquée par d'importantes décisions des sections réunies de la Cour. En 2008, la Cour, dont l'appréciation a ensuite été validée par le Conseil d'État, a estimé qu'une situation de violence généralisée résultant d'un conflit armé, constitutive d'un risque objectif, était un motif d'octroi de la protection subsidiaire aux demandeurs originaires du Sri Lanka. En 2009, la protection subsidiaire a été utilisée pour protéger des mineures nées en France contre le risque d'excision en cas de retour de leurs parents dans le pays d'origine. En 2010, la Cour a répondu directement à une première demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil d'État. Tirant les conséquences de la qualité d'État membre de l'Union européenne, la Cour a par ailleurs estimé, en 2011, que les demandes d'asiles émanant de ressortissants de l'Union européenne ou de personnes déjà réfugiées dans un pays de l'Union étaient présumées non fondées, cette présomption pouvant toutefois être renversée. Enfin, en 2012, la Cour a jugé qu'il lui appartenait, en cas de méconnaissance par l'OFPRA d'une garantie essentielle de la procédure d'examen des demandes d'asile (en l'occurrence, l'examen particulier de la situation du demandeur, alors même que celui-ci a organisé la non identification de ses empreintes digitales), d'assurer le respect de cette garantie, en renvoyant l'examen de la demande à l'Office, élargissant ainsi l'office du juge de l'asile.

Par ailleurs, dans la période qui a suivi le rattachement de la Cour au Conseil d'État, celui-ci a rendu une série d'arrêts à la fois sur la procédure et sur le fond, permettant d'encadrer la jurisprudence de la Cour.

Encore faut-il que la jurisprudence de la Cour, élaborée ou non en sections réunies, puisse être connue et diffusée .

La présidente de la CNDA a ainsi indiqué à vos rapporteurs que la diffusion de la jurisprudence de la Cour constituait une priorité . Dans cette optique, deux bases de données informatiques ont été créées, l'une regroupant à ce jour 70 000 décisions tandis que l'autre, plus restreinte, rassemble les décisions ayant le plus grand intérêt jurisprudentiel. La CNDA diffuse chaque année (le premier pour l'année 2005) sur Internet un recueil 49 ( * ) de ses décisions les plus significatives ainsi que des décisions du Conseil d'État, juge de cassation, dans le contentieux de l'éligibilité au statut de réfugié et à la protection subsidiaire.

En outre, la Cour a instauré en 2010 un comité de sélection des décisions qui décide désormais du classement des décisions selon les mêmes principes que pour les autres juridictions administratives. Ce comité réunit, chaque mois et de façon informelle, autour de la présidente de la Cour, présidents de section, chefs de division et rapporteurs intéressés ainsi que des agents du centre d'information juridique et du centre d'information géopolitique (CIJ et CIG). Les travaux sont préparés par les responsables du CIJ et du CIG. Les décisions font alors l'objet, après leur examen du double point de vue de leur intérêt juridique et géopolitique, d'une proposition de classement.

Enfin, la Cour a publié en mars 2012 un recueil regroupant les décisions les plus significatives de la CNDA et du Conseil d'État sur trente ans (1981-2011) 50 ( * ) .

Vos rapporteurs ne peuvent que se féliciter de ces progrès dans l'élaboration et la diffusion de la jurisprudence de la Cour.

Pour autant, il semble que de nombreuses divergences de jurisprudence persistent entre l'OFPRA et la CNDA . A titre d'exemple, les taux d'accord de l'OFPRA et de la CNDA pour la Serbie, la Turquie, l'Angola, le Sri Lanka ou le Bangladesh divergent fortement. Contrairement à ce qui se passe dans le cas des autres juridictions administratives, la Cour ne parvient donc pas à imposer ses décisions à l'établissement public dont elle examine les décisions, ce qui contribue à maintenir à un haut niveau le taux de recours contre celles-ci .

Cette situation est notamment due à un déficit d'autorité des décisions de la Cour, qui devrait sans doute se résorber en partie, la réforme de la CNDA et sa professionnalisation partielle étant encore très récentes. Toutefois, il est également nécessaire que l'autorité de tutelle de l'OFPRA, qui ne doit certes pas influer sur le contenu des décisions de l'office, lui impose de se conformer autant que possible aux décisions de la CNDA .

Proposition n°17 : Améliorer l'application de la jurisprudence de la CNDA par l'OFPRA.

d) Clarifier le rôle des rapporteurs

Les rapporteurs de la Cour, au nombre de 135, instruisent les recours en examinant tous les éléments de fait ou de droit des dossiers. Ils sont actuellement chargés de préparer 31 audiences par an, portant chacune sur 12 à 13 dossiers, et durant soit 4 à 5 heures (audiences « courtes »), soit 12 heures (audiences « longues »). Ils instruisent ainsi en vue de trois audiences par mois, disposant d'une dizaine de jours pour préparer une audience et rédiger les décisions de l'audience précédente.

A cet égard, vos rapporteurs soulignent que les audiences longues représentent une charge de travail très élevée pour les rapporteurs et qu'il est plus difficile, pour les formations de jugement, de prendre connaissance des affaires avant ces audiences. Elles ne devraient donc pas devenir la règle 51 ( * ) .

Le rôle du rapporteur est essentiel : c'est lui qui possède en principe le plus de connaissances en matière de droit d'asile et de géopolitique (même si les rapporteurs ne sont pas spécialisés géographiquement) et qui, souvent, connaît le mieux le dossier de chaque requérant le jour de l'audience.

Le rapporteur ne rencontre pas le requérant avant l'audience : il élabore son rapport d'après l'entretien de l'OFPRA, la décision de l'Office ainsi que le recours. Il a accès au centre d'information géopolitique (CIG) et au centre d'information juridique (CIJ) de la Cour, dont les effectifs sont notablement insuffisants, ainsi qu'à la division de la documentation, de l'information et des recherches de l'OFPRA.

Le rôle du rapporteur est également de donner son avis après avoir présenté et analysé l'affaire (comme un rapporteur public), ce qui suscite un débat. En effet, le fait de prendre position, en l'absence de l'OFPRA, et dans la mesure où il se prononce dans la grande majorité des cas en faveur du rejet de la requête, donne parfois l'impression qu'il se substitue à l'Office (voir supra ).

Toutefois, l'absence de conclusion ôterait sans doute à l'exposé du rapporteur une partie de sa netteté, en l'empêchant d'argumenter aussi clairement qu'il ne le fait actuellement. En outre, si l'OFPRA est davantage représenté à l'audience (cf. supra ), le rapporteur n'apparaîtra plus comme le défenseur de l'Office. Dès lors, vos rapporteurs ne préconisent pas l'abandon du caractère conclusif du rapport.

e) Continuer de juger en plein contentieux

Le principe d'une compétence de plein contentieux du juge de l'asile est appliqué par la plupart des pays, quel que soit par ailleurs le système juridictionnel adopté. Seuls font exception les Pays-Bas, la Belgique, les États-Unis pour certaines procédures. Cette situation résulte en premier lieu de la nature des questions auxquels doivent répondre les juges de l'asile : il s'agit d'apprécier les craintes d'un demandeur par rapport à la situation géopolitique d'un pays au moment du recours , et non au moment où l'administration a rejeté la première demande (la situation a pu évoluer entre temps). Sans cette appréciation, le recours risque de ne pas être considéré comme effectif. En, outre, l'objectif de bonne administration de la justice exige que le juge puisse se prononcer immédiatement sur le droit d'une personne à bénéficier d'une protection, sans avoir à attendre que l'administration, à laquelle le dossier aurait été renvoyé, se prononce à nouveau.

Le plein contentieux connaît d'ailleurs un tempérament. En effet, si la Cour se prononce en principe elle-même sur le droit à une protection du demandeur, « il en va autrement lorsque le demandeur d'asile a été privé de la garantie essentielle d'un examen particulier des éléments qu'il a présentés à l'appui de sa demande 52 ( * ) » : la Cour annule alors la décision attaquée et renvoie la demande à l'examen de l'Office.

L'ensemble des personnes entendues par votre rapporteur a approuvé cet aspect de la procédure de traitement des demandes d'asile et n'a pas souhaité qu'il soit remis en cause.

f) Les ordonnances nouvelles

Outre les jugements en audience publique, la procédure des ordonnances permet de juger plus rapidement certaines affaires :

- certains dossiers peuvent être directement rejetés pas voie d'ordonnances dites « classiques » pour non-lieu, désistement ou irrecevabilité 53 ( * ) . Les ordonnances sont alors directement signées par les présidents, sans instruction contradictoire ni audience publique ;

- d'autres recours sont susceptibles de donner lieu à une ordonnance dite « nouvelle » au motif d'un défaut de moyen sérieux susceptible de remettre en cause les motifs de la décision du directeur général de l'OFPRA.

En 2011, ces ordonnances dites « nouvelles » ont représenté 13,6% de l'ensemble des décisions rendues par la Cour. A la suite d'un arrêt du Conseil d'État du 10 décembre 2008 54 ( * ) , lorsqu'un recours est susceptible d'être rejeté par ordonnance nouvelle, le requérant est informé qu'il peut consulter son dossier au greffe ; en outre, un rapporteur propose le sens de la solution à retenir au président qui signe l'ordonnance. Enfin, depuis septembre 2009, le reçu de recours informe tous les demandeurs qu'ils peuvent faire l'objet soit d'un examen normal, soit de cette procédure.

Les ordonnances nouvelles sont contestées par des associations, les avocats et par certains présidents soit dans leur principe même, soit pour l'utilisation trop fréquente qui en serait faite.

M. Anicet le Pors, président de l'Association française des juges de l'asile, a ainsi estimé lors de son audition que les ordonnances dites « nouvelles » devaient être supprimées et remplacées par une procédure allégée devant la formation collégiale .

Selon les avocats entendus par vos rapporteurs, les recours des demandeurs de certaines nationalités sont très fréquemment rejetés par ordonnances nouvelles.

En outre, les recours qui sont rejetés par cette voie feraient parfois l'objet d'une instruction assez développée par un rapporteur, ce qui laisse supposer qu'ils ne sont pas réellement dépourvus de moyen sérieux.

La direction de la Cour fait toutefois valoir que les ordonnances nouvelles concernent essentiellement des dossiers en réexamen , placés en procédure prioritaire (60 % des ordonnances concerneraient ainsi des demandes de réexamen) ou des ensembles de dossiers qui, à l'évidence, ne relèvent pas de la protection internationale, comme les demandes d'Haïtiens à la suite du tremblement de terre de janvier 2010.

Vos rapporteurs estiment que la procédure des ordonnances nouvelles est légitime dans la mesure où elle permet de désengorger les audiences collégiales et sous réserve, d'une part qu'elle ne soit pas utilisée systématiquement pour certaines nationalités dont on présume qu'elles sont particulièrement susceptibles de générer des recours infondés, d'autre part que ces ordonnances ne soient pas soumises à des objectifs quantitatifs.

E. RÉFORMER EN PROFONDEUR LA PROCÉDURE PRIORITAIRE

Certaines associations militent en faveur de la suppression pure et simple de la procédure prioritaire en France.

Vos rapporteurs n'ont pas souhaité aller jusque là. Ce serait, en effet, méconnaître la réalité d'une partie de la demande d'asile, qui est détournée de son objet par certaines personnes recherchant uniquement la possibilité d'obtenir un titre de séjour provisoire. De tels détournements de procédure ne doivent pas être encouragés, au risque d'emboliser totalement un système d'examen des demandes d'asile déjà largement sous tension.

Vos rapporteurs ont toutefois souhaité formuler un certain nombre de propositions tendant, d'une part, à faire en sorte que cette procédure ne puisse être utilisée que lorsque la demande paraît a priori insusceptible de prospérer, et, d'autre part, à ouvrir aux demandeurs concernés un droit à un recours effectif, conformément aux principes posés notamment par la Cour européenne des droits de l'homme.

1. Redonner un sens à la notion de « pays d'origine sûr »

La notion de pays d'origine sûr a été introduite en droit français par la loi du 10 décembre 2003, soit antérieurement à l'adoption formelle de la directive 2005/85/CE du 1 er décembre 2005 qui a autorisé le recours à cette notion.

La loi française définit le pays d'origine sûr comme le pays qui « veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales » (article L. 741-4 du CESEDA).

Cette définition est moins explicite que celle retenue par le droit communautaire, qui considère « qu'un pays est considéré comme un pays d'origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément, il n'y est jamais recouru à la persécution telle que définie à l'article 9 de la directive 2004/83/CE, ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison de violences indiscriminées dans des situations de conflit armé international ou interne.

« Pour réaliser cette évaluation, il est tenu compte, entre autres, de la mesure dans laquelle le pays offre une protection contre la persécution et les mauvais traitements, grâce aux éléments suivants:

« a) les dispositions législatives et réglementaires adoptées en la matière et la manière dont elles sont appliquées;

« b) la manière dont sont respectés les droits et libertés définis dans la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et/ou dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques et/ou la convention contre la torture, en particulier les droits pour lesquels aucune dérogation ne peut être autorisée conformément à l'article 15, paragraphe 2, de ladite convention européenne;

« c) la manière dont est respecté le principe de non-refoulement au sens de la convention de Genève;

« d) le fait qu'il dispose d'un système de sanctions efficaces contre les violations de ces droits et libertés » (annexe II à la directive 2005/85/CE).

En particulier, la définition française n'exclut pas expressément de la notion de pays d'origine sûrs les pays marqués par des situations de conflit armé international ou interne.

La directive du 1 er décembre 2005 prévoyait en premier lieu que la mise en oeuvre de cette notion devait donner lieu à l'établissement d'une liste commune à l'ensemble des États membres de l'Union européenne .

L'article 29 de la directive autorise en effet le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, après consultation du Parlement européen, à adopter une liste commune minimale de pays tiers que les États membres considèrent comme des pays d'origine sûrs conformément aux dispositions rappelées ci-dessus.

Toutefois, l'article 30 de cette même directive autorise les États membres à maintenir ou adopter des dispositions législatives qui leur permettent de désigner comme pays d'origine sûrs, au niveau national, des pays tiers autres que ceux qui figurent sur la liste commune minimale.

Par ailleurs, il les autorise également à maintenir les dispositions législatives en vigueur au 1 er décembre 2005 leur permettant de désigner, au niveau national, des pays d'origine sûrs. C'est d'ailleurs sur le fondement de cet article que la France a pu conserver une disposition définissant de façon autonome la notion de pays d'origine sûrs.

Au total, faute d'accord entre les États membres, aucune liste commune de pays d'origine sûrs n'a jamais pu être établie par l'Union européenne.

La pratique des États en la matière est d'ailleurs très diverse : certains récusent le concept même, certains l'acceptent mais n'ont pas établi de liste, certains, enfin, ont adopté une liste mais sur laquelle figurent un nombre de pays variables et différents selon les États membres.

Liste des pays d'origine sûrs du Royaume-Uni

Albanie Bolivie Bosnie-Herzégovine

Brésil Équateur Inde

Jamaïque Macédoine Maurice

Moldavie Mongolie Monténégro

Pérou Serbie Afrique du Sud

Ukraine Kosovo Corée du Sud

Ainsi, que, s'agissant uniquement des hommes :

Ghana Gambie Kenya

Libéria Malawi Mali

Nigéria Sierra Léone

Cette situation paraît pour le moins singulière aux yeux de vos rapporteurs.

En premier lieu, ils invitent à s'interroger sur la pertinence de la notion de pays d'origine sûr : en effet, chaque demande d'asile est individuelle et doit, en tout état de cause et sous peine de méconnaître gravement les droits fondamentaux qui s'attachent à la qualité de demandeur d'asile, faire l'objet d'un examen individuel de chaque demande, comme le prévoit d'ailleurs l'article L. 741-4 du CESEDA.

En outre, vos rapporteurs considèrent que, compte tenu des efforts accomplis au niveau de l'Union européenne pour rapprocher les législations en matière d'asile depuis plusieurs années, le concept même de liste de pays d'origine sûrs n'a de sens que s'il donne lieu à une liste commune à l'ensemble des États membres .

En attendant l'établissement d'une telle liste commune, ils ont toutefois souhaité formuler des propositions tendant à mieux cerner, en droit français, l'utilisation faite de cette notion par les pouvoirs publics.

En premier lieu, il leur paraît souhaitable que soit intégrée, en droit interne, la définition que donne le droit communautaire de la notion de pays d'origine sûrs . Cette définition, plus précise et plus restrictive que nos actuelles dispositions nationales, donnerait au conseil d'administration de l'OFPRA des critères plus objectifs pour juger du caractère sûr ou non d'un pays d'origine.

Les modalités d'établissement de la liste devraient, en outre, être rendues plus transparentes et pouvoir donner lieu à un échange avec les principaux acteurs de l'asile en France, notamment le HCR.

L'établissement de celle-ci pourrait continuer à relever de la compétence du conseil d'administration de l'OFPRA dès lors que, comme l'ont proposé vos rapporteurs, la composition de ce dernier serait rééquilibrée (voir supra ).

Toutefois, l'ensemble de la liste devrait faire l'objet d'un réexamen périodique , tous les six mois par exemple, tendant à vérifier que les conditions posées pour la qualification de pays d'origine sûrs sont toujours réunies.

En outre, une procédure d'alerte devrait être créée, afin de permettre au conseil d'administration de l'OFPRA de se prononcer sur le retrait temporaire ou définitif d'un pays de la liste en cas de changement de circonstances dans ce dernier.

Enfin, comme l'ont précédemment observé vos rapporteurs, l'une des difficultés actuelles tient à l'inscription sur la liste française de pays d'origine sûrs de pays ne répondant manifestement pas aux critères posés par la loi. Toutefois, en raison des délais de jugement devant le Conseil d'État, de telles inscriptions sont rarement sanctionnées avant un délai d'un an. Dans l'intervalle, les demandeurs d'asile ressortissants de ces pays n'ont pu bénéficier des garanties offertes aux demandeurs en procédure normale.

C'est la raison pour laquelle vos rapporteurs proposent d'étudier l'opportunité d'enserrer dans un délai déterminé, par exemple trois mois, le jugement des recours formés contre l'inscription de nouveaux pays sur la liste des pays d'origine sûrs .

Proposition n°18 : Promouvoir l'établissement d'une liste de pays d'origine sûrs commune à l'ensemble des États membres.

Dans l'intervalle, revoir les modalités selon lesquelles la liste de pays d'origine sûrs est établie au niveau national :

- redéfinir la notion de pays d'origine sûr selon les termes retenus par le droit communautaire ;

- rendre plus transparentes les conditions d'établissement de cette liste ;

- prévoir un réexamen semestriel tendant à vérifier que les conditions posées pour l'inscription d'un pays sont toujours réunies ;

- créer une procédure d'alerte en cas de changement de circonstances dans un des pays figurant sur la liste ;

- enserrer le jugement des recours formés contre l'inscription de nouveaux pays dans un délai déterminé.

2. Préciser les critères d'appréciation du caractère dilatoire, frauduleux ou abusif de la demande d'asile

Comme le montre la question des empreintes digitales altérées (voir supra ), les critères permettant de déterminer le caractère frauduleux d'une demande d'asile sont difficiles à établir de façon objective.

D'après les informations recueillies par vos rapporteurs, les pratiques des préfectures seraient d'ailleurs extrêmement diverses sur ce point.

Il convient pour autant selon eux de ne pas totalement abandonner la possibilité de recourir à la procédure prioritaire lorsqu'il apparaît qu'une demande d'asile n'est pas formulée de bonne foi, au risque en effet de favoriser des détournements de procédure.

Vos rapporteurs souhaitent toutefois qu'une réflexion impliquant l'ensemble des acteurs de l'asile puisse être menée rapidement afin de définir des critères objectifs permettant de déterminer de façon non équivoque ce qu'est une demande dilatoire, frauduleuse ou abusive.

En tout état de cause, un placement en procédure prioritaire pour ce motif ne saurait avoir de caractère automatique, comme l'a relevé la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt I.M. contre France du 2 février 2012. Dans ce dernier, la Cour « reconnaît [...] que les procédures d'asile accélérées, dont se sont dotés de nombreux États européens, puissent faciliter le traitement des demandes clairement abusives ou manifestement infondées ». Toutefois, elle condamne le fait « que la demande d'asile du requérant ait été considérée comme étant postérieure à l'arrêté de reconduite à la frontière [ait] suffi aux autorités pour considérer qu'elle reposait sur une « fraude délibérée » ou constituait un « recours abusif à l'asile » [...]. La Cour ne peut que relever le caractère automatique du classement en procédure prioritaire de la demande du requérant, lié à un motif d'ordre procédural, et sans relation ni avec les circonstances de l'espèce, ni avec la teneur de la demande et son fondement ».

Proposition n°19 : Redéfinir, à partir de critères objectifs et non équivoques, la notion de demande dilatoire, frauduleuse ou abusive.

3. Instaurer un droit à un recours suspensif

En l'état du droit, les demandeurs d'asile dont la demande est examinée selon la procédure prioritaire ne disposent pas d'un droit à un recours suspensif, ce qui signifie que, sitôt rendue une décision négative de l'OFPRA, ils sont susceptibles d'être interpellés et renvoyés dans leur pays.

Cet état du droit a été validé par le Conseil constitutionnel, qui, dans sa décision n° 2003-484 DC du 13 août 1993, a considéré que « si l'autorité administrative [pouvait] s'opposer à l'admission au séjour des intéressés, ces derniers ont le droit [...] de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que l'office français de protection des réfugiés et apatrides leur notifie sa décision lorsque cette décision est une décision de rejet ». Il a en revanche admis « qu'au regard des exigences de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public, le législateur pouvait, dès lors qu'il garantissait la possibilité d'un recours, prévoir que l'intéressé n'aurait pas droit à être maintenu pendant l'examen de ce recours sur le territoire français ».

Telle n'est pas tout à fait l'appréciation de la Cour européenne des droits de l'homme.

Dans un premier temps, dans un arrêt Gebremedhin contre France du 26 avril 2007, celle-ci a jugé que « les exigences de l'article 13 55 ( * ) , tout comme celles des autres dispositions de la Convention, sont de l'ordre de la garantie, et non du simple bon vouloir ou de l'arrangement pratique » et que, « compte tenu de l'importance [qu'elle] attache à l'article 3 de la Convention et de la nature irréversible du dommage susceptible d'être causé en cas de réalisation du risque de torture ou de mauvais traitements, cela [valait] évidemment aussi dans le cas où un État partie décide de renvoyer un étranger vers un pays où il y a des motifs sérieux de croire qu'il courrait un risque de cette nature : l'article 13 exige que l'intéressé ait accès à un recours de plein droit suspensif ».

Cette affaire concernait le recours susceptible d'être exercé en zone d'attente contre un refus d'entrée sur le territoire pour solliciter l'asile . Afin d'assurer la conformité de notre droit aux prescriptions de la Cour, la loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile a créé une procédure de recours suspensif contre les décisions de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile (article L. 213-9 du CESEDA) 56 ( * ) .

Dans un second temps, la Cour européenne des droits de l'homme a été invitée à se prononcer sur les possibilités de recours dont disposent les personnes qui sollicitent l'asile au cours de leur rétention et se trouvent, de ce fait, placées en procédure prioritaire.

Les faits de l'espèce concernaient un demandeur d'asile soudanais qui, n'ayant pu formuler sa demande avant son placement en rétention, avait vu sa demande examinée selon la procédure prioritaire. Celle-ci avait fait l'objet d'un rejet de la part de l'OFPRA, avant que la CNDA ne lui reconnaisse le statut de réfugié plusieurs mois plus tard. Dans l'intervalle, le requérant n'avait dû son maintien sur le territoire français qu'à une mesure provisoire ordonnée par la Cour européenne des droits de l'homme sur le fondement de l'article 39 de son Règlement, alors même que la France était prête à éloigner l'intéressé vers le Soudan, les autorités de ce pays ayant délivré un laissez-passer consulaire.

Dans cet arrêt I.M. contre France du 2 février 2012, du fait des conditions dans lesquelles une demande d'asile peut être formulée en rétention et des délais particulièrement brefs dans lesquels s'exerce le recours devant le tribunal administratif contre l'arrêté de reconduite à la frontière, la Cour constate « que si les recours exercés par le requérant étaient théoriquement disponibles, leur accessibilité en pratique a été limitée par plusieurs facteurs, liés pour l'essentiel au classement automatique de sa demande en procédure prioritaire, à la brièveté des délais de recours à sa disposition et aux difficultés matérielles et procédurales d'apporter des preuves alors que le requérant se trouvait en détention ou en rétention [...]. Enfin, la Cour constate que les insuffisances relevées quant à l'effectivité des recours exercés par le requérant n'ont pu être compensées en appel. Sa demande ayant été traitée en procédure prioritaire, le requérant ne disposait en effet d'aucun recours en appel ou en cassation suspensifs, que ce soit devant la CNDA, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'État. La Cour relève en particulier à cet égard l'absence de caractère suspensif du recours formé devant la CNDA de la décision de refus par l'OFPRA de la demande d'asile, lorsque l'examen de celle-ci s'inscrit dans le cadre de la procédure prioritaire ».

Ce raisonnement, qui concerne dans les circonstances de l'espèce la situation d'un demandeur d'asile placé en centre de rétention administrative, invite à s'interroger sur l'absence, en toute hypothèse, de recours suspensif contre une décision de rejet de l'OFPRA en procédure prioritaire.

A cet égard, vos rapporteurs ne souscrivent pas à l'interprétation retenue jusqu'à présent par le Gouvernement, tendant à considérer que le recours exercé devant le tribunal administratif contre l'arrêté de reconduite à la frontière pourrait tenir lieu de recours effectif ouvert à l'intéressé.

Sans doute le juge administratif, saisi de la décision d'éloignement, se prononce-t-il au regard des stipulations de la Convention européenne des droits de l'homme, et en particulier de son article 3 qui interdit de renvoyer une personne vers un pays dans lequel elle serait soumise à des traitements inhumains ou dégradants.

Mais un tel contrôle n'est que partiel : en France, aujourd'hui, seule la CNDA est juge de l'asile , et seule cette juridiction est compétente pour se prononcer sur les craintes de persécutions invoquées par le requérant au regard de l'ensemble de nos engagements internationaux, et notamment de la convention de Genève de juillet 1951.

Il convient donc que le recours exercé devant la CNDA contre une décision de rejet de l'OFPRA ait, pour tous les requérants, un caractère suspensif, c'est-à-dire qu'aucun demandeur d'asile ne puisse être reconduit dans son pays avant que la Cour ne se soit prononcée sur son recours.

Proposition n°20 : Autoriser le demandeur d'asile en procédure prioritaire à se maintenir sur le territoire jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile se soit prononcée sur son recours.

Là encore, la reconnaissance d'un tel droit devrait être combinée avec le souci de ne pas encourager les recours dilatoires, exercés dans le seul but de permettre à une personne de se maintenir sur le territoire.

C'est la raison pour laquelle vos rapporteurs proposent que soit examinée la possibilité d'enserrer les recours formulés dans le cadre d'une procédure prioritaire dans des délais de jugement contraints .

De telles dispositions impliqueraient - vos rapporteurs en ont conscience - une évolution significative des méthodes d'enrôlement et de jugement de la CNDA. Elles rendraient également nécessaire l'adoption de dispositions permettant, lorsque la demande d'asile a été formulée en rétention, la prolongation de cette mesure ou l'assignation à résidence de l'intéressé, afin, s'il s'avère que la demande avait effectivement un caractère dilatoire, qu'il ne soit pas fait échec à la procédure d'éloignement engagée à son encontre.

Proposition n°21 : Assortir l'instauration d'un recours suspensif en procédure prioritaire d'une obligation pour la CNDA de se prononcer dans des délais contraints.

*

* *

En conclusion, vos rapporteurs ont souhaité adopter une démarche pragmatique : loin de remettre en cause l'ensemble de notre procédure d'examen des demandes d'asile, ils ont souhaité formuler des propositions réalistes, destinées avant tout à rendre une cohérence à ce système en restaurant le rôle central de l'OFPRA.

Si elles sont susceptibles d'être mises en oeuvre à relativement brève échéance, ces propositions nécessiteront - vos rapporteurs en ont pleinement conscience - l'allocation de moyens supplémentaires et des réorganisations substantielles, notamment à la CNDA.

La charge susceptible d'en découler doit toutefois être relativisée, au regard du poids modeste que constituent respectivement les crédits de l'OFPRA et la CNDA au sein des missions « immigration, asile et intégration » et « conseil et contrôle de l'État ».

En outre, ils font le pari que cette charge pourra être compensée par la réduction des délais d'examen et le rééquilibrage du système au profit de l'instance administrative dont l'autorité et la légitimité seront confortées.

EXAMEN EN COMMISSION MERCREDI 14 NOVEMBRE 2012

M. Christophe-André Frassa , co-rapporteur . - Avec 56 250 demandes de protection déposées en 2011, la France est le premier pays sollicité d'Europe, le deuxième au monde. Notre procédure d'examen des demandes d'asile présente trois singularités. Si le taux d'acceptation de 25% se situe dans la moyenne européenne, cela est dû aux décisions de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), plus que de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). La procédure dite prioritaire, qu'il faudrait plutôt qualifier d'accélérée, a été dévoyée de son objet : elle est utilisée pour instruire 26% des demandes. Or l'absence de recours suspensif devant la CNDA pourrait poser difficulté, surtout depuis l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 2 février dernier dans l'affaire « I.M. contre France ». Enfin, l'intervention de trois acteurs dans la procédure -préfectures, OFPRA, CNDA- ne garantit pas un traitement équitable des demandes dans un délai raisonnable.

Premier temps, l'accueil en préfecture : les délais entre la demande d'asile et le rendez-vous pour déposer les documents ne sont pas toujours acceptables. Nous nous sommes déplacés à Bobigny pour le vérifier. Le délai réglementaire est de quinze jours. Toutefois, faute d'effectifs, il atteint trois mois à Lille, cinq à Paris... Les associations critiquent un retard qui prive les demandeurs d'asile des droits attachés à cette qualité et les expose à une mesure d'éloignement.

L'examen de la demande par l'OFPRA est souvent déroutant pour le demandeur. Les dossiers doivent être rédigés en français et le récit personnalisé, qui constitue le coeur de la procédure, est loin d'être une simple biographie - peu de nos concitoyens parviendraient à l'écrire dans un pays dont ils ne connaissent ni la langue, ni la culture, ni les usages administratifs. Le demandeur est reçu par l'un des 162 officiers de protection. 90 % des primo-demandeurs reçoivent une convocation et 80 % s'y rendent. L'entretien est confidentiel ; un interprète y participe. En revanche, nous nous sommes étonnés de constater que l'officier tape son rapport, au fur et à mesure, et n'entame donc pas de véritable dialogue avec le demandeur. Des difficultés de ventilation rendent par ailleurs l'atmosphère étouffante, ce qui ne concourt pas à la sérénité de l'entretien, pourtant décisif. L'officier rédige un avis, suivi dans 90% des cas. En dépit d'efforts significatifs, les délais de traitement demeurent élevés : 145 jours en 2010 et 174 en 2011, soit un peu moins de six mois.

L'OFPRA est moins généreux que ses équivalents européens quant à l'octroi de statuts de réfugié ou de protections subsidiaires. Au terme de nos auditions, nous sommes toutefois convaincus qu'en dépit de la tutelle du ministère de l'Intérieur, l'OFPRA n'est soumis à aucun quota d'admissions au statut de réfugié, comme certains le craignent parfois à tort. Néanmoins, les officiers de protection sont soumis aux exigences de productivité les plus élevées en Europe, soit deux décisions par jour. De l'avis des personnes entendues, une telle pression peut constituer une incitation à prendre des décisions de rejet.

En cas de décision de refus par l'OFPRA, le demandeur dispose d'un délai d'un mois pour saisir la CNDA, juridiction administrative spécialisée statuant en plein contentieux et seul tribunal français où siège, avec voix délibérative, un représentant d'une organisation internationale, le Haut commissariat aux réfugiés (HCR). Les décisions de cette juridiction sont rendues par une centaine de formations de jugement. Le taux de recours est en effet élevé et constant - autour de 85%. Le délai de jugement prévisible a été ramené à 8 mois cette année contre 9 mois et 15 jours en 2011. Le taux d'annulation des décisions de l'OFPRA, de 5% dans les années 1990, est monté à 22% en 2010 et il était de 17% en 2011. Il s'explique par la nature de plein contentieux des décisions, par l'intervention d'un avocat, par la diversité des membres des formations de jugement et leur connaissance plus ou moins fine des pays d'origine, ainsi que par des divergences d'appréciation avec l'OFPRA sur la situation de ces pays.

Juge de cassation, le Conseil d'Etat est peu sollicité : moins de 2% des décisions de la CNDA lui sont soumises. En outre, l'essentiel des pourvois sont irrecevables, parce qu'ils n'ont pas été introduits par un avocat au Conseil. Résultat, 6 arrêts en 2009, 15 en 2010 et 22 en 2011, l'OFPRA étant à l'origine du pourvoi dans les trois quarts des cas. Le Conseil d'Etat intervient toutefois en matière de conditions d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile et il limite les abus dans l'utilisation de la procédure prioritaire par certaines préfectures.

M. Jean-Yves Leconte , co-rapporteur . - Le droit d'asile est un droit fondamental. Il reconnait le droit de chaque être humain, citoyen du monde, à la protection de ce qu'il est, comme de ses opinions. Renforcer ce droit, c'est réaffirmer nos valeurs et les défendre.

Dans la pratique, la frontière n'est en revanche pas toujours évidente entre les demandeurs d'asile et des migrants potentiels. C'est la raison pour laquelle une procédure prioritaire vise à identifier en amont les personnes n'entrant pas dans la catégorie des demandeurs d'asile. Encore faut-il qu'elle soit adaptée à ses objectifs. Ceux qui y sont soumis se voient refuser certains droits et ne sont pas autorisés à séjourner sur le territoire, d'où la nécessité pour l'OFPRA de statuer très vite. Mieux vaudrait l'appeler procédure expéditive, car certains demandeurs, y voyant un moyen d'obtenir le droit d'asile plus rapidement, se liment les empreintes digitales pour en bénéficier.

En 2011, cette procédure représentait 15% des premières demandes d'asile hors rétention. La part des premières demandes est désormais de 63%, contre 34% en 2006. L'OFPRA a accordé une protection à 8,9% des demandeurs, proportion quasiment équivalente à celle du droit commun. La CNDA a annulé un peu plus de 14% des décisions de l'OFPRA, soit là aussi un taux proche de la moyenne. Si ce chiffre démontre que la procédure prioritaire n'empêche pas l'examen au fond de la demande, il signifie également que le partage entre les demandeurs n'est peut-être pas bien effectué ou alors que la procédure est trop sévère.

La liste des pays d'origine sûrs - qui est l'un des principaux critères de recours à cette procédure - devrait faire l'objet d'une harmonisation européenne. Comment définir une politique commune du droit d'asile, si la liste est établie par les autorités nationales ?

Enfin, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme au motif que les demandeurs soumis à la procédure prioritaire étaient susceptibles d'être expulsés avant la fin de la procédure.

M. Christophe-André Frassa , co-rapporteur . - La première série de nos 21 propositions vise à donner plus de cohérence à des dispositifs trop fragmentés. Il s'agit tout d'abord de libérer l'OFPRA de suspicions injustifiées en le plaçant sous la tutelle du ministère de la Justice, ou mieux, du Premier ministre.

La composition du conseil d'administration de l'OFPRA, chargé notamment d'arrêter la liste des pays d'origine sûrs, pourrait en outre être modifiée en augmentant le nombre de personnalités qualifiées, en privilégiant les magistrats issus du Conseil d'État et de la Cour de cassation ou d'anciens présidents de section de la CNDA. Le nombre de parlementaires pourrait être doublé.

Afin d'encourager une plus grande implication de l'ensemble des administrations, en particulier du ministère des Affaires étrangères, un correspondant asile, le cas échéant le magistrat de liaison, pourrait être nommé dans les chancelleries politiques des postes diplomatiques français installés dans les principaux pays d'origine. Il serait tenu de répondre dans un délai précis qui pourrait être d'un mois.

Nous proposons aussi la création d'un centre de documentation et de formation autonome commun à l'OFPRA et à la CNDA. Il s'agirait, par cette mutualisation, de dépasser l'actuelle suspicion et d'améliorer la transparence des sources utilisées. Ce centre, qui pourrait avoir recours à l'expertise du HCR, organiserait des formations à l'intention des nouveaux officiers de protection de l'OFPRA, des rapporteurs et des formations de jugement de la CNDA. Un site internet donnerait en outre des informations dans les principales langues des demandeurs sur la procédure et sur la jurisprudence.

Il convient également de repenser l'aide juridique. Seulement 40% des demandeurs bénéficient d'un hébergement en CADA (centre d'accueil des demandeurs d'asile), les autres ont accès à des plateformes d'accueil. L'articulation avec l'aide juridictionnelle doit être revue de concert avec les barreaux.

Davantage qu'une proposition, une interrogation : faut-il confier l'ensemble des missions d'accueil et d'hébergement à une agence de l'asile compétente pour accorder les statuts de réfugié et les protections subsidiaires ?

Nous souhaitons en revanche dégager les moyens nécessaires à l'examen des demandes d'asile dans des délais raisonnables afin de limiter l'inévitable précarité des demandeurs, de mieux instruire les demandes et aussi de bien gérer les deniers publics. A cette fin, le gouvernement doit imposer aux préfectures de respecter le délai réglementaire de 15 jours entre la demande d'admission au séjour au titre de l'asile et son enregistrement effectif, quand bien même les demandeurs sont très inégalement répartis sur le territoire. Corrélativement, les délais effectifs d'enregistrement des demandes devraient être rendus publics.

Faut-il imposer aux demandeurs d'asile un délai maximal pour formuler leur demande à leur arrivée sur le territoire ? L'United Kingdom Border Agency (UKBA) britannique impose par exemple un délai de 72 heures, qui ne s'applique en fait qu'à 10% des dossiers, 50 % des demandes étant déposées directement, sans condition de délai, auprès de l'UKBA et 40% des demandes étant formulées à l'occasion d'une mesure d'éloignement. Si nous n'avons pas souhaité formuler une telle exigence, il serait en revanche possible d'exclure de la procédure prioritaire les demandes formulées dans les 8 jours suivant l'entrée sur le territoire. Il ne s'agit là que d'une piste de réflexion.

Autre proposition : imposer à l'OFPRA et à la CNDA un délai maximal de six mois chacun pour se prononcer sur toute demande d'asile examinée selon la procédure normale. Elle apporterait à tout demandeur la garantie que son dossier serait traité dans les mêmes délais que les autres et contraindrait ces deux instances à justifier les absences de réponses dans le délai imparti.

M. Jean-Yves Leconte , co-rapporteur . - Parmi les principaux enjeux figurent la rapidité et la qualité des procédures. Tout d'abord, il suffit de comparer le coût d'un mois de procédure (15 millions d'euros de prestations) à celui d'un officier de protection, soit 70 000 euros par an. Voilà pourquoi nous nous sommes interrogés sur la création d'une grande agence de l'asile qui, au-delà de la gestion des procédures, aurait une vision complète des coûts. De plus, si le taux de protection est identique en France et chez ses voisins, cela tient pour une grande part aux décisions de la CNDA, d'où des délais plus longs, alors que pendant toute la période d'instruction, les demandeurs n'ont pas le droit de travailler. Le délai maximal de six mois serait plus difficile à imposer à la CNDA, instance juridictionnelle, qu'à l'OFPRA. Lorsque le dépassement du délai n'est pas le fait du demandeur, pourquoi ne pas lui accorder, comme c'est le cas en Pologne, le droit de travailler ? Le rapport ne le précise pas, faute d'accord entre nous sur ce point.

Pour renverser les taux, nous proposons de renforcer les conditions dans lesquelles se déroule l'entretien. A cette fin, nous proposons qu'un tiers habilité puisse assister à l'entretien. De même, la présence d'un dactylographe aux côtés de l'officier de protection permettrait à celui-ci de se concentrer sur l'entretien. L'interprète serait systématique lorsque le demandeur n'est pas francophone. Réfléchissons aussi à des entretiens plus ouverts, et moins concentrés sur le point de savoir si le demandeur est un menteur. La douzième proposition est que, si nécessaire, l'entretien puisse être mené par une personne du même sexe que le demandeur.

Nous souhaiterions aussi que les membres des formations de jugement de la CNDA aient une meilleure connaissance de l'OFPRA.

La revalorisation de l'aide juridictionnelle, indispensable pour permettre l'amélioration des délais, doit se poursuivre - le projet de loi de finances pour 2013 comporte une mesure bienvenue de ce point de vue. La spécialisation des avocats devant la CNDA provoque des difficultés pratiques : douze d'entre eux se partageant 40% des recours, ils sont dans l'impossibilité physique de traiter tous les dossiers que la Cour souhaiterait inscrire à son rôle.

Il est malheureux que l'OFPRA ne tienne pas assez compte de la jurisprudence de la CNDA. Afin d'y remédier, nous proposons que l'Office soit systématiquement représenté aux audiences. Simultanément, la proposition n° 16 porte sur l'amélioration de la formation des juges de la CNDA.

Si nous souhaitons que la CNDA conserve sa compétence de plein contentieux, les ordonnances - 13% des décisions de la CNDA ne donnent pas lieu à une audience collégiale - ne sauraient devenir une autre forme de procédure prioritaire.

Si nous ne suggérons pas la suppression de la liste de pays d'origine sûrs, la proposition n° 18 est que celle-ci soit commune aux différents pays européens. En attendant une telle liste, nous proposons des pistes pour redonner un sens à cette notion.

Il conviendrait de redéfinir la notion de demande dilatoire, frauduleuse ou abusive à partir de critères objectifs et non équivoques (proposition n° 19), ainsi que d'autoriser le demandeur d'asile en procédure prioritaire à se maintenir sur le territoire jusqu'à ce que la CNDA se soit prononcée sur son recours (proposition n° 20), c'est-à-dire de conférer un caractère suspensif à tous les recours introduits devant la CNDA. Dans ce cas, il appartiendrait à la Cour de se prononcer rapidement (proposition n° 21).

M. René Vandierendonck . - Ancien membre du Haut conseil de l'intégration, et préoccupé par les logements d'accueil dans ma ville, je n'ai pas eu une seconde l'occasion de me désintéresser du sujet. Même si l'expérience est un peigne pour chauve, j'ai besoin d'être convaincu sur la suppression de la tutelle sur l'OFPRA par le ministère de l'Intérieur. Ce dernier ne doit-il pas assurer une unicité de pilotage de l'entrée et du séjour des étrangers ?

Parmi les questions identifiées par les rapporteurs sur les garanties procédurales et la réalité du suivi des demandes, il en est une en particulier qui ne doit pas être écartée : quand la demande d'asile doit-elle être formulée ? Devons-nous, à l'instar de nos voisins anglais, l'enserrer dans un délai ? Nous sommes l'un des États européens où elle peut être formulée à tout moment. Des critères d'identification des demandes dilatoires ou abusives donnent des garanties aux personnes. Or la France n'a, sans doute par générosité, pas suffisamment encadré cette procédure.

Mme Hélène Lipietz . - Ce rapport le met en évidence, tous les demandeurs d'asile ne sont pas des fraudeurs potentiels. Il y a par ailleurs des demandeurs de bonne foi qui ne peuvent bénéficier du droit d'asile. La définition actuelle repose en effet sur la convention de Genève vieille de 60 ans, qui énonce limitativement les motifs de persécution - n'est-ce pas la raison pour laquelle il a fallu inventer la protection subsidiaire ?

J'ai fait partie des avocats spécialisés dans ce domaine il y a plusieurs années, la multiplication des dossiers étant, compte tenu de leur faible rémunération (à l'époque, six unités de valeur), une condition de l'équilibre économique de notre activité. J'avais été profondément choquée d'apprendre dans un rapport de France Terre d'Asile, que, selon que vous étiez ou non hébergé en CADA, vos chances de voir votre demande aboutir variaient de 50 % à moins de 25%. Ces structures offrent une prise en charge particulièrement utile pour des personnes traumatisées. Pendant les six à sept mois de l'instruction du dossier, la personne peut se reconstruire. J'ai le souvenir de cette femme qui n'avait réussi à témoigner de son viol qu'au moment du recours, alors que le dossier écrit indiquait « les messieurs venaient et faisaient pipi à côté de moi ». Je suis favorable à ce que les demandeurs d'asile soient entendus par des officiers de protection du même sexe, notamment en cas de viol dans les pays où cela est indicible.

Beaucoup de demandeurs, trompés par le terme « officier de protection », arrivent persuadés de la crédibilité de leur récit ; ils pensent que l'officier de protection est là pour les aider à mieux formuler leur demande. Je partage votre proposition d'assistance des demandeurs lors des entretiens à l'office.

Autre problème, lorsque la CNDA se prononçait sur des ressortissants de pays instables politiquement, elle mettait un certain temps à enrôler le dossier, comme si elle attendait l'issue du conflit. Des demandes ont été refusées car, dans l'intervalle, les persécuteurs du demandeur avaient perdu le pouvoir. Or, dans une guerre civile, il faut du temps avant de savoir qui a gagné.

S'il faut conserver à la CNDA sa compétence de plein contentieux, elle rend toutefois très difficiles les demandes de réexamen de dossiers. C'est le cas par exemple lorsqu'un demandeur d'asile indique qu'il a été condamné par la justice de son pays et qu'il lui faut du temps pour en apporter la preuve officielle.

Enfin, accorder la protection subsidiaire aux deux parents - et non plus à un seul - de petites filles menacées d'excision désengorgerait tribunaux et préfectures.

M. Christophe Béchu . - Si notre système doit être amélioré, la France est, contrairement à ce que l'on entend parfois, le premier pays d'Europe et le deuxième du monde en matière de droit d'asile effectif.

La réforme doit d'abord porter sur l'accélération du traitement des réponses, positives ou négatives. Des réponses positives tardives créent de légitimes ressentiments liés à une trop longue attente, sans droit de travailler. A l'inverse, une décision négative finit par être vidée de tout sens lorsqu'elle intervient après deux ans de vie en France et que les enfants sont scolarisés. Certes, le demandeur n'est peut-être plus en situation de danger, mais humainement, comment ne pas reconnaître que sa vie sociale a été modifiée ? Je souscris à tout ce qui va dans le sens d'une accélération des procédures, y compris la fixation d'un délai maximum de dépôt des demandes d'asile. Ce n'est pas six mois ou un an après être arrivé en France que l'on doit déclarer être en danger dans son pays ! 72 heures, c'est certainement trop court, mais 8 jours me semble être un bon délai, surtout avec un site internet les informant de la procédure.

L'objectif n'est pas d'accueillir plus de demandeurs d'asile mais de le faire de façon plus équitable. Je me méfie des statistiques car la réalité d'une partie de l'asile est celle des filières.

Je comprends l'intention de la proposition n° 12, mais je la trouve hypocrite et inadmissible. Hypocrite, parce que le problème n'est pas la nationalité : avouer un viol est-il plus facile pour un Français ou une personne résidant déjà dans notre pays ? Inadmissible parce qu'elle revient à appliquer un droit différent  à ces demandeurs et à des nationaux, voire à des étrangers en situation régulière et ayant la même réalité culturelle. En outre, il faut combiner cette proposition avec les propositions n°s 9 et 10 : faudrait-il mettre en place des pools sexués ? Voilà l'exemple même de la fausse bonne idée.

Les délais de procédure posent aussi un problème de place. Sur mon territoire, les dispositifs d'hébergement d'urgence sont en train d'être embolisés, d'où un accueil de moins en moins digne, une multiplication des squats, des oppositions entre SDF et demandeurs d'asile, des bagarres dans les lieux d'hébergement, et, dans certains cas, des réactions de rejet de la part des habitants.

Compte tenu de la localisation des bornes Eurodac et des points d'entrée administratifs, les départements sièges du chef-lieu de région concentrent un nombre de demandeurs d'asile sans rapport avec leur population. En matière d'accueil des demandeurs d'asile, les disparités sont extrêmes, ainsi entre Rennes et le reste de la Bretagne. Il importe de mieux répartir les places d'accueil. Angers accueille 40 % des demandeurs d'asile de la région, alors que nous ne représentons que 20 % de la population. La tradition d'accueil des habitants fait désormais place à des signes d'exaspération.

M. Philippe Bas . - Ce rapport honore le Sénat. Je partage la prudence de nos rapporteurs quant à une agence de l'asile. Un regroupement des missions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), de l'OFPRA et des préfectures n'améliorera pas, par lui-même, le fonctionnement du système. Au cours des dernières années, le nombre de places d'hébergement a augmenté de manière substantielle, le taux d'occupation a été amélioré ainsi que le taux de sortie pour éviter l'embolie évoquée par notre collègue. Il faut continuer dans ce sens. L'accompagnement social, enfin, est plutôt de bonne qualité.

La rapidité est un objectif essentiel pour tout le monde, et la proposition n° 7 est sensée, à condition de mobiliser les moyens nécessaires à son application. A cet égard, la tutelle du ministère de l'Intérieur a porté ses fruits : il a intérêt à ce que les décisions soient prises rapidement pour pouvoir mettre en oeuvre sa mission. Je soutiens les propositions qui, comme la n°13, la n°16, ou la n°17, ont pour objet d'éviter la création d'un fossé entre les approches de l'OFPRA et celles de la CNDA. En particulier, l'amélioration de la formation des magistrats sur la réalité de la demande d'asile serait précieuse. La proposition n° 12, en revanche, m'inspire les plus vives réticences. Ce serait un précédent dangereux qui pourrait justifier d'autres demandes et favoriser le développement de revendications communautaristes.

M. André Reichardt . - Les enjeux de qualité et de rapidité retenus par les rapporteurs sont les bons. Il est utile en effet d'intervenir le plus en amont possible : correspondant dédié dans les postes diplomatiques, information par internet dans les langues idoines. Et il est absolument nécessaire de limiter le délai dans lequel la demande peut être formulée : vous avez dit qu'au Royaume-Uni, 40% des demandes interviennent lors de mesures d'éloignement, c'est troublant ! Une personne qui demande l'asile sait pourquoi elle le fait, partant, elle peut déposer sa demande dès qu'elle passe la frontière.

La question des moyens doit être posée. La France n'a pas à rougir de son action, même si on peut toujours faire mieux : mais a-t-on les moyens d'améliorer nos résultats ? La proposition n° 9, par exemple, me hérisse, de même que la proposition n° 12.

M. Alain Richard . - Ce rapport sera rendu public.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - C'est sur sa publication que nous allons nous prononcer. L'usage de la commission est de publier les rapports en y incluant le compte rendu de la réunion au cours de laquelle ils ont été présentés.

M. Alain Richard . - Je perçois dans ce rapport une dimension accusatoire : s'il y a plus de vingt propositions à faire, est-ce à dire que rien ne fonctionne ? Pourtant, au sein de l'Union européenne, qui est un espace d'accueil pour les réfugiés et les persécutés, c'est vers la France que la plupart des demandeurs d'asile se tournent : ils savent que les garanties et la qualité d'accueil y sont les meilleures. Après examen, plus des deux tiers de ces demandes sont reconnues dépourvues de fondement - ce sont des migrants économiques, prêts à utiliser toutes les procédures dilatoires à leur disposition. Il est donc logique que des précautions soient prises, et il conviendrait que le rapport reconnaisse la qualité du travail qui est fait à ce titre par des agents qui font leur métier avec conviction. Ce ne sont pas des garde-chiourmes mais des défenseurs professionnels des droits de l'homme. Et ils sont parfaitement capables de discuter de manière humaine tout en prenant des notes. Enfin, le président de la République a annoncé la nécessité de baisser de quelque cinquante milliards d'euros les dépenses publiques : des propositions coûteuses n'ont guère de chance d'aboutir avant plusieurs décennies...

M. Jean-René Lecerf . - Notre système de demande d'asile est l'un des plus performants d'Europe, ce qui n'empêche pas d'essayer de l'améliorer. Pourquoi ne pas revenir à une tutelle par le ministère des Affaires étrangères ? Le conseil d'administration de l'OFPRA, où j'ai siégé, devrait comporter davantage de personnalités qualifiées, et tous ses membres devraient pouvoir participer aux votes, faute de quoi la liste des pays d'origine sûrs est fixée, en réalité, par le gouvernement, dont les représentants ont une confortable majorité : si le vote d'au moins une personnalité qualifiée lui était nécessaire, la liste en serait modifiée et n'aurait pas à être remise en cause régulièrement par le Conseil d'État. Imposer un délai maximal n'aura guère d'effet s'il n'y a pas de sanction - c'est comme l'inscription obligatoire sur les listes électorales. Je m'inquiète de la divergence entre les jurisprudences, si l'on peut dire, de l'OFPRA et de la CNDA. Le Conseil d'État pourrait-il, de par son rôle de juge de cassation, travailler à les harmoniser ? La CNDA ne connaît que des décisions de refus d'asile, alors que la loi lui permettrait d'intervenir également lorsque l'asile a été octroyé.

Est-il de bonne politique que les demandeurs d'asile ne puissent travailler ? Les y autoriser, après un certain délai mais avant la décision, semblerait plus logique. Les déboutés, en revanche, ne devraient plus occuper les CADA.

M. Jean-Pierre Sueur , président . - Je veux souligner l'importance de ce qu'a dit Alain Richard. Il a souhaité qu'il soit dit dans le rapport que la France est le premier pays d'accueil en Europe - je le dis moi-même -, et qu'on y souligne la qualité du travail accompli par les fonctionnaires et les services publics chargés de ces sujets. Ils accomplissent en effet un travail extraordinaire.

M. Christian Cointat . - Un humoriste américain définissait le migrant comme un individu mal informé qui croit qu'un pays est meilleur qu'un autre. Je salue le travail des deux rapporteurs, dont je soutiens les propositions, y compris les n°s 9 et 12, qui peuvent sembler relever du luxe, mais qu'il faut maintenir, afin de bien marquer ce qui paraîtrait le mieux. Une femme victime d'un viol s'exprimera plus difficilement devant un homme que devant une femme, il s'agit de simple bon sens, et en aucun cas d'un soutien au communautarisme.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Mon département concentre plus de la moitié des reconduites à la frontière de France. Parce que ses frontières sont très poreuses, beaucoup d'étrangers passent par des filières d'immigration clandestine et demandent l'asile. Je tire la sonnette d'alarme : les associations déplorent les violations des droits de l'homme tandis que les demandes d'asile explosent. Les migrants proviennent de toute l'Afrique, parfois d'Asie. Mayotte ne peut plus supporter cette pression migratoire, et je crains des affrontements entre Mahorais et étrangers. La population clandestine est évaluée à 90 000 personnes, soit la moitié de la population.

M. Christophe-André Frassa , co-rapporteur . - Plusieurs paramètres entrent en compte dans le choix de la tutelle. Le principal est l'impact psychologique sur les intervenants. Or il y a une suspicion, illégitime mais bien réelle, envers le ministère de l'Intérieur, accusé de vouloir imposer des quotas à l'OFPRA. Il sera difficile de la déraciner.

M. Alain Richard . - C'est le triomphe de la malhonnêteté intellectuelle !

M. René Vandierendonck . - Il faut bien sortir de l'hypocrisie !

M. Christophe-André Frassa , co-rapporteur . - Nous proposons de le rattacher, comme bien d'autres offices, aux services du Premier ministre. Il n'y a pas de lien entre l'immigration et l'asile, l'asile est un droit constitutionnel qui n'a pas à relever uniquement de l'Intérieur.

Il n'y a aucune accusation dans notre rapport. Notre brève présentation a mis en lumière les améliorations que nous estimons souhaitables, mais notre volonté est simplement de mieux coordonner les acteurs. L'Allemagne reçoit presque autant de demandes d'asile que la France. Le professionnalisme et la qualité des acteurs font l'objet de notre introduction, et sont rappelés dans chacune des parties du rapport.

Si on impose des délais d'instruction, on ne pourra plus geler une affaire. Faut-il imposer un délai de six mois à l'OFPRA et à la CNDA ? Cette dernière a fortement réduit ses délais, et continue à le faire. L'OFPRA s'y emploie aussi. C'est important du point de vue des demandeurs d'asile, mais aussi en termes de charges publiques, puisque les demandeurs d'asile bénéficient d'une aide au logement : voilà 450 millions d'euros qui seraient mieux employés à une augmentation des effectifs.

J'étais partisan d'imposer un délai pour déposer la demande d'asile, mais l'expérience britannique m'a fait changer d'avis : seulement 10% des demandeurs d'asile y déposent leur demande dans les 72 heures, 50% le font auprès de l'UKBA tout au long de leur installation, et 40% au moment où ils font l'objet d'une procédure d'éloignement. La plupart des demandeurs d'asile entrent légalement sur le territoire britannique. Une personne peut entrer sur le territoire à un moment où sa vie n'est pas en danger, et souhaiter l'asile ultérieurement, en raison de changements intervenus dans son pays.

M. Jean-Yves Leconte , co-rapporteur . - J'ai évolué de la même manière. La loi votée la semaine dernière maintient le délit d'entrée irrégulière sur le territoire, il ne faudrait pas se mettre en incohérence avec elle. Il est exact que les conditions de vie d'un demandeur sont déterminantes pour la qualité de sa demande d'asile. La procédure prioritaire produit une ségrégation : la sélection initiale est-elle bonne ?

Un délai court est important pour l'intégration des demandeurs d'asile. La proposition n° 12 ne crée pas une obligation légale, elle suggère d'imiter pour les demandes d'asile ce qui se fait déjà de manière informelle dans les commissariats lors des dépôts de plainte pour viol, et qui n'est pas absurde.

Les propositions que vous qualifiez de luxe doivent être mises en regard des pratiques de nos partenaires européens. Il y a plus d'officiers de protection en Grande Bretagne qu'en France pour deux fois et demie moins de demandes d'asile. C'est pourquoi nous soulignons leur charge de travail. Nous avons acquis la conviction que la tutelle par le ministère de l'Intérieur ne se traduit par aucune forme de pression sur ces agents. En revanche, la précarité de leurs conditions de travail, notamment pour les contractuels, peut nuire à leur capacité à se concentrer sur la problématique, parfois très grave, de ceux qu'ils reçoivent.

L'idée d'une grande agence de l'asile est moins une proposition qu'une piste de réflexion. Souhaitons-nous que l'OFPRA se concentre sur la qualité de sa procédure, ou faut-il que l'agence de l'asile soit coresponsable de l'ensemble des demandeurs d'asile, avec un budget beaucoup plus important et la capacité à faire des arbitrages pour traiter les dossiers au mieux ?

Nous avons observé les conditions de travail devant la CNDA : les formations de jugement traitent treize ou quatorze affaires par jour, quand les juges britanniques consacrent une demi-journée à chaque affaire. Les agents qui participent en France à ce type de décision sont surchargés par rapport à ceux d'autres pays. Ce qui peut sembler un luxe par rapport à ce qui existe chez nous ne l'est pas par rapport à d'autres pays d'Europe. Nous accordons à peu près le même nombre de protections que l'Angleterre, qui reçoit 2,5 fois moins de demandes mais a un taux d'acceptation bien plus important que nous. Si l'on rapporte le nombre de protections à la population nous ne sommes pas en haut du classement : notre procédure est lourde, et environ 9% des demandes nous viennent d'outre-mer, ce qui réclame, pour un traitement centralisé, l'organisation de visioconférences, d'audiences foraines de la CNDA...

M. Christophe-André Frassa , co-rapporteur . - Pour l'harmonisation de la jurisprudence, la présence effective d'un représentant de l'OFPRA lors des audiences de la CNDA est nécessaire, sinon le rapporteur doit à la fois rapporter l'affaire et donner la position de l'OFPRA. La CNDA a beaucoup fait pour diffuser sa jurisprudence, mais son indépendance est encore récente : son autorité et celle de sa jurisprudence devraient s'accroître dans les années à venir.

Le droit au travail est accordé après un an sous certaines conditions. La proposition de refonte de la directive réduirait ce délai à neuf mois, mais c'est un point de désaccord entre le Parlement européen et les États membres.

Nous proposons la revalorisation de l'aide juridictionnelle. Nous avions prévu de doubler les quelque 180 euros qui correspondent à 8 UV. Le projet de loi de finances reprend cette suggestion dans les crédits de la justice en doublant ce montant. C'est une mesure très importante.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

ANNEXE 1 : ÉTUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE N° 227 - JUILLET 2012 - LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCEDU DROIT D'ASILE

Mars 2012

NOTE

sur

La procédure de reconnaissance du droit d'asile

_____

Allemagne - États-Unis - Italie - Pays-Bas - Royaume-Uni - Suède

_____

Cette note a été réalisée à la demande de
M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, président de la commission des Lois,
dans le cadre des travaux confiés à
MM. Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte, sénateurs,
co-rapporteurs de la mission d'information
sur les conditions d'exercice du recours en matière de droit d'asile

LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DU DROIT D'ASILE

NOTE DE SYNTHÈSE

Cette note relative à la procédure de droit commun pour la reconnaissance de l'asile dans cinq États de l'Union européenne (Allemagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède) et aux États-Unis présente également quelques traits des procédures d'autorisation d'entrée sur le territoire en vue de demander l'asile.

Ces six États figurent parmi ceux qui, dans le monde, ont enregistré au cours de la période 2006-2010, le plus de demandes d'asile selon l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, comme l'indique le tableau suivant :

ÉVOLUTION DU NOMBRE CUMULÉ DE DEMANDES D'ASILE, 2006-2010

États

Nombre
de demandes d'asile
en valeur absolue

% du
nombre total
des demandes d'asile

Rang d'après
le nombre
de demandes d'asile par 1 000 habitants dans le monde 57 ( * )

États-Unis

(1 er ) 256 710

15 %

24 ème

France

(2 è ) 185 450

11 %

15 ème

Canada

(3 è ) 144 560

8 %

11 ème

Suède

(4 è ) 141 050

8 %

3 ème

Royaume-Uni

(5 è ) 140 700

8 %

17 ème

Allemagne

(6 è ) 131 260

7 %

18 ème

Grèce

(7 è ) 83 460

5 %

8 ème

Italie

(8 è ) 80 510

5 %

21 ème

Belgique

(9 è ) 72 090

4 %

9 ème

Suisse

(10 è ) 66 630

4 %

6 ème

Autriche

(11 è ) 64 950

4 %

7 ème

Pays-Bas

(12 è ) 63 210

4 %

12 ème

Source: UNHCR, Asylum levels and trends in Industrialized Countries 2010 , p. 15

Elle examine successivement :

- la nature des entités chargées d'instruire les demandes d'asile ;

- les modalités du dépôt de la demande ;

- l'attention portée à l'information du demandeur ;

- le déroulement de l'audition de celui-ci ;

- la forme et les délais de la décision de l'administration ;

- et le régime des recours en première instance et en appel.

Elle évoque enfin :

- les procédures accélérées ;

- et la place reconnue aux organisations de défense des demandeurs d'asile.

1. La nature des entités chargées d'instruire les demandes d'asile

Les entités chargées d'instruire les demandes d'asile sont, hormis dans le cas de l'Italie, des administrations fédérales ou nationales.

L'examen des dossiers est effectué par un office fédéral en Allemagne et aux États-Unis, une administration nationale aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suède, et enfin des commissions territoriales composées d'un membre du corps préfectoral, de diplomates et d'élus locaux en Italie.

Le dispositif américain est cependant spécifique car si l'administration y examine tous les dossiers, accorde l'asile et délivre elle-même les autorisations de séjour, elle renvoie dans la majeure partie des cas les personnes qui se trouvent en situation irrégulière, dont elle estime que la demande n'est pas fondée, devant un juge spécialisé qui instruit une procédure d'éloignement à leur encontre.

2. Les modalités du dépôt de la demande

La demande peut être présentée soit à la frontière soit, une fois le demandeur entré sur le territoire, dans un centre spécialisé situé à l'intérieur du pays. En Allemagne, les demandeurs qui ne disposent pas d'un titre de séjour sont systématiquement orientés vers un centre qui les met en relation avec l'Office fédéral chargé de l'instruction des dossiers d'asile.

Le dépôt de la demande nécessite la présence physique de l'étranger dans les cinq États européens. C'est l'occasion d'effectuer des mesures d'identification de la personne (photos, empreintes digitales 58 ( * ) ), voire d'opérer un « filtrage » des demandes manifestement irrecevables au Royaume-Uni.

La procédure de dépôt se limite, en revanche, à l'envoi d'un formulaire accompagné de justificatifs et de photos aux États-Unis où les opérations d'identification de la personne ont lieu dans un service spécialisé de l'administration dans les 21 jours suivant la réception de ce document par celle-ci.

Cette toute première phase de la procédure est expressément limitée à 2 jours aux Pays-Bas, délai qui constitue un objectif au Royaume-Uni où l'on communique de surcroît au demandeur le nom de la personne chargée du suivi de son dossier.

3. L'information du demandeur, une préoccupation variable

Bien qu'elle survienne à des stades divers de la procédure, l'information du demandeur sur les droits qui lui sont ouverts, les obligations auxquelles il est soumis et le déroulement de la procédure est une préoccupation clairement partagée par les législations d'Italie, de Suède, des Pays-Bas et du Royaume-Uni. Dans ces deux derniers États, le responsable du dossier convoque le demandeur une première fois pour lui expliquer la procédure, lui préciser ses obligations, l'informer des conséquences de son manque de coopération, voire l'aider à trouver un avocat.

Les législations allemandes et américaines ne contiennent en revanche pas de dispositions spécifiques à cette matière.

4. L'audition du demandeur, un point de passage obligé

Les six procédures prévoient une audition du demandeur spécifiquement consacrée au fond de la requête et aux motivations de celle-ci.

L'audition a lieu le plus tôt possible en Allemagne, au bout de 9 jours aux Pays-Bas (délai de 6 jours après l'inscription + 3 jours), une semaine après la première rencontre au Royaume-Uni, dans les 30 jours de la demande en Italie et au plus tard 45 jours après celle-ci aux États-Unis.

Le demandeur est explicitement soumis à une obligation de loyauté dans ses réponses par la loi britannique. En vertu des lois allemandes et italiennes, il a le devoir de coopérer à l'établissement des faits le concernant et des raisons qui motivent sa demande.

Il peut être accompagné d'un avocat ou d'un conseil en Allemagne, en Italie, au Royaume Uni, aux États-Unis et en Suède.

S'il ne parle pas la langue du pays d'accueil, un interprète est fourni :

- par l'administration en Italie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Suède ainsi qu'en Allemagne où le demandeur peut recourir à un autre traducteur à ses frais ;

- et par le demandeur lui-même aux États-Unis où l'administration a la faculté de solliciter un autre interprète pour contrôler le travail du premier.

Le demandeur :

- a droit à une aide juridique publique dès cette phase de la procédure en Allemagne, aux Pays-Bas et en Suède ;

- prête serment tout comme les personnes qui l'accompagnent aux États-Unis.

L'administration n'est pas tenue d'organiser l'audition en cas de décision positive, ou encore lorsque l'étranger n'a, sans motif valable, pas répondu à la convocation à une audition en Allemagne et en Italie, ou bien lorsque sa demande est manifestement infondée ou qu'il accomplit des manoeuvre dilatoires au Royaume-Uni.

5. Les formes et délais de la décision

La décision, motivée, est rendue le quatorzième jour suivant le dépôt de la demande aux Pays-Bas et au plus tard :

- dans les 3 jours ouvrables suivant l'audition du demandeur en Italie ;

- dans les 30 jours à compter de l'enregistrement de la demande au Royaume-Uni ;

- dans les 3 mois suivant la demande en Suède ;

- dans les 180 jours à compter du dépôt de la demande aux États-Unis (le délai est de 2 semaines après l'audition dans les cas les plus simples) ;

- et sans qu'un délai ne soit précisé par la loi en Allemagne où environ 45 % des demandes sont traitées en moins de 6 mois.

L'administration peut faire part de son intention d'opposer un refus à la demande pour permettre au demandeur de fournir d'autres informations aux États-Unis et aux Pays-Bas. Ce dernier pays a recours à un dispositif de droit commun très « minuté » dont l'organisation est contraignante et rapide puisqu'elle est mise en oeuvre, une fois passés les deux jours du dépôt de la demande et les six jours qui suivent celui-ci, dans un délai total de huit jours au terme duquel est rendue la décision.

6. Le régime des recours

On distinguera :

- les décisions insusceptibles de recours ;

- les décisions susceptibles d'un recours contentieux en première instance ;

- et l'appel de la décision contentieuse de première instance.

• Les décisions insusceptibles de recours

Sont insusceptibles de tout recours les décisions de refus d'accorder l'asile rendues par l'administration américaine à l'encontre d'une personne en situation régulière (dans la mesure où elle peut séjourner sur le territoire américain à un autre titre).

• Les décisions susceptibles d'un recours contentieux en première instance

Les décisions sont susceptibles d'un recours suspensif en première instance :

- devant le tribunal administratif, dans le délai de 1 ou 2 semaines à compter de la notification à l'intéressé en Allemagne ;

- dans les 30 jours de la date de la décision du juge américain saisi d'une procédure d'éloignement par l'administration fédérale, devant une instance juridictionnelle spécialisée ;

- dans un délai compris entre 5 et 28 jours à compter de la notification au Royaume-Uni, devant une instance juridictionnelle spécialisée ;

- dans les 30 jours de la notification de la décision devant le tribunal civil du chef-lieu du ressort de la cour d'appel en Italie, délai ramené à 15 jours si le demandeur est hébergé dans un centre d'accueil ou de rétention ;

- dans les 21 jours de la notification de la décision auprès de l'administration suédoise qui, après avoir examiné ce recours gracieux, transmet automatiquement à un juge spécialisé de première instance la demande d'appel si elle maintient sa décision de refus.

Sont susceptibles d'un recours non suspensif en première instance les décisions :

- de l'administration néerlandaise, dans les 4 semaines suivant leur notification ;

- des commissions italiennes qui rejettent comme irrecevable une demande manifestement infondée ayant pour seul objet d'éviter une mesure d'éloignement, ainsi que celle formulée alors que le demandeur a été placé dans un « centre d'accueil » (centro di accoglienza) où il doit loger la nuit après avoir tenté d'échapper aux contrôles, été arrêté en situation irrégulière ou s'être éloigné sans motif d'un tel centre d'accueil ;

- rendues au Royaume-Uni à l'encontre des demandes manifestement infondées assorties d'une mesure de détention (procédure dite d'appel non suspensif avec détention).

Le demandeur peut bénéficier de l'aide juridictionnelle en Allemagne dans les mêmes conditions que les nationaux ainsi qu'en Italie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suède (sauf si sa demande est infondée ou doit être formulée devant un autre État pour ce dernier pays).

• Appel de la décision de première instance

La décision du juge de première instance peut être contestée par voie d'appel à caractère suspensif :

- en Suède après autorisation de la cour de l'immigration de Stockholm laquelle n'accepte d'examiner que les questions importantes qui ont une portée de principe (à l'exclusion des décisions des tribunaux concernant le refus d'entrée sur le territoire imposé à un étranger par la police).

- après autorisation de la juridiction spécialisée de premier niveau, exclusivement sur le fondement de l'erreur de droit devant l'instance supérieure spécialisée au Royaume-Uni ;

- et lorsque la demande n'est pas irrecevable ou manifestement infondée, dans le délai de 1 mois en Allemagne, et sous réserve de l'autorisation de la requête par l'équivalent de la cour administrative d'appel qui la délivre si une question significative de droit est en jeu, cette décision pouvant faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

La décision du juge de première instance peut faire l'objet d'un appel non suspensif :

- dans la semaine suivant la décision du juge administratif devant le Conseil d'État aux Pays-Bas ;

- dans les 10 jours de sa notification devant la cour d'appel laquelle peut faire l'objet d'un recours en cassation dans les 30 jours de sa notification en Italie (où la cour peut cependant ordonner le sursis à exécution) ;

- et dans les 30 jours devant la juridiction spécialisée d'appel, le Board of Immigration Appeals (BIA) aux États-Unis.

7. La procédure accélérée

Parmi les États qui mettent en oeuvre une procédure d'autorisation d'entrée sur le territoire en vue de déposer une demande d'asile figurent le Royaume-Uni, où elle ne dépasse pas 14 jours, et les États-Unis. Dans ce dernier pays, le service chargé des douanes et de la protection des frontières, et non les services de l'immigration, notifie aux personnes qui tentent d'entrer illégalement sur le sol américain un avis de renvoi accéléré motivé, assorti d'une interdiction d'entrée sur le territoire. Les intéressés ne peuvent bénéficier de l'assistance d'un avocat et sont renvoyés immédiatement sans pouvoir exercer de recours devant un juge.

En Allemagne, une procédure particulière (dite « de l'aéroport ») permet d'examiner dans la zone de transit d'un aéroport la demande d'asile des personnes dépourvues de document d'identité en règle et de leur refuser éventuellement l'entrée sur le territoire. Un avocat assiste le demandeur qui peut intenter un recours juridictionnel contre une décision de refus d'entrée sur le territoire.

8. L'intervention des organisations de défense des demandeurs d'asile

Selon les différentes législations examinées, la défense des droits des demandeurs d'asile revêt des formes diverses qui passent parfois par le recours à des associations spécialisées.

En Allemagne, la loi n'accorde pas de place spécifique à ces associations dans la procédure.

Aux États-Unis, en revanche, elle précise que lors de l'audition le demandeur peut se faire accompagner du représentant d'une organisation à but non lucratif accréditée par la juridiction qui statue en appel dans le contentieux de l'asile.

En Italie, l'étranger reçoit, lors du dépôt de sa demande, une brochure où figurent les coordonnées des principales associations de protection des demandeurs d'asile.

Enfin au Royaume-Uni, les autorités tiennent à jour une liste des consultants qui satisfont aux exigences d'une bonne pratique en matière d'aide aux demandeurs d'asile.

La procédure de reconnaissance du droit d'asile

TABLEAU COMPARATIF

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES de la PROCÉDURE d'EXAMEN des DEMANDES d'ASILE

PAYS

Dénomination
de l'organisme
qui traite
les dossiers
de demande d'asile

Présence possible d'un avocat
à la 1 ère audition

Recours
en première instance
et
recours en appel

Caractère suspensif
des recours

Allemagne

Office fédéral
de l'immigration
et des étrangers

oui

- tribunal administratif

- cour administrative d'appel

- première instance : oui

- appel : oui

États-Unis

Division « Asile »
du Service
de l'Immigration
et de la Citoyenneté

oui

- juridiction spécifique

- juridiction spécifique d'appel

- première instance : oui

- appel : oui

Italie

Commission territoriale pour la reconnaissance
de la protection internationale

oui

- tribunal civil de droit commun

- cour d'appel

- Cour de cassation

- première instance : parfois

- appel : non

Pays-Bas

Service
de l'Immigration
et de la naturalisation

oui

- tribunal administratif

- Conseil d'État

- première instance : non

- appel : non

Royaume-Uni

Agence frontalière britannique

oui

- juridiction spécifique
en première instance

- juridiction spécifique d'appel

- première instance : oui

- appel : oui

Suède

Office national suédois

des migrations

oui

- juridiction spécifique saisie après un recours gracieux obligatoire

- cour administrative d'appel de l'immigration

- première instance : oui

- appel : oui

LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DU DROIT D'ASILE

MONOGRAPHIES PAR PAYS

_____

LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DU DROIT D'ASILE

ALLEMAGNE

La loi sur la procédure d'asile du 26 juin 1992 modifiée (Asylverfahrensgesetz) prévoit que l'Office fédéral de l'Immigration et des Étrangers (Bundesamt für Migration und Flüchtlinge) dont le directeur est nommé par le ministère fédéral de l'Intérieur statue sur les demandes d'asile. Ses services extérieurs, au nombre de vingt-deux, sont répartis sur l'ensemble du territoire 59 ( * ) .

Selon les données de l'Office fédéral pour 2010, les procédures d'asile devant les autorités administratives et les juridictions ont duré en moyenne 12,9 mois. 45,2 % d'entre elles se sont achevées dans un délai de six mois tandis que 2 % ont pris plus de cinq ans.

1. Dépôt de la demande

La demande d'asile doit être déposée aussitôt que possible après l'entrée sur le territoire auprès du service extérieur de l'Office fédéral de l'Immigration et des Réfugiés dont dépend la structure d'accueil compétente pour héberger l'étranger. Les Länder ont l'obligation de créer des centres d'accueil dont le nombre de places est fixé par une clé de répartition dont ils sont convenus.

Demande reçue par les services extérieurs de l'Office fédéral de l'immigration par l'entremise du centre d'accueil

L'étranger a l'obligation de se présenter personnellement dans un « centre d'accueil » (Aufnahmeeinrichtung) et de se faire enregistrer. Le dépôt de la demande dans le service extérieur de l'Office fédéral a lieu soit immédiatement après, soit à la date fixée par le centre d'accueil. Les services extérieurs sont situés à proximité immédiate des centres d'accueil.

Le demandeur d'asile doit résider dans un centre d'accueil pendant une durée maximale de trois mois. A l'issue de celle-ci, les demandeurs d'asile faisant l'objet d'une procédure toujours pendante sont tenus de vivre dans des logements collectifs (Gemeinschaftunterkünften) financés par les Länder .

Les étrangers qui ont manifesté la volonté de demander l'asile auprès de la police des frontières, de la police ou des services chargés des étrangers des Länder sont adressés immédiatement à un centre d'accueil dans lequel ils doivent se rendre sur le champ ou dans un délai imparti afin d'y être enregistrés. Le centre d'accueil envoie au service extérieur compétent la demande d'asile et les informations transmises par les autorités qui lui ont adressé l'étranger.

Demande remise directement par l'étranger à l'Office fédéral

L'Office fédéral est saisi directement par l'étranger si celui-ci :

- dispose d'un titre de séjour dont la durée totale de validité est supérieure à six mois ;

- est en détention, fait l'objet d'une autre mesure de sûreté, se trouve dans un hôpital, une maison de santé, un asile d'aliénés ou une institution d'aide à l'enfance ;

- ou n'a pas encore 16 ans révolus, si son représentant légal n'a pas l'obligation de résider dans une structure d'accueil.

L'étranger reçoit une autorisation provisoire de séjour limitée à la durée de la procédure et restreinte dans l'espace, dans un premier temps à l'enceinte de la structure d'accueil puis à la circonscription du service des étrangers du Land dont il relève. Il n'a pas le droit de sortir de l'espace assigné sans autorisation sous peine de sanctions administratives puis pénales en cas de récidive.

Cas particulier : le refus d'entrée sur le territoire après examen accéléré de la demande d'asile

La « procédure de l'aéroport » s'applique aux demandeurs d'asile arrivés par avion dans les aéroports dotés d'une structure d'hébergement (Berlin-Schönefeld, Düsseldorf, Francfort-sur-le-Main, Hambourg et Munich), avant que la police des frontières n'autorise l'entrée sur le territoire. Elle s'applique aux étrangers dépourvus de documents d'identité ou dont les documents sont falsifiés ainsi qu'à ceux qui viennent de pays tiers sûrs. Tous ont la possibilité, à l'aéroport, de déposer leur demande d'asile auprès du service extérieur de l'Office fédéral qui procède immédiatement à leur audition. L'Office peut, dans les deux jours du dépôt de la demande, écarter celle-ci comme infondée et refuser l'admission. L'étranger a droit aux conseils gratuits d'un avocat sur les suites à donner à son dossier. Un recours peut être intenté devant le tribunal administratif dans les trois jours à compter de la notification de la décision de l'Office.

Si le tribunal ne s'est pas prononcé dans un délai de 14 jours, l'étranger est autorisé à entrer sur le territoire. Pendant les dix-neuf jours que dure cette procédure, l'étranger est retenu dans la « zone de transit » de l'aéroport.

L'étranger est également admis sur le territoire si l'Office indique d'emblée ne pouvoir traiter le dossier en peu de temps ou s'il ne s'est pas prononcé dans les deux jours du dépôt de la demande.

2. Examen de la demande

• Enquête

L'Office fédéral de l'Immigration et des Réfugiés établit les faits et rassemble les moyens de preuve disponibles. Il vérifie notamment qu'il s'agit bien d'une première demande d'asile et qu'un autre État de l'Union européenne n'est pas compétent pour la traiter en vertu du mécanisme « Dublin II ».

Le fonctionnaire en charge du dossier a notamment accès à une base de données contenant des informations sur les pays étrangers, des rapports de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés et ceux d'Amnesty International, de la littérature spécialisée, des articles de presse ainsi que de la jurisprudence.

• Audition du demandeur

L'Office doit entendre personnellement le demandeur mais peut se dispenser de cette formalité s'il compte faire droit à sa demande ou si l'étranger, d'après ses dires, vient d'un pays tiers sûr.

Un interprète ou un traducteur est fourni d'office à l'étranger qui ne maîtrise pas la langue allemande. Celui-ci peut toutefois recourir, à ses frais, à l'interprète de son choix.

La loi soumet le demandeur à une obligation de coopération. Il doit notamment fournir par écrit des informations si cela lui est demandé, remettre les papiers d'identité et autres documents officiels en sa possession, faire savoir immédiatement qu'un titre de séjour lui a été délivré, se soumettre aux mesures d'identification (photos, empreintes digitales). En outre, l'étranger doit pouvoir être joint à tout moment.

Le demandeur peut être accompagné par un mandataire ou un avocat. Il a le droit de demander au tribunal administratif l'aide juridique pour obtenir des conseils , dans les mêmes conditions que les nationaux. Il démontre à cette fin la faiblesse de ses ressources financières, ses chances de succès et l'absence d'esprit « chicanier » (nicht mutwillig) .

L'audition n'est pas publique. Seuls peuvent y participer des représentants de l'État fédéral, d'un Land , du Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés et du plénipotentiaire pour les questions des réfugiés auprès du Conseil de l'Europe (Sonderbevollmächtigen für Flüchtlingsfragen beim Europarat) . D'autres personnes peuvent être présentes avec l'autorisation du directeur de l'Office fédéral ou de son représentant.

Le demandeur doit exposer personnellement les faits et circonstances qui fondent sa crainte d'une persécution ou qui s'opposent à l'expulsion, soit de façon générale, soit dans un pays déterminé. Il est tenu de fournir des renseignements notamment sur son domicile, son voyage, ses séjours dans d'autres pays, le dépôt d'autres demandes d'asile ou du statut de réfugié.

Un procès-verbal de l'audition mentionnant les informations essentielles fournies par le demandeur est rédigé. Une copie en est remise à celui-ci ou lui est notifiée avec la décision de l'Office fédéral.

• Délai de convocation à l'audition

Si l'étranger est contraint de vivre dans un centre d'accueil, l'audition doit avoir lieu dans un délai proche de la date de dépôt de la demande d'asile. Une convocation particulière n'est pas nécessaire. Il en va de même si la date est communiquée dans un délai inférieur ou égal à une semaine à compter du dépôt de la demande.

Il n'est pas nécessaire de procéder à l'audition d'un étranger qui ne vit pas dans un centre d'accueil et qui ne s'est pas présenté, sans excuse valable, à l'audition à laquelle il était convoqué. Ce dernier doit toutefois pouvoir faire valoir ses observations par écrit dans un délai d'un mois.

Dans tous les cas où l'étranger ne répond pas aux convocations ou aux demandes de l'administration, celle-ci statue au vu du dossier, en tenant compte de son absence de collaboration.

3. Décision

La décision de l'Office fédéral, rendue par écrit, est motivée. Elle doit être immédiatement notifiée, ainsi que les voies de recours, à l'intéressé. Lorsque l'étranger n'est pas représenté dans la procédure, une traduction lui est fournie.

La loi précitée ne fixe aucun délai à l'Office fédéral pour rendre sa décision. Lorsque la demande d'asile est irrecevable et manifestement infondée, l'Office fédéral signifie à l'intéressé qu'il doit quitter le territoire dans le délai d'une semaine, lui adresse une copie de son dossier et transmet celui-ci au tribunal administratif compétent du Land .

Si l'Office fédéral estime qu'aucune décision ne peut être rendue avant l'expiration du délai de trois mois correspondant à la durée de l'obligation de résidence dans un centre d'accueil, il informe l'autorité compétente du Land qui veille à la répartition des demandeurs d'asile à l'intérieur de son territoire. Celle-ci a trois jours ouvrables pour lui indiquer en retour la circonscription du service des étrangers dans laquelle elle fixe sa résidence. Le demandeur devra résider dans un logement collectif destiné aux étrangers. L'assignation est signifiée personnellement à son destinataire. Écrite et non motivée, elle mentionne les voies de recours.

4. Voies de recours

Lorsque l'étranger a reçu un avis de quitter le territoire dans le délai d'une semaine au motif que sa demande est irrecevable et manifestement infondée, il dispose d'une semaine pour intenter un recours contre cet avis devant le tribunal administratif compétent du Land. Celui-ci rend sa décision dans le délai d'une semaine, éventuellement prolongé par période d'une semaine si des raisons importantes existent. Le jugement est insusceptible d'appel.

Lorsque la demande d'asile est rejetée par l'Office fédéral pour d'autres motifs, un recours contre la décision peut être intenté devant le tribunal administratif dans un délai de deux semaines à compter de sa notification. La constitution d'avocat n'est pas obligatoire.

L'intéressé peut faire appel de la décision du tribunal administratif 60 ( * ) en déposant une demande d'admission de l'appel devant celui-ci dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement. Le tribunal administratif supérieur du Land (Oberverwaltungsgericht) statue sur cette demande par une décision non motivée et autorise l'appel si une question de droit significative est en jeu, si le jugement rendu diffère de la jurisprudence des instances supérieures ou s'il existe un vice de procédure. En cas de rejet de celle-ci, la décision du tribunal administratif du Land acquiert l'autorité de la chose jugée. Dans le cas contraire, la procédure d'appel se poursuit, le demandeur y étant représenté par un avocat.

Un pourvoi en cassation contre la décision du tribunal administratif supérieur du Land est possible devant la Cour fédérale administrative (Bundesverwaltungsgericht) si le jugement attaqué ouvre la possibilité d'intenter un recours ou si la Cour fédérale administrative, saisie d'un recours contre le défaut d'autorisation, le permet. Le pourvoi en cassation est admis dans des conditions analogues à celles de l'appel. Dans les deux cas, le recours doit être exercé auprès du tribunal administratif supérieur du Land qui a rendu le jugement dans le délai d'un mois suivant sa notification. La constitution d'avocat est nécessaire.

Les taxes et frais de procédure ne sont pas perçus à l'occasion des litiges relatifs à la loi sur la procédure d'asile. Comme les nationaux, l'étranger a la possibilité de demander l'aide juridictionnelle au tribunal saisi à titre principal pour couvrir ses frais d'avocat.

Les recours n'ont pas d'effet suspensif sauf :

- si l'Office fédéral n'accorde pas le droit d'asile pour un motif autre qu'une demande manifestement infondée et donne un mois à l'étranger pour quitter le territoire : ce délai est prolongé et expire un mois après la clôture définitive de la procédure si l'étranger intente un recours ;

- et si l'Office fédéral rend une décision de révocation ou de retrait de la décision reconnaissant l'asile parce que les conditions ne sont plus réunies, à l'exception des cas où l'étranger représente un danger pour la sécurité du pays ou une menace pour la collectivité parce qu'il a été condamné définitivement pour un crime ou des actes graves à une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans ou parce la qualité de réfugié ne peut pas lui être reconnue à cause d'actes particulièrement graves (crimes de guerre, crimes contre l'humanité, infractions non politiques particulièrement graves en territoire étranger...) ou encore lorsque des intérêts publics sont en jeu.

Lorsque la demande d'asile est irrecevable et manifestement infondée et que l'Office fédéral a délivré un avis d'éloignement (Abschiebung) dans un délai d'une semaine, le sursis à exécution de celui-ci ne peut être ordonné que si la légalité de l'acte administratif attaqué est entachée de doutes sérieux.

5. Conséquences de la décision

L'Office fédéral informe sans délai le service des étrangers du Land compétent 61 ( * ) de sa décision sur la demande d'asile.

Si l'asile est accordé par une décision définitive, le service des étrangers du Land remet à l'intéressé un permis de séjour d'une durée de trois ans.

Le statut de réfugié peut être révoqué à tout moment si les conditions en fonction desquelles il a été prononcé ne sont plus réunies. Dans ce cas, l'Office fédéral informe l'intéressé par écrit et lui donne un délai d'un mois pour présenter ses observations.

Si la demande d'asile est rejetée comme infondée et si l'étranger n'a aucun titre de séjour valable, l'Office fédéral lui adresse un avis d'éloignement en même temps que la décision sur l'asile. L'intéressé dispose d'un mois pour quitter le territoire. S'il intente un recours, le délai pour quitter le pays expire un mois après la date à laquelle la procédure d'asile ne peut plus faire l'objet d'un recours contentieux.

Le service des étrangers compétent du Land est chargé de veiller, le moment venu, à l'exécution de la mesure d'éloignement et y procède, le cas échéant, par la force.

LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DU DROIT D'ASILE

ÉTATS-UNIS

Le demandeur d'asile présent sur le territoire américain qui ne tombe pas sous le coup d'une mesure d'éloignement est soumis à la « procédure d'asile affirmative » (affirmative asylum procedure) mise en oeuvre par la division Asile des Services de l'Immigration et de la Citoyenneté (US Citizenship and Immigration Services, USCIS, Asylum Division) du ministère de la Sécurité nationale (Department of Homeland Security, DHS) .

L'étranger qui sollicite l'asile comme moyen de défense dans une procédure d'éloignement dont est saisi un juge de l'immigration est soumis à la « procédure d'asile défensive » (defensive asylum procedure) qu'instruit l' Executive Office for Immigration Review (EOIR) du ministère de la Justice.

Un étranger comparaît dans le cadre d'une procédure défensive si :

- après avoir rejeté la demande d'asile à l'issue de la procédure d'asile affirmative ( voir infra) , il a été renvoyé par l' USCIS devant le juge de l'immigration saisi d'une procédure d'éloignement ;

- arrêté, il a demandé l'asile au cours de la procédure d'éloignement accélérée mise en oeuvre par le Service américain des douanes et de la protection de la frontière (US customs and Border Protection, CBP) après avoir tenté d'entrer aux États-Unis sans les documents requis ou avec des documents frauduleux et si l' USCIS a reconnu qu'il était menacé de façon crédible de persécution ou de torture (credible fear of persecution and torture) ;

- il fait l'objet d'une procédure d'éloignement pour violation de la réglementation en matière d'immigration sans être soumis à la procédure accélérée ( voir supra) .

Le CBP est seul compétent pour appliquer la procédure d'éloignement accélérée (expedited removal process) qui se déroule au point d'entrée sur le territoire (port, aéroport) et pour renvoyer directement certaines catégories d'étrangers qui franchissent ou essayent de franchir la frontière de manière irrégulière. Après un interrogatoire, il leur notifie un avis de renvoi accéléré motivé, assorti d'une interdiction d'entrée sur le territoire américain de cinq ans, voire d'une durée illimitée dans les cas les plus graves. Les intéressés n'ont pas le droit de recevoir de conseils, ni celui d'être entendus par le juge de l'immigration. Dans le cas général, le seul recours possible est un recours gracieux devant le CBP .

1. Dépôt de la demande

Sauf circonstances exceptionnelles, la demande doit être déposée au plus tard dans l'année qui suit l'entrée légale ou illégale sur le territoire américain. En pratique, l'intéressé doit remplir le formulaire I-589 « demande d'asile et de suspension d'éloignement » et l'adresser en plusieurs exemplaires accompagné d'une photo d'identité et de trois exemplaires des documents d'identité et de voyage à l'un des quatre centres de services 62 ( * ) de l' USCIS (Centres de Services du Texas, de la Californie, du Nebraska et du Vermont). On y vérifie que le dossier relève de l' USCIS et on le transmet à l'un des huit bureaux des demandes d'asile de l' USCIS (Arlington, Chicago, Houston, Los Angeles [Anaheim, Californie], Miami, Newark [Lyndhurst, New Jersey], New York [Rosedale, New York] et San Francisco) en fonction du lieu de résidence de l'intéressé.

Aucune demande n'est recevable :

- si elle est déposée un an ou plus après l'entrée sur le territoire ;

- si une demande antérieure fondée sur les mêmes motifs a déjà été rejetée ;

- ou si l'étranger peut être renvoyé dans un pays tiers sûr en vertu d'un accord bilatéral ou multilatéral 63 ( * ) .

Une liste des personnes susceptibles de représenter les demandeurs d'asile gratuitement ou à peu de frais est mise à leur disposition.

2. Examen de la demande

• Enquête

Le personnel de l' USCIS utilise une base de données en ligne comprenant notamment des informations sur les pays, de la jurisprudence, des manuels, des procédures, des formulaires et des statistiques.

Les agents des bureaux des demandes d'asile peuvent, avec l'accord de leur supérieur, adresser une requête en vue d'obtenir des informations sur les droits de l'homme et les conditions de vie dans le pays d'origine à la Section de recherches des informations sur le pays d'origine, (USCIS Country of Origin Information Research Section). Les réponses sont publiées dans la documentation consultable en ligne.

Le code de la réglementation fédérale, titre 8, partie 208 - procédures d'asile et de suspension de renvoi - prévoit que l' USCIS peut solliciter un commentaire du ministère de la Sécurité nationale sur des cas individuels ou des catégories de demandes ainsi que des informations et que celui-ci peut procurer à l' USCIS des informations détaillées sur le pays d'origine, sur les persécutions et les tortures subies par des personnes dans une situation analogue ainsi qu'une évaluation de l'exactitude des assertions de l'étranger.

Le demandeur a accès à son dossier et peut répondre aux commentaires du ministère qui y figurent.

• Délai de convocation à l'audition

Dans un délai de vingt et un jours à compter du dépôt de la demande, l'intéressé reçoit un avis de réception du dossier par l' USCIS , un rendez-vous dans un service spécialisé pour la prise d'empreintes et la vérification de d'identité et des antécédents, ainsi qu'une convocation à un entretien dans un des bureaux des demandes d'asile.

• Audition du demandeur

L'audition du demandeur par un agent du bureau des demandes d'asile a lieu au plus tard dans les quarante-cinq jours suivant le dépôt de la demande, sauf circonstances exceptionnelles. Elle se déroule en général dans les quarante-trois jours, sauf si l'étranger réside loin des huit bureaux principaux et qu'une personne de l' USCIS doit se déplacer pour l'auditionner dans un bureau mis à disposition.

L'audition n'est pas publique, sauf si l'étranger le demande.

S'il le souhaite, l'intéressé peut se faire accompagner d'un avocat, d'un étudiant en droit, d'une personne de « bonne moralité » non rémunérée ou d'un membre d'une organisation à but non lucratif accréditée par le Board of Immigration Appeals (BIA) 64 ( * ) ainsi que d'un interprète, le tout à ses frais. Il peut convier des témoins. Le bureau des demandes d'asile a la faculté de faire appel à un interprète chargé de contrôler le travail de celui du demandeur.

L'étranger et les personnes venues avec lui prêtent serment.

A la fin de l'audition qui n'est pas contradictoire, l'agent du bureau des demandes d'asile et l'étranger signent le formulaire I-589 mis à jour avec les notes prises pendant l'entretien. Le demandeur est averti du lieu et de la date auxquels il doit venir en personne recevoir la décision le concernant.

A défaut d'autorisation préalable ou de circonstances exceptionnelles, l'étranger qui ne se présente pas à l'audition peut voir sa demande rejetée.

3. Décision

Sauf circonstances exceptionnelles, la décision finale sur la demande d'asile 65 ( * ) doit être rendue dans les cent quatre-vingts jours à compter du dépôt de la demande complète.

Le projet de décision préparé par l'agent du bureau des demandes d'asile est revu par son supérieur direct qui peut éventuellement en référer à la division Asile de l' USCIS .

Cette décision est écrite. Négative, elle est motivée et contient une évaluation de la crédibilité du demandeur. Dans la plupart des cas, deux semaines après l'audition, le demandeur vient la chercher en personne au bureau des demandes d'asile et en accuse réception. L'administration a cependant toute discrétion pour choisir l'envoi postal, notamment lorsque le demandeur réside loin d'un bureau de demandes d'asile.

La « procédure d'asile affirmative » est différente selon que l'étranger séjourne légalement ou sans titre aux États-Unis.

Demande d'une personne disposant d'un titre de séjour en cours de validité

Si l'étranger séjourne de façon légale l' USCIS peut :

- recommander l'approbation lorsque les vérifications de sécurité ne sont pas terminées ;

- octroyer l'asile ;

- émettre un avis d'intention de refus lorsque l'intéressé séjourne légalement sur le territoire américain mais ne remplit pas les critères requis pour l'obtention de l'asile : l'étranger dispose de seize jours pour fournir des arguments ou de nouvelles preuves réfutant les motifs invoqués dans l'avis ;

- ou refuser (après avoir émis un avis d'intention de refus).

Demande d'une personne dépourvue de titre de séjour en cours de validité

Si l'étranger séjourne illégalement aux États-Unis, l' USCIS peut :

- recommander l'approbation lorsque les vérifications de sécurité ne sont pas terminées ;

- octroyer l'asile ;

- renvoyer le demandeur devant un juge de l'immigration car elle ne dispose pas d'éléments suffisants pour accorder l'asile. L' USCIS transmet alors le dossier au juge de l'immigration qui procède à son réexamen dans le cadre de la procédure d'éloignement (on passe alors à la « procédure d'asile défensive »). Il n'est pas lié par les conclusions précédentes. Ce magistrat est un juge administratif spécialisé. Les juridictions compétentes en matière d'immigration sont les 59 tribunaux d'immigration en première instance et le Board of Immigration Appeals (BIA) en appel. Elles sont gérées par l' Executive Office for Immigration Review (EOIR) du ministère de la Justice.

Le juge est tenu de rendre sa décision dans les cent quatre-vingts jours mentionnés supra sauf retards causés par l'étranger si le dossier lui a été transmis dans un délai inférieur à soixante-quinze jours à compter du dépôt de la demande complète. Dans la procédure exclusivement défensive (sans passage préalable devant l' USCIS ), ce délai de cent quatre-vingts jours s'applique également et court à partir du jour du dépôt de la demande d'asile (formulaire I-589) auprès du juge de l'immigration.

Devant le juge, la procédure est contradictoire. L'étranger peut assurer sa propre défense ou se faire représenter par un avocat, un étudiant en droit, une personne accréditée par le BIA ou une personne de bonne moralité non rémunérée. Cette représentation ne doit rien coûter à l'État, à l'exception des frais d'interprétariat qui sont payés sur le budget fédéral.

4. Voies de recours

La décision susceptible d'être contestée indique les voies de recours.

La décision finale de refus de l' USCIS après un avis d'intention de refus (elle concerne le cas où l'étranger se trouve légalement sur le territoire) est insusceptible de recours.

La décision du juge de l'immigration rendue dans la procédure d'éloignement (lorsque l' USCIS lui a transmis le dossier ou dans la procédure « défensive », voir supra ) après un examen de novo du dossier est susceptible d'appel devant le BIA qui statue à l'issue d'une procédure écrite. Le recours est intenté dans les trente jours à compter de la date de la décision contestée. Il mentionne les motifs qui le fondent (l'appel peut être déclaré irrecevable s'il est insuffisamment motivé).

Le recours devant le juge de l'immigration puis celui devant le BIA sont suspensifs.

Dans des cas particuliers, les décisions de l' USCIS et celles du juge de l'immigration ou du BIA peuvent faire l'objet d'une demande de révision fondée sur de nouveaux éléments de fait ou de droit, adressée à l'auteur de la décision.

Si le BIA rejette le recours ou la demande de révision, le défendeur peut, dans certains cas, demander la révision de la décision d'éloignement du BIA devant une Cour d'appel fédérale dans les trente jours à compter de la date de celle-ci. La recevabilité et le caractère suspensif du recours sont difficilement appréciables a priori en termes généraux car ils dépendent de la jurisprudence et de l'interprétation des textes applicables à l'espèce.

5. Conséquences de la décision

Une décision favorable de l' USCIS ou de l'un des organes relevant de l' EOIR (juge de l'immigration ou BIA ) accorde le droit d'asile pour une durée indéterminée sous réserve que les circonstances ne changent pas (fin de la crainte de persécution dans l'État d'origine, protection d'un autre pays, fait de commettre certaines infractions très graves).

Lorsque l'intéressé est physiquement présent sur le territoire pendant l'année qui suit l'obtention de l'asile, il peut à l'expiration de celle-ci demander le statut de résident permanent (carte verte).

La décision d'éloignement prononcée par l' EOIR (juge de l'immigration ou BIA ) est transmise à l' USCIS qui procède à son exécution.

LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DU DROIT D'ASILE

ITALIE

Les commissions territoriales pour la reconnaissance de la protection internationale examinent les demandes d'asile sous le contrôle des tribunaux de l'ordre judiciaire.

Ces commissions se composent, dans le respect de la parité hommes/femmes, d'un membre du corps préfectoral, président, d'un fonctionnaire de la police d'État, d'un représentant d'une collectivité locale désigné par la conférence État - villes et collectivités locales, et par un représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, tous nommés par décret du président du Conseil des ministres, sur proposition du ministre de l'Intérieur. Peut s'y joindre, à la demande du ministre des Affaires étrangères, un fonctionnaire de ce ministère. Les commissions délibèrent valablement lorsqu'est réunie la majorité des membres qui les composent. Elles bénéficient du soutien logistique de fonctionnaires du ministère de l'Intérieur.

1. Dépôt de la demande

Toute personne qui souhaite obtenir l'asile doit en faire la demande :

- à la police des frontières lors de son arrivée en Italie ;

- ou au commissariat de police (bureau de l'immigration) de son lieu de résidence.

Le demandeur, dont on prend la photographie et les empreintes digitales, est à cette occasion informé de la nature de la procédure qui va suivre, de ses droits et devoirs et reçoit une brochure rédigée par la Commission nationale pour le droit d'asile où figurent les coordonnées téléphoniques des principales organisations de protection des demandeurs d'asile. Les femmes sont reçues par un fonctionnaire de sexe féminin.

Un procès-verbal, soumis à la signature du demandeur est dressé d'après ses déclarations. Copie lui en est remise.

Le demandeur a le droit de rester sur le territoire pendant toute la procédure. Il peut, à tout moment, prendre contact avec une organisation de son choix.

Le commissaire de police peut :

- l'envoyer dans un « centre d'accueil » 66 ( * ) (centro di accoglienza) pour demandeurs d'asile et lui délivrer une attestation nominative qui certifie qu'il a demandé la protection internationale s'il a présenté sa demande après avoir été arrêté en tentant d'éviter des contrôles à la frontière ou en situation de séjour irrégulier (il ne peut y rester plus de 35 jours à compter du dépôt de sa demande, à l'issue de ce délai on lui remet un permis de séjour de trois mois renouvelable jusqu'à la décision) ;

- ou lui délivrer un permis de séjour de trois mois renouvelable jusqu'au terme de la procédure.

Durant la procédure, les communications avec le demandeur sont rédigées dans la première langue qu'il a indiquée ou à défaut en anglais, français, espagnol ou arabe, en fonction du choix de l'intéressé. La présence d'un interprète est garantie pendant toutes les phases de la procédure.

2. Examen de la demande

Le dossier est examiné d'une façon individuelle, objective et impartiale par l'une des dix commissions territoriales pour la reconnaissance de la protection internationale.

Le requérant a l'obligation de coopérer avec les autorités et de leur communiquer ses changements de résidence.

La commission convoque, par l'intermédiaire du commissariat, le requérant à une audition dans les trente jours suivant le dépôt de la demande. Elle peut renoncer à cette audition si elle dispose d'éléments suffisants pour faire droit à la demande ou, si le demandeur prouve par un certificat médical l'impossibilité de s'y rendre, différer cette audition.

Si le demandeur ne se présente pas à l'audition, la commission statue sur la base des éléments dont elle dispose.

A l'audition, qui n'est pas publique et à laquelle ne participent pas les autres membres de la famille du demandeur, ne peuvent prendre part, si cela est nécessaire, que les membres du même sexe que celui du demandeur. La commission questionne l'intéressé sur les éléments personnels et familiaux le concernant, sur son voyage, sur les motifs qui l'ont amené à quitter son pays et ceux qui le conduisent à ne pas souhaiter y retourner.

L'étranger peut :

- s'exprimer dans sa propre langue ;

- être assisté d'un avocat qu'il rétribue ;

- voire être accompagné d'une personne dont l'aide est rendue nécessaire par son état s'il se trouve dans une situation de vulnérabilité (personnes âgées, femmes enceintes, personnes handicapées...).

Un procès-verbal de l'audition est soumis à l'intéressé. Il fait référence aux déclarations et à la documentation en possession du requérant relative à son âge, sa condition sociale, son identité, sa nationalité, ainsi qu'aux lieux où il a séjourné auparavant, à ses demandes d'asile précédentes, à son itinéraire de voyage, à ses papiers d'identité et de voyage et aux motifs de sa demande de protection. Le demandeur en reçoit copie, peut en obtenir la traduction et refuser de le signer. Son refus est enregistré dans le document.

L'intéressé peut être retenu dans un « centre d'accueil » (centro di accoglienza) s'il est nécessaire de vérifier sa nationalité, s'il a présenté sa demande après avoir tenté d'échapper à un contrôle à la frontière ou s'il a été arrêté en séjour irrégulier sur le territoire italien. Cette mesure ne peut avoir d'incidence sur le fond de la procédure.

La commission territoriale n'a pas le droit de prendre d'informations auprès d'autorités responsables de la persécution que subit le demandeur. Celui-ci peut lui communiquer toutes les informations qu'il juge utiles pendant la procédure.

Le dossier fait l'objet d'un examen prioritaire lorsqu'il est manifestement fondé et quand la situation du demandeur est considérée comme vulnérable.

A ce stade, la commission peut déclarer la demande irrecevable lorsqu'une précédente demande a été rejetée et que le demandeur n'invoque pas de faits nouveaux pour justifier sa seconde requête.

3. Décision

La commission se prononce dans les trois jours ouvrables suivant l'audition du demandeur. Si elle n'a pas rendu sa décision dans ce délai vu la nécessité de se procurer d'autres informations, elle en informe le demandeur.

Le fait que le demandeur a quitté sans autorisation un centro di accoglienza ne constitue pas un motif de rejet de sa demande d'asile.

La décision, immédiatement transmise au demandeur par écrit, est motivée en fait et en droit lorsqu'elle est négative. Elle indique les voies de recours.

La commission peut rejeter une demande manifestement infondée et une demande qui a pour seul objet de retarder une mesure d'éloignement. Dans ce cas un recours juridictionnel contre cette décision n'a pas pour effet de suspendre son application sauf si le juge saisi par le demandeur ordonne le sursis à exécution pour des motifs graves et fondés.

4. Voies de recours

La décision de rejet peut faire l'objet d'un premier recours dans les 30 jours suivant sa communication au demandeur d'asile, devant le tribunal du chef-lieu du ressort de la cour d'appel où siège la commission territoriale. Ce délai est de 15 jours si le demandeur est hébergé dans un « centre d'accueil » (centro di accoglienza) ou dans un centre de rétention (par exemple parce qu'il a été condamné en Italie ou qu'il a fait l'objet d'une décision d'expulsion non encore exécutée).

Le recours est suspensif lorsque le demandeur :

- se trouvait en situation régulière lors du dépôt de sa demande ;

- a été placé dans un centro di accoglienza afin de vérifier son identité ou sa nationalité.

Il est dépourvu d'effet suspensif lorsque la commission régionale :

- a déclaré la demande irrecevable ;

- a rejeté une demande manifestement infondée ;

- a octroyé au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire 67 ( * ) ;

- rend sa décision après que le demandeur s'est éloigné sans motifs d'un (centro di accoglienza) ;

- statue sur un recours présenté après que le demandeur a été placé dans un centro di accoglienza pour avoir tenté d'échapper aux contrôles ou a été arrêté en séjour irrégulier.

Seul le tribunal peut ordonner le sursis à exécution des mesures d'éloignement si le demandeur formule une requête en ce sens en se basant sur des motifs graves et fondés.

La procédure a lieu devant un juge unique qui statue en la chambre du conseil.

Dans les cinq jours du dépôt du recours, ce magistrat fixe la date de l'audience par une décision communiquée à l'intéressé, au ministère public et à la commission territoriale. Un représentant de cette commission peut y intervenir.

Le tribunal rend sa décision dans les trois mois suivant le recours. Il peut rejeter celui-ci ou reconnaître le statut de réfugié et faire droit à la demande d'asile.

La constitution d'avocat est obligatoire. Le demandeur peut bénéficier de l'aide juridictionnelle s'il répond aux critères de droit commun pour obtenir celle-ci.

La décision de première instance est susceptible d'appel interjeté par l'intéressé ou le ministère public devant la cour d'appel dans les dix jours suivant la notification ou la communication de la sentence. La constitution d'avocat est également obligatoire. Le recours n'est pas suspensif mais la cour peut décider, par une ordonnance rendue à la demande de l'intéressé, le sursis à exécution de la décision lorsqu'existent des motifs graves et fondés. La procédure devant la cour d'appel se déroule en la chambre du conseil. La cour détermine, dans les cinq jours suivant le dépôt du recours, la date de l'audience. Elle rend sa décision dans les trois mois suivant la date du dépôt du recours.

La décision de la cour d'appel peut faire l'objet d'un recours en cassation formé dans les trente jours suivant la notification de la décision. La cour de cassation se prononce elle aussi en la chambre du conseil.

5. Conséquences de la décision

L'étranger auquel est accordé le statut de réfugié peut demeurer dans le pays. Il perd ce statut par exemple s'il se prévaut de la protection du pays dont il a la citoyenneté ou s'il recouvre cette citoyenneté. Ce statut lui est retiré notamment s'il a commis certains crimes graves dont la loi fixe la liste.

Le retrait est prononcé sur la base d'un dossier élaboré par l'équivalent du commissariat de police, après audition du réfugié par la Commission nationale pour le droit d'asile, entité composée de membres nommés par décret du président du Conseil des ministres, présidée par un préfet dans sa composition mentionnée supra .

La procédure de reconnaissance du droit d'asile

PAYS-BAS

La politique de reconnaissance du droit d'asile est mise en oeuvre par le service de l'Immigration et de la naturalisation du ministère de l'Intérieur (Immigratie en Naturalisatiedienst , IND) .

A. LA PROCÉDURE DE DROIT COMMUN

1. Dépôt de la demande

• L'inscription

Toute personne qui souhaite demander l'asile doit :

- si elle se trouve sur le territoire des Pays-Bas, s'inscrire auprès du service de la police des étrangers à Ter Appel (on enregistre à cette occasion son identité, sa photo et ses empreintes digitales, on examine aussi ses bagages) ;

- si elle se trouve à l'aéroport de Schiphol, s'adresser au service de la Maréchaussée royale qui la réoriente vers le centre d'inscription de cet aéroport.

L'inscription ne dure pas plus de deux jours. Le demandeur loge dans le quartier avoisinant le centre d'accueil.

A compter de la date d'inscription s'ouvre une période minimale de six jours - week-end et jours fériés non compris - pendant laquelle le demandeur peut obtenir des informations sur la procédure de demande d'asile. Il bénéficie des conseils d'un avocat, a un entretien avec une infirmière et, en tant que de besoin, avec un médecin. Dans le centre de Schiphol, l'information sur la procédure est immédiatement délivrée au demandeur de même que les conseils d'un avocat.

Ne bénéficient pas du délai de six jours les étrangers qui constituent un danger pour l'ordre public ou la sécurité nationale, occasionnent du désordre dans un « centre d'accueil » 68 ( * ) (opvangcentrum) , ont déposé une demande d'asile antérieurement, sont en détention ou formulent leur demande dans le centre d'enregistrement de Schiphol, où se trouve le plus grand aéroport du pays. Ce centre n'est pas adapté à un séjour durable.

Le délai de six jours peut être porté à quatorze jours par décision du ministre, par exemple dans le cas où l'interprète fait défaut ou lorsque le demandeur d'asile doit passer une visite médicale à l'hôpital.

• La demande

A l'issue d'un délai minimum de six jours à compter de l'inscription, s'ouvre la procédure générale avec le dépôt de la demande dans un des quatre centres destinés à cet effet (aanmeldcentra) localisés à Ter Appel, Den Bosch, Zevenaar et Schiphol. Cette procédure qui dure en principe au plus huit jours peut être portée à quatorze jours.

2. Examen de la demande

Le premier jour, un premier entretien a lieu avec un collaborateur de l' IND . On y précise l'identité, la nationalité et le trajet du demandeur jusqu'aux Pays-Bas. Les motifs de la demande d'asile ne sont pas évoqués. Une personne assurant une aide juridique, par exemple un avocat, peut y prendre part. Le conjoint du demandeur et ses enfants âgés de plus de quinze ans participent chacun à un entretien individuel. La langue utilisée est la langue véhiculaire du pays d'origine. Un interprète indépendant de l' IND est chargé de la traduction. A l'issue de ce premier entretien, le demandeur reçoit un procès-verbal qui peut être modifié à sa demande.

Le deuxième jour, l'avocat du demandeur ou son conseiller juridique appartenant au Conseil pour l'aide juridique (Raad voor Rechtsbijstand) doit préparer celui-ci à une audition.

Le troisième jour a lieu une audition avec un employé de l' IND . Au cours de celle-ci sont évoqués les motifs de la demande en présence de l'avocat du demandeur ou de son conseil, ainsi que d'un interprète en tant que de besoin. A l'issue de cet entretien, le demandeur reçoit un second compte rendu. Il dispose d'un jour pour le lire avec son avocat et y faire des remarques.

Le quatrième jour, le demandeur peut formuler des observations sur le second compte rendu.

C'est sur la base de ce document que l' IND décide :

- de rendre, au terme du huitième jour, sa décision ;

- ou que les éléments insuffisants dont il dispose le conduisent à allonger la procédure.

La durée de la procédure peut, en effet, être portée à quatorze jours, notamment si le demandeur en fait la requête pour présenter des éléments nouveaux, ou si le ministre estime que cela est nécessaire pour s'assurer de l'identité et de la nationalité du demandeur ou encore parce qu'il a connaissance de modifications substantielles des déclarations initiales de l'étranger. Le demandeur est informé par écrit de la date à laquelle le délai est repoussé.

3. Décision

Le demandeur reçoit la décision de l'administration au plus tard le huitième jour après le premier entretien.

S'il ne répond pas aux conditions posées pour se voir reconnaître l'asile, il est destinataire dans les cinq jours suivant le début de la procédure générale d'un projet écrit et motivé de rejet de sa demande. Il peut le lire avec son avocat et formuler des observations afin de demander à l' IND de revoir sa position. L'administration décide alors de faire droit à la demande, de la rejeter ou encore de mener une enquête complémentaire préalable à une décision qui doit intervenir dans les six mois. Durant ce délai, l' IND peut organiser un nouvel entretien avec le demandeur.

4. Voies de recours

La décision de rejet d'une demande d'asile peut faire l'objet d'un recours - non suspensif - devant le juge administratif, en première instance, dans le délai de quatre semaines puis d'un recours - qui n'est pas davantage suspensif - devant le Conseil d'État, dans un délai d'une semaine.

5. Conséquences de la décision

La réponse favorable de l'administration permet tout d'abord au demandeur d'obtenir un permis de séjour à durée déterminée puis un permis de séjour permanent.

Une réponse défavorable devenue définitive après l'expiration des délais de recours entraîne, pour l'étranger, l'obligation de quitter le territoire des Pays-Bas.

B. LA PROCÉDURE « PROLONGÉE »

Lorsque l'administration ne peut rendre sa réponse dans le délai de huit jours, éventuellement porté à quatorze jours, le dossier est soumis à la procédure « prolongée » qui peut durer jusqu'à six mois susceptibles d'être portés à un an.

Dans ce cas, comme il n'y a pas eu de seconde audition dans le centre d'enregistrement, celle-ci a lieu aussi vite que possible, étant observé que le procès-verbal qui en résulte indique le délai dans lequel le demandeur peut apporter des précisions, lequel ne peut être inférieur à deux jours. Puis le ministre communique sa décision au demandeur qui dispose de quatre à six semaines pour faire valoir son point de vue sur ce projet.

Le recours juridictionnel intenté contre une décision de refus a, dans le cadre de ce second type de procédure, un effet suspensif.

LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DU DROIT D'ASILE

ROYAUME-UNI

La politique de reconnaissance du droit d'asile est mise en oeuvre par l' UK Border Agency , l'Agence frontalière britannique, du Home Office , ministère de l'Intérieur dont les services déconcentrés couvrent l'ensemble du territoire.

1. Dépôt de la demande

La demande d'asile doit être formulée par l'étranger en personne aussi tôt que possible, soit lors de l'entrée sur le territoire (port ou aéroport) auprès d'un officier de l'immigration, soit une fois sur le territoire auprès de l'Asylum Screening Unit (ASU) , l'unité de filtrage des demandes d'asile, située à Croydon dans laquelle il doit se rendre, avec ou sans rendez-vous.

Dans les deux cas, l'intéressé fait l'objet d'une procédure de filtrage (screening) lors de l'enregistrement de sa demande. Au cours de l'entretien, il est interrogé brièvement sur son identité, ses motifs, son voyage, remet ses documents d'identité, fait l'objet de mesures d'identification de la personne (photos, empreintes). Si nécessaire, un interprète est présent. Une « carte ARC » (Application Registration Card) lui est remise. Elle atteste que son titulaire a déposé une demande d'asile et contient des informations relatives à son identité et sa photo.

En principe dans les deux jours qui suivent l'enregistrement de la demande, l' UK Border Agency indique à l'étranger la personne (case owner) qui suivra son dossier du début à la fin et qui veillera ainsi à son intégration ou à son départ, volontaire ou forcé, du territoire.

Si une décision rapide est envisageable à l'issue de la procédure de filtrage, la demande peut être traitée selon la procédure de la voie rapide avec détention ou DFT (Detained Fast Track procedure) ou selon la procédure d'appel non suspensif avec détention, DNSA (Detained Non Suspensive Appeal) . Comme ces appellations l'indiquent, le demandeur est détenu pendant la durée de la procédure, soit en moyenne entre dix et quatorze jours, voire moins pour la première. Pratique administrative dépourvue de fondement légal, la procédure DFT est contestée par les organisations d'aide aux demandeurs d'asile et de défense des droits de l'Homme.

Dans la procédure DNSA prévue par l'article 94 de la loi de 2002 relative à la nationalité, l'immigration et l'asile, si la demande est rejetée, le ministre de l'Intérieur doit attester dans un certificat qu'elle est manifestement infondée parce que le demandeur a le droit de résider dans un pays figurant sur une liste de pays considérés comme sûrs ou même en dehors de ces pays, au vu d'autres éléments du dossier.

2. Examen de la demande

• Enquête

La personne chargée du dossier examine la crédibilité des assertions du demandeur en fonction des preuves apportées, des informations sur le pays d'origine et de la jurisprudence pertinente.

La principale source d'information en la matière est le Country of Origin Information Service (COIS) , le Service d'information sur le pays d'origine de l' UK Border Agency qui produit des rapports par pays à partir de la documentation disponible.

• Audition du demandeur

La personne en charge du dossier convoque le demandeur à un premier rendez-vous dont l'objet est surtout de lui expliquer la procédure, de l'aider à trouver des conseils ou un avocat, de lui remettre un document mentionnant son adresse et ses obligations (notamment rendre compte régulièrement et faire part immédiatement de tout changement dans sa situation), de lui indiquer les conséquences de son manque de coopération, de savoir s'il a besoin d'un interprète et de le convoquer à l'audition sur le fond.

D'une durée de deux à six heures, celle-ci a lieu en général une semaine après la première rencontre. Un interprète est présent si nécessaire, aux frais de l'administration. L'intéressé doit se présenter en personne, accompagné s'il le souhaite d'un avocat. Il peut bénéficier de l'aide juridictionnelle dans les conditions de droit commun. Il doit s'expliquer sur tous les aspects et raisons de sa demande et répondre loyalement aux questions. Il signe le procès-verbal de l'audition et en reçoit une copie. En l'absence d'avocat, il peut demander, en s'y prenant au moins un jour à l'avance, l'enregistrement de l'entretien.

La personne en charge du dossier a la possibilité de se dispenser de cette audition si la demande est manifestement infondée ou en cas de manoeuvres dilatoires, ou encore si elle peut, par exemple, rendre une décision positive au vu des éléments dont elle dispose déjà.

Le demandeur peut également consulter des personnes ou des organismes autorisés à donner des conseils en matière d'immigration en application de la loi de 1999 sur l'immigration et l'asile. Le Bureau du Commissaire des services de l'immigration, Office of the Immigration Services Commissioner (OISC) , organisme public indépendant créé par la loi précitée, s'assure que les consultants satisfont aux exigences d'une bonne pratique (mise à jour d'une liste d'avocats et de consultants accrédités) et que les moins scrupuleux sont éliminés (au terme d'une procédure de plainte).

3. Décision

En règle générale, la personne en charge du dossier rend sa décision par écrit dans un délai de trente jours à compter de l'enregistrement de la demande et la notifie à l'intéressé. Elle la lui explique le plus souvent de vive voix.

Si la décision ne peut être rendue dans les six mois, l'étranger est informé du retard. S'il formule une question relative à ce retard, l'administration lui communique à titre indicatif la date à laquelle elle envisage de rendre sa décision.

La décision de refus est motivée et mentionne les voies de recours.

4. Voies de recours

Lorsque l'asile est refusé par l' UK Border Agency , l'étranger peut faire appel de la décision en se fondant sur des erreurs de fait et/ou de droit devant le First-tier Tribunal 69 ( * ) (Immigration and Asylum Chamber, FTTIAC) , Commission de premier niveau (Chambre de l'Immigration et de l'asile), organisme indépendant qui n'appartient pas à l'ordre judiciaire mais rend des décisions juridictionnelles. Il invoque un des motifs prévus par la loi de 2002 précitée, comme le non-respect de la réglementation en matière d'immigration, de droits de l'Homme ou encore la discrimination raciale.

Deux cas se présentent :

- soit l'intéressé se trouve sur le territoire britannique : le formulaire d'appel doit être reçu par le FTTIAC dans les cinq jours ouvrables à compter de la date de réception 70 ( * ) de la notification de la décision contestée en cas de détention 71 ( * ) et dans les dix jours ouvrables en l'absence de détention ;

- soit l'intéressé est hors du territoire (voir infra ) : le formulaire doit être reçu par le FTTIAC dans les vingt-huit jours ouvrables à compter de la date de réception 72 ( * ) de la notification.

L'étranger est tenu choisir entre une procédure exclusivement écrite et une procédure avec audition. En l'absence de manifestation de volonté, la première est mise en oeuvre.

Si la décision du FTTIAC est négative, l'étranger peut demander à celui-ci l'autorisation de faire appel devant l' Upper Tribunal , la commission supérieure, exclusivement sur le fondement d'une erreur de droit. Dans ce cas, si l'intéressé :

- se trouve sur le territoire britannique, le formulaire d'appel doit être reçu par le FTTIAC dans les cinq jours ouvrables à compter de la date de réception 73 ( * ) de la notification de la décision contestée qu'il soit en détention ou non ;

- est hors du territoire, le formulaire doit être reçu par le FTTIAC dans les vingt-huit jours ouvrables à compter de la date de réception 74 ( * ) de la notification.

Une fois l'appel autorisé, l'intéressé engage la procédure proprement dite en renvoyant le formulaire qui lui a été adressé avec la décision à l' Upper Tribunal dans un délai de quatorze jours. Ce dernier accuse réception et communique le numéro du dossier dans les cinq jours ouvrables à compter de la date de réception.

Si l'exercice du recours est refusé, l'étranger peut faire appel de cette décision devant l' Upper Tribunal en adressant le formulaire ad hoc dans un délai de :

- sept jours ouvrables après la date d'envoi de la notification du refus, ramenés à cinq jours ouvrables en cas de notification par voie électronique ou de remise en mains propres si l'intéressé se trouve sur le territoire britannique ;

- cinquante-six jours ouvrables après la date d'envoi de la notification du refus, ramenés à vingt-huit jours ouvrables en cas de notification par voie électronique ou de remise en mains propres, si l'intéressé est hors du territoire.

Dans la procédure de la voie rapide avec détention, les formulaires d'appel doivent être reçus respectivement par le FTTIAC dans les deux jours ouvrables et par l' Upper Tribunal dans les quatre jours ouvrables.

La loi de 2002 relative à la nationalité, l'immigration et l'asile prévoit qu'une personne ne saurait être expulsée ou priée de quitter le Royaume-Uni tant qu'elle est sur le territoire et qu'un appel est pendant. Toutefois, certains recours ne peuvent être exercés qu'après avoir quitté le territoire. Tel est le cas lorsque le ministre de l'Intérieur certifie que la demande d'asile est manifestement infondée au terme de la procédure d'appel non suspensif avec détention DNSA évoquée supra .

5. Conséquences de la décision

Une décision favorable de l' UK Border Agency permet au demandeur d'asile de recevoir une autorisation de séjour d'une durée initiale de cinq ans pendant laquelle son statut peut être revu en fonction des circonstances.

En cas de décision défavorable, l'intéressé doit quitter le territoire britannique. S'il ne le fait pas volontairement, l'administration lui notifie une mesure d'éloignement du territoire (reconduite à la frontière) avec un préavis en lui indiquant les voies de recours possibles. Dans l'attente de son départ, l'intéressé peut être mis en détention ou tenu de se présenter régulièrement à la police.

LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DU DROIT D'ASILE

SUÈDE

L'Office national suédois des migrations (Migrationsverket ) examine les demandes d'asile. L'administration centrale de ce service du ministère de la Justice se trouve à Norrköping et ses services déconcentrés à Stockholm, Göteborg et Malmö. La durée de la procédure varie selon le nombre et la complexité des demandes à traiter. L'administration a lancé, en 2010, un projet destiné à améliorer les procédures pour réduire la durée de traitement des dossiers à trois mois entre le dépôt de la demande et la notification de la décision.

1. Dépôt de la demande

La police est tenue de conduire les personnes qui demandent l'asile aux fonctionnaires de l'Office qui sont présents aux principaux points d'entrée du pays.

Le demandeur doit formuler sa requête soit lors de son arrivée à la frontière, soit dans l'un des trois centres précités sur le territoire suédois. Il décline son identité, indique sa nationalité, montre ses papiers. On relève ses empreintes digitales. On le soumet, en tant que de besoin, à un test de langue pour connaître son pays d'origine.

Il reçoit, avec l'aide d'un interprète (l'usage veut que celui-ci soit une femme lorsque le demandeur est de sexe féminin), des informations sur la législation internationale et nationale en vigueur, les droits qui lui sont ouverts en Suède (perception d'une indemnité journalière, cours de langue, aide juridique, santé...). L'assistance juridique gratuite lui est proposée dans la majeure partie des cas, hormis ceux de demandes manifestement infondées et lorsque l'examen de la demande relève d'un autre État en vertu du mécanisme « Dublin II ».

Il passe une visite médicale.

On lui remet enfin la « carte LMA » (carte prévue par la loi sur l'accueil des demandeurs d'asile, Lagen om Mottagande av Asylsökande ).

2. Examen du dossier

• Enquête

L'Office des migrations peut rechercher des informations concernant le demandeur pour s'assurer du bien-fondé de son propos. Le projet « Attente plus brève » tend à que ces recherches ne dépassent pas trois semaines.

• Audition du demandeur

Au cours de la procédure, le demandeur, assisté de son conseil juridique, fournit toutes les informations susceptibles de prouver le bien-fondé de sa requête (faits, éléments matériels...) et de figurer dans son dossier. Lorsque celui-ci est complet, l'étranger est convoqué à un entretien dans un des centres de l'Office des migrations. Il prend connaissance du procès-verbal de cette rencontre, peut y apporter des commentaires ainsi que des observations et en demander copie.

3. Décision

L'Office des migrations peut, immédiatement après l'entretien avec le demandeur et au plus tard dans les trois mois suivant la demande, estimer que celle-ci est manifestement infondée et procéder à une mesure d'éloignement avec exécution immédiate. Le demandeur a la possibilité de faire appel de cette décision mais son recours - au titre duquel il ne bénéfice pas d'une aide juridique gratuite, mais éventuellement de celle d'une organisation non gouvernementale qu'il a contactée - n'ayant pas de caractère suspensif, il doit quitter immédiatement la Suède.

L'administration peut, avant de rendre sa décision, souhaiter obtenir d'autres informations ou convoquer le demandeur à un second rendez-vous. La décision finale est alors prise par l'Office des migrations après ce second entretien qui a permis d'éclaircir certains points du dossier.

4. Voies de recours

Confronté à un refus de l'Office des migrations le demandeur d'asile peut :

- accepter cette réponse négative, sans pouvoir revenir ultérieurement sur sa déclaration d'acquiescement ;

- former - c'est le cas le plus fréquent en pratique - un recours gracieux devant l'office dans les 21 jours à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de la décision.

Si l'Office des migrations rejette ce premier recours, il le transmet automatiquement à celui des trois tribunaux administratifs de l'immigration (Stockholm, Göteborg et Malmö) dont il relève.

Pendant l'examen de l'affaire par la juridiction, le demandeur bénéficie de l'assistance d'un défenseur dans le cadre de l'aide juridictionnelle gratuite. Par dérogation aux règles usuelles de la procédure contentieuse, le tribunal peut demander à entendre les observations orales du demandeur et de son conseil ainsi que celles du fonctionnaire qui représente l'office des migrations.

Le tribunal saisi peut modifier la décision de l'Office, qui doit alors accorder le permis de séjour, ou confirmer le refus de l'administration. Dans ce cas, le demandeur a la faculté de faire appel de cette décision auprès de la cour administrative d'appel de l'immigration qui siège à Stockholm, dans les trois semaines suivant la date à laquelle il en a eu connaissance. L'Office des migrations peut interjeter appel de la décision juridictionnelle de première instance dans le même délai devant la cour. Au terme de ces trois semaines, la décision du premier juge devient définitive.

Les décisions du tribunal sur les refus d'entrée sur le territoire prises par la police sont insusceptibles d'appel.

L'appel interjeté devant la cour de l'immigration a un effet suspensif. L'étranger ne peut faire l'objet d'une reconduite à la frontière ou d'une expulsion.

Avant de rendre toute décision sur le fond, la cour choisit parmi les affaires qui lui sont soumises celles qui posent des questions de principe. Son refus d'examiner un dossier en appel équivaut à une confirmation de la décision de première instance. En pratique, très peu d'affaires sont jugées par la cour.

Si le juge d'appel revient sur la décision de refus opposée au demandeur et confirmée par le juge de première instance, l'Office national des migrations doit délivrer un permis de séjour.

5. Conséquences de la décision

La décision favorable de l'Office permet au demandeur de recevoir un permis de séjour permanent ou, plus rarement, un permis de séjour temporaire. Celui-ci peut toutefois être retiré si le demandeur d'asile a fourni, de propos délibéré, des informations mensongères.

La décision défavorable confirmée par le juge débouche sur une mesure d'éloignement du territoire dans un délai de deux à quatre semaines à compter de la date à laquelle la décision est devenue définitive.

Cependant, si de nouvelles circonstances surviennent (obstacles médicaux par exemple), l'Office peut surseoir à l'exécution de la décision qui reste en vigueur durant quatre ans.

Si le demandeur a reçu au préalable un permis de travail à titre dérogatoire, il peut continuer de travailler jusqu'à son départ de Suède. Ce permis peut être révoqué si son titulaire ne coopère pas à son retour dans le pays d'où il arrive ou à son départ pour un autre État. L'Office des migrations peut aussi :

- réduire son indemnité journalière ;

- et le placer sous surveillance ou en rétention dans un centre fermé.

Avant ce départ, l'étranger doit rendre, d'une part, la carte LMA qui ouvre droit aux soins médicaux d'urgence ainsi qu'à une indemnité journalière et permet aux enfants de se rendre à l'école et, d'autre part, la carte bancaire qui lui permettait d'utiliser cette indemnité.

LA PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DU DROIT D'ASILE

ANNEXE : DOCUMENTS ANALYSÉS

ALLEMAGNE

• Textes législatifs

Asylverfahrensgesetz

loi sur la procédure d'asile du 26 juin 1992 modifiée

Aufenthaltsgesetz

loi sur le séjour des étrangers du 30 juillet 2004 modifiée

Verwaltungsgerichtsordnung

code des juridictions administratives du 21 janvier 1960 modifié

ÉTATS-UNIS

• Texte législatif

Title 8 of Code of Federal Regulations, Part 208 - Procedures for asylum and witholding of removal

titre 8, partie 208 du code de la réglementation fédérale - procédures d'asile et de suspension de renvoi

• Autres documents

Affirmative Asylum procedures manual (november 2007, revised july 2010), US Citizenship and Immigration Services, USCIS

manuel des procédures d'asile affirmatives (novembre 2007, révision juillet 2010) des Services américains de l'Immigration et de la citoyenneté

Sites internet :

- US Citizenship and Immigration Services (USCIS)

- Executive Office for Immigration Review (EOIR)

ITALIE

• Textes législatifs et règlementaires

Decreto legislativo 28 gennaio 2008 n° 25, attuazione della direttiva 2005/85/CE recante norme minime per le procedure applicate negli Stati membri ai fini del riconoscimento e della revoca dello status di rifugiato

décret législatif n° 25 du 28 janvier 2008, application de la directive 2005/85/CE portant règles minimales pour les procédures appliquées dans les États membres pour la reconnaissance et le retrait du statut de réfugié

Decreto legislativo 19 novembre 2007 n° 251, attuazione della direttiva 2004/83/CE recante norme minime sull'attribuzione a cittadini di paesi terzi o apolidi della qualifica del rifugiato o di persona altrimenti bisognosa di protezione internazionale, nonchè norme minime sul contenuto della protezione riconosciuta

décret législatif n° 251 du 19 novembre 2007, application de la directive 2004/83/CE portant règles minimales sur l'attribution à des citoyens de pays tiers ou apatrides, de la qualité de réfugié ou de personne ayant besoin de la protection internationale, ainsi que sur les normes minimales sur le contenu de la protection internationale

Decreto legislativo 30 maggio 2005 n° 140, attuazione della direttiva 2003/9/CE che stabilisce norme minime relative all'accoglienza dei richiedenti asilo negli stati membri

décret législatif n° 140 du 30 mai 2005, application de la directive 2003/9/CE portant règles minimales relatives à l'accueil des demandeurs d'asile des États membres

Decreto del presidente della Repubblica 16 settembre 2004 n° 303, Regolamento relativo alle procedure per il riconoscimento dello status di rifugiato

décret du président de la République n° 303 du 16 septembre 2004, règlement relatif aux procédures pour la reconnaissance du statut de réfugié

Decreto legislativo 25 luglio 1998 n° 286, testo unico delle disposizioni concernenti la disciplina dell'immigrazione e norme sulla condizione dello straniero

décret législatif n° 286 du 25 juillet 1998, texte unique des dispositions concernant la législation sur l'immigration et les normes applicables aux étrangers

• Autres documents

Sistema di protezione per Richiedenti di Asilo e rifugiati, Guida pratica per i richiedenti protezione internazionale

système de protection pour les demandeurs d'asile et réfugiés, guide pratique pour les demandeurs de la protection internationale

PAYS-BAS

• Texte législatif

Vreemdelingenwet 2000

loi sur les étrangers de 2000

• Autres documents

Site internet de l' Immigratie en Naturalisatiedienst ( IND )

ROYAUME-UNI

• Textes législatifs

Immigration and Asylum Act 1999

loi de 1999 sur l'immigration et l'asile

Nationality, Immigration and Asylum Act 2002

loi de 2002 relative à la nationalité, l'immigration et l'asile

SUÈDE

• Texte législatif

Utlänninplag (2005 :716)

loi sur les étrangers modifiée

• Autres documents

National Thematic Network Asylum & Integration, Asylum reception in focus, n° 45 2007, A Handbook for Asylum seekers in Sweden

Réseau national thématique asile et intégration, la réception des demandeurs d'asiles, n° 45 2007, manuel pour les demandeurs d'asile en Suède

Site Internet de l'Office national suédois des migrations (Migrationsverket) .

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES DÉPLACEMENTS

_______

Conseil d'État

- M. François Séners , secrétaire général

- M. Jacques-Henri Stahl , président de la 2ème sous-section de la section du contentieux

Cabinet du ministre de l'Intérieur

- Mme Fadela Benrabia , conseillère intégration et asile

- Mme Magali Alexandre , conseillère parlementaire

Secrétariat général à l'immigration et à l'intégration (SGII)

- M. Stéphane Fratacci , secrétaire général

- Mme Brigitte Frénais-Chamaillard , chef du service de l'asile

- M. Rudolf D'Haem , conseiller juridique du secrétaire général

- Mme Frédérique Houblet , chef du département du droit d'asile et de la protection

Ministère des affaires étrangères

- M. Nicolas de Rivière , directeur de la Direction des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l'Homme et de la francophonie

- Mme Marie-Elisabeth Ingres , rédactrice

Haut commissariat des nations unies pour les réfugiés (UNHCR France)

- M. Philippe Leclerc , représentant de l'UNHCR France

- M. José Fischel de Andrade , administrateur principal chargé de la Protection

- Mme Caroline Laly-Chevalier , chargée de liaison avec l'OFPRA et la CNDA

Personnalités qualifiées

M. Anicet Le Pors , président de l'Association française des juges de l'asile

M. Jean-Michel Belorgey , conseiller d'État, président de section à la CNDA

Mme Annie-France Cartal , présidente de chambre honoraire à la Cour administrative d'appel de Paris, présidente de section à la CNDA

Mme Yveline Le Grin , présidente de section à la CNDA

M. Jean Gaeremynck , président du conseil d'administration de l'OFPRA

M. Serge Slama , maître de conférences en droit public à l'Université Evry-Val d'Essonne

Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH)

- M. Michel Forst , secrétaire général

- M. Catherine Teitgen-Colly , professeur des universités

- M. Nils Monsarrat , chargé de mission

Conseil national des barreaux

- Mme Marianne Lagrue , membre du Conseil national des barreaux

Association des avocats ELENA France

- M. Gilles Piquois

- Mme Seve Aydin-Izouli

- M. Didier Liger

- Mme Pascale Taelman

- Mme Véronique Picard Masson

- Mme Ryme Gasmi

- M. Alain Couderc

- M. Thierry Jacqmin

Représentants du personnel de l'OFPRA

Action syndicale libre (ASYL)

- Mme Sabine Trapateau

- M. Arnaud Pujal

- Mme Sarah Schwab

Syndicat national CGT

- Mme Hélène Iglesias

- M. Michel Diricq

France Terre d'Asile

- M. Pierre Henry , directeur général

- M. Matthieu Tardis , responsable du secrétariat général

Forum réfugiés

- M. Tahar Khalfoune , chargé de la Veille règlementaire et juridique

GISTI

- M. Jean-Pierre Alaux , chargé d'études dans l'association

- Mme Delphine d'Allivy-Kelly , avocate, membre du bureau de l'association

- Mme Vanina Rochiccioli , avocate, membre du bureau de l'association

Coordination française pour le droit d'asile

- M. Christophe Levy , secrétaire général

- M. Jean-François Dubost , responsable du programme personnes déracinées - Amnesty International France

- M. Gérard Sadik , coordinateur Commission nationale Asile - La Cimade

Action des chrétiens pour l'abolition de la torture

- Mme Aline Daillere , coordinatrice juridique Asile et lieux privatifs de liberté

- Mme Florence Boreil , responsable Programme France

Comité médical pour les exilés ( COMEDE)

- M. Arnaud Veisse

- Mme Karine Crochet , assistante sociale

DÉPLACEMENTS

______

Déplacement au service des étrangers de la préfecture de Seine-Saint-Denis le 23 février 2012.

Déplacement à l'OFPRA le 21 mars 2012 :

- entretien avec M. Jean-François Cordet, directeur général et M. Pascal Baudouin, directeur de cabinet ;

- présence à des entretiens aux côtés d'officiers de protection ;

- entretien avec M. Patrick Renisio, chef de la division Asie ;

- entretien avec M. Jean-Marie Cravero, chef de la division des affaires juridiques ;

- entretien avec M. Frédéric Petit-Jean, chef de la division de l'information, de la documentation et des recherches.

Déplacement à la CNDA le 6 juin 2012 :

- entretien avec Mme Martine Denis-Linton, présidente, et M. Pascal Girault, secrétaire général ;

- présence à des audiences ;

- entretiens avec Mmes Isabelle Dely, Florence Malvasio, Françoise Rimailho et M. Frédéric Beaufaÿs, présidents permanents ;

- entretien avec MM. Laurent Dufour et Jérôme Camus, respectivement chef du centre d'information juridique et du centre d'information géopolitique ;

- rencontre avec Mmes Sylvie Delcourt, Aude Isaac-Roué, Alice Bernard, Adeline Claude et MM. Faïssal Guedichi et Patrick Masereel, chefs de service ;

- rencontre avec Mmes Agnès Belghazi, Nathalie Parodin et Béatrice Ramsamy, représentantes du syndicat indépendant du personnel du Conseil d'État (SIPCE).

Déplacement à la Coordination de l'accueil des familles demandeuses d'asile (CAFDA) le 20 juin 2012.

Déplacement à Londres le 12 novembre 2012 :

- entretien avec Mme Anne Morris, Assistant Legal Advisor et M. Sunil Teeluck, juriste, du service juridique du Home Office ;

- entretien avec Mme Zila Bowell, directrice de l'asile, M. Dan Hobbs, directeur du contentieux et M. Jason Yaxley, chargé de recours devant le First Tier Tribunal, de l'UK Border Agency (UKBA) ;

- rencontre avec The Hon. Mr Nicholas Blake, President of the Upper Tribunal Immigration and Asylum Chamber, Mr Paul Southern, Principal Resident Judge, Ms Judith Pitt, Mr David Allan et Mr Paul Spencer, Upper Tribunal Judges, et Mr Pinkerton, Resident Judge ;

- rencontre avec Sile Reynolds, Policy Officer et Jean-Benoît Louveaux, Legal Officer, de l'association Refugee Action.

CONTRIBUTION ECRITE

______

Human Rights Watch


* 1 Dans sa décision n°93-325 DC du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel a considéré que « le respect du droit d'asile, principe de valeur constitutionnelle, implique d'une manière générale que l'étranger qui se réclame de ce droit soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande ». Dans une ordonnance du 12 janvier 2001, Mme Hyacinthe, le Conseil d'État a pour sa part énoncé que « la notion de liberté fondamentale [...] englobe, s'agissant des ressortissants étrangers qui sont soumis à des mesures spécifiques réglementant leur entrée et leur séjour en France, [...] le droit constitutionnel d'asile qui a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ».

* 2 Source : Eurostat.

* 3 Cette note de législation comparée est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2011/lc227-notice.html .

* 4 « La Cour nationale du droit d'asile : une juridiction neuve, confrontée à des problèmes récurrents », rapport n°9 (2010-2011) de MM. Pierre Bernard-Reymond et Jean-Claude Frécon fait au nom de la commission des finances du Sénat, 6 octobre 2010. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://intranet.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-009-notice.html .

* 5 Pour un aperçu de cette question, voir par exemple l'avis budgétaire n°112-tome II de M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis pour votre commission des lois des crédits consacrés à l'asile, 17 novembre 2011. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a11-112-2/a11-112-2.html .

* 6 Un second point d'entrée a été désigné dans les régions Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes, soumises à des flux particulièrement importants de demandes.

* 7 EURODAC est une base de données mise en place au niveau communautaire pour recenser les empreintes digitales des demandeurs d'asile aux fins d'identification. Elle constitue la base du fonctionnement du mécanisme « Dublin II », qui vise à prévenir les demandes multiples au sein de l'Union européenne et à attribuer à un seul État la responsabilité d'examiner une demande d'asile, en fonction d'un certain nombre de critères définis dans le règlement « Dublin II » du 18 février 2003.

* 8 Cimade, « Voyage au coeur de l'asile », page 11.

* 9 Point 7.4 du référentiel des prestations de premier accueil des demandeurs d'asile établi en décembre 2011 par l'OFII.

* 10 L'OFPRA dispose également d'une antenne à Basse-Terre, en Guadeloupe, pour entendre les demandeurs d'asile domiciliés dans les départements français d'Amérique. Par ailleurs, en 2011, environ 5% des entretiens ont été conduits au moyen de la visioconférence (soit un peu plus de 1 500 entretiens). Ces entretiens sont réservés aux demandeurs d'asile domiciliés à Mayotte ainsi qu'à ceux qui se trouvent dans les centres de rétention administrative de Lyon et de Toulouse.

* 11 En 2011, l'activité d'interprétariat de l'OFPRA a représenté 115 langues et 650 interprètes.

* 12 Rapport précité, page 25.

* 13 Voir par exemple le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013 relatif à la mission « immigration, asile et intégration », pages 21-22.

* 14 Rapport précité, page 31.

* 15 Cet état du droit ne résulte pas de dispositions législatives ou réglementaires, mais d'une décision du Conseil d'État qui, en 1982, a considéré que le juge de l'asile était un juge de plein contentieux à qui il appartenait « non d'apprécier la légalité de la décision qui lui est déférée au vu des seuls éléments dont pouvait disposer le directeur de l'Office lorsqu'il a statué sur la demande mais de se prononcer lui-même sur le droit des intéressés à la qualité de réfugié d'après l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre parties à la date de sa propre décision » (CE, 8 janvier 1982, M. Aldana Barrena).

* 16 La loi n°2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité a ouvert à la Cour la possibilité d'organiser des audiences en visioconférence, notamment pour pouvoir entendre les requérants domiciliés outre-mer. Les premières audiences utilisant ce dispositif devraient être expérimentées au cours de l'automne 2012.

* 17 Le nombre de rapporteurs est ainsi passé de 70 fin 2009 à 135 fin 2011. Quinze recrutements supplémentaires devaient intervenir dans le courant de l'année 2012.

* 18 « Voyage au coeur de l'asile », rapport précité, page 54.

* 19 CE, 6 mars 1991, M. D.

* 20 Qui prévoit que la convention de Genève cesse d'être applicable lorsque les circonstances à la suite desquelles la personne a été reconnue comme réfugiée ont cessé d'exister.

* 21 Ce que permet l'article 30 de la directive n°2005/85/CE du 1 er décembre 2005.

* 22 Conseil d'État, juge des référés, 2 novembre 2009, n°332890, Mme A.

* 23 Décision en référé du 29 juin 2010 puis arrêt sur le fond du 19 juillet 2011.

* 24 Source : Eurostat.

* 25 Directive 2004/83/CE du 29 avril 2004.

* 26 Le règlement portant création du Bureau européen d'appui en matière d'asile a été adopté le 19 mai 2010 (JOUE 29/05/2010).

* 27 http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-we-do/policies/asylum/european-asylum-support-office/bz3012564enc_complet_en.pdf

* 28 Vos rapporteurs ont pu constater, lors de leur déplacement à Londres, que l'organisme britannique de gestion de l'immigration (UKBA) disposait d'un centre d'informations sur les pays d'origine, séparé du service décisionnaire en matière d'octroi du statut de réfugié, accessible également aux juridictions.

* 29 Voir notamment à ce sujet l'avis budgétaire n°112 - tome II de notre collègue Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis des crédits consacrés à l'asile par le projet de loi de finances pour 2012, pp. 24 et suivantes. Le rapport est consultable à l'adresse suivante : http://senat.fr/rap/a11-112-2/a11-112-2.html .

* 30 Voir notamment à ce sujet le rapport de la mission d'appui sur les coûts des CADA, établi conjointement en novembre 2010 par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et le Contrôle général économique et financier (CGEFI), page 11.

* 31 Qui est compétent pour gérer l'allocation temporaire d'attente.

* 32 En novembre 2011, le ministre de l'Intérieur Claude Guéant avait annoncé son souhait d'instaurer un délai maximal de 90 jours à compter de l'entrée sur le territoire pour déposer la demande d'asile, mais cette proposition n'a pas été suivie d'effet.

* 33 Rapport précité, page 27.

* 34 Rapport précité, pages 24-25.

* 35 HCR, normes relatives aux procédures de détermination du statut de réfugié relevant du mandat du HCR, point 4.3.6 : http://www.unhcr.org/refworld/pdfid/42d66eff4.pdf .

* 36 Ce coût comprend les éléments suivants : hébergement en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), hébergement d'urgence, allocation temporaire d'attente (ATA), dépenses de santé (couverture maladie universelle et aide médicale d'État).

* 37 En revanche, les mesures proposées par vos rapporteurs pour améliorer la procédure devant l'OFPRA pourraient contribuer à faire baisser le taux de recours contre les décisions négatives de l'office.

* 38 La loi n°2006-711 relative à l'immigration et à l'intégration du 24 juillet 2006.a ouvert l'aide juridictionnelle à l'ensemble des requérants ayant des ressources insuffisantes. Auparavant, seules les personnes entrées régulièrement sur le territoire pouvaient en bénéficier. Dès lors, les requérants ont été assistés par un avocat dans plus de 82 % des dossiers en 2009. Cela a contribué à allonger les débats en audience. En outre, de nombreuses demandes d'admission à l'aide juridictionnelle ont été formulées le jour même de l'audience, contraignant la juridiction de jugement à renvoyer l'affaire jusqu'à la décision du bureau d'aide juridictionnelle.

* 39 De même, l'augmentation de 60% du nombre de décisions rendues entre 2004 et 2005 était-elle corrélée à une politique de recrutement massif de rapporteurs contractuels.

* 40 Loi n°2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009

* 41 La Commission de recours de réfugiés fonctionnait depuis 1952 avec des présidents vacataires, qui assuraient une à deux audiences par mois. Un rapport de mai 2008 préconisait la nomination de 10 présidents permanents ayant des relations régulières avec les rapporteurs. Cette réforme fut mise en vigueur par le biais de la loi du 12 mai 2009 de simplification du droit.

* 42 L'office peut également faire parvenir un mémoire écrit, possibilité qui semble très peu mise en oeuvre.

* 43 L'article R. 733-10 du CESEDA prévoit que la communication des recours à l'OFPRA par la CNDA est facultative, ce qui constitue déjà une dérogation au droit commun des juridictions administratives.

* 44 Le compte-rendu de cette audition est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20121029/lois.html#toc3 .

* 45 Vos rapporteurs ont pu constater, lors de leur déplacement à Londres, que les responsables de l'asile à la United Kingdom border agency (UKBA) considéraient également la présence d'un représentant de l'UKBA lors des audiences de recours comme indispensable.

* 46 Selon Forum Réfugiés par exemple, « certains magistrats sont peu formés à la problématique des femmes victimes de la traite ».

* 47 Toutefois, la qualité des questionnements aurait progressé du fait de l'arrivée de juges de l'ordre judiciaire à partir de 2004, et notamment de juges d'instruction, mieux rompus à ce genre d'exercice.

* 48 Ainsi la Cimade préconise-t-elle de revoir le mode de désignation de cet assesseur.

* 49 http://www.cnda.fr/jurisprudence_cnda/

* 50 http://www.cnda.fr/media/document/CNDA/recueil-trente-ans-de-jurisprudence-de-la-cnda-et-du-ce_1.pdf

* 51 Vos rapporteurs soulignent d'ailleurs que les tribunaux britanniques examinent deux dossiers par audience quand la CNDA en examine de 12 à 20. Toutefois, les deux situations ne sont pas tout-à-fait comparables, dans la mesure où il n'existe pas l'équivalent de l'instruction préalable par le rapporteur dans le système britannique.

* 52 CNDA, N°11032252, Mlle Y., 21 février 2012. Il s'agit du cas d'une requérante dont les empreintes digitales étaient effacées, et dont l'OFPRA avait rejeté la demande sur le fondement d'une note interne à l'Office invitant à rejeter les demandes d'asile des personnes qui présentaient un effacement de leurs empreintes digitales, sans examiner les éléments produits à l'appui des demandes ni les craintes de persécutions et sans convoquer les intéressés en vue d'une audition.

* 53 Par exemple les recours ne contenant pas les noms, prénoms, état civil complet, domicile du requérant, recours en langue étrangère, recours non signé, recours non accompagné de la décision de rejet de l'OFPRA, recours non envoyé avec AR, recours non enregistré dans un délai d'un mois.

* 54 CE ; 10 décembre 2008, Islam.

* 55 L'article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme stipule : « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ».

* 56 Recours devant le tribunal administratif dans un délai de 48 heures, qui statue dans un délai de 72 heures à compter de la saisine. L'étranger ne peut faire l'objet d'un réacheminement tant que le tribunal administratif, s'il a été saisi, n'a pas statué.

* 57 Les dix premières places sont occupées par : Chypre, Malte, la Suède, le Lichtenstein, la Norvège, la Suisse, l'Autriche, la Belgique et le Luxembourg.

* 58 Les pays européens soumis au règlement « Dublin II » utilisent le système EURODAC.

* 59 Il en existe au moins un dans chacun des seize Länder .

* 60 Le jugement du tribunal administratif autorise parfois expressément ce recours qui peut donc être directement exercé devant l'instance supérieure.

* 61 Celui dans la circonscription duquel l'étranger est assigné à résidence.

* 62 La compétence de ces USCIS Service Centers dépend du lieu de résidence du demandeur.

* 63 A ce jour, un seul accord a été conclu, en 2002, avec le Canada qui ne vise que les procédures défensives.

* 64 Voir infra.

* 65 Sans préjudice de l'appel.

* 66 Les personnes envoyées dans un centre d'accueil ne sont tenues d'y résider que la nuit en respectant les horaires fixés par le règlement du centre. Elles peuvent sortir plus longtemps, par dérogation à ces règles, pour des motifs de santé ou de famille, sous réserve de l'obtention de l'autorisation préalable du fonctionnaire chargé du centre. Elles sont tenues de résider dans le centre pendant une période maximum de vingt jours à l'issue desquels elles reçoivent un permis de séjour de trois mois si la commission territoriale n'a pas statué sur leur demande. Ces centres sont distincts des « centres d'identification et d'expulsion » (centri di identificazione ed espulsione) , équivalents des centres de rétention.

* 67 Il s'agit de la protection accordée à un étranger qui, bien qu'il ne remplisse pas les conditions posées pour bénéficier du statut de réfugié, prouve qu'il est exposé dans son pays d'origine à un risque d'atteintes graves à sa personne.

* 68 L'article 1 er -d de la loi sur l'organisme central d'accueil des demandeurs d'asile précise que le centre d'accueil (opvangcentrum) est un équipement d'accueil qui n'est pas un logement, hôtel ou pension, dans lequel l'accueil est proposé par l'organisme central d'accueil des demandeurs d'asile.

* 69 Les Tribunals sont des organismes indépendants qui n'appartiennent pas à l'ordre judiciaire mais rendent des décisions juridictionnelles dans des contentieux spécifiques, principalement administratifs. Ils sont composés de juristes et de spécialistes des questions traitées nommés par le Lord Chancellor , équivalent du ministre de la Justice.

* 70 Le FTTIAC considère que la date de réception est égale à la date d'envoi plus deux jours.

* 71 La détention est possible à tout moment de la procédure s'il existe un risque que le demandeur disparaisse ou ne remplisse pas ses obligations.

* 72 Pour le FTTIAC, la date de réception est égale à la date d'envoi plus vingt-huit jours.

* 73 Le FTTIAC considère que la date de réception est égale à la date d'envoi plus deux jours.

* 74 Pour le FTTIAC, la date de réception est égale à la date d'envoi plus vingt-huit jours.

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