22. Pierre Morel-A-L'Huissier, député

Mercredi 14 novembre 2012

Questions :


• La question de la ruralité présente-t-elle des traits spécifiques à la France ?


• Parmi les principales réflexions de votre mission « ruralité » aux fins de simplifications ou de clarifications règlementaires, lesquelles vous semblent devoir être mobilisées dans le cadre d'un travail de prospective à moyen/long terme ?


• Quels vous paraissent-être les principaux atouts des zones rurales ? Quels vous semblent être les principaux obstacles à leur développement économique ? Les très nombreux contacts que vous avez pu nouer à l'occasion de vos travaux vous rendent-ils optimiste quant au potentiel et à l'avenir des différentes campagnes françaises ?


•  Quel vous paraît être, en particulier, le potentiel du tourisme rural et celui du très haut débit ?

Le président de la République, Nicolas Sarkozy, m'a confié un rapport sur la simplification des normes au service du développement des territoires ruraux. Dans ce cadre, nous avons noué de très nombreux contacts - environ 4 000 - avec différents acteurs du monde rural, qui ont fait ressortir un sentiment général d'exaspération face à une stratification d'éléments de complexité pour les élus, les associations ou les commerçants. Le monde rural est confronté à l'inculture administrative des administrations centrales dans le domaine de la ruralité, alors que les trois quarts des communes comprennent moins de mille habitants. A mon sens, la DATAR n'est pas à la hauteur des ambitions qui devraient être les siennes, avec une vision souvent artificielle des dossiers et des collaborations systématiques avec certaines officines qui peuvent d'ailleurs interroger sur la bonne application du code des marchés publics. Je déplore un manque de réflexion interministérielle, normalement portée par la DATAR qui, à mon sens, devrait plutôt être présidée par un politique que par un préfet.

Pour l'ATESAT (assistance technique fournie par les services de l'Etat pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire), c'est-à-dire l'ingénierie publique, il conviendrait de créer des groupements d'intérêt public (GIP) départementaux comprenant des représentants des communes, des départements et de l'Etat. Ces GIP répondraient à un fort besoin des communes rurales pour l'aide à la décision, sans contrevenir aux impératifs communautaires. Aucune intervention normative n'est nécessaire pour monter ces GIP, qui correspondraient à une simple politique publique.

Au niveau d'un canton rural, je conseille la mise en place d'une « association d'intérêt général » qui soit le réceptacle d'un ensemble de politiques locales dans tous les domaines possibles (tourisme, social, etc.). Ainsi, j'ai créé l'ARCAF - Association de revitalisation du canton de Fournels - qui fait des études préalables à différents projets. 20 % de la population adhèrent à cette association qui est devenue une sorte de guichet unique pour la population. Elle reçoit de multiples aides - de la CAF, en tant que relais de service public, d'antennes Pôle-Emploi... - et comprend deux salariés permanents. On y trouve, par exemple, un accès à Internet, un scanner et une borne de visioconférence. J'estime qu'il faudrait démultiplier cette expérience et réfléchir à un statut d'association d'intérêt public qui lui serait appliqué.

[ Gérard Bailly - Comment voyez-vous l'avenir des campagnes à l'horizon de 30 ou 40 ans ?]

J'identifie deux conditions sine qua non du développement des campagnes : la proximité d'une autoroute et l'accès aux réseaux numériques. Si une zone d'activité répond à ces exigences, tout en offrant des bâtiments préfabriqués et la proximité d'un lotissement agréable, les entreprises s'installent.

Je pense que l'agriculture va se raréfier. La monoculture pose problème et les départements devraient proposer des outils de valorisation et de commercialisation aux petites coopératives qui n'ont pas les moyens de s'offrir les services d'un technico-commercial. Les circuits courts, par ailleurs, obtiennent des succès indéniables.

Une grande difficulté provient de l'enfermement intellectuel et psychologique du monde rural, même si des évolutions sont en cours, en particulier pour la perception du potentiel que représente le tourisme. Toutefois, de gros progrès restent à accomplir dans l'accueil et il convient, à cette fin, de soutenir les offices de tourisme locaux.

A long terme, ma vision générale des campagnes reste plutôt pessimiste. Les communes de moins de 200 habitants sont très mortes et à la recherche permanente de cofinancements, car les financements centraux se raréfient. L'intercommunalité d'investissement constitue toutefois un espoir.

[ Renée Nicoux - Les toutes petites communes me semblent trop nombreuses...]

En effet, et les gens commencent heureusement à réaliser qu'une commune de moins de cinquante habitants ne sert à rien, faute de moyens. Il me semble qu'une commune ne devrait plus rassembler moins de 150 habitants. C'est une évolution consécutive aux changements sociologiques. Par ailleurs, l'effort fiscal des petites communes est parfois insuffisant.

[ Gérard Bailly - Quid de l'urbanisme ?]

Le plan local d'urbanisme intercommunal (ayant valeur de SCOT) et, du moins, le SCOT, sont finalement utiles.

Je souligne ce paradoxe : nous nous trouvons dans un Etat décentralisé, et les collectivités locales sont néanmoins sous perfusion.

En dépit du contrôle de légalité a posteriori , la légalité n'est pas garantie même si le préfet ne marque pas d'opposition.

Dans les campagnes, il faudrait pouvoir adapter les normes aux circonstances sur la base d'un principe d'adaptabilité. Tous les élus et les préfets sont demandeurs d'une règle autorisant l'adaptation des normes aux circonstances. Juridiquement, un tel principe peut être viable à condition de trouver un critère objectif car on ne pourrait mettre en oeuvre une « exception de ruralité » générale. Il conviendrait aussi de trouver le moyen d'adapter aux circonstances le stock normatif existant. Par ailleurs, lorsqu'un service instructeur donne une réponse négative, il me semble qu'elle devrait toujours être accompagnée d'une préconisation dont la mise en oeuvre suffirait à rendre la réponse positive. Il existe, notamment en matière fiscale, la procédure du rescrit, par laquelle un administré pose une question à l'administration qui est tenue par la réponse qu'elle donne ; d'autres administrations pourraient s'en inspirer.

Par ailleurs, j'estime qu'il faudrait préciser et améliorer le statut de secrétaire de mairie qui exerce une fonction clé.

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