M. Theodore Saramandis, Chef de Task Force Europe Aid, Commission européenne

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Président de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer,

Monsieur le Premier ministre,

Messieurs les Sénateurs,

Messieurs les Députés européens,

Messieurs les Députés,

Monsieur l'Ambassadeur,

Messieurs les Représentants des pays et territoires d'outre-mer français,

Mesdames, Messieurs,

Merci pour cette invitation à un colloque fort intéressant et au coeur des priorités de la Commission. Vous avez convié des éminentes personnalités qui grâce à leurs expériences et expertises enrichiront la réflexion autour du thème du colloque « La France dans le Pacifique : quelle vision pour le 21 ème siècle? ».

Pour ma part, et après l'intervention de M. Ponga je souhaiterais apporter quelques éléments complémentaires en me concentrant sur les relations entre l'Union européenne et les Pays et territoires d'outre-mer.

L'association des Pays et Territoires d'Outre-mer (PTOM) à l'Union Européenne s'appuie, comme vous le savez, sur un héritage d'histoire partagée, de valeurs communes et de coopération économique et commerciale. Cette relation privilégiée est ancienne puisqu'elle remonte à l'entrée en vigueur du traité de Rome en 1958 et elle découle des relations constitutionnelles que ces pays et territoires entretiennent avec ces quatre États membres.

Aujourd'hui, les pays et territoires d'outre-mer sont au nombre de 26, répartis sur tous les océans et comptent au total un peu plus d'un million d'habitants. Ils sont liés à 4 États membres de l'Union européenne : le Royaume-Uni (12), la France (7), les Pays-Bas (6), le Danemark (1). Ils ne font pas partie du territoire douanier de l'Union et sont en dehors du marché intérieur. La législation de l'Union ne leur est donc pas applicable.

La décision d'association de 2001 liant les PTOM et l'Union européenne définit le cadre légal de promotion du développement social et économique des PTOM et de leurs relations économiques avec l'UE. Cette décision prend fin le 31 décembre 2013. Or, depuis son adoption en 2001, le contexte régional et international dans lequel les PTOM opèrent a considérablement changé. De nouvelles priorités politiques ont vu le jour aux niveaux européen et international (l'environnement, le changement climatique, la gestion durable des ressources naturelles, etc.) et la structure du commerce mondial a évolué. Ainsi, le renouvellement de ce cadre d'association est nécessaire et essentiel pour les PTOM.

Sa révision a été engagée depuis 2008 1 ( * ) et s'est achevée avec l'adoption par la Commission, le 16 juillet 2012, d'une proposition de nouvelle décision d'association liant les PTOM à l'UE. Cette proposition fait actuellement l'objet de discussions au sein du Conseil en vue de son adoption - à l'unanimité - par les États membres.

Dans sa proposition de décision d'association, la Commission a fixé quatre objectifs qui correspondent aux priorités de développement des PTOM et à leurs défis spécifiques :

- l'accroissement de leur compétitivité ;

- le renforcement de leur capacité d'adaptation ;

- la réduction de leur vulnérabilité ;

- la promotion de leur coopération avec d'autres partenaires.

La Commission considère que la relation particulière entre l'Union et les PTOM devrait s'éloigner de l'approche traditionnelle de coopération au développement pour s'orienter vers un partenariat réciproque favorisant le développement durable de ceux-ci. En outre, la solidarité entre l'Union et les PTOM devrait reposer sur leur relation unique et leur appartenance à la même « famille européenne ». La Commission considère que l'association entre l'Union et les PTOM doit reposer sur des objectifs, des principes et des valeurs qui sont communs aux PTOM, aux États membres dont ils relèvent et à l'Union.

En tant que promoteurs de ses normes et de ses valeurs, les PTOM sont des avant-postes et des atouts de l'Europe. Ils sont appelés à participer au rôle qu'elle aspire à jouer au plan mondial. Situés dans l'Océan Indien, les Caraïbes, l'Atlantique ou dans le Pacifique, ils sont en prise directe avec les nouveaux enjeux auxquels l'Europe doit aussi faire face, tels que la globalisation des échanges, les nouveaux défis environnementaux, les risques liés aux perturbations climatiques. Leur développement durable est donc nécessaire.

Avec leurs atouts naturels et les opportunités d'action qu'ils offrent, les PTOM sont susceptibles de devenir des pièces essentielles dans les stratégies de l'Union européenne et des contributeurs innovants dans le cadre des négociations internationales. Dans ce contexte, créer des « centres d'expérience et d'expertise » pourrait se rapporter à l'application et à la promotion de normes élevées, y compris internationales, par exemple dans les domaines de l'environnement, de la sécurité des aliments et de la santé des consommateurs.

Les PTOM se caractérisent tous par la richesse de leur biodiversité. L'utilisation durable et la protection de cette biodiversité y gagneraient si la documentation scientifique et l'accès aux résultats de la recherche et de l'innovation étaient améliorés. De même, l'application de normes internationales en matière de sécurité des aliments et de santé animale et végétale pourrait faciliter les échanges entre les PTOM et leurs partenaires commerciaux, y compris les États membres de l'Union.

L'engagement de l'Union en faveur des normes environnementales et son rôle en tant qu'acteur mondial dans la lutte contre le changement climatique pourraient être précieux tant pour l'Union que pour les PTOM. La Commission estime que la biodiversité et le patrimoine naturel des PTOM pourraient faire l'objet d'une coopération renforcée axée sur la recherche, l'innovation et leur préservation. Un partenariat dans le domaine de l'environnement pourrait profiter aux deux parties.

Compte tenu de la situation géographique des PTOM, il convient, dans l'intérêt de toutes les parties, qu'ils coopèrent avec leurs voisins - malgré les statuts différents des divers acteurs d'une zone géographique donnée au regard du droit de l'Union -, en se concentrant particulièrement sur les questions d'intérêt commun et la promotion des valeurs et des normes de l'Union.

À cet égard, la Commission a réservé une place importante à la coopération et à l'intégration régionales dans sa proposition de décision d'association. En effet, toute action de coopération et d'insertion régionale est encouragée par la Commission européenne qui se félicite de voir les PTOM choisir des projets qui leur permettent de trouver des partenariats avec leurs voisins géographiques. C'est le cas pour les PTOM du Pacifique.

La Commission est particulièrement attentive à ce que les PTOM réussissent leur intégration régionale et développent la coopération régionale notamment pour les raisons suivantes :

- certaines problématiques ne peuvent trouver des réponses efficaces qu'à l'échelon régional (ex : plan de lutte contre les catastrophes naturelles, de protection de la biodiversité) ;

- le développement de petites économies insulaires passe par la recherche d'économie d'échelle et l'accès à des marchés régionaux ;

- les PTOM peuvent constituer des moteurs de développement dans les zones géographiques dans lesquelles ils se situent ;

- les PTOM peuvent participer à la diffusion des valeurs européennes qu'ils partagent dans leur propre région.

La Commission est prête à soutenir des projets portant sur des actions qui concernent plusieurs PTOM ou un PTOM et une entité tierce de sa région (État ACP ou autre, région ultrapériphérique, organisme régional). Compte tenu de l'importance du sujet, les montants alloués à ce type de projets ont, au fil des années, sensiblement progressé : 8 millions d'euros au titre du IX ème FED, 40 millions d'euros au titre du X ème FED. Pour la période post 2013, la Commission propose de porter l'allocation régionale pour les PTOM à 105 millions d'euros.

Le Plan Pacifique, qui concerne la période 2005-2015 et à l'initiative du Forum des îles du Pacifique, vise à stimuler la croissance économique, le développement durable, la bonne gouvernance et la sécurité pour les pays du Pacifique. Le moyen affiché est celui de la coopération régionale. Cette dynamique encourage la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie Française et Wallis-et-Futuna à développer le potentiel d'une coopération avec les pays ACP du Pacifique dans des domaines variés tels que la recherche, l'environnement, ou encore la formation professionnelle. Ces PTOM peuvent s'afficher comme des déclencheurs d'une croissance durable au service du développement économique et social de la région.

En complément de ces initiatives régionales, l'Union développe une stratégie de coopération régionale dans le Pacifique. À ce titre, le projet financé sous le X ème FED, « Initiative des Territoires du Pacifique sud pour la gestion de l'Environnement » (INTEGRE) vise à renforcer la coopération régionale entre les PTOM et les pays du Pacifique inclus dans le groupe ACP et à agir dans la lutte contre les impacts du changement climatique dans les PTOM du Pacifique. Sur les recommandations de la Commission, le projet a évolué pour étendre sa dimension régionale et mettre l'accent sur la coopération régionale et l'intégration dans des actions régionales existantes, notamment via une collaboration avec le Secrétariat général de la Communauté du Pacifique.

Parallèlement aux efforts menés pour développer et promouvoir la coopération régionale, l'Union européenne est attentive aux efforts des PTOM pour leur développement économique, social et environnemental. Ainsi, des ressources du Fonds européen de développement (FED) sont mobilisées pour accompagner les stratégies des PTOM. Au total, 192 millions d'euros depuis le VI ème FED ont été alloués aux Pays et territoires d'outre-mer.

Dans le cadre des PTOM du Pacifique et au titre du X ème FED, 58,49 millions d'euros ont été alloués en soutien à leurs stratégies territoriales.

Ainsi, à Wallis et Futuna, il est prévu d'allouer 16,49 millions d'euros pour aider le « désenclavement économique » en portant l'accent sur la desserte maritime à Wallis et Futuna, et en particulier les infrastructures portuaires de Futuna ainsi que le transport maritime entre les deux îles. Par ailleurs, ce montant sera également utilisé pour accompagner le Territoire, à travers une assistance technique appropriée, dans l'élaboration de politiques publiques de développement afin de développer un nouveau modèle de développement économique et social.

En Nouvelle-Calédonie, et en continuité avec le programme financé au titre du IX ème FED, l'Union européenne soutient, avec 19,81 millions d'euros, la mise en oeuvre de la stratégie territoriale de formation professionnelle continue qui vise à développer l'accès aux formations et accompagner les bénéficiaires, développer l'employabilité et la mobilité des bénéficiaires, assurer l'adéquation du dispositif de formation et de certification aux besoins des acteurs sociaux économiques et des attentes politiques.

En Polynésie française, il est envisagé de mobiliser 19,79 millions d'euros pour soutenir la politique sectorielle de l'eau ( l'objectif spécifique de cette action est de doter la Polynésie française d'une politique sectorielle de l'eau et d'un programme sectoriel opérationnel, élaborés de manière participative ), la bonne gouvernance financière ( l'objectif spécifique est l'élaboration et la mise en oeuvre d'un programme crédible de réformes de la gestion des finances publiques ), et le renforcement des capacités institutionnelles pour la bonne gestion des fonds européens ( l'objectif spécifique est l'amélioration des performances et de l'efficacité de la Polynésie française dans la gestion, la coordination et la conduite des programmes financés par l'Union européenne ).

La Commission aspire à renforcer davantage les liens privilégiés qui caractérisent la relation entre l'Union européenne aux pays et territoires d'outre-mer à travers une relation plus réciproque ciblée sur le développement durable des PTOM (à savoir, un modèle de développement qui concilie les activités économiques et le bien-être social à long terme tout en préservant les ressources naturelles et les écosystèmes pour les générations futures) et qui pourrait, en même temps, contribuer à la promotion des valeurs et des normes de l'Union européenne dans le reste du monde.


* 1 Consultation publique sur le livre vert relatif à « L'avenir des relations entre l'Union Européenne et les PTOM ». Cette réflexion s'est poursuivie avec la communication de la Commission « Éléments d'un nouveau partenariat entre l'Union européenne et les PTOM » en 2009 et la signature d'un document de position commune États membres-PTOM le 28 février 2011 à Nouméa.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page