TABLE RONDE N° 1 - 2012, ANNÉE DE GRANDE CAUSE NATIONALE : BILAN ET PERSPECTIVES

Intervenants :

- Annie David, présidente de la commission des affaires sociales du Sénat, médiatrice

- Valérie Létard, ancienne ministre, sénatrice du Nord

- Agnès Marie-Egyptienne, secrétaire générale du Comité interministériel du handicap

- Luc Allaire, directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

- Evelyne Guigou, directrice chargée de l'offre médico-sociale à l'Agence régionale de santé Nord-Pas-de-Calais

- Christel Prado, rapporteure de l'avis du Conseil économique, social et environnemental sur le coût économique et social de l'autisme

- Gwendal Rouillard, coprésident du groupe d'études Autisme à l'Assemblée nationale

- Vincent Gerhards, président du Collectif Autisme

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Annie David - Nous entamons à présent nos travaux. Je suis heureuse de vous accueillir, en ma qualité de présidente de la commission des affaires sociales, si nombreux pour ce colloque. Votre présence témoigne, s'il en était besoin, le très grand intérêt que nous portons à ce sujet douloureux.

Notre commission a souhaité, avec deux autres collègues très impliquées sur l'autisme, Françoise Laborde et Valérie Létard, se mobiliser, au sein de la commission et de la Haute Assemblée. Il nous a paru opportun d'organiser ce colloque afin de réaliser un bilan de l'année écoulée et de débattre des prochaines échéances dans le cadre du troisième plan autisme. Je remercie les intervenants qui ont accepté de partager avec nous leurs connaissances, leurs expériences, leurs attentes et leurs propositions. Mes remerciements s'adressent également aux parents, responsables d'associations, élus nationaux, locaux, représentants des administrations et du secteur médico-social, professionnels de santé et chercheurs, qui ont souhaité participer à cette journée sur l'autisme. Environ 250 personnes se sont inscrites.

Afin d'informer les personnes que nous n'avons pu accueillir en raison de la capacité limitée de notre salle, nos débats seront publiés par la commission des affaires sociales, et diffusés sur le site internet du Sénat. Ils feront en outre l'objet d'une communication orale en commission, de manière à présenter un rapport à l'ensemble des membres de la commission. Je souhaite que nos débats soient riches et constructifs et que chacun y trouve matière à faire progresser une cause qui le mérite.

Notre première table ronde traitera des actions menées au cours de l'année de Grande Cause nationale. Ces actions ont-elles répondu aux attentes ? Quels sont les prochains enjeux ? Quelles sont les questions dont nous pourrions débattre ? Elle sera suivie d'un échange avec la salle.

Agnès Marie-Egyptienne - Je vous remercie de nous donner l'occasion de débattre et d'expliquer l'action menée en faveur des personnes autistes.

Le premier élément du bilan de cette année est la reconnaissance de cette cause, grâce à la mobilisation des associations, notamment le Collectif, qui ont su démontrer leur capacité à s'unir malgré leurs différences.

Par ailleurs, reconnaître l'autisme permet de le faire connaître. La mobilisation médiatique associée à l'année de la Grande Cause permet d'expliquer l'autisme au grand public, par exemple avec un débat en prime time sur une chaîne de grande écoute. Le troisième plan autisme poursuivra les actions d'explication et de sensibilisation.

En troisième lieu, l'année de la Grande Cause a permis de reconnaître que l'autisme est un sujet de société et une problématique de santé majeure. Certes, deux plans ont été précédemment mis en oeuvre, toutefois des progrès restent à accomplir. La Grande Cause traduit la mobilisation des pouvoirs publics et notamment du Gouvernement. Elle aboutit à l'annonce du troisième plan autisme, dans la continuité de la priorité instaurée par le précédent gouvernement. L'élaboration du plan implique un travail interministériel.

La France accuse un retard dans l'accompagnement des personnes autistes. Il est impératif que nous progressions. Les recommandations de bonnes pratiques de la HAS constituent un acquis essentiel de cette année. Auparavant, le socle de connaissance et les recommandations en matière de diagnostic des enfants et des adultes avaient ouvert la voie. Cependant, les recommandations de cette année sur les interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées pour les enfants et les adolescents constituent des références solides à partir desquelles il devient possible de construire une organisation pour un accompagnement et une prise en charge adaptés aux spécificités de l'autisme, et capable de répondre aux besoins et attentes des personnes autistes.

Ce troisième plan se construit autour de trois axes :


• le renforcement de la recherche, car il est indispensable de continuer et d'accentuer les efforts entrepris dans les domaines de la recherche fondamentale et de la recherche clinique afin d'approfondir la connaissance des causes de l'autisme et l'acquisition de données épidémiologiques, avec l'objectif de relier la recherche à l'action ;


• l'amélioration du diagnostic, de la scolarisation et de l'accompagnement tout au long de la vie, en prenant en compte la problématique du vieillissement, et en cherchant à favoriser la continuité du parcours grâce à l'identification de leviers permettant d'éviter les ruptures ;


• la formation, qui constitue un des leviers essentiels pour faire évoluer les pratiques. Il est impératif que les recommandations de la HAS et de l'Anesm se déploient au plus près des adultes et des enfants autistes, ce qui requiert que l'ensemble des professionnels de la petite enfance, de la santé, du médico-social, de l'éducation soient en mesure de les mettre en pratique. L'enjeu de la formation, initiale et continue, est donc essentiel.

Une personne de la salle remet une pétition à la tribune.

Ce plan constitue un cadre d'action, qui se concrétise dans la vie des familles en se déclinant en trois points :


• identifier les leviers d'action de manière à mettre en oeuvre les objectifs annoncés ;


• déployer le plan dans les régions via les agences régionales de santé (ARS) ;


• poursuivre dans la mise en oeuvre du plan la concertation ayant présidé à son élaboration, avec des rendez-vous réguliers notamment avec le Comité national de l'autisme afin de rendre compte de l'état d'avancement du plan et de sa déclinaison sur l'ensemble des territoires.

Vincent Gerhards - Je représente des associations de parents.

Le milieu de l'autisme s'est trouvé agréablement surpris par l'attribution de la Grande Cause à l'autisme. Il s'est avéré qu'il s'agissait d'une tâche importante et les associations se sont trouvé démunies face à un événement de cette ampleur.

Le budget du mouvement Ensemble pour l'autisme s'élevait à 150 000 euros. Nous avons essayé de réaliser l'ensemble des points inscrits au cahier des charges de la Grande Cause avec ce faible budget. Quatre ministères se sont mobilisés et nous avons également rassemblé quelques fonds, mais ce budget ne nous a permis de ne disposer que de deux permanents, ce qui s'est avéré insuffisant.

2012 est une année charnière, dont le bilan est relativement positif. La Grande Cause consiste essentiellement à faire connaître le handicap de l'autisme au grand public, un handicap compliqué à expliquer.

2012 n'est qu'un début. Nous avons avancé sur le plan de l'information du grand public. La soirée de France 2, première soirée en prime time autour de l'autisme, a suscité des réactions d'associations qui considéraient que ce temps aurait dû être consacré aux enfants. Le but d'une telle soirée est cependant d'informer le public et, en priorité, les personnes qui ne connaissent pas ce handicap. La télévision, en recherche d'audience, a rechigné à accepter cette soirée qui s'est révélée être un succès d'audience, les personnes qui se sont intéressées à ce thème ayant assisté à l'ensemble de l'émission.

Le Collectif autisme et le mouvement Ensemble pour l'autisme ont par ailleurs participé aux journées parlementaires. Il est très positif que le politique considère sérieusement la question, notamment par les travaux de l'Assemblée nationale et du Sénat.

En outre, la campagne de presse d'avril a connu des retombées positives, et les rencontres régionales de cet automne ont été l'occasion d'initier des débats avec des personnes qui n'étaient pas nécessairement au fait de l'autisme.

Pour nous, l'autisme restera une Grande Cause en 2013, car les problèmes n'auront pas été réglés. Les échos que nous avons reçus du futur plan autisme ne nous rendent pas très optimistes quant à ce qui sera annoncé. Toutefois, la prise en compte des recommandations de la HAS constituerait un point positif. Je rappelle que les promesses du deuxième plan n'ont pas été tenues. Sept millions d'euros sur trois ans avaient été promis pour la recherche, alors que cinquante millions d'euros par an sont consacrés à la recherche sur la maladie d'Alzheimer et le Sida. Les associations réagiront fortement si aucun signe d'effort relatif au budget n'apparaît dans le plan à venir.

Nous attendons également des signes forts du plan concernant le diagnostic, et notamment la création de centres de diagnostics supplémentaires. En effet, il est inadmissible que les familles soient obligées d'attendre actuellement 289 jours pour obtenir un diagnostic en Ile-de-France.

Dans le domaine de la scolarisation, l'éducation nationale envisage de professionnaliser les métiers d'accompagnants, ce qui, à mon sens, ne constitue pas un signe positif.

En 2013, le collectif insistera sur les actions en faveur des adultes.

Enfin, la formation est insuffisante et mal orientée. Il appartient au Gouvernement de rectifier cet important chantier.

Nous attendons donc le plan autisme avec des réserves et nous nous montrerons vigilants pour que l'année de la Grande Cause n'ait pas été inutile.

Luc Allaire - La caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) est une maison commune du secteur de l'autonomie incluant les personnes âgées et les personnes handicapées. L'ensemble des parties prenantes de la politique de l'autonomie figurent au conseil de la CNSA : les associations de personnes âgées et de personnes handicapées, les représentants des départements, des deux assemblées, des confédérations syndicales nationales et de l'Etat.

Le bilan du précédent plan autisme doit s'envisager avec prudence. L'année de la Grande Cause doit être mesurée à l'aune des nombreuses actions qui restent à entreprendre.

Le plan a été réalisé en ce qui concerne les mesures déclinées par la CNSA. La création de 4 100 places sur cinq ans, que nous avions annoncée, est en cours de réalisation, toutes les places étant d'ores et déjà financées.

Par ailleurs, il avait été prévu de promouvoir des expérimentations de nouveaux modèles d'accompagnement, issues des recommandations précédentes de la HAS et de l'Anesm. Une circulaire est parue en janvier 2012, et plus de 21 millions d'euros ont été consacrés à ces expérimentations. La CNSA a sélectionné vingt-huit projets pour un coût moyen légèrement supérieur au coût moyen de la prise en charge des enfants autistes dans les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS). Nous sommes actuellement dans une phase d'évaluation de ces expérimentations, dont les résultats devraient être disponibles en 2014. La durée de ces évaluations s'explique par les modalités scientifiques que nous avons souhaité leur appliquer.

La généralisation et le renforcement des centres de ressources pour l'autisme (CRA) constituent un troisième élément du plan. Les vingt-six CRA sont cofinancés par le secteur sanitaire et la CNSA qui leur consacre 13 millions euros, soit une moyenne de 500 000 euros par centre, modulée selon les régions. Les CRA assurent des grandes missions d'information, d'appui au diagnostic, d'organisation de la formation, de recherche et d'études, et d'animation régionale des acteurs. Ces chiffres sont évidemment insuffisants par rapport à la demande. Chaque année, les CRA reçoivent 8 000 demandes individuelles et 12 000 demandes issues de professionnels, réalisent 3 000 bilans diagnostiques et forment 21 000 professionnels. Il serait souhaitable d'en former davantage mais les possibilités sont actuellement limitées.

Parallèlement à ces réalisations quantitatives, un effort considérable a été réalisé concernant l'état des connaissances. Nous avons élaboré un corpus commun de connaissances sur l'autisme publié par la HAS en mars 2010 et largement diffusé auprès des professionnels. Nous avons également participé à l'élaboration de recommandations de bonnes pratiques à destination des professionnels. Nous coordonnons les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) en lien avec les conseils généraux. Enfin, nous avons animé en coordination avec l'Association nationale des centres ressources autisme (Ancra) et l'Association nationale des centres régionaux d'études et d'action (Ancreai) des réunions d'échanges de pratiques pour développer les coopérations entre les MDPH et les CRA ainsi que la formation d'équipes pluridisciplinaires dans les MDPH. Je connais l'état de la situation et des insatisfactions, et je sais les difficultés de cheminement des parents dans les MDPH.

Les éléments budgétaires portés à ma connaissance sont encourageants quant à la programmation de moyens supplémentaires. Nous souhaitons par ailleurs affiner notre connaissance du nombre de places et de services liés à l'autisme, dans le cadre de l'enquête quadriennale sur les établissements de santé. Ainsi, il sera plus aisé pour les pouvoirs publics de projeter les efforts à réaliser pour compléter l'offre. Il est également envisagé de transformer des places, notamment du secteur psychiatrique vers le secteur médico-social. J'ai visité récemment un établissement pour adultes autistes, où le cas d'une personne de soixante ans ayant vécu plus de quarante ans dans un hôpital psychiatrique m'a été présenté.

Enfin, nous suivons deux pistes de réflexion pour le futur plan autisme, l'une concernant l'effort d'appropriation des recommandations de la HAS et de l'Anesm, et l'autre la construction d'une offre médico-sociale pour les enfants de deux à quatre ans, du diagnostic à l'accueil.

Christel Prado - Je commencerai mon propos par une citation de Gisèle Halimi : « On ne mendie pas un juste droit, on se bat pour lui » . Nous sommes tous ici présents pour nous battre. Je voudrais remercier les associations, qui sont à l'origine de l'élaboration des politiques publiques. Je voudrais également remercier Evelyne Nové, grâce à qui l'autisme n'est plus considéré uniquement dans le champ de la maladie mais aussi du handicap, ce qui nous permet aujourd'hui d'aller plus loin pour réclamer des droits. Je salue en outre l'investissement des parlementaires, notamment Jean-François Chossy et Valérie Létard. Face au désastre de l'accompagnement des autistes et de leurs familles, de nombreuses personnes se sont mobilisées et il me paraît injuste que ce soient elles qui fassent l'objet de reproches.

L'avis du Cese paru début octobre a remporté l'unanimité de ses membres, donc de la société civile, des professions libérales, des syndicats de salariés, des employeurs, des acteurs du monde de l'agriculture. Tous connaissent désormais l'autisme grâce à la saisine et relaient cette connaissance dans leur réseau. Malheureusement, l'Assemblée nationale ne s'en est pas emparée pour réaliser des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Un avis du Cese ne s'appuie que sur des données avérées. Les personnes qui interviennent ce matin à la tribune ont connaissance des expériences de vie dont vous pouvez témoigner. Personne ne fait carrière avec l'autisme, ni en tant que parent, ni en tant que fonctionnaire. Malgré notre envie d'accélérer le processus, nous devons reconnaître le travail réalisé.

Les préconisations du Cese s'appuient sur les difficultés à obtenir un diagnostic, qui ne doivent plus exister. Grâce à la HAS, il existe un socle commun sur le diagnostic, le partage des connaissances, les méthodes d'accompagnement. Nous devons désormais dépasser ce socle, et j'espère que le troisième plan mettra en oeuvre ces préconisations. Le refus d'accepter cet état des connaissances partagées nous empêche d'avancer, malgré la bonne volonté d'un grand nombre d'acteurs.

Applaudissements

De la même manière, malgré les efforts de la CNSA, il est difficile de recueillir les données qui permettraient de piloter les politiques publiques. Il existe entre 250 000 et 600 000 personnes autistes. La masse financière qui leur est consacrée représente entre 3 % et 5 % des ressources dédiées au handicap. Des systèmes d'information performants devraient nous permettre d'améliorer le pilotage et l'orientation des politiques par une meilleure utilisation des financements. Le Cese n'est notamment pas parvenu à obtenir des données agrégées de la part des hôpitaux.

Nous avons préconisé de diagnostiquer les enfants avant six ans. Il nous paraît important de nous appuyer sur des outils réglementaires existants, comme le certificat de santé au neuvième mois pour l'autisme de Kanner et le certificat de santé au vingt-quatrième mois qui fournit des indications utiles au dépistage d'un autisme d'Asperger. Je ne comprends pas pourquoi ces certificats obligatoires ne sont pas exploités pour orienter les familles vers une équipe de diagnostic.

L'inclusion sociale nous est apparue particulièrement importante. Elle commence par la petite enfance et se poursuit à l'école. Il est impératif de cesser de mélanger les autistes et les enfants déficients intellectuels dans les classes pour l'inclusion scolaire (Clis) et les unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis), car les problématiques étant différentes, la pédagogie ne peut être similaire et il leur est impossible de réaliser des progrès ensemble.

Applaudissements

Evelyne Guigou - Je représente l'ARS du Nord-Pas-de-Calais et je témoignerai des actions réalisées en région.

L'ARS s'est mobilisée, avec le CRA, son réseau et les familles. Nous nous étions engagés activement dans la mise en oeuvre du deuxième plan, cependant nous avons renforcé nos actions dans certains domaines cette année. En outre, le schéma régional d'organisation médico-sociale, paru début 2012, fait de l'autisme une priorité.

Nous nous sommes mobilisés dans plusieurs domaines et d'une manière pragmatique avec cependant le souhait de dessiner une stratégie globale. L'information et la formation sont au coeur des missions d'un CRA, et ces activités augmentent parallèlement à la progression de la demande. Nous estimons que le temps est venu de partager le socle de connaissances et les recommandations de bonnes pratiques.

Nous avons organisé une réunion régionale de sensibilisation et d'information ouverte aux professionnels et au grand public, qui a rassemblé plus de 400 participants. Nous engageons également une campagne de formation en direction des professionnels de terrain de plusieurs disciplines, sur chaque territoire de proximité. Pour le moment, nous testons la formation sur deux territoires, puis nous la déploierons à l'ensemble des territoires en 2013, après en avoir adapté les contenus en fonction de l'analyse des tests. Nous voudrions par ailleurs engager des actions de formation pour les médecins généralistes afin de les sensibiliser au repérage des signes d'alerte et leur communiquer une information sur le dispositif de diagnostic et de prise en charge. Un financement est prévu pour les rencontrer dans les soirées de formation médicale continue. En parallèle, nous prévoyons d'intervenir dans les facultés de médecine en 2013, dans le cadre des journées de formation médicale continues.

Un objectif capital consiste à développer l'information auprès des professionnels de la petite enfance et notamment les centres de protection maternelle et infantile (PMI). Nous avons obtenu l'accord des conseils généraux sur ce point.

Le déploiement des capacités de diagnostic est également crucial. Le CRA est saturé ; les délais d'obtention d'un diagnostic sont supérieurs à un an. D'une part, les capacités diagnostiques doivent être déployées, d'autre part, les diagnostics réalisés doivent être de qualité et conformes. Un financement est prévu et nous avons en outre lancé un appel à candidatures auprès des professionnels de terrain pour constituer des équipes de diagnostic de l'autisme de proximité. Le cahier des charges comporte une condition de portage partagé entre les acteurs du secteur sanitaire et du domaine médico-social. Cinq équipes labellisées, actuellement en formation, seront opérationnelles en octobre 2013. Les institutions dont émanent ces équipes devront formaliser leur engagement dans des conventions d'organisation et de fonctionnement.

Ces dernières années, l'offre a prioritairement été développée pour l'enfance. Actuellement, les capacités des structures ou des unités d'établissements dédiées à l'enfance ont atteint un niveau intéressant, mais encore insuffisant. En revanche, l'offre reste à développer sur certaines tranches d'âge, et principalement sur les adultes.

Gwendal Rouillard - Il est remarquable que l'ensemble du Parlement se mobilise. Le Sénat travaille plus discrètement que l'Assemblée nationale mais réalise des travaux sérieux, dont cette initiative que je salue.

Depuis toujours, nous considérons que la situation en France est scandaleuse. J'ai reçu récemment le témoignage d'une mère qui se prostitue pour financer la prise en charge de son fils autiste.

Je resterai positif au sujet de la Grande Cause parce qu'elle participe de la prise de conscience indispensable pour préparer les décisions de demain. Les politiques sont notamment les premiers à nécessiter une formation.

Vous pouvez compter sur le Parlement. Nous remettrons en place dès que possible à l'Assemblée nationale le groupe Autisme que je copréside avec Daniel Fasquelle. La mise en place des groupes est retardée par l'actualité parlementaire, toutefois nous poursuivons nos travaux. Je soutiens l'exécutif, tout en étant exigeant à son égard.

L'enjeu principal réside dans la traduction concrète des recommandations de la HAS. Ce sujet constitue la pierre angulaire pour le plan autisme à venir mais aussi pour le suivant. Tous les problèmes ne pourront être réglés immédiatement. Vous m'objecterez que vous ne constatez aucun changement, année après année. Il sera nécessaire d'insister, de dégager les priorités, de combattre, tout en gérant le temps. Je considère que la priorité majeure consiste à réorienter le financement du sanitaire vers le médico-social (applaudissements) . Il est nécessaire que les hôpitaux psychiatriques soient réformés ce qui va de pair avec la formation professionnelle.

Je n'ai jamais mis en cause les professionnels ; je souhaite que nous travaillions avec eux et non contre eux, pour faire évoluer les pratiques. Je garde un état d'esprit positif, car il est nécessaire que nous parvenions à convaincre les professionnels de santé susceptibles de nous soutenir. Cependant, il convient de garder à l'esprit que certains nous combattent. En effet, il m'a été confirmé que l'approche psychanalytique est encore enseignée dans 121 facultés sur 123. Roselyne Bachelot, Daniel Fasquelle, Valérie Létard et d'autres personnes politiques se battent pour que le packing soit supprimé en France (applaudissements). J'ai honte pour mon pays. Je suggère de nous montrer d'une ténacité extrême sur ce sujet. Des propos élogieux au sujet du packing se font encore entendre et des formations sont dispensées.

Lorsque le groupe Autisme sera installé à l'Assemblée nationale, nous solliciterons la commission des affaires sociales et la commission des finances pour une saisine de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et une saisine de la Cour des comptes. Je demanderai à ces deux institutions de rendre des rapports en 2013 sur le coût de la prise en charge de l'autisme. J'attends des éléments précis, objectifs et incontestables, qui nous permettront de progresser dans le cadre du quatrième plan autisme.

Je constate que votre force, associations et familles, réside dans votre capacité à vous organiser collectivement au-delà de vos désaccords. En outre, je comprends et partage votre rapport critique au politique. Je suggère cependant que vous preniez garde à ce que vos initiatives soient productives et non contre-productives. Certains sont prêts à utiliser certaines initiatives contre nous pour nous faire perdre collectivement. Nous avons besoin de votre aide, sans confusion des rôles, parce que le combat doit être mené collectivement.

Applaudissements

Valérie Létard - Je me suis déjà exprimée à plusieurs reprises sur le bilan du plan autisme précédent, que j'ai porté à la connaissance de Roselyne Bachelot et à la vôtre.

Je vous propose de considérer les voies à emprunter plutôt que de constater les retards, afin d'amorcer la réflexion et de susciter les réactions.

Le plan s'est progressivement essoufflé dans les dernières années, probablement parce qu'il est nécessaire d'en relancer la gouvernance et le pilotage collectif. Au départ, le plan bénéficiait d'une instance de pilotage et de coordination interministérielle impliquant également les associations de professionnels et de parents. Cet outil permettait de définir une stratégie et une méthode de rassemblement de toutes les thématiques dépendant de plusieurs ministères, comme le dépistage, la formation et l'enseignement. Le pilotage s'essoufflant, nous avons constaté que les ministères dont les préoccupations sont proches du sujet poursuivaient leur progression, alors que les ministères pour qui cette question était périphérique tendaient à se déconnecter des autres. Pour cette raison, certains aspects ont progressé et d'autres sont demeurés immobiles.

Ma première préconisation consisterait à débattre avec la ministre de l'instance de pilotage à mettre en place et du rôle à accorder aux associations pour suivre le plan trimestriellement et le réajuster éventuellement. En effet, la mise en oeuvre pêche davantage que plan lui-même, qui avait peu de défauts. Pourquoi la recherche n'a-t-elle pas progressé ? Pourquoi l'application en lien avec les ARS est-elle restée au point mort ? Comment améliorer la formation des assistants de vie scolaire (AVS) en lien avec l'éducation nationale ? Je considère que la gouvernance constitue la clé de voûte.

La HAS a défini le nouveau socle de connaissances et sa déclinaison ; elle a émis des recommandations sur le dépistage et les bonnes pratiques, dans le but de relancer les études épidémiologiques ainsi que la recherche fondamentale et appliquée. Il convient de considérer les moyens permettant d'intégrer ce socle de connaissances dans les contenus de formation des professionnels de santé, de psychiatrie, du médico-social et du secteur scolaire.

L'objectif consiste également à multiplier la capacité de diffusion des attentes des familles en matière d'évolution de la prise en charge des enfants, avec des ratios d'encadrement et des structures adaptées, qu'elles soient nouvelles ou qu'elles procèdent de l'évolution de structures existantes. Dans ce cadre, j'ai préconisé de transférer des crédits du sanitaire vers le médico-social. Toutefois, il est indispensable d'accompagner un tel transfert de crédits d'un effort de formation et d'un renforcement du ratio d'encadrement. Afin d'accélérer la capacité à répondre à l'offre, il est impératif de mettre en oeuvre les deux aspects simultanément, et donc de créer des places supplémentaires et de renforcer la qualité de l'accueil dans les établissements existants. Les contrats d'objectifs doivent intégrer la capacité à offrir de la formation.

De nombreuses recommandations existent, depuis le dépistage jusqu'à l'âge adulte, afin de réduire les manques de la prise en charge observés à certaines étapes du parcours de vie. Nous devons fortement insister sur ces sujets. En outre, la précocité du dépistage, l'efficacité du diagnostic et la qualité des outils de prise en charge renforcent les chances des jeunes autistes d'accéder au logement et à l'insertion professionnelle. Pour ce faire, ils requerront un accompagnement. Il sera également nécessaire que le monde du travail se dote d'outils de formation et d'adaptation pour favoriser leur autonomie dans leur poste de travail.

En conclusion, il n'existe pas de réponse unique, mais un spectre de réponses utilisant toute la palette des méthodes et outils, de manière à mettre en oeuvre une pluri-méthode adaptée à chaque situation, qui intègre les recommandations de la HAS. En effet, un psychiatre qui a compris l'évolution des prises en charge peut s'avérer utile s'il prend en compte ce socle des connaissances. En outre, le contenu des formations du champ professionnel de la psychiatrie doit intégrer ces évolutions. Pour accompagner un enfant ou un adulte autiste, chaque famille doit être en mesure de disposer de tous les outils en tous points du territoire.

Je propose donc qu'en 2013, l'équité sociale et territoriale soit respectée malgré la disparité des moyens et des outils des conseils généraux. Cette année de Grande Cause nationale, située à un moment inadéquat de transition gouvernementale, n'a pu faire progresser la cause aussi rapidement que souhaité. Il est donc nécessaire de doubler en 2013 les efforts qui étaient dus en 2012 et de les prendre en considération dans le futur plan.

ÉCHANGES AVEC LA SALLE

Annie David - Les demandes de prise de parole sont nombreuses.

M'Hammed Sajidi - Je suis président de l'association Vaincre l'autisme. Je souhaite répondre à M. Rouillard dont j'ai apprécié les paroles et reprendre l'historique de la démarche courageuse de Mme Létard. L'association a obtenu en 2008 le lancement d'une pétition qui a recueilli 70 000 signatures. En 2012, des espaces ont été mis gracieusement à disposition pour diffuser une campagne de sensibilisation de l'opinion en parallèle au label Grande Cause. Malgré l'évolution, la discrimination perdure. J'ai connaissance d'un décès en chambre d'isolement, de contentieux devant le Conseil d'Etat, et je vis également un contentieux concernant la scolarité de mon fils. Je partage les convictions du député Rouillard concernant le packing , mon association ayant demandé le moratoire contre le packing . Des hôpitaux psychiatriques qui pratiquent le packing reçoivent encore des financements. Les parents ont mené un combat acharné pour obtenir une décision politique. Le Gouvernement a passé outre les blocages du système administratif actuel qui contribuent à nuire aux structures innovantes. Dans le cadre du groupe de travail, vous devriez revendiquer la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire afin de faire apparaître les facteurs de blocage.

Intervention de la salle - Je vis seule avec un enfant autiste de cinq ans et demi, qui a deux soeurs. J'ai dû éloigner l'aînée, qui ne supporte pas les souffrances de son frère. Mon fils est pris en charge dans une structure polyhandicaps qui ne lui est pas adaptée, parce que je ne trouve pas de place dans les instituts médico-éducatifs (IME). J'envisage donc de cesser de travailler à la rentrée prochaine, car je manque de temps pour m'occuper de mon fils. Toutefois, étant seule, il me faut subvenir aux besoins de mes enfants. J'ai suivi par ailleurs des formations aux méthodes ABA (applied behavior analysis) et PECS (picture exchange communication system) . En outre, ma plus jeune fille s'interroge et commence à rencontrer des problèmes scolaires. En substance, je vis une situation extrêmement difficile.

Il est impératif que les politiques appliquent rapidement les décisions prises, car des familles entières souffrent et se détruisent. Je suis désemparée devant ce qui m'attend à la rentrée prochaine.

Applaudissements

Intervention de la salle - Je représente les principales associations du handicap au Conseil supérieur de l'enseignement spécialisé.

Je suis surprise que les perspectives concernant l'enseignement n'aient pas été davantage abordées. La France paie 60 millions d'euros pour l'hébergement des enfants en structure en Belgique.

Annie David - Je vous rappelle qu'une table ronde sur la scolarisation se tiendra cet après-midi.

Intervention de la salle - Les transports interfrontaliers coûtent 2 500 euros par mois à la Sécurité Sociale. L'hôpital de jour revient à près de 1 000 euros par jour et nous payons 14 000 euros par an pour une scolarité performante en Belgique. Mon fils autiste non verbal à cinq ans a réalisé des progrès impressionnants grâce au système éducatif belge et se trouve désormais dans une classe inclusive dont s'occupent deux instituteurs dont un spécialisé, où il obtient les meilleurs résultats de son école.

Valérie Sochon - Je représente l'association « Je TED à aller à l'école ».

Dans le Morbihan, nous avons demandé une subvention pour notre grande journée mondiale de l'autisme mais il nous a été répondu que cet événement ne pouvait prétendre à un financement du territoire. Je considère que les associations devraient elles aussi disposer de moyens pour informer le public dans le cadre de tels événements.

Evelyne Guigou nous a décrit des CRA qui fonctionnaient correctement, ce qui n'est pas le cas dans le Morbihan. Je reçois des appels quotidiens de familles désespérées qui ne peuvent plus accéder aux CRA. Il n'est désormais plus possible de changer de région ou de secteur. A Lorient, personne n'est capable de diagnostiquer un enfant autiste et les médecins du secteur empêchent l'accès aux CRA.

Je m'adresse à présent à M. Allaire. Le financement des MDPH est totalement insuffisant. Des milliers de femmes sans emploi ni ressources en sont parfois réduites à mendier pour manger, tenues de choisir entre leurs enfants, leur santé, leur carrière et leur vie de femme. Je considère qu'il est ignoble de laisser des femmes vivre ainsi. Je ne m'explique pas que vous ne receviez jamais les dossiers pour les MDPH que nous vous envoyons en recommandé. Pouvez-vous imaginer le désespoir des parents allant défendre leur dossier devant les commissions pour recevoir des sommes dérisoires au titre de la prestation de compensation du handicap (PCH) ? De même, l'aide animalière n'est pas reconnue. Il existe un scandale au sujet des MDPH et des ARS.

Applaudissements

Annie David - Je vous informe que Mme la ministre nous a rejoints et interviendra avant la table ronde suivante.

Intervention de la salle - Je suis étudiante en médecine.

Vos propos reflètent une théorie idéale, cependant la pratique en est encore éloignée. Il me semble intéressant de sensibiliser les médecins à l'autisme, toutefois, je souhaiterais connaître la nature du dispositif envisagé. Il est exigé sans cesse davantage des médecins généralistes, mais j'ai constaté avec perplexité dans un service d'urgences psychiatriques que les psychiatres ignoraient tout de l'autisme. L'autisme est malaisé à comprendre et à détecter, et j'estime que la responsabilité que vous envisagez de conférer aux généralistes est trop lourde pour eux.

Par ailleurs, lorsqu'une personne autiste est placée en hôpital psychiatrique, elle prend la place d'autres personnes présentant des pathologies plus dangereuses. L'autisme est un mal de vivre, aggravé par une prise en charge inadaptée, laquelle est le fait des hôpitaux psychiatriques, mais aussi de certaines structures qui se prétendent spécialisées.

Applaudissements

Intervention de la salle - Je suis mère d'une enfant autiste âgé de onze ans, et adhérente à plusieurs associations. Il existe un réel problème de maillage du territoire. Je suis venue en compagnie de plusieurs autres personnes, dont le directeur de deux services d'éducation et de soins spécialisés à domicile (Sessad) en Isère et le directeur du foyer d'accueil médicalisé (Fam) Envol Isère. Notre statut de parents élus pour élever un enfant autiste nous confère malgré nous une légitimité incontestable. Malgré nos airs guerriers, nous aspirons à une vie de famille et une vie digne pour nos enfants tout au long de leur vie. De nombreux parents ont contribué à la reconnaissance de l'autisme en tant que handicap. Nous formons et nous nous informons, tout en recevant avis, rapports, recommandations, textes de loi. Ces documents imposants nous laissent entrevoir la compréhension nécessaire à l'ajustement des actions à engager. Toutefois, l'action suivra-t-elle réellement la réflexion ?

Nous sommes fatigués des déplacements timides de budget du sanitaire vers le médico-social, de ces leurres, chiffres et statistiques. Au-delà de la théorie, nous connaissons les coûts réels et nous savons comment utiliser les budgets à bon escient. Nous attendons que les connaissances accumulées sur l'autisme nous permettent de sortir du stade expérimental, qui a déjà fait ses preuves. Nous demandons que les représentants des familles prennent part à l'élaboration du troisième plan autisme. Les parents, par leur expérience de l'autisme, connaissent la réalité des besoins et sauraient renforcer l'efficacité du plan. Le chantier est vaste mais tous les éléments en sont identifiés.

Applaudissements

Annie David - Je rappelle que le colloque est ouvert toute la journée et d'autres tables rondes suivront, notamment celles qui seront consacrées à l'accompagnement tout au long de la vie. Je vous suggère donc de profiter des intervenants présents ce matin et de recentrer vos questions sur ce qui a été présenté, afin que nous puissions vous apporter des réponses et des arguments.

Valérie Létard - Toutes les questions que vous posez correspondent aux aspects qui seront abordés de façon plus structurée tout au long de la journée.

Je remercie Mme la ministre de bien vouloir écouter un ou deux témoignages de parents supplémentaires avant son intervention afin de percevoir la tonalité des attentes des familles.

L'objectif de ce colloque est d'entendre ce que vous exprimez. Parmi les travaux en cours, quels sont les sujets prioritaires ? Comment rapporter le résultat des différentes tables rondes à Mme la ministre alors qu'elle élabore le futur plan autisme ? Je comprends la souffrance des parents, qui ressentent une impression d'immobilisme ou d'inégalité dans les avancées. Il est nécessaire que nous nous organisions pour être efficaces. Nous vous apporterons des réponses quand nous le pourrons mais il est tout aussi intéressant de recueillir vos propositions pour que le document retraçant ce colloque puisse être porté à la connaissance de la ministre, qui en hiérarchisera les priorités et nous orientera sur les actions concrètes à mener.

Par exemple, comment changer les pratiques des médecins si les outils ne leur sont pas fournis ? Les caisses primaires d'assurance maladie (Cpam) financent un intéressement pour les médecins qui deviennent référent sur un territoire de proximité. Il existe plusieurs outils convergents, des outils de formation par voie numérique, d'autres qui permettraient de mailler le territoire en formation. Nous devons aborder ces sujets, ainsi que celui des moyens à mettre en oeuvre avec les ministères pour améliorer la formation initiale.

Intervention de la salle - Je suis mère d'une petite fille autiste que j'élève seule. Je participe aux équipes de travail du Comité national de l'autisme. J'étudie les problématiques de terrain pour déterminer les blocages. L'autisme est un handicap comportemental. L'enfant interagit avec les autres en fonction de leur comportement à son égard. Il n'est pas nécessaire d'être autiste pour être atteint d'autisme. Tous ici, nous sommes autistes, car nous sommes incapables d'ouvrir nos esprits pour mieux comprendre l'autre. Nous ne démontrons aucune capacité à travailler en coordination. L'objectif consiste à nous battre ensemble mais nous n'y parvenons pas.

Annie David - Le sens de ce colloque est d'avancer ensemble pour lutter contre le désintérêt que certains portent à l'autisme, grâce à des tables rondes aux thèmes bien ciblés.

Evelyne Nové - Je représente l'association Autisme Basse-Normandie. Je peux témoigner que dans notre région, les familles attendent plus de dix-huit mois pour accéder à un CRA. Il n'existe aucun professionnel compétent dans le domaine du diagnostic, et aucun professionnel capable d'accompagner des autistes de haut niveau. Notre institut régional du travail social (IRTS) refuse de mettre en place les formations selon les recommandations actuelles. L'hôpital de Vire s'apprête à renvoyer en Belgique un adulte de quarante-sept ans dont la famille s'oppose au transfert, afin de récupérer une place. Je signale en outre qu'un adulte autiste est décédé en hôpital psychiatrique d'une overdose médicamenteuse suite à une hospitalisation d'office. Je suis mère d'un adulte autiste ayant passé plus de quinze ans en hôpital psychiatrique, et qui a intégré un établissement adéquat depuis cinq ans. Les places ne sont pas le seul élément nécessaire ; un meilleur accompagnement des jeunes leur permettrait de connaître une meilleure évolution que celle de mon fils.

Applaudissements

Intervention de la salle - J'ai été diagnostiquée Asperger et TDH à l'âge de quarante et un ans. Je présente donc un profil atypique difficile à diagnostiquer. Je suis également mère d'une enfant autiste. Je me bats au tribunal afin de faire reconnaître les droits de ma fille, notamment parce que le décret de 2002 n'a pas été mis en application. Je suis surendettée, au revenu de solidarité active (RSA) et je vis seule. Je souhaiterais que l'autisme soit reconnu comme une différence d'organisation cérébrale. Je suis lassée qu'il ne me soit pas permis de m'exprimer, car il me semble que tout le monde a envie de considérer les autistes comme des cas pathologiques. Je suis fière de ce que je suis et ne voudrais en aucun cas être neurotypique.

Applaudissements

Intervention de la salle - Je suis autiste, ainsi que mes deux enfants. Nous connaissons un parcours douloureux. Sur proposition d'un médecin, j'ai subi un PET scan qui révèle l'ensemble des anomalies concordant avec l'autisme. Je souhaite interroger M. Allaire sur les protocoles relatifs aux MDPH. Nous sommes isolés, mal à l'aise lorsque nous nous rendons dans une MDPH, et nous nous heurtons à l'ignorance. Envisagez-vous de créer des grilles adaptées aux autistes ? Les grilles actuelles d'évaluation du handicap se réfèrent à des handicaps moteurs. Le médecin tente de traduire mes difficultés quotidiennes pour les adapter aux grilles d'évaluation.

J'ai la reconnaissance du 80 % mais j'ai dû me battre pour obtenir le financement de mon accompagnement. Nous ne pourrons pas nous insérer comme le devrions et nos intelligences seront gâchées tant que nous ne serons pas accompagnés par des professionnels compétents. Je tiens à saluer le travail effectué par Asperger Aide France où j'ai pu rencontrer des psychologues formés, qui m'ont aidée tant que j'ai été en mesure de travailler. Aujourd'hui, je ne suis plus capable de travailler, la PCH m'a été refusée par la MDPH des Pyrénées-Orientales. Le soutien des psychologues était le seul moyen me permettant de m'en sortir.

Gwendal Rouillard - Je souhaite lever un malentendu avant la prise de parole de Mme la ministre. Depuis toujours, vous vous mobilisez et vous exprimez vos souffrances, que j'entends. Parallèlement, nous formulons des propositions et des exigences à égard du Gouvernement. Pour autant, je n'accepte pas les réactions que je viens d'entendre de la part de personnes qui semblent refuser d'écouter la ministre. Certes, les exigences à son égard sont fortes, toutefois, nous devrons mener la bataille dans nos rôles respectifs, ensemble, afin de l'aider face au ministère de la santé, au ministère de la recherche, au ministère des finances et au ministère de l'éducation nationale. Je considère que nous sommes tous ici des partenaires et des alliés, susceptibles d'exprimer des désaccords et de nous disputer, mais il est indispensable que nous soyons unis pour mener le combat. A l'Assemblée nationale, notre travail est rendu difficile par certains parlementaires qui n'ont pas conscience des réalités, voire réfutent nos options. Je rappelle que les parlementaires reçoivent régulièrement des livres offerts par les réseaux de psychanalyse.

Ne vous trompez pas d'adversaires. Ils sont absents de cette salle, où ne siègent aujourd'hui que des partenaires et des alliés.

Applaudissements

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