TABLE RONDE N° 2 - QUELLES FORMATIONS POUR UNE PRISE EN CHARGE ADAPTÉE DE L'AUTISME ?

Intervenants :

- Valérie Létard, ancienne ministre, sénatrice du Nord, médiatrice

- Caroline Bachschmidt, sous-directrice des professions sociales, de l'emploi et des territoires à la direction générale de la cohésion sociale

- Jean-Louis Adrien, professeur à l'université Paris-Descartes, institut de psychologie

- Virginie Gohin, chef du bureau de la formation des enseignants à la direction générale de l'enseignement scolaire

- Pierre Gauthier, président de l'Union nationale des associations de formation en intervention sociale

- Jean-Pierre Delfino, directeur général de l'Unifaf

- Michel Favre, président de Pro Aid Autisme

*

Valérie Létard - Au-delà des structures et du dépistage, la formation constitue l'élément capable d'accélérer notre capacité commune à proposer une offre adaptée à la prise en charge de l'autisme. La question consiste à intégrer dans l'offre de formation initiale et continue les méthodes recommandées par la HAS.

Nous entendrons en premier lieu le témoignage d'une association sur le ressenti des familles sur cette question.

Michel Favre - En tant qu'association, nous sommes confrontés au sujet de la formation, parentale ou professionnelle. Nous sommes étonnés des difficultés que nous rencontrons pour que nos enfants puissent bénéficier d'un enseignement, d'un encadrement susceptible d'améliorer leur autonomie, qui devrait être mis en place dès la petite enfance. Malheureusement nous constatons régulièrement l'absence de formation des professionnels dans le domaine de l'accompagnement des personnes autistes. Par le passé, j'ai été membre d'Autisme Europe et j'ai été surpris de constater que les pays de l'Est n'hésitaient pas à tenir compte des expériences éducatives réalisées à l'étranger. En France, nous restons confrontés à des réticences à appliquer des méthodes éducatives ayant fait leurs preuves par ailleurs. Les associations de parents souhaitent que les méthodes ABA, PECS, MAKATON ou TEACCH ( Treatment and Education of Autistic and related Communication Handicapped Children ) soient appliquées en France. Pro Aid Autisme s'implique dans la formation des parents et des professionnels au programme TEACCH en invitant deux fois par an des psychologues américains.

Nous réalisons également des formations dans les établissements afin de mettre en place des méthodes éducatives correctes pour nos enfants. Notre combat privilégié concerne les établissements qui prennent en charge des autistes adultes. En effet, ceux-ci n'ont pas eu la chance de bénéficier des méthodes éducatives actuelles et ont souvent été diagnostiqués tardivement.

J'espère que le troisième plan autisme comprendra des formations professionnelles utilisant les techniques et méthodes recommandées par la HAS et utilisées à l'étranger depuis de nombreuses années. Je souhaite que les formations des formateurs prévues et mises en place dans le cadre du deuxième plan puissent également acquérir ces méthodes éducatives qui ne doivent plus être considérées comme expérimentales.

Valérie Létard - Caroline Bachschmidt nous présentera les pistes de travail du ministère des affaires sociales concernant la nature des formations, ainsi que l'architecture qui permettra la nécessaire coordination des formations à l'échelon national dans le cadre du travail interministériel précédemment évoqué.

Caroline Bachschmidt - Il est positif que la formation ait été inscrite dans le précédent plan. Nous devons cependant reconnaître que les actions n'ont pas toutes abouti ou produit l'ensemble des effets escomptés. Dans le cadre de la préparation du troisième plan, nous devons en comprendre les raisons.

1 - Les raisons du retard de la mise en place des actions de formation

En premier lieu, il a été nécessaire d'attendre l'aboutissement des travaux sur le socle commun de connaissances. Je comprends les interrogations des personnes qui estiment que ce travail avait déjà été effectué dans d'autres pays et que la mentalité française consiste à considérer que les découvertes réalisées à l'étranger ne sont pas valables en France, et qu'il convient de reprendre les recherches du début. Toutefois, le temps de formalisation d'un consensus et de partage d'une vision de changement était probablement indispensable, même s'il a entraîné du retard sur d'autres mesures. J'ai conscience que ces propos sont difficiles à entendre pour les familles, car le temps des familles n'est pas celui de l'administration.

Un des facteurs d'échec réside dans l'étude insuffisante des mécanismes opérationnels de la diffusion des connaissances, une fois le socle commun accepté. Nous avions insuffisamment tenu compte de la réalité du monde de l'information, de la répartition des compétences entre les régions, l'Etat et les partenaires sociaux, de l'articulation entre les différents univers de formation. Nous aurions dû prendre le temps de faire partager la vision du changement à l'ensemble des acteurs. Nous avions également sous-estimé la difficulté à mettre en oeuvre un véritable accompagnement du changement. La formation de personnes isolées s'avère insuffisante pour amorcer une dynamique, car de retour sur le terrain, elles s'épuisent et sont rattrapées par les pratiques du plus grand nombre. Cet enseignement nous permet d'aborder les pistes pour l'avenir.

2 - Les pistes à suivre :

- La formation ne constitue qu'un des leviers

Notre objectif final consiste à modifier les pratiques des professionnels. La formation n'est pas le seul levier permettant d'y parvenir. Cet objectif nous conduit à compléter le plan d'action par d'autres volets comportant des actions sur l'organisation du travail, le management des équipes, les projets d'établissement. En outre, il est possible d'envisager une évolution différente des formations. Les référentiels des métiers du secteur médico-social comportent déjà des éléments très positifs. Toutefois, des points d'amélioration existent. Par exemple, nous nous interrogeons sur les moyens d'éviter la reproduction des pratiques par les étudiants effectuant un stage dans des établissements dont les discours contredisent ce qu'ils apprennent en formation.

- La formation des formateurs

La formation des formateurs constitue un sujet important. En parallèle de vos expériences avec des personnels du secteur médico-social peu ou non formés, des formateurs sont également susceptibles de reproduire des visions datées au sein des établissements de formation.

- La formation initiale

En ce qui concerne les diplômes, nous devons établir ce que chaque métier attend d'un jeune professionnel, d'une simple sensibilisation à la maîtrise approfondie des connaissances. Nous devons donc déterminer comment positionner la formation initiale, une éventuelle poursuite de cursus, voire des compléments aux diplômes. En fonction des métiers, le niveau de spécialisation varie, ce qui rend notre tâche particulièrement complexe. La poursuite de cursus me semble constituer une piste d'avenir car elle concilie le caractère généraliste des diplômes, indispensable à la mobilité professionnelle et la nécessité de la spécialisation. Nous engageons donc un travail social sur la modernisation de l'offre de formation, en partenariat avec des universités avec lesquelles nous coopérerons sur des poursuites de cursus et des doubles formations. Ainsi, nous pourrons en outre renouveler les viviers de formateurs et améliorer la structure de la recherche.

- La formation continue

La formation continue constitue l'enjeu central, car une promotion de jeunes diplômés de la formation initiale ne représente que 5 % de l'ensemble des professionnels en activité. Nous devrons agir à deux niveaux, en étant conscients que, contrairement à la formation initiale, les leviers appartiennent aux partenaires sociaux, qu'il nous faudra convaincre afin de développer l'offre de formation. Par ailleurs, il est indispensable que les établissements proposent à leurs professionnels de se former, sinon l'offre s'avérera inutile. L'évaluation interne ou externe des établissements peut constituer une piste pour s'en assurer, en intégrant la formation des professionnels parmi les critères retenus dans le cadre des procédures de renouvellement d'autorisation.

- Les moyens assurant la qualité des formations

Il est avant tout crucial que les formations soient de bonne qualité. Posséder une bonne connaissance du monde de la formation permet d'en adapter les outils, probablement divergents entre la formation initiale et la formation continue. Il sera nécessaire de renforcer la formation des agents des services de l'Etat chargés de réaliser le contrôle pédagogique des établissements de formation initiale. En parallèle, il conviendra de travailler en amont sur la formation des formateurs et la qualité des lieux de stage. En revanche, la formation continue évolue dans un cadre de libre prestation de services. Cette situation implique des partenariats avec les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) afin d'envisager de conditionner les financements au respect d'un cahier des charges, et d'établir une liste par région des établissements de formation qui se conforment aux préconisations de la HAS.

Enfin, l'accompagnement au changement est également essentiel. Afin d'éviter l'isolement des professionnels, qui perdent ainsi leur efficacité, il est nécessaire d'imaginer des formations innovantes, pluriprofessionnelles, in situ et s'adressant à des équipes entières qu'elles accompagneraient de leur niveau actuel vers le niveau souhaité.

Applaudissements

Virginie Gohin - Je suis responsable du bureau chargé de l'organisation des actions de formation à destination des cadres du premier et du second degré. Ces actions se déclinent par la suite par académies et départements. Le plan national de formation joue donc un rôle de cahier des charges de l'offre de formation.

J'exposerai nos axes de travail dans le cadre de la réforme de la formation des enseignants. En second lieu, j'esquisserai les contours du paysage actuel de la formation. La formation spécialisée, notamment la formation à la scolarisation des élèves handicapés, fait notamment partie des priorités du ministère.

Les contenus de formation sont abordés soit par le besoin des élèves en relation avec leur trouble, ce qui se traduit par un ensemble de formations allant de la sensibilisation des enseignants jusqu'au repérage des troubles et de leur prise en charge dans la classe, soit par le parcours de l'élève, que l'enseignant s'efforcera de rendre le plus cohérent possible, en évitant les ruptures néfastes.

- La formation initiale

La réforme de la formation initiale est en cours. Le référentiel de compétences des enseignants est actuellement soumis aux organisations syndicales Il a fait l'objet d'une concertation nationale l'été dernier, en présence de l'ensemble des partenaires de l'école, sur la nature du métier d'enseignant et les compétences qu'il lui est nécessaire de développer, en particulier la prise en charge des besoins spécifiques de certains élèves. Les partenaires sociaux nous aideront à valider ou déterminer les entrées de ce référentiel, qui comprendront principalement la diversité des élèves, les besoins spécifiques, les potentiels et les talents variés. La formation des enseignants s'inscrit dans le temps long mais il est intéressant que le référentiel, qui concernera tous les personnels d'enseignement, d'éducation et d'orientation, se focalise sur ces points de prise en charge.

Les compétences visées comprennent l'identification des troubles, l'adaptation de l'enseignement, le repérage des besoins éducatifs particuliers et le choix des démarches d'accompagnement propices. L'enseignement doit également être capable de différencier son enseignement, de veiller à une personnalisation des parcours, et de coopérer avec l'ensemble des partenaires de l'école.

- La formation continue

La formation continue représente une tâche immense. Le ministère publie chaque année ses priorités, dont la scolarisation des élèves handicapés et la formation au parcours scolaire font partie. Pour les enseignants du premier degré, 10 % du volume de l'offre de formation est exclusivement consacré à ces deux thèmes.

Il conviendra d'une part de former des spécialistes de l'enseignement aux élèves handicapés et à la difficulté scolaire, et d'autre part d'amener les enseignants qui accueillent un élève présentant des troubles à le prendre en charge et à différencier son enseignement. Il sera également nécessaire de former les enseignants débutants. L'effectif des enseignants formés à l'adaptation scolaire et à la scolarisation des enfants handicapés (ASH) a doublé entre 2005 et 2011.

Par ailleurs, l'action académique se génère d'elle-même. Par exemple, l'académie d'Amiens fait preuve d'une politique très volontariste pour augmenter les connaissances, les compétences et les capacités de repérage et de réflexion de ses enseignants, incités à s'interroger et rechercher les ressources par eux-mêmes. En octobre, une journée consacrée à l'autisme a rassemblé près de deux cents personnes.

- Les formations spécialisées

Les formations spécialisées sont quant à elles diplômantes, et de longue durée.

Le certificat d'aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (Capa-SH) est dédié à la prise en charge des élèves handicapés ou en difficulté scolaire pour les enseignants du premier degré. Le certificat complémentaire pour l'adaptation scolaire et la scolarisation des élèves handicapés (2CA-SH) est destiné aux enseignants du second degré. Ces diplômes se déploient différemment mais les chiffres sont encourageants, car l'effectif des enseignants formés dans l'option du 2CA-SH consacrée à l'autisme a doublé entre 2004 et 2012.

Enfin, des modules de formation à initiative nationale, dont trois sont dédiés à l'autisme, sont regroupés par grandes thématiques et proposés annuellement aux enseignants.

La dynamique est donc enclenchée, principalement celle de la réforme initiale et du référentiel de compétences.

Applaudissements

Pierre Gauthier - Je représente les écoles de formation des travailleurs sociaux qui accompagnent les personnes en difficulté, dans les établissements spécialisés ou dans les services d'aide à domicile. Nous formons la majorité des professionnels en ce domaine.

Il me paraît important que les formations initiales restent généralistes. En effet, il n'est pas concevable d'enfermer un travailleur social dans une spécialité à laquelle il devra consacrer l'intégralité de sa vie professionnelle. La formation initiale relève d'un ensemble qui comprend des formations d'adaptation à l'emploi, des formations complémentaires et des modules de spécialisation. Il n'est pas envisageable de s'appuyer uniquement sur la formation initiale, car les pratiques professionnelles nécessiteraient alors des décennies pour être modifiées.

Ces formations se déroulent en alternance sur des sites qualifiants, qui s'avèrent difficiles à trouver. Plus nous trouverons des sites qualifiants innovants et dynamiques, meilleurs seront les travailleurs sociaux issus des formations initiales.

Nous intégrons les recommandations de la HAS, sans discuter. Il arrive fréquemment que les centres de formation invitent des associations de familles pour présenter l'autisme.

Nous regrettons de ne pas avoir été suffisamment sollicités dans le cadre du deuxième plan. Nous demandons donc à être davantage sollicités pour le prochain plan autisme.

Applaudissements

Valérie Létard - Jean-Louis Adrien nous présentera les offres que proposent les universités. Désormais plus autonomes, celles-ci constituent un élément supplémentaire du dispositif à coordonner.

Jean-Louis Adrien - Je n'ai pas prévu de vous présenter un panorama des universités, mais de vous présenter la licence professionnelle accompagnant des personnes avec autisme et troubles apparentés, créée en 2009 à l'université Paris-Descartes. Je présenterai ensuite des pistes de propositions mais aussi des facteurs de ralentissement et de blocage à la création de formations.

La licence professionnelle est une formation spécialisée destinée à former des professionnels généralistes de l'accompagnement des personnes avec autisme. Elle est ouverte aux titulaires d'un diplôme de niveau Bac+2, provenant généralement de disciplines proches de la psychologie. Elle est également accessible dans le cadre de la formation continue et de la validation des acquis de l'expérience (VAE). Il s'agit de la seule licence professionnelle qui concerne l'autisme ; elle est extrêmement demandée par les familles et les associations. Leur soutien a permis sa création, qui a également obtenu le nécessaire soutien du président de l'université et du directeur de l'université de formation et de recherche (UFR) de psychologie. Il est nécessaire de susciter ces éléments concordants à la création lorsqu'ils n'existent pas. Ma présence dans l'université constituait également un argument de poids, car j'ai été psychologue pendant trente ans dans un service traitant de l'autisme.

Cette formation a reçu le prix de l'innovation pédagogique décerné par Ma Chaîne Etudiante, ce dont nous sommes très fiers.

Nous recrutons trente-cinq à quarante étudiants, dont cinq sont en formation continue. La formation comprend 418 heures de cours et 500 heures de stage sur une année, soit 36 heures de cours par semaine, un volume important par rapport aux horaires usuels des cursus universitaires de psychologie. Les étudiants qui s'inscrivent sont fortement motivés et proviennent d'horizons divers. Nous accueillons également des parents, qui souhaitent se former pour accompagner leur enfant puis pour exercer ce métier dans des institutions ou des associations. Nos lieux de stage sont habilités et signent une charte pédagogique. Des établissements de la région parisienne se montrent très intéressés par l'accueil de stagiaires formés aux méthodes éducatives spécifiques, connaissant les différents milieux professionnels et au fait de l'inclusion scolaire et professionnelle. Les lieux de stage peuvent également accueillir des étudiants comme supports de partage de leurs connaissances avec les éducateurs.

La totalité des étudiants réussissent leur insertion professionnelle.

Valérie Létard - Quelles seraient vos préconisations pour que chaque région puisse bénéficier d'au moins une offre de ce type ? Quelles sont les pistes d'actions à envisager pour dupliquer des expériences positives similaires à la vôtre ? La coordination nationale, qui comprend le ministère de l'enseignement supérieur qui réunit les présidents d'universités, pourrait-elle porter ce message ?

Jean-Louis Adrien - Il est indispensable de soutenir la demande de reconnaissance du diplôme par les conventions collectives. Dans un deuxième temps, il convient de contacter dans chaque université un professeur susceptible de créer cette formation. Cette personne devra consacrer du temps à la création de cette formation, et se faire éventuellement aider par un collègue. J'ai évoqué devant le ministère les ressources requises par la création des formations, mais il m'a renvoyé vers les universités. Nous espérons une dotation du plan autisme. La formation nécessite un budget de 50 000 euros par an. Il est nécessaire qu'un financement soit dédié aux facultés. Un appel d'offre à ce type de formation doit être lancé.

Les facteurs de ralentissement et de blocage ont été contrecarrés par la force des associations de parents et par la sensibilisation croissante des enseignants-chercheurs, qui votent pour la création des formations.

Actuellement, des universités souhaitent ouvrir cette formation et me sollicitent. Je leur envoie le programme d'études et les documents nécessaires à la constitution d'une demande de création de formation. A Nantes, une demande existe, sous l'impulsion des associations de parents qui rencontrent les universitaires. Il est important qu'un maillage se développe, comprenant les parents, les universités et les établissements qui bénéficieront du concours de ces diplômés.

Applaudissements

Valérie Létard - Je rappelle que 95 % des professionnels sont concernés par la formation continue. Jean-Pierre Delfino dirige l'Unifaf, un organisme collecteur de la formation professionnelle qui permet d'organiser et de financer l'offre de formation.

Jean-Pierre Delfino - Les OPCA procèdent de l'obligation faite aux entreprises et associations de consacrer une partie de leur budget au financement de la formation professionnelle. Unifaf est un organisme associatif privé à but non lucratif, collecteur du secteur sanitaire, social et médico-social. Notre périmètre comporte 20 000 établissements et 825 000 collaborateurs dont 720 000 sont des accompagnants et 125 000 sont des travailleurs handicapés en établissement et service d'aide par le travail (Esat).

Notre organisation est implantée sur chaque territoire de manière à ce que nous soyons présents au plus près de nos structures, pour les accompagner dans la mise en oeuvre de leurs actions de formation.

Nous avons financé 1 200 actions de formation liées à l'autisme entre 2010 et 2011, ce qui représente environ 6 000 stagiaires sur des parcours de formation courts caractéristiques de la formation continue. En 2011, 358 000 collaborateurs de nos associations sont partis en formation.

Nos engagements pour développer les actions de formation professionnelle sont de plusieurs ordres.

En premier lieu, nous finançons des formations. Toutefois, nous nous séparons progressivement de ce métier, pour nous repositionner sur des activités de conseil et d'accompagnement dans la mise en oeuvre des actions de formation. Un des enjeux liés à ce changement de métier consiste à devenir un assembleur de financement. Une des complexités du domaine de la formation réside d'une part dans la multitude d'acteurs et de sources de financements, d'autre part, dans la nécessité de trouver un assembleur ou coordinateur. Cette problématique entre probablement en résonnance avec celle que vous connaissez au quotidien.

Nous proposons trois niveaux de financement.

Nous finançons des parcours de formation dans les associations et les structures, avec des programmes définis par leurs responsables.

Nous sommes également prescripteurs d'actions de formation, cette prescription étant gérée par la région. Je précise qu'Unifaf est un organisme paritaire gouverné par des représentants des employeurs et des salariés.

En troisième lieu, nous concevons des actions de formation au niveau national et nous les déployons sur l'ensemble du territoire de manière homogène. En 2013, nous déploierons une action prioritaire nationale sur le thème de l'autisme sur nos ressources propres, avec un objectif de 800 à 1 000 collaborateurs de nos associations formés et professionnalisés sur l'autisme. Ce déploiement est prévu sur plusieurs années. Les ratios d'intervention ne sont effectivement pas toujours à la mesure des enjeux en termes de formation et de professionnalisation.

Cette thématique implique quatre orientations :


• mobiliser des fonds complémentaires, comme les fonds paritaires de sécurisation des parcours professionnels, et rationnaliser nos moyens, ce qui concerne également les autres OPCA avec qui il convient de travailler en coordination pour ne pas constamment réinventer des formations similaires et obtenir une meilleure réactivité et une meilleure homogénéité d'intervention sur le territoire ;


• définir des thématiques de formation prioritaires au plan national, ce qui implique une coordination efficace afin de redonner cohérence et visibilité au plan ;


• déterminer des solutions pour former et professionnaliser les aidants, ce qui représente un axe de travail très important, la collecte des fonds de formation étant orientée vers les professionnels ;


• participer à des travaux d'analyse des évolutions de la formation professionnelle avec les experts de notre département d'ingénierie de formation et de notre observatoire de branche, dans le cadre de notre recentrage sur des problématiques d'emploi et de compétences.

Applaudissements

ÉCHANGES AVEC LA SALLE

Intervention de la salle - Je représente l'association iséroise Autisme besoin d'apprendre. Nous accompagnons actuellement six enfants par un plan éducatif ABA. Nous voulons suivre les préconisations de la HAS et atteindre vingt heures par semaine pour chaque enfant. L'équipe comporte un éducateur par enfant et est également constituée d'une psychologue ABA formée en Suisse et d'une psychologue diplômée d'un master ABA de Lille, chargées d'écrire les programmes pour les enfants et de les évaluer. Nous avons formé les éducatrices dont une provient de la formation de Paris Descartes. J'ai appris avec intérêt que l'ABA est en avance sur la HAS. La méthode ABA implique que les psychologues soient formés ABA et que l'équipe soit supervisée par des personnes dont les qualifications sont rares en France. Cependant, la formation ABA est représentée en France par un unique master à Lille qui forme une dizaine d'étudiants par an. Les autres formations sont situées à l'étranger.

Le nombre de psychologues à former en ABA a-t-il été évalué, dans l'hypothèse où il existerait une réelle volonté d'appliquer les préconisations de la HAS ?

Catherine Barthélemy - Je remercie Jean-Louis Adrien de nous avoir présenté ses opérations pilotes de formation de jeunes professionnels diplômés et efficaces. Concrètement, pour répondre à votre question, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a repéré cinq sites susceptibles d'accueillir un enseignement de cette nature. J'ai rencontré mon président d'université qui m'a donné son accord. Nous avons également le soutien de nombreux professionnels et associations de notre région. Toutefois, il nous manque un maître de conférences. Serait-il possible de transmettre à la conférence des universités un message expliquant qu'il serait nécessaire de déployer un poste de maître de conférence en psychologie ou sciences de l'éducation afin d'ouvrir cette formation ?

Intervention de la salle - Quel statut reconnaîtra-t-on aux aidants familiaux, s'ils bénéficient d'une formation ? Pourront-ils exercer leur métier ? La plupart des parents n'ont plus de statut, car ils ont cessé de travailler pour devenir aidants familiaux. J'ai rencontré des accompagnants sociaux extrêmement incompétents, l'une m'ayant déclaré qu'à ma place, elle se serait déjà suicidée. Je me demande quelle part la psychologie tient dans leur formation.

Par ailleurs, les personnes autistes reconnues sont placées dans des « voies de garage ». Par exemple, ma fille, malgré son potentiel, n'a pas accès à la scolarité ordinaire et est constamment freinée par des professeurs démunis qui ne savent pas comment la gérer. Elle est en âge d'entrer au lycée, et je m'interroge sur l'opportunité de lui laisser poursuivre sa scolarité au lycée ou de la former moi-même à la maison avec les cours du Centre national d'enseignement à distance (Cned). En Clis, elle n'a rien appris pendant quatre ans et a dû apprendre à lire au collège. Je suis obligée de lui réapprendre les bases à la place des professeurs.

Valérie Létard - Je suggère que Caroline Bachschmidt nous propose des pistes de réflexion concernant la formation des aidants et leur valorisation éventuelle. Mme Gohin a déjà évoqué l'accompagnement des enfants en milieu scolaire.

Caroline Bachschmidt - Votre question comporte deux volets, l'un concernant le statut de l'aidant et l'autre portant sur la valorisation de l'expérience d'accompagnement à titre professionnel.

Je n'ai pas d'information sur le statut des aidants, qui doit constituer un sujet de réflexion pour le ministère. En revanche, il est nécessaire que nous étudions la question de la valorisation. Des mécanismes existent, notamment la VAE, qui implique toutefois une procédure complexe. Nous devons découvrir des manières différentes de travailler ou simplifier les mécanismes existants afin d'utiliser l'expérience et l'expertise du parent pour en faire une profession qu'il pourrait exercer dans des établissements ou des associations.

Intervention de la salle - En tant qu'association représentant des parents, je reçois de nombreux catalogues d'organismes de formation, dont certaines sont d'obédience psychanalytique. Il est quasiment nécessaire de devenir expert pour reconnaître la nature du contenu de ces formations. Jean-Pierre Delfino, êtes-vous en mesure de garantir la qualité des formations que vous financez ?

Valérie Létard - Il s'agit d'un sujet de fond qui soulève la question de la labélisation de l'offre de formation. La coordination nationale aura la tâche de définir le filtre permettant d'éviter de financer les formations inadaptées, déviantes ou incohérentes. La coordination est donc nécessaire pour définir les contenus et labelliser les formations.

Jean-Pierre Delfino - La définition des cadres de référentiels sur des actions de formation répond à votre question. Il est interdit aux financeurs de refuser de financer des actions de formation proposées par des organismes déclarés auprès de la Préfecture en tant qu'organismes de formation. Il est toutefois possible d'instaurer des normes de contenus, des orientations, des objectifs pédagogiques afin de définir le cadre référentiel. Si nous n'avons pas la capacité de limiter le recours à des formations jugées inefficaces, le dispositif des actions collectives nationales que nous réalisons nous-mêmes nous permet de sélectionner le prestataire.

Intervention de la salle - Je suis père d'un enfant autiste Asperger. La France a vingt ans de retard sur la formation des enseignants. A l'étranger, les enfants bénéficient d'une meilleure scolarisation, et deviennent donc plus autonomes, ce qui constitue une avancée humanitaire et sociale et représente également une économie de 150 000 à 300 000 euros d'hôpital de jour par an.

D'autres documents disponibles sur internet révèlent qu'un enfant sur 150 est autiste, ce qui signifie qu'un enfant autiste est présent dans chaque école maternelle, et trois dans chaque collège. La formation concerne donc tous les enseignants. Cependant, malgré la loi de 1995, nous nous heurtons à des volontés locales. La plupart des académies sont éloignées de l'exemple de l'académie d'Amiens. Un courriel très complet a été rédigé par des spécialistes de l'enseignement aux enfants autistes, toutefois, il n'est pas certain qu'il ait été lu par un nombre important d'enseignants. La formation continue implique en outre que l'enseignant soit formé après s'être trouvé confronté à des situations d'enseignement à des enfants autistes.

Je propose que certaines des demi-journées de formation des enseignants soient consacrées à l'autisme, la dyslexie, la dyspraxie. L'opinion publique doit prendre conscience que les autistes ne constituent pas des cas isolés.

Virginie Gohin - Le problème que vous soulevez est très important. Nous aurons la possibilité de former les nouveaux enseignants, toutefois le défi réside dans la formation des enseignants qui se trouvent déjà en poste. L'organisation de journées de sensibilisation dans les académies est envisageable et pourra faire partie des préconisations formulées dans le cadre du plan autisme. Toutefois, la formation continue comporte une difficulté, car les enseignants qui partent en formation doivent être remplacés afin que leurs cours soient assurés. La piste que vous soulevez est donc intéressante. Des journées de sensibilisation peuvent leur être proposées pendant leurs congés. Il est également envisageable de les informer grâce aux médias numériques. Ces pistes restent cependant à construire.

Franck Ramus, directeur de recherche au CNRS - La labélisation des formations est nécessaire. En l'absence d'action des pouvoirs publics, le Collectif du 16 janvier a établi une liste noire des formations sur l'autisme, disponible sur internet.

Les formations universitaires soulèvent la question du recrutement de personnes compétentes pour réaliser des formations sur l'autisme et en psychopathologie. Les enseignants-chercheurs en psychologie et les hospitalo-universitaires en psychiatrie sont déjà en poste. En outre, ils ne sont pas nécessairement correctement formés sur le sujet. Modifier leurs pratiques et leur formation s'avère complexe. Par ailleurs, le recrutement de la génération suivante est freiné par la reproduction des formations par les enseignants-chercheurs déjà en place. En outre, le conseil national des universités (CNU) qui valide les candidatures des enseignants-chercheurs est noyauté par la psychanalyse et freine le recrutement de personnes correctement formées sur ce sujet.

Applaudissements

Jean-Louis Adrien - Le CNU section 16 comporte des représentants de la psychologie clinique scientifique qui veillent à ce que les candidatures des doctorants en psychologie soient validées. La France ne dispose pas d'un vivier important de maîtres de conférences, cependant de nombreux docteurs en psychologie sont susceptibles de postuler sur des postes de maîtres de conférences. Il est également envisageable de faire appel à des doctorants étrangers francophones. En revanche, le nombre d'enseignants-chercheurs capables de postuler sur des postes de professeurs est trop restreint.

Caroline Bachschmidt - Le sujet de la labélisation met en lumière la nécessité de développer le métier de prescripteur de l'OPCA. Il me paraît intéressant de convaincre l'Etat de travailler sur un cahier des charges qui permette d'expliciter ce qui est attendu d'une formation continue de qualité. Les formations collectives ou pluri-professionnelles permettent à plusieurs secteurs de progresser de front. Confrontés à la libre prestation de service, nous pourrions progresser en établissant la transparence avec un système de listes blanches et listes noires qui mettrait en avant les formations qui répondent au socle de connaissance, et signalerait les formations en désaccord avec les recommandations de la HAS.

Un deuxième aspect de la labélisation concerne le travail auprès des établissements, notamment l'évaluation. En précisant les types de formation à suivre, il sera possible d'orienter la demande de formation des établissements vers des formations de qualité.

Valérie Létard - La synthèse des échanges et propositions concernant la formation sera présentée à la ministre et au groupe de travail dédié à la formation. La réflexion sur l'offre de formation est en cours, dans le cadre de l'élaboration du troisième plan autisme. J'ai reçu plusieurs messages demandant que les associations puissent intégrer les groupes de travail. Une représentation des associations de parents paraît nécessaire, dans des proportions raisonnables. Cette demande sera versée au débat concernant l'élaboration du futur plan autisme.

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