PROPOS INTRODUCTIF DE M. JEAN-YVES LE DÉAUT

M. Jean-Yves Le Déaut, député de Meurthe-et-Moselle, premier vice-président de l'OPECST . - Je remercie Stéphane Le Foll d'avoir ouvert les débats. Je vous remercie également tous et toutes d'être venus malgré le report de cette rencontre.

L'Office parlementaire organise depuis plus de vingt ans des débats publics. Nous avons d'ailleurs été les premiers au Parlement à organiser des débats publics et contradictoires, ce que les Américains pratiquaient depuis longtemps. Pour reprendre le mot de Stéphane le Foll, ce débat entre les scientifiques, les parlementaires, la presse et le grand public est nécessaire pour arriver au débat démocratique. Nous devons encourager les lieux de débats, contrairement à ce qui prévaut pour la plupart des dossiers que nous avons étudiés, pour lesquels les discussions se résument à des oppositions manichéennes sans véritable échange d'arguments. Nous devons au contraire, en échangeant des arguments, parvenir à un débat fondateur sur les biotechnologies et, plus largement, sur l'agro-écologie. La question de la place des biotechnologies dans l'agro-écologie a été posée .

Dans le cas présent, ce débat s'inscrit de longue date au Parlement, dans la mesure où, en 1998, nous avons abordé pour la première fois ce débat dans ce lieu au niveau de Parlement. Conscients déjà des ruptures dans l'opinion publique, nous avions organisé la Conférence de citoyens qui, me semble-t-il, avait été une réussite.

J'estime que le terme d'OGM est inapproprié dans la mesure où il existe autant d'organismes génétiquement modifiés que les événements de changement d'un organisme vivant ou d'un gène . La transgénèse visant à fabriquer un médicament ou à insérer un gène dans une bactérie en milieu clos ne présente pas les mêmes problématiques que l'insertion d'un gène dans une plante génétiquement modifiée. De même, nous ne devrions pas employer le mot de « nanotechnologie ».

Le sujet des OGM a également été abordé par la commission des quatre sages avec Didier Sicard, Jacques Testard, le directeur à l'époque du Centre national de l'alimentation et moi-même. Nous avions rendu un rapport. J'ai, pour ma part, participé à une mission d'information en 2005, puis contribué à la loi du 25 juin 2008 relative aux OGM.

L'Office a tenu à organiser la présente audition publique car l'article publié par Monsieur Séralini, que je remercie d'être présent, a suscité des controverses. Les médias s'en sont d'ailleurs fait davantage l'écho que la communauté scientifique. Parmi un grand nombre de publications scientifiques, j'ai pu lire un article qui formulait la critique suivante : l'Académie aurait dû organiser ce débat comme elle l'avait fait pour le changement climatique.

À cet égard, les lieux de débat tels que l'Office parlementaire sont à mes yeux importants. Le biochimiste de formation que je suis considère le débat comme un impératif catégorique tant les anathèmes prononcés ces dernières semaines ont empêché la construction d'un consensus sur les différents sujets qui nous préoccupent sur les biotechnologies.

En effet, la relation entre OGM et tumeurs, essentiellement reprise par les médias, fera partie du débat. L'ANSES s'exprimera sur l'opportunité d'instaurer des études de toxicité à long terme et ne manquera pas de souligner la rareté de ce type d'études précédant celle du professeur Séralini. Certains affirment toutefois que de telles études ont déjà été réalisées sur d'autres animaux que les rats. L'ANSES et le HCB en ont d'ailleurs approuvé le principe. Nous devrons donc nous demander si les études de toxicité subchronique sont suffisantes ou si, sur des constructions telles que les OGM, il faut aller plus loin. J'espère que vous répondrez également à la position défendue en 1987 par l'Académie américaine des sciences selon laquelle les mécanismes d'une transgénèse effectuée par l'homme ne seraient pas fondamentalement différents de ceux d'autres techniques de sélection végétale.

L'instauration éventuelle d'une durée supérieure à 90 jours prévue par les lignes directrices sur l'évaluation sanitaire des OGM risque de poser certaines questions délicates. En effet, comment définir la notion de long terme à l'échelle de la vie d'un animal ? Faudra-t-il retenir la seule durée de deux années, assimilant ainsi toute étude à une étude de cancérogénèse ? Enfin, une modification des lignes directrices en ce sens sera-t-elle compatible avec la réglementation communautaire, qui impose de réduire la souffrance des animaux et l'angoisse des animaux de laboratoire ? L'Office parlementaire est bien placé pour en parler puisque le professeur Jean-Louis Touraine, membre de notre Office, a rendu une étude sur le sujet. Le recours à des méthodes alternatives, si elles existent, pourrait s'avérer nécessaire. J'espère qu'un certain nombre d'entre vous pourront nous éclairer sur ce point.

La controverse porte également sur la puissance statistique nécessaire pour garantir la robustesse d'une étude. À cet égard, lors de l'audition de l'ANSES, Monsieur Séralini a reconnu que la puissance statistique de son étude était insuffisante.

M. Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l'Université de Caen . - J'ai tenu ces propos uniquement sur une figure et non au sujet de la biochimie, sur laquelle portaient les statistiques dans notre étude.

M. Jean-Yves Le Déaut, député de Meurthe-et-Moselle, premier vice-président de l'OPECST . - J'ai également lu un article dans lequel Monsieur Bellé affirmait qu'une étude portant sur un faible nombre de rats permettait d'observer des directions.

M. Robert Bellé, biologiste, professeur à l'Université Pierre et Marie Curie . - Soyons clairs : je n'ai jamais dit cela.

M. Jean-Yves Le Déaut, député de Meurthe-et-Moselle, premier vice-président de l'OPECST . - Vous aurez l'occasion de vous exprimer sur le sujet.

M. Robert Bellé, biologiste, professeur à l'Université Pierre et Marie Curie . - Je ne me suis jamais exprimé sur ce plan.

M. Jean-Yves Le Déaut, député de Meurthe-et-Moselle, premier vice-président de l'OPECST . - C'est votre voisin qui s'est exprimé ainsi. Toujours est-il que j'ai lu des propos qui étaient contradictoires.

Enfin, ne conviendrait-il pas d'effectuer des études non plus seulement sur des rats, mais aussi sur du bétail et sur d'autres animaux ? Quoi qu'il en soit, il importe de voir que les études toxicologiques prendront une importance croissante en raison du développement fulgurant des technologies et de la structure de plus en plus complexe de certains OGM, qui pourront contenir plusieurs gènes interagissant entre eux. À l'évidence, une telle évolution imposera des recherches accrues, mais celles-ci ne pourront s'effectuer de façon fructueuse que dans un climat plus apaisé. À cet égard, la Conférence de citoyens avait demandé que nous poursuivions l'effort de recherche, et ce notamment en plein champ. Nous aurons l'occasion tout à l'heure d'auditionner ce propos du directeur de recherche de l'INRA de Colmar, où une expérience a été détruite.

Veuillez m'excuser d'avoir attribué les propos de son voisin à Monsieur Bellé. Nous aurons l'occasion de revenir en détail sur les propos de chacun. En tout cas, il me paraît important que nous puissions avoir ce débat au Parlement, débat qui, je l'espère, sera cet après-midi apaisé.

Je donne immédiatement la parole à Frank Foures, qui est directeur adjoint de l'évaluation des risques en charge de l'alimentation à l'ANSES. Je demanderai à toutes les personnes qui s'exprimeront de s'en tenir à sept minutes. Certains ont affirmé que cette durée était insuffisante. Or, au Parlement, la durée maximale d'expression est de cinq minutes. Parallèlement, les échanges d'arguments seront limités à deux minutes, sans quoi nous arriverons à la fin de réunion sans qu'une seule personne n'ait pu poser de question. Vous aurez, de plus, l'occasion de prendre la parole si vous estimez que vos propos sont repris de manière inexacte. J'espère que notre débat sera vivant et ne limitera pas à une somme de monologues.

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