D. LA QUALITÉ DE LA VIE ÉTUDIANTE : LE PARENT PAUVRE DE LA LOI LRU

Nonobstant quelques initiatives remarquables qui restent minoritaires, les organisations étudiantes recensent peu d'effets positifs directement induits par la loi LRU sur les conditions de vie étudiante . L'autonomie a plutôt été perçue comme un instrument au service des équipes dirigeantes, bien plus qu'au service de la communauté étudiante. En témoignent les résultats somme toute assez limités dans la mise en oeuvre du plan « Réussite en licence » ou dans l'exercice inégal par les établissements de leurs nouvelles missions en matière d'orientation et d'insertion professionnelle.

En matière de gouvernance, le rôle du vice-président étudiant n'est pas jugé pleinement satisfaisant au regard de la pratique qui tend à en faire soit un « délégué de classe », soit un commissaire de l'équipe présidentielle, soit un délégué aux relations avec le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS), mais en aucun cas un vice-président de droit commun pleinement investi sur la globalité de la gouvernance stratégique . Les organisations étudiantes insistent pour ne pas limiter l'intervention du vice-président étudiant aux seules questions de vie étudiante, en l'associant étroitement aux décisions relatives à la réussite des étudiants et à la qualité des formations.

Les organisations étudiantes insistent sur ce point : l'intervention du vice-président étudiant ne doit pas être cantonnée aux seules questions de la vie étudiante, de la revendication étudiante ou de contre-pouvoir (contestataire) occasionnel . Les vice-présidents étudiants aspirent, et sont aptes, à traiter non seulement des questions et des dispositifs relatifs à la réussite étudiante et à la qualité de vie sur le campus, mais aussi de la qualité des formations dispensées. À cet égard, il aurait sans doute été utile qu'ils soient plus étroitement associés à la mise en oeuvre du plan « Réussite en licence », afin de veiller à ce que les crédits versés à l'université à ce titre soient bien utilisés en faveur du renforcement de l'encadrement des étudiants et des dispositifs d'accompagnement et d'orientation personnalisés, ce qui n'a, à l'évidence, pas toujours été le cas.

Comme l'a souligné le comité de suivi de la loi LRU à vos rapporteurs, la loi du 10 août 2007 n'a pas corrigé une situation existante marquée par une hiérarchisation entre le CEVU et le conseil scientifique (CS) . Le CEVU est, depuis sa création, considéré comme plus « technique » et moins « noble » que le CS. Cette réalité relève autant des textes réglementaires que d'une conviction bien ancrée dans les esprits des universitaires et d'un refus des composantes (les UFR, mais encore plus les instituts et les écoles) de voir traiter offre de formation et pédagogie au sein d'un seul et même conseil .

Le rôle effectif des CEVU dans l'amélioration des conditions de vie étudiante reste encore à démontrer. Pour autant, vos rapporteurs se félicitent de la réelle symbiose entre le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et les CEVU , le directeur du CROUS ou son représentant étant en général présent lors des réunions du CEVU des universités concernées. Le directeur du CNOUS a ainsi fait état de collaborations durables prometteuses entre les CROUS et les universités dans la gestion du fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE), la mutualisation des moyens humains en matière sociale (assistantes sociales de la médecine préventive universitaire et des CROUS), les activités culturelles et sportives, l'hébergement international, la restauration...

Il convient de rappeler que, selon la dimension du conseil d'administration, les représentants élus des étudiants peuvent disposer d'une influence non négligeable sur l'élection du président d'université (par exemple, avec cinq élus dans un conseil d'administration de 22 membres). Dans ces conditions, la vie étudiante peut occuper une place de choix dans les projets stratégiques défendus par les candidats à la présidence.

D'une façon générale, l'amélioration des conditions de vie étudiante au cours des cinq dernières années a été conditionnée moins par la mise en oeuvre de la loi LRU que par les bonnes volontés locales. Quelques exemples à mettre en valeur ont été portés à la connaissance de vos rapporteurs : Maison des étudiants (Poitiers), Maison de la réussite (La Rochelle)... Le phénomène des épiceries sociales et solidaires tend à se développer, sous l'impulsion d'associations liées à la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE). Des initiatives ponctuelles ont également été déployées en faveur de l'emploi salarié étudiant au sein des universités (notamment par l'extension de l'amplitude horaire d'ouverture des bibliothèques, comme à Angers, ou en matière de tutorat en premier cycle).

En application de l'article L. 811-2 du code de l'éducation, à la suite de sa modification par la loi LRU, le décret n° 2007-1915 du 26 décembre 2007 fixe les conditions de recrutement et d'emploi des étudiants au sein des établissements publics d'enseignement supérieur . Il prévoit que les contrats sont conclus pour une période maximale de douze mois, la durée effective de travail ne pouvant excéder 670 heures entre le 1 er septembre et le 30 juin. L'été, cette durée ne peut dépasser 300 heures entre le 1 er juillet et le 30 août.

Cinq ans après, les résultats sont très limités : moins de 1 % des étudiants sont salariés dans les universités françaises, contre 7,4 % aux États-Unis . En 2009-2010, ce sont 22 000 contrats qui ont bénéficié à 16 500 étudiants en France, soit 241 000 journées de travail, l'équivalent de 1 100 ETP, comme le rapportait un article paru dans Le Monde en mars 2013 34 ( * ) . Dans son rapport de 2011 sur l'emploi étudiant, l'IGAENR rappelait que 76 établissements avaient mis en oeuvre une politique de recrutement à destination de leurs étudiants. Comme le souligne l'article précité, 15 établissements ne rémunéraient pas au-delà du salaire minimum, et 13 versaient une rémunération supérieure à 2,5 SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance).

L'enjeu réside dans la capacité des universités à permettre aux étudiants de concilier, avec leurs études, leur activité salariée (étant entendu que, selon le Centre de recherche en économie et en statistiques, travailler plus de 16 heures hebdomadaires « réduit la probabilité de réussite à l'examen de fin d'année » 35 ( * ) ) et de valoriser le travail rémunéré étudiant effectué au service de l'université dans son cursus sous la forme d'ECTS , en favorisant par la même occasion le sentiment d'appartenance de l'étudiant à son établissement et à son campus .

LES DISPOSITIFS EN FAVEUR DE LA VIE ÉTUDIANTE
MIS EN PLACE PAR L'UNIVERSITÉ D'ANGERS

Depuis trois ans, l'université d'Angers a mis en place un ensemble de dispositifs intégrés en faveur de la vie étudiante.

L'université d'Angers a ainsi travaillé au décloisonnement entre l'enseignement secondaire et supérieur au travers du dispositif des « ambassadeurs ». Il s'agit d'enseignants qui ont vocation à développer des relations privilégiées avec un établissement du secondaire, auprès duquel ils se déplacent afin de présenter le contenu et les débouchés des formations universitaires. Quinze lycées de la région disposent désormais d'un ambassadeur, principalement les établissements scolaires publics de la périphérie d'Angers. L'objectif est de préparer au mieux l'entrée des futurs bacheliers dans l'université afin d'éviter tout traumatisme. Les ambassadeurs disposent d'un référent enseignant dans chaque lycée. Une demi-journée est en règle générale consacrée à la présentation de l'université. Les enseignants de l'université sont formés à la présentation de leur établissement et au contact direct avec les élèves.

Les tuteurs d'accueil , à savoir les étudiants des années supérieures de licence et de master, qui accompagnent les nouveaux entrants pour faciliter leur intégration, constituent le deuxième dispositif d'appui à la réussite étudiante. Le dispositif se concentre sur le tutorat pédagogique assuré par les étudiants de L3 et M1 auprès d'étudiants en difficulté dans certaines matières. Ces tuteurs sont rattachés à un enseignant responsable de l'organisation de l'activité. Le dispositif comprend également des enseignants référents en direction des primo-arrivants qui assurent des réunions individuelles au moins deux fois par an. Le tutorat pédagogique fait l'objet de deux ECTS validés. Les actions réalisées auprès des lycées peuvent être payées dans le cadre d'un contrat étudiant .

L'université a mis sur pied un dispositif de réorientation au bénéfice de ceux qui se sont trompés dans leur choix de filière. L'expérimentation « Transver'sup » propose aux étudiants en décrochage un second semestre consacré à la réflexion sur le projet professionnel , afin de leur permettre de rebondir et de s'engager dans une autre filière.

Les dispositifs annexes de vie étudiante comprennent également :

- le service universitaire de médecine préventive : prévention, films brefs montés par les étudiants pour sensibiliser à la modernisation (accompagnement étudiant dans sa vie personnelle) ;

- le service des activités sportives, qui assure près de 45 activités. Le médiateur pour le sport de haut niveau permet de faciliter le contact entre les équipements sportifs et les étudiants athlètes de haut niveau.

Les plages d'ouverture de la bibliothèque universitaire ont été étendues : 84 heures hebdomadaires sont ainsi rendues possibles par le biais de contrats étudiants qui participent à l'accueil. Le coût de l'extension de l'amplitude horaire a été estimé à 100 000 euros.

L'université s'est également dotée d'un chargé de mission pour faciliter l'intégration des étudiants handicapés.

L'université d'Angers est la première université de France en termes de réussite en licence, avec un taux de réussite de 58,9 % en 2011. Le taux d'abandon au cours du premier cycle a diminué grâce au tutorat et à l'accompagnement individuel renforcé. Les efforts des tuteurs n'ont pas obéré leur taux de réussite en licence.

L'université a apporté son soutien au projet d' épicerie sociale et solidaire conduit par une association liée à la FAGE, afin de constituer un lieu de vie et de rencontre pour les étudiants. L'université d'Angers compte, en outre, 15 % d'étudiants salariés et de 10 à 15 % d'étudiants logés en résidence universitaire. Elle accueille 15 % d'étudiants étrangers, avec un dispositif spécifique de tutorat afin de les aider à s'orienter dans la ville et l'université.


* 34 BRAFMAN, Nathalie, « Lorsque l'université offre un cursus... et un salaire », in Le Monde , édition du 14 mars 2013.

* 35 Cité in ibidem .

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