2. Une technique à encadrer

Afin de répondre aux enjeux environnementaux que soulèvent l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures de roches mères, il est souhaitable de mettre en place une réglementation spécifique, dans un cadre transparent, privilégiant la concertation avec la population .

Cette réglementation ne doit pas être minorée en raison de ses coûts. Elle doit, en revanche, être adaptée à la problématique spécifique aux hydrocarbures de roches mères.

a) Des « règles d'or »

Toute activité industrielle engendre des risques justifiant l'application d'une réglementation et le contrôle de son respect. L'exploration et l'exploitation des hydrocarbures de roche mère ne font pas exception à ce principe.

L'Agence internationale de l'énergie estime que les problèmes environnementaux liés à l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels sont gérables, à condition de respecter un certain nombre de « règles d'or » 12 ( * ) .

La mise en oeuvre de ces règles implique un effort important de l'industrie (contrôle et maîtrise des procédés) et des gouvernements (réglementation et contrôle des activités).

L'encadré ci-après énumère les principaux points d'intérêt qui devraient être traités par une réglementation encadrant ce secteur d'activité.

RÉGLEMENTATION DE L'EXPLORATION ET DE L'EXPLOITATION DES HYDROCARBURES DE ROCHES MÈRES : PRINCIPAUX POINTS D'INTÉRÊT

Chacun des points énumérés ci-après peut faire l'objet d'une réglementation et d'un contrôle par la puissance publique.

- Transparence et concertation

Toute opération en vue de l'exploration ou de l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnels fait l'objet d'une concertation préalable avec la population.

Une liste d'indicateurs clefs, assortis de valeurs de référence (« états zéros »), est établie. Ces indicateurs sont l'objet d'un suivi continu pendant le déroulement des opérations.

Les données opérationnelles relatives à l'eau (volumes, retraitement), aux additifs (composition, volumes), aux émissions de gaz à effet de serre sont publiées.

Les nuisances subies en surface sont, autant que possible, réduites pour les riverains. Ceux-ci bénéficient par ailleurs de retombées économiques de l'opération.

-  Choix des sites de forage

Les puits sont localisés en sorte de minimiser l'impact sur les communautés locales, les activités existantes, le patrimoine et l'environnement.

Les puits sont localisés après des études géologiques appropriées, évaluant le risque de présence de failles sismiques, celui d'une possible migration des fluides au sein de la roche ou d'une mobilisation vers la surface de certains composants.

Le déroulement de la fracturation hydraulique est suivi en temps réel afin de vérifier que les fissures restent confinées autour du puits.

- Étanchéité des puits et prévention des fuites

L'intégrité des puits est strictement réglementée et contrôlée, en particulier eu égard à la présence de nappes phréatiques.

Aucune opération de fracturation ne peut être réalisée à proximité des aquifères (fixation d'une distance minimale).

Des mesures de prévention, de contrôle et de retraitement doivent être prises afin d'éviter toute fuite ou déversement de fluides usagés en surface.

- Traitement de l'eau

L'usage d'eau potable est autant que possible réduite. Sa réutilisation pour d'autres opérations de fracturation est privilégiée.

L'utilisation d'additifs est réduite au minimum ; l'usage d'alternatives neutres d'un point de vue environnemental est privilégié.

Dans cet objectif, une liste positive de produits non toxiques autorisés est établie, privilégiant les produits d'usage alimentaire ou courant. Cette liste peut être complétée par une liste restrictive d'additifs facultatifs éventuellement utilisables, à condition que leur utilité soit dûment justifiée.

La composition des additifs est publiée.

Ce processus est suivi et contrôlé par une autorité publique indépendante.

Émissions de gaz à effet de serre

Le torchage, c'est-à-dire le brulage par des torchères des émissions de gaz, est minimisé.

Les émissions sont contrôlées et réduites dans toutes leurs composantes, y compris les fuites de méthane éventuellement associées à la production.

Réalisation d'économies d'échelle

Des économies d'échelle sont recherchées dans le développement des infrastructures au niveau local, afin de réduire les impacts environnementaux.

Sont pris en compte les effets cumulatifs, au niveau régional, de forages multiples notamment sur l'eau, les sols, la circulation etc.

(D'après AIE)

La réglementation des pratiques pose donc aujourd'hui davantage des questions de coût que de principe. On sait réglementer ; mais cette réglementation aura un coût, susceptible d'affecter la rentabilité économique de l'exploitation.

b) L'exemple du projet de loi allemand

L'Allemagne paraît aujourd'hui s'engager sur cette voie de la réglementation, plutôt que de l'interdiction.

Il s'agit, dans le projet de loi allemand actuellement à l'étude, de réglementer les conditions de recours à la fracturation hydraulique, en fonction des enjeux environnementaux identifiés. Cette réglementation vise les forages profonds recourant à la fracturation hydraulique, y compris pour les projets géothermiques. Elle met l'accent sur la protection des ressources en eau, susceptible de justifier l'interdiction de la fracturation hydraulique à proximité de celles-ci ou si un risque est avéré.

Le projet de loi introduit les nouvelles dispositions suivantes :

- L'obligation d'associer les agences de l'eau - au même titre que les autorités minières - aux procédures de délivrance des permis pour les projets recourant à la fracturation hydraulique ;

- L'interdiction de la fracturation hydraulique dans les zones de protection des eaux potables ;

- La possibilité d'interdire la fracturation hydraulique également dans des zones non protégées s'il est prouvé que le forage peut engendrer des risques de fuites de substances nocives vers des zones de protection des eaux ;

- L'obligation de mener une étude d'impact pour l'ensemble des projets recourant à la fracturation hydraulique.

On le voit, la fracturation hydraulique peut être améliorée et encadrée. Il existe un important retour d'expérience au niveau mondial, car cette technique est la plus connue et la plus pratiquée non seulement pour l'extraction des hydrocarbures de roches mères mais aussi pour d'autres usages.

Au terme de cette étape de leur étude, vos rapporteurs considèrent que la fracturation hydraulique reste la technique la plus efficace et la mieux maîtrisée pour extraire les hydrocarbures non conventionnels, et que des solutions existent pour le faire avec un impact acceptable sur l'environnement, à condition de respecter quelques règles.

Il n'en demeure pas moins que plusieurs pistes alternatives, méritant d'être explorées, justifient un effort de recherche.


* 12 « Golden rules for a golden age of gas, World energy outlook special report on unconventional gas », Agence internationale de l'énergie (OCDE/AIE, 2012)

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