D. LA NAVIGATION AÉRIENNE

1. Les données de la modernisation de la gestion du trafic

L'adéquation des capacités de gestion du contrôle de la navigation aérienne est le défi le plus immédiat auquel devra faire face l'aviation civile.

D'une part, parce que l'acquis, en Europe, comme aux États-Unis ou la Chine, fait apparaître une dégradation progressive des résultats d'une fonction essentielle - avec des conséquences non négligeables en termes de consommation.

Et d'autre part, parce que même si le doublement du trafic primitivement envisagé vers 2030 pourrait être reporté d'une décennie, il connaîtra une double progression quantitativement mais aussi « qualitativement ». Le mouvement que l'on observe aux États-Unis de concentration de la masse du trafic sur certains grands aéroports, l'accroissement des rotations d'avions dans des plages horaires qui ne sont pas extensibles contient en lui-même un risque de thrombose du trafic .

Enfin, parce que le contrôle aérien repose sur des technologies des années soixante et échappe encore au mouvement de numérisation de l'économie.

Dans ces conditions, la mise en oeuvre de moyens supplémentaires en personnel et en équipement ne suffirait probablement pas à répondre de façon satisfaisante à ce surcroît de demande de trafic - qu'il s'agisse du contrôle « en route » ou du contrôle d'approche.

La solution proposée à l'échelle européenne - mais une initiative similaire existe dans l'espace aérien américain - est le programme SESAR (Single european sky air traffic management research - ou recherche sur le contrôle du trafic aérien dans le ciel unique européen).

Le concept opérationnel de « SESAR », tel que défini dans une note de la DGAC, repose sur la réduction des incertitudes quant au positionnement des avions de leur décollage à l'atterrissage :

« Aujourd'hui le contrôle de la circulation repose sur un concept opérationnel dans lequel le contrôleur de la circulation aérienne utilise des informations plan de vol et des informations radar. Les informations plan de vol contiennent des informations sur la route suivie par l'avion et les niveaux et heures de passage prévus sur des points. Ces informations demeurent relativement imprécises. À partir de ces informations, le contrôleur se construit une image mentale du trafic et détecte les risques potentiels de pertes de séparations entre avions. Même si un certain nombre d'outils ont été développés pour l'aider dans sa tâche, l'imprécision des informations ne permet pas d'augmenter significativement le nombre de vols traité par un contrôleur à un instant donné. C'est pourquoi la réduction de l'incertitude sur les futures positions de l'avion est le facteur déterminant dans l'amélioration du système.

Les concepts opérationnels de SESAR reposent sur le partage entre le sol et le bord d'une connaissance précise des trajectoires 4D (position et temps). Ces trajectoires 4D servent de base au fonctionnement du système à partir du dépôt des intentions de vol, du plan de vol. Les informations associées à la trajectoire sont partagées entre tous les acteurs (avion, compagnies aériennes, services de la navigation aérienne, aéroport...) et permettent de réduire l'incertitude. Cette réduction de l'incertitude permet, de mieux anticiper les problèmes, de diminuer le nombre de conflits potentiels et les actions à prendre sur les vols et d'anticiper sur les décisions. Cela permettra de rendre les outils de contrôle plus efficaces.

Il est également envisagé de pouvoir déléguer le maintien des séparations à bord : la responsabilité du pilote pourra être totale (self séparation) dans les espaces peu denses ou bien être utilisée pour régler des problèmes particuliers par exemple réglés aujourd'hui par des séparations à vue et qui ne peuvent pas être appliquées par mauvaise visibilité ou des actions du contrôleur.

L'automatisation jouera un rôle de plus en plus important, facilitée par le développement des liaisons de données numériques air-sol permettant l'échange d'information entre les calculateurs bord et au sol. »

Ce programme a été lancé en 2006 et s'est traduit en mai 2008 par l'élaboration d'un plan directeur européen de gestion du trafic aérien.

Une phase de développement (2009-2016) reposant sur une entreprise commune à laquelle sont associés la Commission européenne, Eurocontrol, et les principaux acteurs du secteur (gestionnaires de la navigation aérienne, aéroports, fournisseurs d'équipement au sol et embarqués et constructeurs d'avions) est actuellement menée.

Le coût total de la recherche sur cette phase est de 2,1 milliards d'euros et 300 projets de recherche ont été labellisés sur la phase (2009-2016).

Ultérieurement, la phase de déploiement (2016-2025) verra la mise en oeuvre des équipements au sol et embarqués, dont le coût d'investissement est estimé pour l'ensemble du ciel européen à 30 milliards d'euros, dont 7 pour les équipements de sol et 23 pour les avions (civils et militaires).

Une révision du plan directeur de SESAR a été approuvée en juillet 2012 clarifiant les objectifs de la phase de déploiement (2014-2020).

Malgré une vision encore insuffisante du cheminement économique de cette modernisation, ce plan révisé est une première étape importante vers le déploiement, car il clarifie les priorités du programme sur la période 2015-2020 :

- l'intégration et la capacité des aéroports : la gestion du trafic à la surface sera améliorée et les aéroports importants seront mieux intégrés dans le système ATM (Air transport management) en prenant en compte les interactions entre vols à l'arrivée et vols au départ.

- la gestion des conflits et l'automatisation : la charge de travail du contrôleur sera réduite grâce à des outils d'assistance automatisée.

- évolution de la gestion de l'espace vers la gestion des trajectoires 4D : l'usager gagnera en flexibilité et en efficacité en suivant une route déterminée sans référence au réseau de routes aériennes (Free routing) et tous les acteurs bord et sol auront une vision commune actualisée des trajectoires grâce au partage des informations sur les trajectoires prévues dans l'espace et le temps.

- gestion collaborative du réseau et ajustement dynamique demande-capacité : il s'agit de suivre l'évolution du trafic et de la demande d'espace aérien, d'identifier les déséquilibres de capacité/trafic, de développer des scénarios de régulations impliquant tous les acteurs (processus CDM) en cas de manque de capacité.

- synchronisation du trafic : l'objectif est d'améliorer la gestion des vols au départ comme à l'arrivée afin d'optimiser les séquences de trafic et les profils de montée et de descente, et par conséquence, limiter les interventions tactiques du contrôleur.

Le plan directeur prévoit une phase de déploiement initial (2014-2020) pour un budget d'industrialisation et déploiement de 10 à 20 milliards d'euros selon le rythme de mise en oeuvre qui sera de retour.

Ces investissements sont importants et ne pourront être engagés sans une parfaite coordination des acteurs du déploiement et un cheminement économique approfondi aussi sûr que possible assurant aux usagers un retour sur investissement clairement démontré. Les questions de standardisation et d'interopérabilité devront également être approfondies.

La Communauté européenne pourrait contribuer au déploiement pour 3 milliards d'euros principalement au travers de compléments de financement ou de mécanismes incitatifs qui restent à préciser.

Page mise à jour le

Partager cette page