B. LES PRÉCONISATIONS FORMULÉES PAR VOS RAPPORTEURS

1. Sécuriser l'univers juridique des auto-entrepreneurs

Vos rapporteurs ont pris acte de la volonté du Gouvernement de limiter la durée du statut d'auto-entrepreneur quand il s'agit de son activité principale. Toutefois, ils tiennent à préciser que n'aborder ce sujet que sous le prisme de la question de la durée serait réducteur car il est difficile, d'une part, d'établir une distinction entre une activité principale et une activité secondaire, l'une et l'autre pouvant s'inscrire aussi légitimement dans la durée, d'autre part, de régir indistinctement la mosaïque d'activité que recouvre l'auto-entrepreneuriat.

Au cours des auditions, de nombreux autres points qui posent problème ont été mis en lumière, notamment la complexité juridique du dispositif, l'inefficience des contrôles due à un manque d'encadrement des procédures d'enregistrement et de déclaration, les effets d'aubaines et de fraude à la législation du travail par la substitution du statut de l'auto-entrepreneur à certains emplois salariés, les problématique de distorsion de concurrence et de sécurité pour les professions présentant des risques en matière de santé au travail et de garantie des prestations.

2. Les quatre axes de préconisations formulés par vos rapporteurs

Aussi, sans préjudice de l'ensemble des recommandations formulées par la mission IGAS-IGF dont les conclusions ont utilement éclairées la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, vos rapporteurs ont-ils souhaité conclure leurs travaux par l'énoncé de quatre axes principaux de préconisations.

1) Adapter et clarifier le régime sur le plan réglementaire et législatif :

- donner une base juridique à la dénomination d'auto-entrepreneur au moyen d'une mention expresse de celle-ci dans les textes réglementaires d'application de la LME. Il s'agit ainsi de conforter le statut social des personnes qui créent leur propre activité mais aussi d'améliorer la lisibilité pour le consommateur du cadre juridique dans lequel les prestations sont effectuées ;

- clarifier les conditions d'information des employeurs privés et publics de l'activité d'auto-entrepreneur menée par leur salarié, l'objectif de cette mesure étant d'assurer la transparence du dispositif et de mieux lutter contre le travail dissimulé.

2) Sécuriser les conditions d'entrée dans le régime et son contrôle :

- renforcer la procédure d'inscription en rendant obligatoire la déclaration du caractère principal ou accessoire de l'activité ;

- instaurer la déclaration des qualifications professionnelles nécessaires à l'exercice d'une profession artisanale et/ou réglementée dès le stade de l'inscription ;

- rendre obligatoire l'attestation de la souscription d'une assurance en responsabilité civile professionnelle ainsi que des assurances professionnelles requises pour l'exercice de certaines professions ;

- s'assurer dans la procédure d'inscription d'un contrôle automatisé de la concordance des éléments déclaratifs précités avec les conditions d'accès à l'activité déclarée avant la validation de l'inscription et l'attribution par l'Insee du numéro d'immatriculation ;

- instaurer une déclaration sur l'honneur de la véracité des informations fournies en vue de l'obtention de l'inscription.

L'objectif recherché est de maintenir la simplicité du système déclaratif tout en responsabilisant les bénéficiaires du régime par un encadrement plus strict et une information plus explicite des obligations à remplir en particulier dans la procédure automatisée d'inscription 21 ( * ) .

3) Renforcer le suivi statistique de l'activité d'auto-entrepreneur :

- reconnaître l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) comme chef de file de la coordination du chaînage statistique entre l'Insee et les organismes gestionnaires du régime (administration fiscale et caisses d'assurance vieillesse).

4) Assurer le développement et l'accompagnement des auto-entrepreneurs vers le droit commun :

- mettre en place un suivi des auto-entrepreneurs susceptibles d'accéder au statut de droit commun de l'entreprise individuelle à compter d'un seuil de 50 % du plafond de chiffre d'affaires autorisé en fonction de l'activité d'auto-entrepreneur , soit une population estimée entre 50 000 à 70 000 auto-entrepreneurs ;

- assurez le financement de ce dispositif en mobilisant les fonds de la formation professionnelle, évalués à 10 millions d'euros, ainsi que l'agence pour la création d'entreprises (APCE) en lien avec les acteurs consulaires et le réseau des experts comptables ;

- différencier l'accompagnement et les conditions de sortie du régime vers le droit commun selon que les activités concernées relèvent de l'artisanat, en particulier dans le secteur du bâtiment, qui sont les plus impactées par la concurrence des auto-entrepreneurs, ou des professions libérales et du commerce car celles-ci ne font pas l'objet des mêmes critiques. Dans le secteur du bâtiment, où les problématiques de qualification professionnelle et de sécurité sont particulièrement prégnantes, il conviendrait d'engager une réflexion sur la différenciation entre les activités qui relèvent du « bricolage » (changer une ampoule, repeindre un volet et de menus travaux) et celles véritablement qui engagent des travaux nécessitant de sérieuses garanties professionnelles. Si vos rapporteurs soulignent la nécessité d'assurer un contrôle et un accompagnement renforcé en matière d'activités artisanales et si la question d'une limitation dans le temps peut être une solution pour les auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale à titre principal, ils ne souhaitent pas l'instauration d'une limitation générale de durée d'activité ;

- désigner l'APCE comme tête de réseau de l'accompagnement des auto-entrepreneurs afin de simplifier les conditions de transition vers les régimes de droit commun.

L'objectif de ces mesures est la mise en place d'une chaîne vertueuse de développement de l'activité par :

- une meilleure préparation des auto-entrepreneurs présentant un potentiel d'entrée dans le cadre général de la création d'entreprise ;

- un lissage des effets de seuils induisant des ressauts d'imposition et de contributions sociales ;

- et une simplification d'ensemble des formalités de création d'entreprise dans le droit commun.


* 21 Cf . les observations formulées par vos rapporteurs en annexe IV sur le formulaire d'inscription en ligne du portail de l'auto-entrepreneur.

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