B. LES INÉGALITÉS, FORTES AUX POSTES STRATÉGIQUES DE L'ADMINISTRATION CULTURELLE, SONT PARFOIS SCANDALEUSES DANS LE DOMAINE ARTISTIQUE

Que ce soit dans le secteur des médias, du cinéma, des arts plastiques ou du spectacle vivant, le constat est le même : les femmes, minoritaires dans les postes stratégiques des administrations et des entreprises culturelles, sont parfois quasiment évincées de certaines fonctions artistiques.

1. L'« absence » des femmes aux postes stratégiques (Rapport Reiser/Grésy)

Dans le rapport sur l'image des femmes dans les médias, publié le 25 septembre 2008, la commission de réflexion sur l'image des femmes dans les médias dressait un constat alarmant de la place des femmes dans les postes de responsabilité : « le plafond de verre est, dans le monde des médias, aussi incassable que partout ailleurs » .

En effet, d'après les chiffres fournis par les producteurs auditionnés par la commission sur le nombre de femmes parmi les directeurs généraux, directeurs de programmes, d'antenne, d'unité de fiction, de documentaires, de magazine, pour les télévisions publiques (France 2, France 3, France 4, France 5) et privées (TF1, Canal+, M6), on dénombrait 7 femmes pour 14 hommes dans les télévisions publiques, soit le tiers des postes de pouvoir dévolus aux femmes et 4 femmes sur 13 hommes dans les télévisions privées, soit 23 % seulement .

S'agissant des postes stratégiques des sociétés de production cinématographiques, Delphine Besse 11 ( * ) , dressait un paysage noir de la présence des femmes dans les instances de décision :

- aucune femme chez UGC, le conseil d'administration n'étant composé que d'hommes, dont le plus jeune a 61 ans, a-t-elle ajouté ;

- 2 femmes sur 8 membres dans la société Pathé, encore l'une d'entre elles est-elle membre de la famille Seydoux, a-t-elle précisé ;

- 1 femme sur 7 membres dans la société de production de Luc Besson, EUROPACORP ;

- aucune femme chez MK2, dirigé par Marin Karmitz et ses deux fils.

Les sociétés de production de films sont de surcroît représentées par des organisations syndicales presque exclusivement dirigées par des hommes.

L'Association des producteurs de cinéma (APC), l'une des plus importantes du secteur, née en avril 2007 du rassemblement de 120 sociétés de production, dont la vocation est de défendre les droits des producteurs indépendants vis-à-vis des pouvoirs publics, des chaines de télévision, des fournisseurs d'accès Internet, est bien évidemment présidée par un homme, Marc Missonier, et les huit membres de son bureau sont tous des hommes sauf la Belge Anne-Dominique Toussaint.

La puissante Union des producteurs de films (UPF), présidée par Alain Terzian, compte six vice-présidents (parmi lesquels Luc Besson, Thomas Langmann, Manuel Munz...) dont une seule femme, Margaret Ménégoz (Les Films du Losange); et parmi les 21 autres membres du conseil d'administration de l'UPF, on compte seulement 3 femmes.

Ces chiffres qui semblent catastrophiques ne sont toutefois pas totalement représentatifs de la place réelle qu'occupent les femmes dans les postes stratégiques du cinéma. Cette place doit aussi s'apprécier au regard de leur positionnement dans le métier peut-être le plus crucial du monde du cinéma : l'agent artistique. Or, si on se penche sur la composition des agences parisiennes les plus puissantes, on ne peut que se réjouir de la présence des femmes dans ces lieux de pouvoir incontournables du cinéma : Artmédia, la première agence artistique européenne, comprend huit agents dont sept femmes, le seul homme étant le dirigeant, Bertrand de Labbey ; VMA (Voyez Mon Agent), également dirigée par Bertrand de Labbey, compte deux femmes sur ses six agents, depuis le départ audacieux de Cécile Felsenberg et Céline Kamina qui ont créé l'agence UBBA (Une Bien Belle Agence).

UBBA a depuis complété son équipe avec trois autres agents et est aujourd'hui considérée comme l'une des agences artistiques les plus dynamiques de Paris. Artmédia et VMA, carrefours incontournables du cinéma mais aussi de la chanson française, regroupent les plus grandes vedettes parmi les comédiens, chanteurs, réalisateurs, scénaristes et auteurs français (Gérard Depardieu, Isabelle Adjani, Jacques Audiard, Daniel Auteuil, Isabelle Huppert, Jacques Dutronc...).

La situation dans les quotidiens nationaux d'information est pire avec à peine plus de 3 % de femmes dans les instances de direction des grands groupes de presse.

Enfin, dans le secteur du spectacle vivant, elles restent minoritaires aux postes de direction, même s'il faut distinguer les postes de l'administration centrale - où elles représentent 24 % des postes de directeurs et 43 % des postes d'encadrement - des grands établissements publics des ministères (Bibliothèque nationale de France, musée d'Orsay, musée du Louvre, Centre national du cinéma...) ou labellisés, où elles ne représentent que 25 % environ des personnes en charge de la direction.


* 11 Delphine Besse, responsable du Pôle Industrie de l'Association « Le deuxième regard », auditionnée par la délégation le 4 avril 2013.

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