REMARQUES PRÉLIMINAIRES

1- QUELLES FRONTIÈRES POUR LE « SAHEL » ?

Au sens géographique, le Sahel est la zone semi-désertique faisant la transition entre le climat désertique et le climat tropical humide. Suivant ce critère, il s'étend de l'Atlantique à la mer Rouge, sur une largeur de 500 à 700 kilomètres, et se distingue 4 ( * ) tant de la zone des savanes située sur son flanc sud, où les pluies sont suffisantes pour cultiver sans irrigation, que du Sahara situé au Nord où les cultures sont impossibles sans irrigation.

Pour autant, les différentes organisations régionales existantes ou les politiques publiques consacrées à cette région donnent au « Sahel » une géométrie variable suivant les cas.

Ainsi, il est fréquent de déborder vers le Nord pour traiter de la « bande sahélo-saharienne » , espace de fracture entre le monde arabo-berbère et le monde sub-saharien de l'Afrique noire, notion qui permet notamment d'aborder la question des clivages mais aussi des continuités entre cette région et celle des États sahariens du Maghreb. De même, le nombre des États retenus sous l'acception de Sahel fluctue suivant les cas de 3 à 10 : s'il comporte toujours au moins la Mauritanie, le Mali et le Niger , comme dans le cas de la stratégie Sahel de l'Union européenne, il englobe parfois le Sénégal (comme dans le cas de la Stratégie Sahel française), et, souvent, le Burkina Faso et le Tchad , voire le Soudan . L'expression « pays du champ» regroupe quant à elle l'Algérie , le Mali , la Mauritanie et le Niger .

Dans leur récent document stratégique qui est l'équivalent de notre « stratégie Sahel », nos partenaires britanniques ont une notion plus vaste de l'espace à considérer puisque leur réflexion englobe non seulement le Maghreb mais aussi des pays d'Afrique de l'Ouest.

2- QUEL MOT POUR DÉSIGNER LES « GROUPES TERRORISTES » ?

« Islamistes », « islamistes radicaux », « djihadistes », « terroristes » : de quel vocable faut-il désigner nos ennemis ?

Très vite, le ministère des Affaires étrangères a été conduit à préférer le terme de « groupes terroristes » ou « terroristes », et ce essentiellement pour éviter les contresens qui pouvaient être faits par certains média de langue arabe qui, traduisant « islamistes » par « musulmans », dénaturaient ainsi complètement les propos tenus. De même, le ministère des Affaires étrangères a été conduit à rejeter l'emploi du terme « djihadiste » pour ne pas entraîner de confusion avec le « djihad » intérieur en tant qu'effort sur soi-même pour atteindre le perfectionnement moral ou religieux, tel qu'il est prôné dans l'islam.

Pour autant, le terme générique de « terrorisme », pour habile qu'il soit, est trompeur, car il ne reflète qu'imparfaitement la réalité à laquelle nous sommes confrontés, puisqu'il occulte un fait indéniable, celui de la radicalisation fondamentaliste d'une partie des sociétés musulmanes qui peut sombrer dans le terrorisme par rejet de l'Occident.

En outre, il peut avoir pour conséquence malencontreuse de donner aux propos de nos responsables politiques des accents néo-conservateurs. Aussi le terme doit-il être utilisé avec discernement, et les mots de « lutte contre des groupes terroristes » doivent-ils être préférés à ceux de « guerre contre le terrorisme », rappelant par trop la terminologie de l'administration américaine après les attentats du 11 septembre 2011 pour justifier l'invasion de l'Irak ou certaines formes de lutte « contre-insurrectionelle » en Afghanistan.

Les militaires et le ministère de la défense utilisent quant à eux l'expression « groupes armés djihadistes », parfois abrégée en acronyme « GAD », qui est sans doute plus spécifique et plus précise, même si elle n'est pas à l'abri de la confusion précitée entre les deux types de « djihad », le djihad en tant qu'effort spirituel sur soi-même, et le « djihad global » qui est une forme bien particulière d'idéologie détournant la religion pour déboucher sur l'action terroriste.

Vos rapporteurs considèrent quant à eux qu'à côté de ces deux termes, les expressions « islamisme radical » et « terrorisme djihadiste » sont également adaptées pour décrire la réalité à laquelle nous devons faire face. Ces deux notions ne se recoupent pas exactement. Mais il y a une continuité de l'une à l'autre. L'existence d'un terreau favorable étendu est bien ce qui rend préoccupant le terrorisme djihadiste, à la différence d'autres formes de terrorisme ne disposant pas d'un puissant soutien dans la population (ainsi des groupes extrémistes comme Action Directe, les Brigades Rouges ou la Bande à Bader, coupées de la classe ouvrière de leur pays, ou des groupes séparatistes minoritaires (FLNC, FLB etc...)).


* 4 D'après la définition donnée par Gérard François DUMONT dans « Questions internationales » « le Sahel en crises », novembre 2012

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