C. UN MESSAGE DE PRÉVENTION QUI DOIT S'AFFINER

Si l'objectif général de renforcer la prévention est partagé par la très grande majorité des personnes auditionnées par votre commission, il est plus difficile de définir en pratique les modalités de cette prévention et, en particulier, le contenu du message susceptible d'être efficace auprès des jeunes et des sportifs .

Deux principaux axes sont utilisés en matière de prévention : l'éthique du sport d'une part et la protection de la santé d'autre part.

Pourtant, ces deux messages ne sont pas sans inconvénient.

L'approche par l'éthique du sport a en réalité deux versants, comme l'a rappelé le professeur Philippe-Jean Parquet : une approche contractuelle , anglo-saxonne, selon laquelle le sportif doit respecter les règles liées à sa licence et aux « règles du jeu » du sport où il concourt ; et une approche morale , résumée par certaines affiches sur lesquelles figurent simplement « se doper c'est tricher » 213 ( * ) . À cet égard, l'éthique du sport risque d'être contre-productive par son approche trop stigmatisante et moralisatrice.

Quant à l'approche par la santé , deux sportifs auditionnés par votre commission d'enquête en ont souligné les limites. Erwann Menthéour, ancien cycliste, a rappelé que « à vingt ans, l'idée des limites ou de la mort n'est pas importante », ajoutant qu'il aurait à l'époque bu deux litres d'essence si cela lui avait permis de gagner le Tour de France 214 ( * ) . De même, Martin Fourcade, champion du monde de biathlon, a indiqué que « les dangers sanitaires des produits dopants ne dissuadent pas ceux qui veulent arriver à leurs fins d'y avoir recours . Un jeune n'imagine pas la vie jusqu'à soixante-dix ans. En revanche, vivre jusqu'à quarante ans avec beaucoup d'argent le séduit fortement » 215 ( * ) . Ces témoignages, sans remettre en cause l'importance de la lutte antidopage au nom de la protection des sportifs, illustrent les limites d'un message de prévention uniquement centré sur son aspect sanitaire, face à un public jeune désireux d'accéder au très haut niveau (un tel message est sans doute plus efficace auprès d'un public amateur).

C'est pourquoi il convient de définir une méthodologie renouvelée , plus adaptée au public en question et à ses préoccupations. Le professeur Parquet a, lors de son audition précitée, lancé quelques pistes dans le sens d'un message d'ordre général, moins moralisateur : « les problèmes de consommation chez les sportifs de haut niveau, mais aussi chez ceux qui se trouvent dans une logique plus récréative, doivent trouver une solution dans des programmes de prévention plus généraux et plus précoces, qui s'inscrivent dans la durée ». La même idée est défendue par Michel Boyon, selon qui « une campagne isolée, même réussie, avec un slogan fort, ne suffira pas pour créer un nouvel état d'esprit. Il faut s'inscrire dans la durée en mobilisant tous les acteurs : enseignants, entraîneurs, élus, etc . » 216 ( * ) .

S'agissant du fond, afin de mieux identifier le message le plus adapté, Jean-Pierre Bourely a indiqué à votre commission qu'une enquête sociopsychologique , financée par la Fédération nationale des observatoires régionaux de la santé, avait été lancée afin d'identifier les représentations du dopage pour l'ensemble des acteurs du monde sportif.

S'agissant de la forme, une campagne adaptée aux nouveaux modes de communication serait plus appropriée selon Marc Sanson, ancien président du CPLD : « il faut en tout cas renforcer les actions auprès des jeunes, notamment ceux qui suivent une formation sport-études, en utilisant et en s'adaptant sans cesse aux nouveaux supports ou modes de communication, comme les réseaux sociaux. Il faut adapter le langage, afin d'éviter que les séances d'information ne soient prises à la légère ou comme un pensum » 217 ( * ) .

Ainsi, l'efficacité de la prévention résidera moins dans le contenu des messages que dans la méthodologie qui sera employée pour leur diffusion : il convient d' unifier le message , de rendre le discours moins ponctuel et de le combiner avec la peur de la sanction (articulation avec les contrôles). La nécessité d'une telle approche, globale et cohérente avec les moyens de contrôle et de sanction, conforte la proposition, déjà exposée, consistant à confier la prévention à l'AFLD .

Dans ce contexte, il conviendrait de donner les moyens au comité d'orientation scientifique de développer son travail de recherche . Michel Rieu, ancien conseiller scientifique de l'Agence, a ainsi indiqué : « s'agissant de la prévention, l'insuffisance de nos connaissances nous empêche d'être efficaces. Trop d'approximations sont à déplorer. Depuis des années, je demande la réalisation d'études épidémiologiques rétrospectives » 218 ( * ) . Ainsi, la compétence « prévention » doit s'accompagner d'une compétence « recherche », qui permette d'alimenter, notamment par des études épidémiologiques, les campagnes de prévention contre le dopage.

Afin de tirer les conséquences de l'ensemble des propositions sur la prévention, il conviendrait probablement de renommer l'AFLD, qui deviendrait l'Agence de prévention et de lutte contre le dopage (APLD).

Proposition n° 23 Transformer l'Agence française de lutte contre le dopage en Agence de prévention
et de lutte contre le dopage


* 213 Voir l'audition du 29 mars 2013.

* 214 Audition du 18 avril 2013.

* 215 Audition du 16 avril 2013.

* 216 Audition du 11 avril 2013.

* 217 Audition du 20 mars 2013.

* 218 Audition du 4 avril 2013.

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