II. LES GRANDS AXES DE LA MISSION

A. LE VIETNAM ET LA FRANCOPHONIE

1. Dans l'enseignement primaire

En 1970, le Vietnam figurait parmi les membres fondateurs de l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), première organisation intergouvernementale fondée sur le partage du français. En 1997, il accueillit le premier sommet de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF).

Pour autant, le Vietnam ne compte plus que 0,7 % de locuteurs francophones, répartis entre 160 000 locuteurs réels, 200 000 locuteurs occasionnels, 150 000 élèves, dont 25 000 dans l'enseignement supérieur. Historiquement parlant, l'apprentissage du français ne constitua jamais un des axes de la présence coloniale française. Le nombre de Vietnamiens maîtrisant le français ne dépassait pas 2 % de la population. Le français peut donc s'appuyer sur une tradition ancienne mais ne peut jouer sur un effet de masse qu'il n'a jamais connu.

Aujourd'hui, 40 provinces sur 63 proposent un enseignement de français, dans 347 établissements au total.

Le français est présent dès l'école primaire. Cependant, confronté à un fort accroissement démographique, le système scolaire s'efforce avant tout de parvenir à assurer la scolarisation de tous. De l'aveu même de nos interlocuteurs, il peine encore à remplir cet objectif, de sorte que l'enseignement obligatoire et gratuit n'est souvent dispensé qu'une demi-journée par jour, au lieu de l'ensemble de la journée.

Dans ces conditions, l'enseignement d'une langue étrangère dès l'école primaire ne revêt évidemment pas un caractère de priorité.

2. Dans l'enseignement secondaire

Dans l'enseignement secondaire, quatre cursus sont proposés : première langue vivante étrangère, deuxième, classes bilingues et français intensif dans les classes à option.

S'il est attaché à la francophonie, le Vietnam semble se trouver, sur le plan de l'enseignement du français, dans une position quelque peu paradoxale : les interlocuteurs de la mission ont souligné combien l'appui prodigué par l'ambassade de France et l'OIF était précieux et permettait donc de concentrer les moyens sur l'enseignement de l'anglais.

Quoiqu'il en soit, plus de 14 000 élèves, répartis dans 490 classes, de 85 établissements, dans 16 provinces ou villes suivent un enseignement bilingue. Cet enseignement est assuré par 395 enseignants de français et de disciplines scientifiques en français. Le programme bilingue propose en effet de dispenser deux matières non linguistiques en français, les mathématiques et la physique. Il est surtout présent dans le centre et le sud du pays et une homologation des lycées bilingues a été établie sur proposition de l'ambassade de France au Vietnam. En outre, un certificat francophone validant la fin des études secondaires bilingues est délivré par l'ambassade de France. Il dispense son détenteur du test de vérification des connaissances linguistiques requis pour une inscription dans un établissement supérieur français.

La délégation de votre commission a eu la chance de pouvoir constater par elle-même l'enthousiasme des élèves ainsi que le dévouement des enseignants de français au sein d'un établissement d'élite de Hanoi, le lycée Chu Van An.

Plus de quinze ans se sont écoulés depuis que votre commission avait conclu que cet enseignement s'inscrivait, aux yeux des autorités, dans la politique d'expansion économique du Vietnam. Se projetant dans l'avenir, le pays fait le pari que d'ici 2050, date à laquelle la génération actuellement en formation sera encore en activité, il aura intensifié ses liens avec les États africains, dont bon nombre sont francophones. Ces mêmes raisons économiques expliquent qu'à côté de l'anglais, le japonais constitue une des langues vivantes étrangères de l'établissement.

La délégation de votre commission a été très favorablement impressionnée par la qualité des enseignantes de l'établissement, formés pour certaines d'entre elles seulement en France ou en Belgique. Elle constate l'existence d'une très forte demande de stages qui, aux yeux des enseignants ne peuvent pas être organisés qu'au Vietnam même. S'il est certain que des regroupements sur place représentent un coût moindre ainsi qu'un moyen de toucher un nombre plus élevé des personnes intéressées, l'envoi de certaines d'entre elles en France même représente toujours un puissant vecteur de motivation et de mobilisation des équip es.

Autre point de vigilance mis en exergue par nos interlocuteurs, le manque de moyens matériels pour remplir leur mission. Leur ressenti est que la préparation des cours semble entièrement leur incomber, faute de recueil de textes ou de manuels , méthodes ou livres .

3. Dans l'enseignement supérieur

Dans l'enseignement supérieur, la situation est à la fois plus favorable et fragile.

Plus de 6 500 étudiants vietnamiens étaient inscrits dans les établissements d'enseignement supérieur en 2010-2011, dont 5 372 (80,6 %) à l'université. En 2009, la France constituait le troisième pays d'accueil des étudiants vietnamiens, après les États-Unis et l'Australie. À l'inverse, le Vietnam est le troisième pays asiatique d'origine des étudiants en France (6 115 en 2012) 1 ( * ) , loin derrière la Chine (29 696) mais devant la Corée (2 686).

Le nombre de boursiers vietnamiens illustre également l'intensité des relations universitaires entre les deux pays. En 2012, le nombre de bourses accordées par le ministère des affaires étrangères, opérateur unique en application de la loi du 27 juillet 2010 sur l'action extérieure de l'État, s'élevait à 503, soit le cinquième rang mondial, devant la Chine (458) et l'Inde (327).

Pour autant, la situation reste fragile et inégale, comme l'a pu constater la délégation au cours de ses visites et entretiens. Car si le secteur universitaire et scientifique constitue clairement une priorité de la coopération entre les deux pays, les différentes institutions qui lui donnent corps illustrent la diversité des pratiques.

L'Université des sciences et technologies de Hanoi (USTH) représente un projet en cours de développement de grande ampleur. Suite à l'accord intergouvernemental du 12 novembre 2009 2 ( * ) , l'université a ouvert ses portes en octobre 2010, à titre provisoire sur le site de l'Académie des sciences et des technologies du Vietnam. À l'horizon 2020, l'ambition du projet est d'accueillir 5 000 étudiants sur un nouveau site.

Les méthodes d'enseignement renvoient à la question, amplement débattue au printemps dernier, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche, sur la place de l'anglais dans l'enseignement français. Au sein de l'USTH, les cours sont dispensés en anglais mais les élèves sont tenus de suivre des cours de français, qui donnent lieu à une évaluation prise en compte pour l'attribution des diplômes.

À l'inverse, au sein de la faculté de médecine de Hué, les futurs médecins, destinés à se former et à perfectionner leur pratique en France, sont préalablement familiarisés au français. Ceci explique d'ailleurs la spécialisation médicale, qui pourrait paraître surprenante au premier abord, du centre culturel français, dont l'action mérite d'être saluée.


* 1 Source : Campus France, Rapport d'activité 2012.

* 2 L'approbation de l'accord a été autorisée par la loi n° 2012-143 du 28 décembre 2012.

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