B. LES CRITIQUES ET LES CRAINTES EXPRIMÉES À L'ÉGARD DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

En dépit de l'adhésion que peut susciter le tribunal de première instance, en particulier parmi les chefs de juridiction et leurs représentants ainsi qu'au sein de la hiérarchie de l'institution judiciaire, vos rapporteurs ont entendu de nombreuses critiques et craintes formulées à son encontre, pour partie fondées sur des difficultés objectives, lors de leurs déplacements et de leurs auditions. Ces critiques et ces craintes concernent tant l'organisation et le fonctionnement des juridictions que les questions statutaires propres aux magistrats et aux personnels judiciaires.

1. La difficile unification des juridictions de première instance

Si la disparité procédurale qui caractérise aujourd'hui les différentes juridictions de première instance ne constitue pas un obstacle dirimant à la mise en place du TPI, la diversité de leur composition semble en revanche à vos rapporteurs beaucoup plus complexe à traiter au sein d'un éventuel TPI, d'autant qu'elle correspond également à un fort attachement des juridictions élues à leur composition spécifique.

a) L'attachement de certaines juridictions à leur singularité

M. Jean-Bertrand Drummen, président de la conférence générale des juges consulaires de France, a expliqué à vos rapporteurs sa réticence à l'intégration des tribunaux de commerce au sein d'un éventuel TPI, même sous forme de chambre à la composition inchangée, car cela signifierait leur suppression, ce à quoi les juges consulaires sont clairement et farouchement hostiles. Il estime que les juridictions commerciales sont des juridictions de proximité, faciles d'accès pour leurs justiciables, de sorte que la question de leur accessibilité ne se pose pas, d'autant qu'il s'agit d'une justice gratuite.

En outre, selon M. Frédéric Barbin, président du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, les tribunaux de commerce constituent bien des juridictions de proximité pour les commerçants et sont bien identifiés par les justiciables concernés, de sorte que leur intégration dans un éventuel TPI serait vraisemblablement perçue comme un éloignement, à rebours du souci de proximité qui anime l'idée de TPI. La familiarité des justiciables avec le tribunal de commerce résulte également du fait que son greffe tient le registre du commerce et des sociétés, auquel ces justiciables sont déjà tenus de réaliser un certain nombre de formalités.

M. Jean-François Merle, président du conseil supérieur de la prud'homie, a considéré quant à lui qu'il n'était pas pertinent de revenir sur la tradition française d'une justice du travail élue par les partenaires sociaux au nom d'une préoccupation d'ordre pratique concernant l'accès du citoyen à la justice. En outre, chacun sait que le conseil de prud'hommes est le juge du contrat de travail : il ne souffre d'aucun déficit de notoriété qui rendrait son accès malaisé pour le salarié justiciable.

Plus largement, vos rapporteurs n'ignorent pas le fort attachement des partenaires sociaux à l'institution prud'homale élue.

Ainsi, tant du côté des tribunaux de commerce que de celui des conseils de prud'hommes, il existe une très forte réticence a priori à rejoindre un éventuel TPI, pour ne pas dire un clair refus. Dans ces conditions, il serait difficile de conduire une réforme qui les inclurait.

b) Des compositions difficilement conciliables dans un tribunal unique

De fait, l'attachement de certaines juridictions à leur autonomie tout comme leur hostilité à toute idée d'intégration au sein d'un éventuel TPI résultent de leur composition particulière et de leur rôle dans l'organisation de la justice, résultat de l'histoire et gage d'efficacité et de cohérence entre la compétence et le contentieux traité.

Les membres des tribunaux de commerce sont des juges élus par les personnes physiques et morales ayant la qualité de commerçant, inscrites à ce titre au registre du commerce et des sociétés tenu par le greffe du tribunal de commerce. Les juges consulaires sont ainsi élus par les justiciables en leur sein, ce qui leur donne une légitimité du fait de leur connaissance du monde économique. Magistrats élus et bénévoles, les juges consulaires sont donc particulièrement attachés à l'organisation de leur juridiction, qui ne compte aucun magistrat professionnel en son sein. Le parquet dispose toutefois de prérogatives

Les prérogatives du parquet devant les tribunaux de commerce

Le parquet dispose de prérogatives importantes dans les procédures collectives ouvertes devant les tribunaux de commerce, organisées au livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises : sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire. Le rôle du ministère public en matière commerciale vise à assurer le respect de l'ordre public économique et la régularité de la procédure suivie par le tribunal, notamment le respect du principe du contradictoire avec le débiteur.

Le ministère public peut saisir le tribunal aux fins d'ouverture de la procédure. Il peut requérir certaines décisions, en particulier pour la désignation des organes de la procédure (administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires) et le déroulement des différentes étapes de la procédure, et dispose dans certains cas d'un droit d'opposition à certaines décisions du tribunal. Il peut demander au tribunal d'étendre la procédure à d'autres personnes et d'engager la responsabilité des dirigeants de l'entreprise. Il peut aussi engager des poursuites en cas d'infractions pénales apparues à l'occasion d'une procédure collective (délit de banqueroute en particulier).

En tout état de cause, le ministère public peut présenter son avis avant que le tribunal prenne ses décisions (ouverture de la procédure, fixation de la date de cessation des paiements...) et, le cas échéant, former appel suspensif de ces décisions. De nombreuses informations doivent lui être communiquées, à commencer par les procédures ouvertes et tous les actes de procédure qui en découlent, afin qu'il puisse exercer sa mission : l'absence d'information du parquet est une cause de nullité.

Sa présence est obligatoire dans certains cas (ouverture de certaines procédures, cession d'une entreprise de taille importante dans le cadre d'une liquidation judiciaire...).

L'intervention du parquet devant les tribunaux de commerce permet d'éviter les dysfonctionnements au sein du tribunal. Toutefois, dans les petits parquets, il est difficile de spécialiser certains magistrats sur le contentieux commercial, de sorte que celui-ci risque parfois d'être délaissé.

Par ailleurs, concernant la tenue du registre du commerce et des sociétés, le parquet peut demander au président du tribunal d'enjoindre à un ressortissant du registre de procéder aux formalités auxquelles la loi le soumet.

Les membres des conseils de prud'hommes sont également élus par les justiciables, chefs d'entreprise et salariés, au sein de deux collèges. Cette composition paritaire correspond à la compétence du conseil, les litiges nés à l'occasion de la conclusion, de l'exécution ou de la rupture d'un contrat de travail de droit privé entre un employeur et un salarié. Là encore, les conseillers et, plus largement, les partenaires sociaux, sont particulièrement attachés à cette forme d'organisation de leur juridiction.

L'intégration des conseils de prud'hommes comme des tribunaux de commerce au sein d'un TPI unique, constitué sur la base du TGI, composé lui-même exclusivement de magistrats professionnels, sous la présidence aussi d'un magistrat professionnel, semblerait particulièrement complexe à vos rapporteurs, y compris sous la forme de chambres spécialisées du TPI à la compétence identique à celle des juridictions concernées, c'est-à-dire une chambre du travail et une chambre commerciale. Organiser la coexistence de telles chambres élues avec les autres composantes du TPI, composées de magistrats professionnels, ainsi que la répartition entre elles des moyens de fonctionnement de la juridiction, serait vraisemblablement une tâche ardue pour le président du tribunal.

2. Des objections d'ordre constitutionnel

Comme l'a souligné à vos rapporteurs le doyen Serge Guinchard, président de la commission sur la répartition des contentieux, deux objections d'ordre constitutionnel sont habituellement invoquées à l'encontre du tribunal de première instance : l'atteinte au principe d'égalité des justiciables dans l'accès à la justice et l'atteinte au principe d'inamovibilité des magistrats du siège, garanti par l'article 64 de la Constitution.

En conclusion de son développement sur le TPI, le rapport de cette commission indique ainsi :

« Deux hypothèses se dessinent :

« - ou bien la création des sections ou chambres détachées respecte les exigences constitutionnelles (...), mais elles n'offrent, en contrepartie, aucun des avantages attendus de souplesse de gestion et seraient de nature à provoquer un bouleversement de grande ampleur de l'organisation judiciaire (...) ;

« - ou bien l'on privilégie l'objectif recherché par le TPI, à savoir la souplesse de gestion (liberté pour le président du TPI de créer des sections détachées et d'en déterminer la compétence ; liberté d'affectation des personnels) et l'inconstitutionnalité de la solution est patente. » 26 ( * )

Entendus par vos rapporteurs, le Syndicat de la magistrature (SM) comme l'Union syndicale des magistrats (USM) ont d'ailleurs rappelé ces deux objections.

Toutefois, à l'instar de M. Jacques Degrandi, premier président de la cour d'appel de Paris, comme de M. Jean-Marie Coulon, premier président honoraire de la même cour, vos rapporteurs n'ont guère été convaincus par le risque constitutionnel que pourrait receler le TPI.

a) L'atteinte au principe d'égalité des justiciables

La commission présidée par le doyen Serge Guinchard a fait valoir que le fait que les différentes antennes du tribunal de première instance puissent ne pas avoir les mêmes compétences contentieuses que le siège du TPI, voire que la répartition des contentieux entre le siège et les antennes puisse résulter de la libre appréciation du président, pourrait poser un problème au regard de l'égalité d'accès à la justice et de l'égalité des citoyens devant la justice : « l'égalité de traitement de tous les citoyens sur l'ensemble du territoire de la République est consubstantielle à l'organisation judiciaire ». Donner au président du tribunal la responsabilité de créer des chambres détachées et de déterminer leurs compétences reviendrait « à prendre le risque de créer des situations différentes sur le territoire judiciaire national, donc à rompre l'égalité d'accès des justiciables à la justice » 27 ( * ) .

Il conviendrait alors que les compétences attribuées aux diverses composantes géographiques du TPI soient déterminées par la loi ou par le pouvoir réglementaire.

Le professeur Loïc Cadiet estime toutefois que la répartition des contentieux entre les composantes du TPI pourrait tout aussi bien relever de simples mesures d'ordre intérieur de la compétence de son président, sans poser de difficulté constitutionnelle. D'ailleurs, l'organisation d'audiences foraines, qui impose aux magistrats de se déplacer et qui modifie les lieux où la justice est rendue, est de la responsabilité du président du TGI.

En revanche, la création ou la suppression de ces composantes ne pourraient pas être laissées à l'appréciation du président, mais devraient bien relever du ministère de la justice. Telle est d'ailleurs la règle pour la création de chambres détachées, qui à ce jour ne peuvent être créées que par décret, en vertu de l'article D. 212-19 du code de l'organisation judiciaire 28 ( * ) .

b) L'atteinte au principe d'inamovibilité des magistrats

Selon la commission présidée par le doyen Serge Guinchard, la libre affectation des magistrats dans les antennes extérieures du TPI par le chef de juridiction pourrait aussi heurter le principe d'inamovibilité : « libres de fixer les sections du TPI, les chefs de juridiction pourraient, en créant ou supprimant un détachement, changer l'affectation d'un magistrat ; ils pourraient ainsi discrétionnairement retirer à celui-ci la connaissance d'un contentieux, et donc de dossiers. Or (...), le principe d'inamovibilité des magistrats du siège est lui aussi consubstantiel à l'organisation judiciaire » 29 ( * ) .

Cette objection mérite toutefois d'être relativisée, d'autant qu'il existe déjà des règles d'affectation des magistrats au sein des TGI ainsi que le statut de magistrat placé ou encore les audiences foraines, qui ne sont pas contraires au principe d'inamovibilité. Le professeur Loïc Cadiet estime pour sa part qu'il n'existe aucun risque constitutionnel sur ce fondement.

L'inamovibilité est liée à la nomination dans une fonction au sein d'une juridiction, qui a compétence sur l'ensemble d'un ressort territorial. En l'espèce, le TPI serait une seule juridiction, constituée d'un siège et de plusieurs implantations judiciaires secondaires.

Invoquant la décision du Conseil constitutionnel n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 sur la loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature, la conférence nationale des présidents de TGI a rappelé que le principe d'inamovibilité des magistrats du siège n'interdisait pas l'existence d'obligations de mobilité 30 ( * ) . Toutefois, il était question en 2001 de conditions de mobilité liées à l'avancement, alors que dans le cadre du TPI il s'agirait d'une mobilité susceptible d'être décidée à la discrétion du président du tribunal.

Au surplus, dès lors que le TPI serait assorti de certaines garanties statutaires pour les magistrats, en termes d'affectation et de mobilité ( cf . infra ), le risque d'atteinte au principe constitutionnel d'inamovibilité paraît bien modeste. Ainsi, M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation, estime que ce risque peut être écarté par des garanties suffisantes en matière d'affectation des magistrats nommés au TPI.

3. La crainte de la disparition de certaines fonctions spécialisées

Les magistrats spécialisés tiennent à leur spécialisation et peuvent craindre que le tribunal de première instance, entendu comme un outil de mutualisation des effectifs de magistrats et de greffiers, tende à diluer cette spécialisation. En matière civile, les fonctions spécialisées, mentionnées dans le décret de nomination du magistrat, correspondent pour l'essentiel aux fonctions de juge d'instance et de juge des enfants.

Assez logiquement, la spécialisation garantirait un niveau plus élevé de compétence et un traitement plus efficace des affaires, par des magistrats habitués à traiter toujours le même type de contentieux.

Pour autant, l'association des magistrats de la jeunesse et de la famille (AMJF) n'a pas exprimé d'hostilité à l'égard du TPI, considérant qu'il permettrait une simplicité d'accès et une plus grande proximité pour les populations fragilisées qui ont affaire au juge des enfants. Assorti d'un tribunal pour enfants unique, conservant une double compétence à la fois civile et pénale, le TPI permettrait de disposer de magistrats de l'enfance sur l'ensemble du ressort, à la fois au siège du TPI et dans ses antennes distantes. La liberté d'affectation des magistrats est perçue dans ce cas de façon positive, l'objectif étant de rapprocher les lieux de justice, actuellement le TGI uniquement pour le juge des enfants. Ainsi, vos rapporteurs n'ont pas constaté de crainte de disparition de la spécialisation du juge pour enfants, dont la plus-value est de pouvoir suivre un mineur dans l'ensemble de son parcours judiciaire, civil mais aussi, le cas échéant, pénal.

En revanche, l'intégration de la composante civile de la justice pour enfants dans un vaste pôle de la famille au sein du TPI suscite, quant à elle, la réticence de l'AMJF, car elle signifierait la perte de sa spécificité. La matière actuelle du juge des enfants serait diluée avec la protection des majeurs, les personnes âgées et handicapées, l'hospitalisation d'office... L'association nationale des juges d'instance (ANJI) a elle aussi critiqué l'idée d'un pôle de la famille au sein du TPI.

La conférence nationale des présidents de TGI a toutefois objecté que le tribunal pour enfants, doté d'une identité forte et reconnue, trouverait parfaitement à subsister au sein d'un éventuel TPI, comme actuellement au sein du TGI.

Rappelant que la commission présidée par le doyen Serge Guinchard avait écarté la solution du TPI pour conclure à l'intérêt de conserver le tribunal d'instance, séparé du TGI, l'ANJI a souligné la nécessité de la spécialisation des magistrats pour le bon fonctionnement de la justice dans l'intérêt des justiciables.

Il existe une crainte de la part des juges d'instance, au sein du TPI, d'être détournés de leurs fonctions par le traitement des affaires pénales et de perdre leur spécialisation dans le contentieux d'instance. L'ANJI estime qu'il n'est pas possible de changer tout le temps de fonctions et qu'il y a besoin de fonctions spécialisées.

Selon la conférence nationale des présidents de TGI, entendue par vos rapporteurs, le regroupement des magistrats au sein du TPI n'interdirait en rien le maintien de fonctions spécialisées. Au contraire, la spécialisation des magistrats serait facilitée au sein d'une structure plus vaste, en raison du nombre plus élevé de magistrats au regard d'un contentieux plus important en volume : la spécialisation serait même renforcée.

Vos rapporteurs s'interrogent toutefois sur les différentes acceptions qui peuvent être données du concept de spécialisation. En tout état de cause, le maintien de fonctions spécialisées au sein du TPI ne serait pas forcément incompatible avec la participation à des fonctions communes, par exemple au sein du tribunal correctionnel, jugées très chronophages. En d'autres termes, l'attachement à la spécialisation doit s'entendre, selon les organisations qui représentent les magistrats, comme l'accomplissement de l'ensemble de son service dans des fonctions spécialisées, sans être contraint de se disperser dans d'autres fonctions.

Au demeurant, le tribunal d'instance a été salué par de nombreux interlocuteurs, en particulier syndicaux, comme un tribunal qui fonctionnait bien, du fait de sa relative autonomie ainsi que de l'engagement et de la polyvalence des juges d'instance comme des greffiers. Il en résulte assez naturellement une crainte à l'égard de l'intégration du tribunal d'instance au sein d'un TPI, qui constituerait en pratique une absorption par le TGI des tribunaux d'instance de son ressort, au motif que le contentieux d'instance serait considéré comme de seconde importance pour un président de TGI, en raison de la priorité donnée au contentieux pénal et à la justice familiale.

Selon le Syndicat de la magistrature, le tribunal d'instance serait perçu comme un gisement de moyens humains qui pourraient être utilisés au profit des TGI, souvent engorgés. Pour l'USM, les tribunaux d'instance sont les juridictions de proximité par excellence et fonctionnent plutôt bien, de sorte que la fusion au sein du TPI leur ferait perdre cette spécificité et cette efficacité au détriment des justiciables. De même, FO-Magistrats juge que la création du TPI signifierait la suppression des tribunaux d'instance, alors que c'est une juridiction qui donne satisfaction.

En tout état de cause, en dehors du cas des juges d'instance, la nomination des magistrats au sein du TPI pourrait toujours être assortie de la mention des fonctions spécialisées. En revanche, comme l'a fait remarquer M. Jean-Marie Coulon, premier président honoraire de la cour d'appel de Paris, la mention dans le décret du site de la nomination, soit le siège du TPI soit l'une de ses antennes extérieures, ferait perdre beaucoup d'intérêt à la formule du TPI, en supprimant toute souplesse dans la mobilité.

4. Le risque d'éclatement du contentieux des affaires familiales

Aujourd'hui, le contentieux des affaires familiales représente plus de la moitié du contentieux civil des TGI : 54 % en 2010 (380 993 affaires nouvelles enregistrés, sur 702 291 au total).

On distingue au sein du contentieux des affaires familiales le divorce, d'autant plus complexe lorsqu'il suppose, en présence d'enfants ou d'un patrimoine, d'organiser l'autorité parentale et de liquider le régime matrimonial, et le contentieux hors divorce, en particulier le contentieux de l'après-divorce, par exemple l'évolution du régime de la garde des enfants, l'exercice de l'autorité parentale, les pensions alimentaires...

Un grand nombre de partisans du tribunal de première instance entendus par vos rapporteurs proposent de scinder les compétences actuelles du juge aux affaires familiales entre le siège du TPI, seul chargé des affaires complexes, notamment les divorces, et ses antennes extérieures, anciens tribunaux d'instance, chargées des affaires plus simples, afin de nourrir le contentieux de proximité qui devrait être traité dans ces antennes.

Or, au cours des décennies récentes, l'histoire constante de la justice familiale a consisté à attribuer à un seul juge l'ensemble des contentieux de la famille, jusque-là éclatés entre plusieurs juridictions, de façon à leur donner un traitement à la fois autonome et plus cohérent. Cette évolution s'est traduite par l'expérimentation à partir des années 1960 de chambres de la famille au sein de certains TGI, par la création en 1975 au sein du TGI du juge aux affaires matrimoniales (JAM), en charge des divorces par consentement mutuel et de l'ensemble de l'après-divorce - le JAM ne remédiait que très partiellement au problème de dispersion du contentieux compte tenu de sa compétence assez limitée -, enfin par la création en 1993 au sein du TGI également du juge aux affaires familiales (JAF), successeur du JAM, qui regroupa des compétences jusque-là dispersées (ensemble des cas de divorce et après-divorce, obligation alimentaire, autorité parentale, état-civil...). Le JAF n'avait pas en 1993 compétence sur tout le contentieux de la famille - lui échappaient ainsi les régimes matrimoniaux, les tutelles et la filiation, sans parler du juge des enfants -, mais depuis sa création ses compétences ont été étendues, en particulier en matière de séparations en 2004 ou de protection des victimes de violences conjugales en 2010. Même si le JAF ne concentre pas aujourd'hui l'intégralité du contentieux de la famille, du fait notamment de l'existence du juge des tutelles et du juge des enfants, tout au moins constitue-t-il un facteur important d'unification et de cohérence.

Dès lors, une telle dissociation du contentieux qui revient au JAF aujourd'hui, envisagée dans le cadre du tribunal de première instance, constituerait un retour un arrière et une perte de cohérence et irait paradoxalement à l'encontre d'une évolution de plusieurs décennies de concentration du contentieux familial au sein du TGI.

Le rapport de la commission présidée par le doyen Serge Guinchard relève à cet égard que « ce processus d'unification juridictionnelle et procédurale a constitué un indéniable progrès tant les questions traitées par le juge aux affaires familiales (...) sont liées entre elles et tant leur regroupement participe d'une protection effective de l'intérêt supérieur de l'enfant » 31 ( * ) . La commission a par conséquent recommandé d'éviter tout éclatement des fonctions du JAF entre le tribunal d'instance et le TGI.

À titre de comparaison, la scission de la compétence en matière de mesures de protection entre les tutelles des majeurs, relevant du juge des tutelles au tribunal d'instance, et les tutelles des mineurs, relevant dorénavant du JAF au TGI, opérée par la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles, a fait l'objet de critiques nombreuses, de sorte qu'une scission analogue du contentieux des affaires familiales suscite l'interrogation de vos rapporteurs.

Toutefois, l'ANJI ne s'est pas montrée hostile dans son principe au transfert du contentieux des affaires familiales hors divorce du JAF vers le tribunal d'instance, tandis que M. Jean-Marie Coulon a jugé difficilement envisageable la présence du JAF dans les antennes de proximité du TPI.

5. Les inquiétudes statutaires des magistrats et des greffiers

Afin de contribuer à leur réflexion sur l'organisation des juridictions de première instance et sur l'éventualité de la mise en place d'un tribunal de première instance, vos rapporteurs ont évidemment tenu à entendre les organisations syndicales représentant les magistrats et les personnels judiciaires. À cet égard, ils ont observé tout au long de leurs travaux un contexte de désaccords entre les différents corps de fonctionnaires au sein des juridictions, magistrats, greffiers en chef et greffiers, désaccords qui semblent accentués par le débat sur le TPI.

La question des règles d'affectation et de la mobilité des magistrats et des greffiers dans les différents sites du TPI (siège, chambres détachées...) soulève des interrogations d'ordre constitutionnel concernant les magistrats, comme cela a déjà été évoqué, mais aussi des réticences d'ordre pratique et statutaire, exprimées par l'ensemble des organisations syndicales.

La mutualisation des effectifs et la mobilité interne constituent en effet des principes majeurs de l'organisation du TPI, ainsi que l'a indiqué devant vos rapporteurs M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation.

a) Les inquiétudes générales à l'égard du TPI

De nombreux interlocuteurs, notamment syndicaux, ont défendu la thèse selon laquelle le TPI est d'abord l'idée des chefs de juridiction, qui souhaitent disposer de davantage d'autonomie de gestion en matière de personnels et d'autorité hiérarchique effective sur les magistrats comme sur les greffiers, via un directeur de greffe unique. De fait, la conférence nationale des présidents de TGI comme la conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel approuvent la mise en place du TPI, selon un objectif de mutualisation des effectifs des magistrats comme des personnels de greffe, dans un contexte durable de réduction des effectifs.

Ainsi, entendue par vos rapporteurs, la conférence nationale des présidents de TGI a exprimé son approbation du TPI, au nom d'une plus grande souplesse de gestion et d'affectation des magistrats et des greffiers, d'une plus grande polyvalence et d'une meilleure mutualisation des moyens humains. Le TPI apparaît comme un outil de rationalisation de la gestion des moyens humains des juridictions de première instance, en particulier entre les TGI et les tribunaux d'instance de leur ressort.

L'Union syndicale des magistrats (USM) et le Syndicat de la magistrature (SM) considèrent d'ailleurs que le TPI a pour finalité de donner plus de souplesse et de flexibilité de gestion des moyens humains aux chefs de juridiction, en assurant une unité de direction sous l'autorité hiérarchique du président du tribunal, du procureur de la République et du directeur de greffe.

Les organisations syndicales entendues ont exprimé la crainte d'une généralisation de fait du statut de magistrat ou de greffier placé, susceptible d'être déplacé au gré des besoins entre les différents sites du TPI, afin de parer aux urgences, en cas de libre affectation des magistrats et des personnels judiciaires au siège ou dans les antennes du TPI par le chef de juridiction ou le directeur de greffe. Les syndicats de greffiers craignent plus particulièrement la volonté de mutualiser les effectifs de greffiers et le fait que les greffiers puissent être traités comme des « pions » au sein d'un TPI. Du point de vue des greffiers, la création du TPI ou, de façon plus modeste, la mise en place du guichet unique de greffe, au sens de greffe unique pour plusieurs juridictions, emportent les mêmes conséquences en termes de mutualisation des personnels de greffe.

La CGT et le Syndicat des greffiers de France (SGF) estiment que le TPI renforcerait le pouvoir des présidents de juridiction, alors que la compétence managériale et gestionnaire des magistrats n'est pas toujours avérée, a fortiori dans le contexte de dyarchie entre président et procureur à la tête de la juridiction. Vos rapporteurs ont d'ailleurs constaté au long de leurs travaux une contestation récurrente du rôle comme de la capacité des magistrats dans la gestion administrative et financière des juridictions. L'exemple du directeur d'hôpital, qui n'est pas un médecin, a d'ailleurs souvent été invoqué par les représentants des greffiers pour justifier le fait que la gestion des juridictions ne devrait pas relever pas des magistrats mais d'un corps s'apparentant à celui des greffiers en chef.

b) Les préoccupations statutaires propres aux magistrats

La crainte statutaire principale à l'égard du TPI pour les magistrats concerne les règles d'affectation et de mobilité au sein du TPI.

Aujourd'hui par exemple, le décret de nomination d'un magistrat d'instance l'affecte au TGI, tout en précisant qu'il est chargé du service d'un tribunal d'instance. L'affectation au TGI ou au tribunal d'instance ne résulte pas de la libre appréciation du président du TGI, au gré des besoins, ce qui pourrait être le cas avec le TPI.

Pour le SM, l'affectation des magistrats au sein des différents sites du TPI devrait relever du décret de nomination, comme actuellement pour les tribunaux d'instance, et non de la libre appréciation du président du tribunal, même après avis de l'assemblée générale des magistrats.

Pour FO-Magistrats, il ne faudrait pas confier l'affectation des magistrats au seul président du TPI, en particulier dans les juridictions les plus importantes, sauf à mettre en cause les principes d'inamovibilité et de spécialisation, que l'on retrouve en particulier dans les tribunaux d'instance aujourd'hui.

L'USM craint l'arbitraire des décisions du président du TPI en cas d'attribution du pouvoir d'affectation, ainsi que le risque de pressions sur les magistrats et d'affectation discrétionnaire dans un site détaché. Afin d'y remédier, un avis conforme de l'assemblée générale pourrait être envisagé pour toute décision d'affectation d'un magistrat en dehors du siège du TPI.

L'association nationale des juges d'instance (ANJI), quant à elle, estime que la préservation des moyens affectés au contentieux d'instance est indispensable, de sorte que, dans le cadre d'un éventuel TPI, les magistrats ne devraient pas être librement affectés par le président du tribunal, sans quoi le contentieux d'instance serait sacrifié, en particulier au profit du contentieux pénal, les magistrats d'instance devenant la variable d'ajustement du tribunal correctionnel.

La conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel a considéré qu'il était tout à fait possible, dans le cadre du TPI, d'apporter aux magistrats les garanties statutaires nécessaires pour lever leurs inquiétudes. Comme c'est le cas actuellement pour les tribunaux d'instance, les magistrats pourraient être nommés par décret dans un TPI ainsi que, le cas échéant, dans une antenne du TPI (chambre détachée, pôle de proximité, section...), sans que leur mobilité au sein du TPI soit à la discrétion de son président. Toutefois, pour conserver de la souplesse, le président du TPI devrait pouvoir affecter dans une antenne sur avis conforme de l'assemblée générale des magistrats du TPI.

c) Les préoccupations statutaires propres aux greffiers

Les organisations représentant les chefs de juridiction partagent toutes le constat d'une rigidité de l'affectation des personnels de greffe, due notamment à la distinction entre TGI et tribunal d'instance, puisque les greffiers sont nommés dans une juridiction. En effet, contrairement aux juges d'instance, les greffiers sont affectés auprès d'une seule juridiction, tribunal d'instance, TGI ou conseil de prud'hommes par exemple. Les emplois de greffiers sont ainsi localisés, de sorte qu'un greffier ne peut pas, sauf de manière ponctuelle et très limitée dans le temps, sous forme d'une délégation sur décision du président du TGI ( cf. infra ), être affecté à un autre tribunal que celui auprès duquel il a été nommé.

Il conviendrait donc selon les représentants des chefs de juridiction de retrouver, grâce à la mutualisation des personnels de greffe qui pourrait découler du tribunal de première instance, des marges de manoeuvre administratives. M. Vincent Lamanda, premier président de la Cour de cassation, estime même que la mutualisation des effectifs de greffe serait plus utile encore que celle des effectifs de magistrats.

Un argument important avancé en faveur du TPI par la conférence nationale des présidents de TGI est celui de la mutualisation et de la souplesse de gestion des personnels de greffe, davantage encore que pour les magistrats, dans un contexte de faiblesse des moyens de la justice. Cet argument est particulièrement avancé concernant les greffes des conseils de prud'hommes, dont les effectifs seraient parfois sans rapport avec la charge d'activité dans certains conseils de petite taille, auquel cas cela traduirait une mauvaise allocation des effectifs entre les différentes juridictions de première instance. Il s'agirait pour le président du TPI, en fonction de l'évolution de la charge de travail et des éventuelles vacances de poste, de pouvoir adapter en permanence la répartition des personnels de greffe entre les différentes missions.

La conférence nationale des procureurs généraux a également insisté sur le problème de la rigidité de l'allocation des postes de greffiers, alors que souvent les grands tribunaux seraient sous-dotés et les petits sur-dotés.

Selon M. Jacques Degrandi, premier président de la cour d'appel de Paris, il y aurait aujourd'hui une pénurie de greffiers en chef et donc de directeurs de greffe, circonstance qui plaide pour le regroupement des greffes au sein du TPI, sous l'autorité hiérarchique d'un unique directeur.

Favorable au TPI, la conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel a aussi souligné le problème de la mutualisation des moyens dans les juridictions de première instance.

Le constat de l'insuffisante mutualisation des greffes entre TGI et tribunaux d'instance est également partagé par la conférence nationale des procureurs de la République, selon laquelle les effectifs de greffiers sont importants dans les tribunaux d'instance et les conseils de prud'hommes, mais insuffisants dans les TGI. Les demandes de mutation seraient d'ailleurs plus nombreuses émanant des TGI, compte tenu des contraintes particulières qui y règnent (permanences, audiences tardives...), pour solliciter des postes dans les tribunaux d'instance, les conseils de prud'hommes ou les cours d'appel, où le régime de travail est réputé moins contraignant.

Selon l'ANJI, il existe déjà une tendance à récupérer des moyens des tribunaux d'instance au profit des TGI, tendance qui serait accentuée dans le cadre du TPI.

Selon FO-Magistrats, en défendant le principe du TPI, l'objectif des présidents de juridiction est principalement de récupérer des effectifs de greffe dans les tribunaux d'instance et les conseils de prud'hommes au profit du TGI. Cela conduirait certes à une mutualisation des effectifs, mais aussi des dysfonctionnements aujourd'hui constatés dans les TGI, au détriment de la qualité du traitement du contentieux d'instance.

Toutes les organisations syndicales de greffiers entendues par vos rapporteurs ont exprimé un fort attachement au maintien de la localisation géographique des emplois, principe qui pourrait ne plus être pleinement respecté dans le cadre d'un TPI qui comporterait plusieurs implantations géographiques, ne serait-ce qu'entre le siège de l'ancien TGI et les sièges des anciens tribunaux d'instance périphériques. Cette difficulté se poserait moins pour celles des juridictions regroupées qui avaient déjà le même siège, en particulier pour les tribunaux d'instance et les conseils de prud'hommes actuellement situés dans la même ville qu'un TGI.

Ainsi, l'UNSA-Services judiciaires, organisation majoritaire au sein des services judiciaires, demande, dans l'éventualité de la création du TPI, une garantie de localisation des emplois des personnels de greffe sur des sites géographiques et pas seulement auprès du TPI, car le directeur de greffe ne doit pas pouvoir déplacer à sa guise des personnels entre les sites du TPI. L'UNSA a fait part à vos rapporteurs de sa complète opposition à la mobilité discrétionnaire des personnels de greffe.

En outre, la multiplication des greffiers placés, de droit ou de fait, qui existent aujourd'hui de façon ponctuelle et bénéficient de compensations financières, serait une source de perte d'efficacité et de compétence.

Les organisations syndicales ont également rappelé la mobilité que de nombreux personnels avaient dû effectuer à la suite de la fermeture de leur tribunal d'affectation à l'occasion de la réforme de la carte judiciaire, de sorte que la question de la mobilité revêt une sensibilité particulière chez les greffiers, davantage que chez les magistrats. La réforme de la carte judiciaire a ainsi bouleversé la vie privée et familiale d'un grand nombre de magistrats et surtout de personnels de greffe, qui ont dû déménager pour suivre leur nouvelle affectation.

Vos rapporteurs ont également perçu le particularisme des greffes de conseil de prud'hommes, dont les personnels sont attachés aux missions spécifiques de cette juridiction et souhaitent y demeurer. Est également invoqué l'argument selon lequel les greffiers des conseils de prud'hommes jouent un rôle important d'assistance à la rédaction des jugements, auprès des magistrats non professionnels que sont les conseillers prud'homaux
-rôle qui ne serait pas comparable au rôle habituel des greffiers de TGI ou de tribunal d'instance.

Toutefois, M. Jean-François Merle, président du conseil supérieur de la prud'homie, n'a pas formulé d'opposition de principe à l'intégration des greffes des conseils de prud'hommes au sein d'un greffe mutualisé sein du TGI, avec les tribunaux d'instance, ou le cas échéant d'un TPI, sous la réserve de la prise en compte du rôle particulier des directeurs de greffe dans l'assistance qu'ils apportent aux conseillers prud'homaux pour la motivation et la rédaction de leurs jugements 32 ( * ) . De même, le ministère du travail n'a pas formulé de préférence de principe quant au maintien d'un greffe propre pour chaque conseil de prud'hommes ou bien d'un greffe mutualisé au sein du TGI ou d'un éventuel TPI, énonçant cependant la même réserve.

Par ailleurs, certaines organisations syndicales ont exprimé la crainte selon laquelle les méthodes autoritaires de management des personnels de greffe, qu'elles critiquent déjà, tendraient à se renforcer du fait des exigences de la gestion mutualisée au sein du greffe.

Enfin, en cohérence avec les positions des syndicats de magistrats à propos du tribunal d'instance, la CGT et le SGF ont estimé qu'en termes d'affectation de personnel, la priorité est aujourd'hui accordée aux TGI en raison du développement du contentieux pénal. Selon eux, la création du TPI accentuerait ce phénomène au détriment du traitement du contentieux civil de proximité. Les TGI fonctionneraient plutôt moins bien que les tribunaux d'instance, de sorte qu'il serait contestable de dissoudre les seconds dans les premiers, au risque de dégrader la qualité du service public de la justice.

*

À l'issue de leurs travaux, vos rapporteurs estiment que le projet du tribunal de première instance est prometteur, en dépit des craintes et des critiques légitimes auxquelles il convient de répondre de manière appropriée.

Toutefois, ils observent que le principal gain, pour le justiciable, est obtenu dès la création, avec le guichet universel de greffe, d'une porte d'entrée unique dans l'institution judiciaire.

La fusion des juridictions présente avant tout un intérêt pour la gestion de celles-ci. Son bénéfice est principalement gestionnaire, et elle ne profite au justiciable que secondairement, par les gains de productivité qu'elle permet. En outre, elle pose, selon le périmètre qu'elle recouvre, de réelles questions et présente un risque, si les contentieux sont mal conçus ou mal répartis entre les différents services juridictionnels, d'éloignement de la justice des citoyens.

L'observation de la commission présidée par Serge Guinchard, aux termes de laquelle « l'idée d'un TPI est séduisante, mais elle n'est pas aboutie et n'a pas abouti » 33 ( * ) , sonne comme un avertissement dont il faut prendre la mesure.

Ces considérations ne sauraient cependant conduire à écarter a priori cette réforme, alors qu'il est possible, en la délimitant correctement, de n'en conserver que la part positive.

Toutefois, elles incitent à ne pas précipiter les choses et à procéder par étape, en privilégiant ce qui profite le plus immédiatement au justiciable.

Vos rapporteurs se sont par conséquent attachés à définir quel chemin la réforme de la justice de première instance pourrait emprunter, étape par étape. Certaines mesures peuvent être prises à court terme, d'autres doivent être envisagées à plus long terme.

Ils observent, à cet égard, que, pour peu que la marche soit résolue, on n'avance pas moins vite à pas mesurés que par grandes enjambées incertaines.


* 26 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, op. cit. , p. 199.

* 27 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, op. cit. , p. 195.

* 28 En dehors de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, collectivités d'outre-mer dotées d'une organisation judiciaire particulière, il n'existe qu'une seule chambre détachée, celle du TGI de Cayenne à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, créée par le décret n° 2013-686 du 24 juillet 2013.

* 29 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, op. cit. , p. 195.

* 30 Cette décision indique ainsi : « Considérant que toutes ces dispositions subordonnent l'avancement des magistrats ou leur accès à des fonctions de chef de juridiction à des conditions de mobilité géographique ou fonctionnelle ; que ces conditions, définies par le législateur organique, n'ont pour effet de porter atteinte ni au principe de l'inamovibilité des magistrats du siège ni à aucun autre principe ou exigence de valeur constitutionnelle. »

* 31 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, op. cit. , p. 220.

* 32 Il convient d'ajouter que la réforme de la carte judiciaire, s'agissant des conseils de prud'hommes, a été réalisée à effectif global constant de conseillers prud'homaux, de sorte que leur nombre a crû au sein de chaque juridiction conservée.

* 33 L'ambition raisonnée d'une justice apaisée, op. cit. , p. 191.

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