B. UNE RESSOURCE SUSCEPTIBLE D'ÊTRE EXPLOITÉE EN FRANCE SANS RECOURS À LA FRACTURATION HYDRAULIQUE

Le gaz de couche est susceptible d'être exploité sans recours à la fracturation hydraulique. C'est le cas, par exemple, en Australie et dans certains bassins américains. Cette caractéristique du gaz de houille, qui le distingue du gaz de roche-mère, est la conséquence de fracturations naturelles présentes dans la roche, qui lui confèrent une perméabilité susceptible d'être suffisante.

1. Des modalités d'extraction spécifiques au gaz de houille

Les techniques employées pour l'extraction du gaz de houille présentent des similitudes et des différences avec les techniques employées plus généralement pour la production des hydrocarbures non conventionnels.

Comme le gaz de roche-mère, le gaz de houille est contenu dans un réservoir peu perméable, plus ou moins fracturé de façon naturelle, avec des variations importantes de concentration en gaz d'un point à un autre de la couche. Comme le premier également, sa production atteint assez rapidement un pic, avant de décliner. La durée de vie d'un puits est ainsi de cinq à quinze ans. Le pic de production est obtenu après une durée d'extraction comprise entre un et six mois.

L'extraction du gaz de houille présente néanmoins des différences notables avec celle du gaz de roche-mère.

a) Spécificité de la production de gaz de couche

Tout d'abord, la production de gaz de couche est généralement associée à celle d'une grande quantité d'eau .

Pour libérer le méthane, on diminue en effet la pression au sein de la roche en pompant l'eau présente : dans un premier temps, le puits produit davantage d'eau que de gaz, avant que la situation ne s'inverse.

La gestion de la production d'eau représente donc un aspect important de la rentabilité de ces puits.

Toutefois, certains puits sont immédiatement producteurs de gaz.

L'EXPLOITATION DU GAZ DE HOUILLE

Source : IFPEN

Ce préalable étant posé, les techniques employées pour la production du gaz de couche sont néanmoins variables.

b) Des techniques qui dépendent des caractéristiques de la couche de charbon

Le gaz de houille, qui peut être situé à faible profondeur, ne requiert pas toujours pour son exploitation de forage horizontal. La finesse de la couche de houille peut être un obstacle. Il peut aussi être plus rentable de multiplier les puits verticaux plutôt que de procéder à des forages horizontaux.

L'extraction du gaz de houille ne requiert pas non plus toujours de fracturation hydraulique , le charbon étant naturellement traversé par un réseau orthogonal de fractures. La décision d'emploi de la fracturation hydraulique doit être prise avant de procéder au forage car le puits et les installations de surface seront alors conçues en conséquence.

LE CHARBON, UNE ROCHE NATURELLEMENT FRACTURÉE

Source : EGL

Si l'usage de la fracturation hydraulique pour l'exploitation du gaz de couche est largement répandu aux États-Unis, elle est, en revanche, plus rare en Australie. Dans la région du Queensland , à l'est de ce pays, qui est la principale région productrice de gaz de couche, la fracturation hydraulique n'a, à ce jour, été employée que dans 8 % des puits forés dans les couches de charbon . Ainsi, le gaz de couche, qui fournit 90 % du gaz consommé dans le Queensland, est très majoritairement produit sans recours à la fracturation hydraulique 39 ( * ) .

Il se peut, aussi, que l'industrie puisse se passer de la fracturation hydraulique en début d'exploitation, mais qu'elle doive y recourir ensuite pour augmenter sa production, en forant des couches moins perméables. Dans le Queensland, la proportion de puits fracturés pourrait ainsi passer de 8 % à 10 % - 40 % au cours des prochaines années.

Les technologies employées pour l'extraction de gaz de houille (présence ou non de forages horizontaux, usage ou non de la fracturation hydraulique) dépendent, par conséquent, d'une part, de l'épaisseur des veines de charbon à forer, d'autre part, du degré de perméabilité naturelle de la roche.

2. Le gaz de couche qui pourrait être exploité en France sans recours à des techniques de fracturation

Si les deux bassins de Lorraine et du Nord-Pas-de-Calais sont susceptibles de requérir l'emploi de technologies distinctes, ils présentent toutefois un point commun important : d'après l'entreprise EGL, qui mène les premiers travaux d'exploration du gaz de houille sur ces territoires, le gaz de houille pourrait y être produit sans recours à des technologies de fracturation et donc, a fortiori , sans recours à la fracturation hydraulique.

a) Une gestion industrielle classique...

Que ce soit en Lorraine ou dans le Nord-Pas-de-Calais, la société EGL, qui mène des travaux d'exploration, ne juge pas utile de fracturer le charbon pour extraire le gaz. Il s'agit d'un point commun entre les deux bassins : le charbon y serait suffisamment fracturé, de façon naturelle, pour qu'il soit possible de se passer de l'emploi de technologies de fracturation, comme c'est le cas, par exemple, en Australie (voir ci-dessus).

Étant donné l'absence de fracturation hydraulique, la plupart des obstacles au développement des hydrocarbures non conventionnels sont ici sans objet. Il n'y a pas besoin d'eau ; au contraire, l'exploitation produit de l'eau. Les préoccupations environnementales sont celles inhérentes à toute exploitation d'hydrocarbures. Elles sont relatives notamment à l'intégrité des puits, à l'empreinte au sol ou à la gestion des installations en surface.

En particulier, l'empreinte au sol est réduite . Une fois les opérations de forage réalisées, il ne subsiste au sol qu'une tête de puits ainsi que les équipements et installations nécessaires au transport du gaz et au traitement de l'eau.

On estime 40 ( * ) qu'une plateforme d'exploitation occupant environ un hectare, regroupant plusieurs départs de puits, permet d'exploiter des veines de charbon sur une surface alentour d'environ 10 km 2 .

EMPREINTE AU SOL SUR LE SITE DE FOLSCHVILLER 2 (LORRAINE)

Source : EGL
(vos rapporteurs se sont rendus sur ce site expérimental en phase de production)

S'il est confirmé, à l'avenir, qu'une exploitation sans fracturation est possible, cette exploitation pourrait donc se faire dans le cadre d'une gestion des risques industriels des plus classiques.

b) ... comportant des enjeux spécifiques à chaque bassin...

Les deux bassins (Lorraine et Nord-Pas-de-Calais) présentent néanmoins des différences.

En Lorraine, le bassin est issu d'un ancien lac ; tandis que dans le Nord-Pas-de-Calais, il provient d'une mer. En conséquence, ils possèdent des caractéristiques distinctes :

- En Lorraine, les couches sont épaisses (jusqu'à 5-6 mètres), ce qui est favorable à l'implantation de forages horizontaux.

- Dans le Nord-Pas-de-Calais, le bassin a subi de fortes pressions tectoniques. Les charbons sont très fracturés et disposés en couches trop fines pour permettre des forages horizontaux. Ce sont donc des forages verticaux ou en déviation qui sont envisagés. La roche serait suffisamment écrasée et fissurée pour permettre une exploitation uniquement par ce type de puits.

PRINCIPE DU FORAGE HORIZONTAL MULTILATÉRAL POUR L'EXTRACTION DU GAZ DE HOUILLE

Source : EGL

Une autre différence entre les deux bassins houillers a trait à leurs contenus en eau :

- En Lorraine, l'extraction du gaz de houille produit d'importantes quantités d'eau . Les tests réalisés par EGL ont conclu à la présence d'une eau douce sans métaux ni contaminants, susceptible d'être utilisée par l'agriculture ou l'industrie locales sans traitement coûteux.

- Dans le Nord-Pas-de-Calais, en revanche, le charbon est probablement sec, c'est-à-dire que la production de gaz ne sera pas associée à celle d'eau.

Toutes les caractéristiques ici envisagées doivent toutefois être confirmées par la poursuite des travaux d'exploration en cours.

c) Une gestion des risques doit être mise en place

Les risques mis en évidence par un rapport récent du BRGM et de l'INERIS 41 ( * ) sur les enjeux spécifiques à l'exploitation du gaz de houille doivent être pris en compte, dès la phase d'exploration.

Ces risques sont les suivants :

- Les risques accidentels sont ceux associés au transport de gaz à haute pression ainsi que ceux relatifs à la migration non maîtrisée de gaz dans le cas d'exploitations peu profondes (ce qui ne devrait pas être le cas en France).

- Les impacts environnementaux à surveiller concernent une éventuelle contamination de l'eau extraite par des composés organiques en lien avec certains dépôts de charbon. Les charbons contenant le gaz doivent donc être précisément analysés.

- L'impact du déploiement de la filière en termes d'usage du sol doit être évalué, en fonction du contexte local (présence de centres urbains ou d'espaces naturels protégés).


* 39 «Coal Seam Gas, estimation and reporting of greenhouse gas emissions», Australian Government, Department of Climate Change and Energy Efficiency.

* 40 Source : Les perspectives pour le gaz de houille en France, rapport précité.

* 41 « Synthèse sur les gaz de houille : exploitation, risques et impacts environnementaux », Rapport de l'INERIS et du BRGM, octobre 2013.

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