CONCLUSION

M. Marcel-Pierre Cléach , sénateur

Je souhaiterais tout d'abord remercier l'ensemble des intervenants pour la qualité de leurs présentations, qui contribuent à nous éclairer sur l'enjeu crucial pour nous tous de préserver nos ressources halieutiques, pour des raisons économiques, écologiques, historiques, humaines, sociales.

L'audition, ouverte à la presse, de ce jour fera l'objet d'un compte-rendu publié que nous vous communiquerons, et qui sera mis à disposition de tous, à partir des sites Internet du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Nos océans ne sont pas immortels : nous avons vu que certaines des évolutions actuelles peuvent avoir des conséquences inattendues ou irréversibles, car elles brisent des cycles naturels de très longue durée et modifient des écosystèmes déjà fragilisés par d'autres phénomènes. La diminution de la pression de la pêche ne suffit pas à garantir la reconstitution des stocks de poissons. Plusieurs exemples d'effondrements spectaculaires et irréversibles de certains stocks spécifiques dans le monde doivent nous inciter à la vigilance. Michelet écrivait que « la morue vaincrait l'homme » ; mais c'est bien l'homme qui a vaincu la morue à Terre-Neuve. Après avoir épuisé des stocks de poissons situés haut dans la chaîne alimentaire, la pêche se tourne vers des poissons plus petits, évoluant à des profondeurs accrues. Cette compensation ne saurait durer indéfiniment.

L'irréversibilité possible des évolutions en cours doit éveiller nos consciences, sans doute pour des raisons éthiques - nous poussant à vouloir préserver la biodiversité - mais aussi pour des raisons beaucoup plus pragmatiques car l'Homme se met en danger lui-même, en appauvrissant la chaîne alimentaire dont il est le maillon le plus élevé, et en menaçant l'avenir d'une activité essentielle à son économie et à sa culture.

Néanmoins, s'il faut sonner l'alarme, il convient de ne pas être extrêmement pessimiste. Au contraire. L'audition de ce matin nous donne, je crois, des raisons d'espérer. Le dialogue entre les différentes parties prenantes a progressé au cours des années récentes.

Les pêcheurs ont consenti des efforts considérables qui portent en partie leurs fruits. En témoigne la reconstitution de certains stocks, attestée par les avis du Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM), y compris pour certains stocks profonds. La pêche européenne est aujourd'hui durable pour un nombre croissant d'espèces de poissons.

La réforme de la PCP me semble aller dans le bon sens, avec l'interdiction des rejets, estimés en moyenne à 23 % des captures totales, ce que j'avais dénoncé dans mon rapport de 2008 comme un gâchis écologique, économique et alimentaire considérable, car la plupart des poissons rejetés sont morts.

La mise en place d'une gestion régionalisée de la politique de la pêche, prévue dans le cadre de la réforme de la PCP, est également une évolution souhaitable et souhaité.

Des efforts restent néanmoins à accomplir dans plusieurs directions :

- En premier lieu, pour cesser de subventionner les surcapacités, et freiner la course à la taille et à la puissance des navires. Une réflexion globale sur les aides à la pêche doit être menée.

Dans le rapport, non publié, de la Cour des comptes sur les aides de l'État à la pêche, en date de 2010, ces aides sont qualifiées de « dispositif que la raison ne gouverne pas ». Ce rapport fait état de subventions d'un montant total à peu près équivalent au chiffre d'affaires du secteur de la pêche soit de l'ordre de un milliard d'euros.

- En second lieu, il me semble que les réserves émises par les chercheurs sur la norme de la gestion au rendement maximal durable (RMD) doivent être prises en compte, lorsque cette norme ne permet pas la reconstitution des stocks. Une réflexion doit être menée dans le sens d'une approche plus globale, bioéconomique et écosystémique, ce que plusieurs des interventions de ce matin ont suggéré.

Enfin, il ne faut pas oublier que d'autres facteurs que la pêche ont un impact significatif sur les évolutions du milieu marin . Ce sont toutes les activités polluantes d'origine anthropique. Les leviers d'action sont ici beaucoup plus difficiles à trouver car les activités en cause ne paient pas directement le prix de la diminution des ressources halieutiques, contrairement au secteur de la pêche qui en est la première victime. Ces sujets recouvrent un champ beaucoup plus vaste que celui que nous avons traité ce matin. Ils intéressent également l'Office parlementaire et requièrent notre plus grande vigilance.

Pour terminer, je regrette l'absence des pêcheurs. Il peut paraître paradoxal de parler de la pêche sans les principaux acteurs, mais j'essaierai à nouveau de les entendre car nous pouvons, les uns et les autres, apporter une petite pierre de plus à l'édifice que nous bâtissons en commun.

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