CONCLUSION

215. Au terme de leurs investigations, vos rapporteurs ont acquis la conviction que le renforcement du format des forces spéciales , voulu par le Livre blanc et la Loi de programmation militaire, est justifié . Encore faut-il bien en comprendre les raisons.

216. L'augmentation des forces spéciales ne permettra jamais de pallier la diminution des forces conventionnelles et ce serait une erreur conceptuelle que de le croire . Elle ne vise pas davantage à la constitution d'une hypothétique « quatrième armée », car ce n'est pas avec mille hommes de plus sous l'autorité - opérationnelle - du COS que l'on prendra ce chemin. Il faut donc enlever une fois pour toutes ces épouvantails du champ de la réforme.

217. S'il faut renforcer les forces spéciales, c'est parce que celles-ci constituent une réponse adaptée aux conflits que la France connaîtra vraisemblablement dans les dix années à venir . Elles sont un effecteur efficace pour frapper l'ennemi partout où il se trouve, le priver de sanctuaire et prendre l'ascendant en imposant notre propre tempo . Au Mali, les forces spéciales françaises remportent de grands succès sur les forces djihadistes et ont redonné au pouvoir politique le choix du lieu et du moment. Non seulement les forces spéciales ont donné satisfaction en tant que forces de réaction, mais elles sont un facteur d'anticipation. Leur déploiement dans des zones critiques offre un senseur de plus au service du renseignement global, de la connaissance de l'autre. Elles permettent d'évaluer les menaces, de se familiariser avec elles, de traquer les ondes, de pondérer la valeur des signaux et constituent in fine un outil d'anticipation stratégique qui permet, quand vient la bataille, de dissiper le brouillard de guerre.

218. Malheureusement cette remarquable adaptation des forces spéciales aux menaces qui nous assaillent est contingente. Elle ne vaut qu'ici et maintenant . Que la menace change de physionomie et il nous faudra modifier notre réponse. Ni conséquence de la crise, ni avenir de la guerre, les forces spéciales doivent être renforcées autant que possible, mais pas plus que nécessaire. Car davantage encore que les exploits des guerriers de la République au Sahel ou ailleurs, ce qu'il nous faut chérir c'est l'esprit de l'action spéciale , le souvenir d'Ulysse .

219. Même limité au strict nécessaire, quelle forme doit revêtir le renforcement ? La formule souvent évoquée d'un « COS + 1 000 » est trompeuse car elle met l'accent sur l'aspect quantitatif des choses, alors que l'opération spéciale n'est pas réductible au nombre de ceux qui la conduisent. Il nous faut être capable de penser les forces spéciales en tant que système , une sorte de combat cloud , par analogie avec le cloud computing , consistant à collecter le renseignement de toute nature sur un même réseau, à l'exploiter en temps réel, à l'aide de puissantes bases de données nationales et alliées, de le valoriser et de l'exploiter de la façon la plus appropriée afin de neutraliser une cible clairement identifiée sans dommage collatéral ou toute autre action spéciale. La vitesse, la précision et la gradation des effets, sont au coeur des systèmes de forces spéciales.

220. Certes, un renforcement des effectifs s'impose . D'abord pour les opérateurs des forces spéciales, beaucoup trop sollicités ces dernières années. Mais aussi pour donner au COS de nouveaux moyens d'agir et de penser. Mais ne nous le cachons pas, la quantité de mille personnels supplémentaires sera difficile à réaliser sans sacrifier à la qualité . Il faut donc combiner plusieurs actions pour l'atteindre . D'une part, le recours aux unités d'élite et le recentrage des forces spéciales sur des opérations spéciales doit être plus fréquent. D'autre part, le pouvoir exécutif gagnerait à se poser la question du format du service action de la DGSE . Il ne s'agit pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul mais de réfléchir de façon dépassionnée à la meilleure façon de conduire l'action clandestine. De toute façon, c ela devra être fait, compte tenu de l'émergence des biometrics .

221. Le renforcement des équipements doit impérativement accompagner celui des effectifs . Ce renforcement des équipements doit être à la fois quantitatif et qualitatif, pour remplacer des équipements hors d'âge ou à bout de souffle, en particulier dans la troisième dimension : drones et aéromobilité. En avons-nous encore les moyens ?

222. Enfin, des mesures d'accompagnement doivent être prises . Il s'agit, notamment, de l'homologation et de l'homogénéisation des équipements ainsi que de la modification de leurs procédures d'acquisition , d'une meilleure insertion du COS dans la communauté du renseignement ou encore du développement de la coopération internationale et européenne . En conclusion, votre commission recommande que le projet « COS + 1000 » centré sur les effectifs devienne un « projet forces spéciales », plus cohérent parce que plus complet.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page