Rapport d'information n° 579 (2013-2014) de M. Jacques-Bernard MAGNER , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 4 juin 2014

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N° 579

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juin 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) par la mission d' information sur les écoles supérieures du professorat et de l' éducation (2),

Par M. Jacques-Bernard MAGNER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Marie-Christine Blandin , présidente ; MM. Jean-Étienne Antoinette, David Assouline, Mme Françoise Cartron, M. Ambroise Dupont, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; Mmes Maryvonne Blondin, Marie-Annick Duchêne, M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, M. Pierre Martin , secrétaires ; MM. Serge Andreoni, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Pierre Bordier, Mme Corinne Bouchoux, MM. Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Claude Domeizel, Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Vincent Eblé, Mmes Jacqueline Farreyrol, Françoise Férat, MM. Gaston Flosse, Bernard Fournier, André Gattolin, Jean-Claude Gaudin, Mmes Dominique Gillot, Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-François Humbert, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, M. Pierre Laurent, Mme Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Michel Le Scouarnec, Jean-Jacques Lozach, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Didier Marie, Mme Danielle Michel, MM. Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Marcel Rainaud, Michel Savin, Abdourahamane Soilihi, Alex Türk, Hilarion Vendegou, Maurice Vincent .

(1) Cette mission d'information est composée de : Mme Colette Mélot , présidente ; Mmes Marie-Annick Duchêne, Françoise Laborde , vice-présidentes ; M. Jacques-Bernard Magner , rapporteur ; M. Dominique Bailly, Mme Maryvonne Blondin, Mmes Corinne Bouchoux, Dominique Gillot, Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jacques Legendre, Pierre Martin.

SYNTHÈSE DES TRAVAUX DE LA MISSION D'INFORMATION

Réunie le 4 juin 2014, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, présidée par Mme Marie-Christine Blandin, a autorisé la publication du rapport de la mission d'information sur les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ).

Présidée par Mme Colette Mélot et rapportée par M. Jacques-Bernard Magner, cette mission s'est attachée à dresser un premier bilan d'étape à l'issue de la première année de mise en oeuvre d'une réforme nécessaire et ambitieuse qui ne pourra pleinement porter ses fruits qu'à long terme.

Elle recommande notamment de :

- travailler à l'émergence d'une culture commune à tous les enseignants, au-delà des différences d'identités professionnelles et de statuts, par le renforcement des troncs communs de formation ;

- prévoir une inscription pédagogique systématique dans les ÉSPÉ de tous les étudiants des masters préparant aux concours de l'éducation nationale ;

- privilégier le rattachement de l'ÉSPÉ aux communautés d'universités et d'établissements ;

- conforter les équipes pluricatégorielles de formateurs, en donnant toute leur place aux professionnels de terrain ;

- travailler à la constitution de pôles de coopérations inter-académiques pour mutualiser les formations préparant au concours de professeur de lycée professionnel ;

- prévoir une sensibilisation des futurs enseignants aux enjeux européens ;

- instituer un continuum de formation commençant dès la licence pour susciter des vocations et entamer la démarche de professionnalisation en amont du master.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le 13 novembre 2013, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a constitué en son sein une mission d'information sur les écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ), moins de deux mois après le lancement effectif de la réforme. Créées à la rentrée universitaire de 2013 en lieu et place des anciens instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) en application de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République , ces nouvelles structures sont appelées à conduire la rénovation de la formation des enseignants, avec un double objectif :

- parachever son « universitarisation » dans le prolongement de l'intégration des IUFM aux universités et de la mastérisation ;

- reprofessionnaliser fortement un parcours de formation qui avait pâti de la suppression, sous le précédent gouvernement, de l'année de stage, en instituant une seconde année de master pleinement consacrée à la formation par alternance , conjuguant formation théorique et didactique et mi-temps en responsabilité en établissement scolaire, pour les lauréats du concours présenté en fin de première année.

Cette réforme, qui avait constitué un engagement fort du Président de la République pendant la campagne présidentielle a été conduite dans un calendrier législatif contraint, marqué par l' examen concomitant au printemps 2013 de deux textes majeurs : le projet de loi de refondation de l'école et le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche . La création des ÉSPÉ ayant été annoncée pour la rentrée universitaire de 2013, la réforme a été mise en oeuvre à marche accélérée , avec des discussions autour du projet d'ÉSPÉ au sein de chaque académie entamées dès décembre 2012 , malgré l' absence de cadre législatif et réglementaire définitif .

Dans ce contexte, les différentes parties prenantes ont exprimé des inquiétudes légitimes, ce qui explique les tensions observées fin 2013 dans certaines académies (notamment à Toulouse, à Poitiers, à Aix-Marseille, à Nantes ou encore à Bordeaux). Alors que les présidents des universités intégratrices et leurs conseils d'administration s'interrogeaient sur la capacité de leur établissement à mettre en oeuvre une réforme ambitieuse dans un cadre budgétaire contraint, un certain nombre d'universitaires ont fait part de leur perplexité quant à l'universitarisation effective de la formation des enseignants et à la place accordée à la recherche, compte tenu à la fois du poids de l'alternance en M2 et du positionnement du concours en fin de M1. Dans le même temps, les étudiants ont rappelé leur souci prioritaire de disposer en M1 d'une préparation solide à l'ensemble des concours de recrutement , d'où leurs craintes quant à la diminution du nombre d'heures de formation ou au rétrécissement des budgets de fonctionnement des ÉSPÉ par rapport aux anciens IUFM.

Le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, réunis sous l'autorité d'un seul ministre depuis avril 2014, ont dû s'engager dans une pédagogie intense de la réforme , en rappelant que les ÉSPÉ nécessiteraient plusieurs années avant de trouver leur rythme de croisière et que la professionnalisation de la formation ne pouvait être comprise que dans le cadre d'une refonte progressive du format et du contenu des épreuves des concours .

Au travers de la réforme des ÉSPÉ, c'est véritablement la capacité à changer de paradigme de notre système de formation, tant pour l'enseignement scolaire que pour l'enseignement supérieur, qui est mise à l'épreuve. L'installation de ces nouvelles structures continue, en effet, de se heurter à un certain nombre de résistances et de cultures bien installées . Celles-ci ont été entretenues, en partie, par quelques IUFM nostalgiques d'un certain « âge d'or » de la formation des enseignants et durablement affectés par la campagne de dénigrement dont ils ont fait l'objet, parfois injustement, et par des structures universitaires, en particulier des unités de formation et de recherche (UFR), inquiètes de se voir déposséder de la formation des étudiants se destinant aux concours du second degré ou à l'agrégation et d'être réduites au rang de « prestataires de service » auprès de l'ÉSPÉ.

Le succès des ÉSPÉ repose sur leur capacité à faire partager par l'ensemble de la communauté universitaire et éducative un projet solide et cohérent adapté aux besoins de leur académie respective et qui tienne compte du caractère sans cesse évolutif des pratiques pédagogiques. La mise en place d'équipes pluricatégorielles permettant d'associer une multiplicité d'acteurs nourris d'une expérience professionnelle constamment renouvelée est incontournable, afin de ne pas tomber dans l'écueil qui consiste à établir des modèles de formation figés et, par conséquent, rapidement obsolètes .

I. UNE MISE EN PLACE GLOBALEMENT RÉUSSIE QUI A GARANTI LA CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS

A. UNE CAMPAGNE D'ACCRÉDITATION ABOUTIE

1. Une préparation des dossiers à marche accélérée

La mise en place des ÉSPÉ a fait l'objet d'un pilotage et d'un suivi interministériels assurés par la direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle (DGESIP), la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) et la direction générale des ressources humaines (DGRH), au sein du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche 1 ( * ) . Les services ministériels indiquent avoir travaillé de concert sur ce dossier afin de garantir une articulation opérationnelle des différents services de tutelle incarnée, sur le terrain, par les recteurs investis des fonctions à la fois d' employeur (recrutement et gestion des carrières et des parcours des futurs enseignants) et de chanceliers des universités . Cette coresponsabilité interministérielle est incontournable : pour la préparation et la mise en oeuvre de cette réforme fondamentale, il n'était à l'évidence plus possible de raisonner comme si le ministère employeur (ministère de l'éducation nationale) demeurait déconnecté du suivi et du contrôle de la mise en place des ÉSPÉ et de la cohérence du contenu des formations de master assuré par le ministère formateur (ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche).

La concertation « Refondons l'école » , inaugurée par le ministre de l'éducation nationale le 5 juillet 2012, comprenait quatre grandes thématiques dont l'une s'intitulait « Des personnels formés et reconnus » 2 ( * ) et pour laquelle les pistes de réflexion suivantes avaient été tracées : « une vraie formation initiale et continue, une nouvelle évaluation des personnels et des missions redéfinies pour des personnels reconnus ». Le rapport de cette concertation 3 ( * ) a permis de faire ressortir plusieurs éléments de consensus en matière de formation des personnels de l'éducation :

- l'intégration de la formation initiale et continue des enseignants au sein de l'université constitue désormais une donnée acquise , depuis la reconnaissance aux instituts universitaires de la formation des maîtres (IUFM) du statut de composante interne des universités par la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, dite « loi Fillon » ;

- la mastérisation 4 ( * ) , qui conditionne le recrutement des enseignants à la détention d'un master, a inscrit désormais durablement la préparation du métier d'enseignement dans le cadre de formations diplômantes de grade de master ;

- la constitution d'un vivier dynamique d'étudiants se prédestinant aux métiers de l'éducation exige la mise en place de processus de prérecrutement dès le niveau de la licence 5 ( * ) afin d'encourager les jeunes à découvrir ces voies professionnelles et les potentialités offertes 6 ( * ) .

Dans ces conditions, conformément à l'une des propositions du Président du République formulées au cours de la campagne pour l'élection présidentielle de 2012, le rapport de la concertation appelle, dès octobre 2012, à la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) afin de former l'ensemble des personnels de l'enseignement et de l'éducation au sein d'une même structure, autour d'un tronc commun et d'une culture partagée.

Le contenu et l'esprit du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République ont été présentés par le ministre de l'éducation nationale dans une lettre en date du 7 décembre 2012 adressée à l'ensemble des personnels de l'éducation nationale. Le projet de loi a été formellement déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 23 janvier 2013. L'examen parlementaire du projet de loi s'est déroulé sur l'ensemble du premier semestre de l'année 2013, avec deux lectures au sein de chaque assemblée, pour une adoption définitive de la loi par le Sénat le 25 juin 2013 et une promulgation le 8 juillet 2013.

La préparation des dossiers de création et de demande d'accréditation des ÉSPÉ a débuté dès la fin de l'année 2012 , bien avant l'examen et l'adoption par le Parlement de la « loi de refondation de l'école » 7 ( * ) .

En janvier 2013, le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche élaborent conjointement puis diffusent auprès des acteurs de la réforme un projet de cahier des charges de l'accréditation des ÉSPÉ précisant les attendus du dossier d'accréditation en termes de positionnement statutaire et de gouvernance de l'école, de contenu du projet pédagogique, de modalités de la coordination entre les différents partenaires et de modèle économique. Dans le même temps, un projet de cadre national des formations liées aux métiers du professorat du premier et du second degrés et de l'éducation , encore soumis à concertation, est mis à la disposition des rectorats et des établissements d'enseignement supérieur afin de définir les objectifs et l'architecture de la formation initiale des professionnels de l'éducation, en particulier s'agissant de l'organisation des stages et de l'évaluation des compétences professionnelles des étudiants.

En l'absence de dispositions législatives définitives définissant le cadre réglementaire applicable aux nouvelles ÉSPÉ, ces documents de référence constituaient des orientations et des pistes de travail susceptibles d'évoluer ou d'être précisées au fur et à mesure de l'examen du projet de loi. Toutefois, l'engagement du Gouvernement à ouvrir des ÉSPÉ dûment accréditées dans chaque académie à la rentrée universitaire de 2013 a obligé les acteurs de la réforme à anticiper le format définitivement arrêté par le Parlement. Les premières réunions de travail entre les recteurs, les présidents d'université et les responsables de la formation des maîtres sont intervenues dès la fin décembre 2012. Les dossiers de pré-projets d'accréditation devaient être renvoyés aux deux ministères avant la fin février 2013.

Les premiers dossiers d'accréditation ont donc été élaborés dans un cadre réglementaire provisoire , sur des bases juridiques encore fragiles . Les recteurs se sont vus confier la responsabilité de piloter la réforme en coordonnant l'élaboration d'un projet académique cohérent en matière de formation des enseignants. Les porteurs de chaque projet ont ainsi été désignés par les recteurs et présidents d'université concernés : certains sont issus directement des IUFM (directeurs, responsables pédagogiques...), d'autres sont issus d'autres services ou composantes de l'université destinée à intégrer l'ÉSPÉ (président de l'université, responsable d'UFR...) Chaque projet a été préparé sous la direction de deux responsables , dont un issu de l'enseignement secondaire.

Les trente porteurs de projet ont effectué plusieurs bilans de l'état d'avancée des dossiers avec les directions ministérielles concernées, avec des pré-projets présentés dès la fin du mois de février 2013, et plusieurs revues qui se sont succédé de mars à mai 2013. Le ministère de l'éducation nationale a effectué des visites au sein des structures appelées à être converties en ÉSPÉ. Le 25 mai a été fixé comme date butoir pour le rendu des projets dans leur version la plus aboutie en vue de leur examen pour l'octroi de l'accréditation par un comité d'experts composé d'universitaires et d'inspecteurs généraux de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche .

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Plusieurs types de documents ont servi de textes de référence pour la constitution des ÉSPÉ :

- la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République , et notamment le chapitre VI de son titre I er ;

- le référentiel de compétences des métiers d'enseignant : résultat d'une concertation avec les professionnels du secteur de l'éducation lancée après celle de l'automne 2012, il a fait l'objet d'une publication non définitive en mars 2013, afin que les acteurs puissent en avoir une connaissance préalable dès la préparation des dossiers d'accréditation au début de l'année 2013. Il a été définitivement fixé par un arrêté du 1 er juillet 2013 8 ( * ) ;

- le cadre national des formations : élaboré au début de l'année 2013, il complète le cahier des charges de l'accréditation. Il a été arrêté par les deux ministres le 27 août 2013 9 ( * ) ;

- le cahier des charges de l'accréditation : il s'agit du premier document de référence communiqué à l'ensemble des acteurs dès janvier 2013. Il a été finalisé par un arrêté du 27 août 2013 10 ( * ) ;

- la maquette générique des concours rénovés , en date du 3 janvier 2013, et les arrêtés et maquettes définissant les modalités des épreuves des concours enseignants et d'éducation, en date du 19 avril 2013 ;

- les propositions du comité de suivi master pour les formations du master « Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation » (MEEF) , en date du 28 février 2013.

La mise en place des ÉSPÉ s'inscrit dans un moment particulier de l'histoire du paysage universitaire qui a connu des bouleversements à répétition depuis la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche 11 ( * ) et la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « loi LRU » 12 ( * ) . L'examen parlementaire du projet de loi de refondation de l'école a, en effet, coïncidé avec celui du projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche qui vise à favoriser le regroupement des établissements d'enseignement supérieur au niveau académique ou inter-académique , notamment par la constitution de communautés d'universités et établissements (COMUE), ayant le statut d'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) en remplacement des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), ou par l' association de plusieurs établissements à un seul EPSCP chef de file de la coordination territoriale de l'offre d'enseignement supérieur.

Dans un contexte semé d'incertitudes, au moment même où ils doivent réfléchir au positionnement de leur établissement au sein du paysage universitaire académique, les présidents d'université sont appelés à intégrer en leur sein un nouveau type de composante dérogatoire, disposant d'un statut ad hoc empruntant à plusieurs modèles de composantes universitaires autonomes sur les plans pédagogique et budgétaire : les unités de formation et de recherche (UFR) de médecine dont le directeur a la capacité de conventionner avec des organismes extérieurs, les instituts universitaires de technologie (IUT) qui sont supposés entretenir avec l'université un dialogue de gestion formalisé par un contrat d'objectifs et de moyens conclu avec le conseil d'administration de l'université ou encore les écoles doctorales qui permettent de fédérer plusieurs unités de recherche rattachées à d'autres composantes. Il va sans dire que les présidents d'université nourrissent une certaine appréhension à l'idée de créer au sein de leur établissement une structure nouvelle aussi dérogatoire, gardant à l'esprit l'épisode parfois douloureux dans certaines académies de l'intégration des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) au sein des universités.

2. Des dossiers d'accréditation de qualité inégale

Au printemps 2013, la direction générale de l'enseignement scolaire avait indiqué 13 ( * ) que, parmi la trentaine de projets de création d'ÉSPÉ qui lui était parvenue pour la rentrée de 2013, il était possible de distinguer :

- un tiers de projets aboutis qui répondaient de façon satisfaisante aux exigences posées par le cahier des charges de l'accréditation, préparés par des équipes qui ont bien compris les objectifs poursuivis par la réforme et qui ont travaillé en bonne intelligence avec les universités de l'académie ;

- un autre tiers qui s'inscrivait dans une situation intermédiaire et appelait de nécessaires ajustements , en raison de projets encore non aboutis mais qui pouvaient encore être corrigés sans difficulté majeure pour répondre aux exigences du cahier des charges ;

- un dernier tiers qui était composé de dossiers présentant de réelles difficultés dès lors qu'ils ne visaient à créer que de simples structures coordinatrices sans réelle maîtrise ni du contenu ni de la mise en oeuvre de la formation des personnels enseignants et de l'éducation.

Comme l'a rappelé notre collègue Françoise Cartron, selon un bilan à mi-parcours au printemps 2013, sept académies ont été identifiées comme nécessitant une « aide appuyée des ministères » (Bordeaux, Corse, Lille, Lyon, Nantes, Toulouse, Versailles). Neuf académies présentaient des situations intermédiaires ; des réunions de travail d'accompagnement ont été organisées afin de préciser le projet. Onze autres académies, dont les dossiers étaient considérés de qualité et avaient fait l'objet d'une réflexion bien avancée, se sont vu proposer de simples échanges avec les ministères à la demande du comité de pilotage de l'ÉSPÉ.

Le ministre de l'éducation nationale a reconnu, le 30 avril 2013, que « la principale difficulté » dans la mise en place des ÉSPÉ résidait dans la nécessité « de faire travailler ensemble les UFR, les personnels des IUFM, les professeurs de terrain » :

- une part significative des pré-projets ont démontré une grande difficulté à satisfaire l' exigence de mixité des équipes pédagogiques des ÉSPÉ qui doivent comprendre une part substantielle de professionnels de terrain , condition fondamentale de l'articulation effective des dimensions théorique et pratique dans la formation ;

- rares ont été les projets qui ont pleinement mesuré l' importance du tronc commun , qui suppose la prise en compte, dans le contenu du diplôme pour chaque métier, de compétences professionnelles communes et transversales . Pour mémoire, les conseillers principaux d'éducation pouvaient être formés au sein des IUFM sans y avoir jamais rencontré de professeurs de collège ou de lycée ;

- un certain nombre de projets de demandes d'accréditation ont peiné à démontrer un adossement effectif des masters MEEF aux moyens de la recherche de l'université intégratrice et un lien insuffisant entre les travaux de recherche et la pratique de terrain.

Trente ÉSPÉ ont été accréditées par arrêtés ministériels en date du 30 août 2013. La situation particulière de l'IUFM de Nouvelle-Calédonie (qui couvre également le territoire des îles Wallis-et-Futuna) et de celui de Polynésie française nécessite un délai plus important pour leur transformation en ÉSPÉ. En Nouvelle-Calédonie, l'État, compétent dans le domaine de l'enseignement supérieur, doit en effet négocier avec la collectivité les modalités de conversion de l'IUFM en ÉSPÉ dès lors que le gouvernement de Nouvelle-Calédonie organise un concours territorial de professeurs des écoles ouvert aux étudiants dès l'obtention d'une licence. En ce qui concerne l'IUFM de Polynésie française, le recours à une ordonnance s'impose.

L'ensemble des ÉSPÉ ainsi créées a été accrédité à compter du 1 er septembre 2013 pour une durée équivalente au contrat quinquennal en cours d'exécution liant l'université intégratrice à l'État ou, si celui-ci arrivait à échéance moins d'un an plus tard, au prochain contrat en cours de préparation 14 ( * ) . Pour mémoire, les universités ont conclu des contrats d'établissement avec l'État selon cinq vagues contractuelles , de la vague A (période 2011-2015) à la vague E (période 2015-2019). Aucune ÉSPÉ n'ayant été accréditée à titre provisoire pour un an, la durée de la première accréditation varie ainsi, selon l'ÉSPÉ, de deux (pour des établissements de la vague A) à six ans (pour des établissements de la vague E). À l'issue de la première accréditation et de leur première évaluation, toutes les ÉSPÉ devraient être accréditées pour une durée de cinq ans, équivalant à un contrat d'établissement « plein ».

Conformément à l'article 4 de l'arrêté du 27 août 2013 définissant le cahier des charges de l'accréditation, l'accréditation d'une ÉSPÉ emporte son habilitation à délivrer le diplôme national de master MEEF pour une série de mentions précisées par la décision d'accréditation. L'habilitation à délivrer le master MEEF court, sauf précision expresse contraire, jusqu'à l'expiration de l'accréditation. Quatre mentions de master sont en effet prévues par les arrêtés d'accréditation :

- le MEEF « premier degré » ;

- le MEEF « second degré » ;

- le MEEF « encadrement éducatif » ;

- le MEEF « pratiques et ingénierie de la formation ».

Parmi les trente ÉSPÉ accréditées, quatre écoles n'ont été expressément habilitées à ne délivrer les quatre mentions du master MEEF que pour une durée d'un an seulement (jusqu'au 31 août 2014) : il s'agit des ÉSPÉ des académies de Grenoble, Lyon, Toulouse et Versailles. Quant à l' ÉSPÉ de l'académie de Paris , elle a été habilitée pour toute la durée de son accréditation pour les mentions « premier degré » et « encadrement éducatif », mais n'a obtenu qu'une habilitation d'un an pour la mention « second degré » 15 ( * ) .

Les trois ÉSPÉ des académies de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique, intégrées à une seule et même université, l'université des Antilles et de la Guyane (UAG) 16 ( * ) , bien qu'elles soient habilitées pour une durée équivalant à leur accréditation, font, pour leur part, l'objet d'un accompagnement spécifique pendant la première année suivant leur création.

Au total, ce sont donc huit ÉSPÉ qui sont appelées à fournir régulièrement aux ministères de tutelle des informations complémentaires sur la mise en place des parcours de formation des futurs enseignants tout au long de leur première année d'accréditation. Le suivi particulier de ces ÉSPÉ et l'habilitation provisoire de certaines d'entre elles s'expliquent principalement par :

- une insuffisante prise en compte du concept de professionnalisation dans les maquettes de formation initiale et continue, avec dans certains cas une participation encore trop limitée des professionnels de terrain dans le cadre des équipes pluricatégorielles ;

- une part insuffisante accordée à la recherche et au numérique dans l'organisation des enseignements et des activités ;

- un positionnement fragile de l'ÉSPÉ dans le tissu universitaire de l'académie, qui pose la question des conditions de la participation active des autres établissements partenaires au projet global de l'école et ne permet pas d'assurer une gouvernance opérationnelle et un modèle économique solide, sources d'inquiétudes pour les personnels.

Sur ces différents points, les ministères ont estimé que le projet des ÉSPÉ concernées ne tirait pas pleinement profit des potentialités offertes par l'académie et ses établissements d'enseignement supérieur. Ces ÉSPÉ sont communément désignées « ÉSPÉ article 4 », leur arrêté d'accréditation comportant en effet un article 4 qui précise que « durant la première année de l'accréditation, l'école supérieure du professorat et de l'éducation, l'établissement dont elle relève et les établissements partenaires apportent tous les éléments requis par les ministres en lien avec les attendus du dossier d'accréditation tels que définis à l'article 2 de l'arrêté fixant les modalités d'accréditation des écoles supérieures du professorat et de l'éducation susvisé. »

L'ÉSPÉ de l'académie de Paris constitue un cas particulier, compte tenu de la présence, au sein de l'académie, de plusieurs pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) ayant vocation à devenir des communautés d'universités et établissements (COMUE). Une grande partie du temps de réflexion a été consacrée aux modalités de portage de cette ÉSPÉ dès lors que celle-ci était censée fédérer les forces, en matière de formation des enseignants, de plusieurs établissements appartenant à différentes COMUE et impliqués dans diverses initiatives d'excellence (idex 17 ( * ) ) concurrentes. Dans ces conditions, le recteur de l'académie de Paris indique que le travail sur le contenu du projet pédagogique, scientifique et administratif de l'ÉSPÉ n'a débuté qu'à partir du mois de février 2013. Ce retard pris dans l'élaboration du projet explique, selon lui, les marges de progression identifiées par les ministères en termes de prise en compte effective de la professionnalisation qui doit venir compléter la forte tradition d'excellence disciplinaire qui caractérise l'environnement universitaire parisien.

À la rentrée 2013, les trente ÉSPÉ ont été habilitées à délivrer le master MEEF pour les mentions « premier degré », « second degré » et « encadrement éducatif ». Seules dix-sept d'entre elles, en revanche, ont été habilitées à délivrer la mention « pratiques et ingénierie de la formation ».

Le suivi de la mise en place des ÉSPÉ repose sur deux dispositifs institués par les ministres de tutelle :

- un comité de pilotage interministériel , constitué de la DGESCO, de la DGESIP et de la DGRH et présidé par François Louveaux et Claude Fabre : cette structure interministérielle est chargée de coordonner les directives transmises aux équipes dirigeantes des universités et aux responsables des ÉSPÉ. Étant donné le calendrier extrêmement resserré dans lequel s'est inscrit la création des ÉSPÉ, les finalités et les originalités de ces nouvelles écoles n'ont pas toujours été bien comprises, d'où un certain nombre de retards et, parfois, un manque manifeste de maturation des projets. Ce comité de pilotage est dès lors appelé à répondre autant que faire se peut aux multiples incertitudes qui perdurent dans l'esprit des responsables des ÉSPÉ, s'agissant notamment de l'organisation des stages, de l'équilibre délicat à définir entre l'alternance et la montée en charge de la dimension universitaire de la formation, du rôle et du statut des personnels intervenant au sein des ÉSPÉ, ou encore de l'évaluation de la formation en coûts complets et de l'évolution des moyens correspondants... ;

- un comité de suivi , composé de représentants du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) et du Conseil supérieur de l'éducation (CSE) et présidé par Daniel Filâtre, recteur de l'académie de Grenoble : ce comité est chargé d'élaborer, dans le cadre d'une large concertation de l'ensemble des acteurs, des éléments de doctrine pour la bonne marche de la réforme, à l'image des comités de suivi licence et master. Il est composé de quatre collèges paritaires, chacun constitué de six représentants : des représentants de l'employeur, des représentants des opérateurs de formation (universités, directeurs d'ÉSPÉ, doyens d'UFR...), des représentants des partenaires sociaux (trois pour l'enseignement scolaire, trois pour l'enseignement supérieur) et des personnalités qualifiées (représentants du Collectif des acteurs partenaires de l'école, par exemple, et d'autres associations d'activités éducatives et périscolaires, d'éducation populaire, culturelle et artistique...) Le comité de suivi n'a pas vocation à évaluer la mise en place de la réforme dans chaque académie, il intervient comme référent pour la production de bonnes pratiques et de lignes directrices .

B. UNE MISE EN PLACE DES ORGANES DE GOUVERNANCE COMPLEXE

1. La structuration des écoles prévue par les textes normatifs

Après la phase d'accréditation, la transformation des structures administratives afin de donner corps aux ÉSPÉ a mobilisé les équipes locales et les services centraux.

Les lois du 8 juillet 2013 pour la refondation de l'école de la République et du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur, complétées par le décret n° 2013-782 du 28 août 2013 ont défini avec précision les modalités de gouvernance des ÉSPÉ. Conformément à l'article L. 721-3 du code de l'éducation, trois instances partagent la responsabilité du fonctionnement des écoles : le conseil de l'école qui administre, le directeur qui dirige et le conseil d'orientation scientifique et pédagogique qui apporte son expertise.

a) Le conseil de l'école

Le conseil de l'école adopte le budget de l'ÉSPÉ, approuve les contrats pour les affaires intéressant l'école et soumet la répartition des emplois au conseil d'administration de l'établissement intégrateur. Il est également consulté sur les recrutements de l'école. C'est enfin à lui que revient l'adoption des règles relatives aux examens et les modalités de contrôle des connaissances.

L'effectif du conseil, constitué à parité d'hommes et de femmes, ne peut dépasser trente membres. Le mandat des membres du conseil de l'école est de cinq ans, sauf pour les représentants des usagers qui sont élus pour deux ans, ce qui reflète la rotation rapide des étudiants formés au sein des écoles. Le mandat des membres du conseil de l'école prend fin lorsqu'ils ont perdu la qualité au titre de laquelle ils ont été élus ou nommés.

Les représentants des enseignants, dont la moitié au moins sont des représentants des enseignants-chercheurs, doivent être en nombre au moins égal à celui des représentants des autres personnels et des usagers. L'article D. 721-1 du code de l'éducation précise plus avant cette répartition. Deux représentants sont ainsi élus pour représenter chacune des catégories de personnels suivantes : les professeurs d'université, les maîtres de conférences, les autres enseignants et formateurs relevant de l'enseignement supérieur, les personnels relevant du ministère de l'éducation nationale en poste dans un de ses établissements ou services, les autres personnels. Quatre ou six membres sont élus pour représenter les usagers (étudiants, fonctionnaires stagiaires, personnels en formation continue).

Le conseil de l'école comprend également un ou plusieurs représentants de l'établissement public dont relève l'école. Enfin, 30 % au moins de ses membres sont des personnalités extérieures , dont :

- au moins un représentant d'une collectivité territoriale ;

- au moins cinq personnalités désignées par le recteur ;

- des personnalités désignées par les établissements publics d'enseignement supérieur partenaires, pour élargir la représentation au-delà de l'université intégratrice ;

- des personnalités désignées par les autres membres du conseil élus ou désignés.

Le président du conseil de l'école est élu parmi les personnalités extérieures désignées par le recteur . En cas de partage égal des voix lors d'une séance du conseil de l'école, le président a voix prépondérante. Il est important que par l'intermédiaire des personnalités qu'il désigne, le recteur, qui représente le futur employeur qu'est l'éducation nationale, puisse peser sur la gouvernance de l'ÉSPÉ.

b) Le directeur

L'ÉSPÉ est dirigée par un directeur nommé pour un mandat de cinq ans par arrêté conjoint des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale, sur proposition du conseil de l'école.

Le directeur de l'école dispose d' amples pouvoirs :

- il prépare les délibérations du conseil de l'école et assure leur exécution ;

- il a autorité sur l'ensemble des personnels de l'ÉSPÉ ;

- il a qualité pour signer, au nom de l'établissement intégrateur, les conventions relatives à l'organisation des enseignements 18 ( * ) ;

- il prépare le document d'orientation politique et budgétaire de l'ÉSPÉ ;

- il propose, au président de l'établissement intégrateur, la composition des jurys d'examen pour les formations soumises à examen dispensées par l'ÉSPÉ.

Les rôles distincts du président de l'université intégratrice, du président du conseil de l'école et du directeur se complètent pour concourir à une mission commune, ainsi que l'a rappelé à la mission d'information la conférence des présidents d'université (CPU) lors de son audition du 28 janvier 2014. Mais c'est bien le directeur qui constitue la clef de voûte de la gouvernance de l'ÉSPÉ . C'est à lui qu'il revient de négocier et de composer avec les trois acteurs de la formation : l'ÉSPÉ et ses personnels, les universités partenaires et leurs UFR, les services académiques. Le directeur occupe un poste stratégique , à la fois comme garant opérationnel de l'accréditation et comme pilote du projet.

c) Le conseil d'orientation scientifique et pédagogique

L'ÉSPÉ comporte également un conseil d'orientation scientifique et pédagogique (COSP) qui contribue à la réflexion sur les grandes orientations relatives à la politique partenariale et aux activités de formation et de recherche de l'école.

La composition du COSP est paritaire. L'article D. 721-3 du code de l'éducation ne fixe pas de nombre maximal de membres. Il précise que la moitié des membres sont des représentants de l'établissement intégrateur et des établissements partenaires, le reste étant composé de personnalités extérieures désignées pour moitié par le recteur et pour moitié par le conseil de l'école.

Le mandat des membres du COSP suit les règles applicables aux membres du conseil de l'école. Les fonctions de membre du conseil de l'école et du COSP sont incompatibles.

2. L'installation achevée des conseils et des directeurs malgré un calendrier contraint
a) Une mobilisation évidente dans la période transitoire sous l'impulsion des recteurs et des administrateurs provisoires

La mise en place des nouvelles institutions et de leurs organes de gouvernance a dû être menée de front avec la poursuite de la réflexion sur les maquettes des masters MEEF et le suivi des élèves de M1 entrés dans le nouveau dispositif. Votre rapporteur salue l'engagement et le sens des responsabilités de chaque partie prenante qui ont permis d'achever l'installation des nouvelles structures dessinées par le législateur pour prendre en charge la formation des enseignants.

Dans un paysage universitaire en pleine recomposition, ce processus ne pouvait être que complexe, mais il s'est globalement déroulé sans remous excessifs au vu de l'ampleur de la tâche de conciliation entre des organisations et des personnes dont les cultures, les intérêts et les projets ne coïncidaient pas nécessairement . Il a abouti à des organisations viables susceptibles de réguler, de piloter et de gérer les parcours de formation. Les foyers de tension et d'inquiétude qui demeurent ici ou là portent moins sur la structure interne et la gouvernance propre de l'ÉSPÉ que sur les relations, notamment financières, avec l'université intégratrice.

L'article 83 de la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l'école de la République rassemble les dispositions transitoires qui ont cadré le calendrier et les modalités d'installation des organes de gouvernance. La date de création des ÉSPÉ, concomitante de leur accréditation, a été fixée au 1 er septembre 2013. Les conseils d'école et les COSP devaient ensuite être installés définitivement dans un délai de trois mois. Dans l'intervalle, il leur était permis de siéger valablement sans les représentants des personnels et des usagers. Ce point a suscité de grandes réticences chez les organisations syndicales.

La nomination des directeurs de l'école s'est effectuée après l'installation des conseils. Conformément à l'article 83 précité, les fonctions de directeur ont été exercées dans chaque ÉSPÉ, jusqu'à la publication de l'arrêté de nomination, par un administrateur provisoire nommé par le recteur sur proposition du président de l'établissement intégrateur.

L'article 5 du décret n° 2013-782 du 28 août 2013 précité a donné un rôle éminent au recteur dans la phase transitoire . C'est à lui qu'est revenu la responsabilité de :

- constituer une commission chargée de l'élaboration des statuts de l'école où devaient être représentés tous les établissements partenaires ;

- arrêter la composition du conseil de l'école et du COSP dans le respect des contraintes législatives et réglementaires, sur proposition de l'établissement intégrateur et après l'avis des établissements partenaires. Il s'agissait notamment en ce qui concerne le conseil d'école de fixer le nombre de membres, le nombre de représentants des usagers (4 ou 6), le nombre de représentants de l'établissement intégrateur, le nombre de personnalités extérieures dans chacun des quatre collèges prévus.

- établir les listes électorales par collège.

D'après l'enquête réalisée par le bureau de liaison du réseau des ÉSPÉ entre décembre 2013 et janvier 2014, sur trente administrateurs provisoires, quatorze étaient directeurs de l'IUFM de leur académie et quatre directeurs-adjoints. Près de la moitié étaient déjà porteurs du projet d'ÉSPÉ au sein de leur académie. Deux tiers d'entre eux auraient été directement les auteurs des statuts, même si la plupart du temps les statuts ont bien été validés par une commission des statuts mise en place par le recteur.

b) Des difficultés surmontées dans la constitution des conseils d'école

Les élections aux conseils d'école se sont déroulées dans les ÉSPÉ au cours du mois de novembre et au début du mois de décembre 2013. Les difficultés principales ont été de tenir le calendrier très contraint, de définir les corps électoraux et de respecter la parité dans un conseil qui prévoit onze collèges séparés pour un total de moins de trente membres.

(1) La définition des corps électoraux

Les listes d'électeurs ont dû être établies dans des délais très courts, alors même que la multiplicité des collèges et, bien souvent, des établissements partenaires rendait l'opération très délicate . Les organisations syndicales se sont inquiétées d'une certaine précipitation et d'imprécisions dans les textes réglementaires, susceptibles éventuellement d'entacher la fiabilité du scrutin.

Règles de détermination des personnels et des usagers électeurs et éligibles
pour la constitution des conseils de l'ÉSPÉ

Article D. 721-5 du code de l'éducation

« Sont électeurs et éligibles dans les collèges mentionnés à l'article D. 721-1 :

1° Les enseignants-chercheurs et personnels assimilés qui participent aux activités de l'école mentionnées à l'article L. 721-2 pour une durée équivalente à au moins quarante-huit heures de leurs obligations de service annuelles de travaux dirigés ;

2° Les autres enseignants et formateurs qui participent aux activités de l'école mentionnées à l'article L. 721-2 pour une durée équivalente à au moins quarante-huit heures de leurs obligations de service annuelles d'enseignement ;

3° Les autres personnels qui participent aux activités de l'école mentionnées à l'article L. 721-2 pour au moins un quart de leurs obligations de service de référence ;

4° Les usagers dans les conditions fixées par l'article D. 719-14. »

Article D. 719-14 du code de l'éducation

« Sont électeurs dans les collèges des usagers les personnes régulièrement inscrites en vue de la préparation d'un diplôme ou d'un concours, ayant la qualité d'étudiants. Sont également électeurs dans ces collèges les personnes bénéficiant de la formation continue, sous réserve qu'elles soient régulièrement inscrites en vue de la préparation d'un diplôme ou d'un concours.

Sont également électeurs les auditeurs, sous réserve qu'ils soient régulièrement inscrits à ce titre, qu'ils suivent les mêmes formations que les étudiants et qu'ils en fassent la demande. Les étudiants recrutés en application de l'article L. 811-2 sont électeurs dans ces collèges dans l'établissement dans lequel ils sont inscrits. Chaque usager ne peut être électeur que dans une unité de formation et de recherche, sauf s'il est inscrit dans une unité, un institut ou une école figurant sur une liste établie par décret lui permettant de voter dans une autre unité. »

Ont notamment évoquées des interprétations divergentes entre académies ou des incertitudes sur :

- le critère des quarante-huit heures d'enseignement à l'ÉSPÉ pour les collèges d'enseignants et de formateurs (art. D. 721-5 dans l'encadré ci-dessus) qui était tantôt apprécié sur la base des emplois du temps de l'année précédente, tantôt en considérant l'emploi du temps prévisionnel de l'année en cours ;

- la prise en compte de l'ensemble des intervenants, y compris vacataires, qui effectuent au moins quarante-huit heures de service ;

- la participation au vote des étudiants de master 2 MEEF ;

- l'impossibilité de constituer des sous-collèges, notamment parmi les usagers ;

- le positionnement des personnels relevant de l'éducation nationale qui sont également des usagers au titre de la formation continue ;

- le positionnement des inspecteurs de l'éducation nationale qui assuraient également des formations à l'ÉSPÉ ;

- l'inscription d'office sur les listes électorales dès lors que les critères sont satisfaits, dans la mesure où certaines catégories d'usagers doivent par exception faire une demande d'inscription (art. D. 719-14 dans l'encadré ci-dessus).

Toutefois, votre rapporteur constate que la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) a su répondre aux interrogations en apportant les précisions nécessaires et que les élections se sont déroulées partout avec des taux de participation satisfaisants, hormis dans le collège des usagers. La légitimité des élections aux conseils d'école paraît donc incontestable.

(2) La mise en oeuvre de la parité

Si le principe de la parité entre les femmes et les hommes n'est pas contesté, force est toutefois de constater que ses modalités d'application dans la constitution des conseils se sont révélées très contraignantes et ont conduit à des situations parfois épineuses . En effet, l'article D. 721-4 du code de l'éducation a retenu un triple mécanisme :

- l'établissement de listes alternées par sexe pour chaque collège de représentants élus ;

- des corrections sur les derniers sièges pourvus en faveur du sexe le moins représenté. Par exemple, si les femmes sont majoritaires parmi les premiers élus de la liste et si le dernier élu de la liste est aussi une femme, alors ce dernier siège est automatiquement attribué à l'homme suivant sur la liste ;

- un rétablissement de la parité globale au sein du conseil d'école grâce aux nominations de personnalités extérieures si les mesures précédentes ne suffisent pas.

Ainsi que l'indique le Snesup-FSU, le décret électoral « dans un milieu professionnel très féminisé a conduit à de véritables casse-têtes, notamment pour le collège des professeurs. D'une façon générale, ce texte réduit la représentativité des femmes élues dans les conseils d'école. » Dans la mesure où la parité est in fine réalisée grâce aux membres nommés, le dispositif mis en oeuvre en vient à justifier « une autre quasi parité entre élus et nommés, au profit de ces derniers », d'où une certaine tension avec les principes de la démocratie universitaire. 19 ( * )

Règles de mise en oeuvre de la parité au sein des conseils

Article D. 721-4 du code de l'éducation

« Le conseil de l'école supérieure du professorat et de l'éducation et le conseil d'orientation scientifique et pédagogique comprennent autant de femmes que d'hommes dans les conditions suivantes :

Pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 721-3 et conformément aux dispositions de l'article L. 719-1, les listes de candidats pour l'élection au conseil de l'école sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe. Lorsque la répartition des sièges entre les listes, au sein de chaque collège mentionné à l'article D. 721-1, n'aboutit pas à l'élection d'un nombre égal de candidats de chaque sexe, il est procédé ainsi pour rétablir la parité :

1° Le dernier siège revenant à un candidat du sexe majoritairement représenté est attribué au candidat suivant de liste qui est déclaré élu ; cette opération est répétée, si nécessaire, avec le siège précédemment attribué à un candidat du même sexe, jusqu'à ce que la parité soit atteinte ;

2° Si un siège devant être attribué au suivant de liste en application du 1° revient simultanément à plusieurs listes ayant obtenu le même nombre de suffrages, il est procédé à un tirage au sort pour déterminer celle des listes dont le dernier élu est remplacé par le suivant de liste.

Si nécessaire, la parité entre les femmes et les hommes est rétablie au sein de chaque conseil par la désignation des personnalités prévues au d du 3° de l'article D. 721-1 pour le conseil d'école et par la désignation des personnalités extérieures prévues au 2° de l'article D. 721-3 pour le conseil d'orientation scientifique et pédagogique. »

(3) Une composition typique du conseil d'école

Les résultats de l'enquête du réseau des directeurs d'ÉSPÉ permettent de dresser une composition type des conseils d'école :

- 10 représentants élus des personnels ;

- 4 représentants élus des usagers ;

- 3 représentants de l'université intégratrice ;

- 2 représentants des collectivités territoriales ;

- 5 personnalités extérieures désignées par le recteur ;

- 3 représentants des établissements partenaires (les personnalités désignées par les partenaires doivent seulement être extérieures à l'ÉSPÉ proprement dite) ;

- 3 personnalités extérieures désignées par l'université intégratrice et le conseil d'école.

En choisissant de fixer à quatre plutôt qu'à six comme le décret le leur permettait le nombre de représentants des usagers, les recteurs ont donc fait le choix d'accorder la majorité au sein du conseil d'école aux membres nommés (16 voix) plutôt qu'aux membres élus (14 voix) . La rectrice de Toulouse a défendu cette décision auprès de la mission en soulignant qu'elle avait pour but d'assurer une gouvernance claire et fonctionnelle de l'école, avec l'accord des universités, dans un contexte encore tendu et propice aux querelles idéologiques.

Votre rapporteur se félicite que, d'après la Ligue de l'enseignement, les mouvements d'éducation populaire aient obtenu un siège en tant que partenaires de l'école au sein des conseils d'école dans plusieurs académies, comme celles de Grenoble, de Lyon, de Montpellier ou de Nantes. 20 ( * )

c) La désignation généralement fluide des directeurs d'ÉSPÉ

La dernière étape d'installation administrative de l'ÉSPÉ résidait dans la nomination des directeurs par les ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur. Elle s'est achevée 21 ( * ) le 4 mars 2014 avec la nomination du directeur de l'ÉSPÉ de l'académie de Rouen. Le processus de nomination s'est déroulé généralement avec fluidité , à l'exception de quelques cas particuliers sur lesquels la mission est revenue.

D'après l'enquête réalisée par le bureau de liaison du réseau des ÉSPÉ, sur les trente administrateurs provisoires, dix-sept ont été candidats au poste de directeur de ÉSPÉ. Dans les trois quarts des académies, le conseil d'école n'a proposé qu'un seul nom aux ministres de tutelle. Hormis quelques académies, l'avis du conseil d'école a généralement été suivi.

Parmi les académies que la mission a étudiées plus précisément, on peut citer comme cas typiques la nomination comme directeurs des anciens administrateurs provisoires dans les ÉSPÉ des académies d'Aix-Marseille, de Clermont-Ferrand, de Créteil, de Dijon, de Lyon, de Paris et de Toulouse. Ce choix classique n'est pas surprenant puisqu'il assure la continuité des équipes et du travail au cours d'une année pilote où beaucoup restait à caler et à ajuster dans l'organisation administrative, budgétaire et pédagogique.

Néanmoins, là où d'autres choix ont été faits, le relais a été pris sans coup férir et la continuité du service public d'éducation n'a jamais été menacé lorsque le directeur n'avait pas auparavant assumé les fonctions d'administrateurs provisoires. En outre, la fonction d'administrateur provisoire s'apparente à celle de chef de projet, alors que le directeur doit gérer stratégiquement et opérationnellement l'école pendant cinq ans. Les fonctions et les missions étant différentes, l'opportunité de choisir des personnes différentes ne pouvait pas être a priori écartée .

Deux cas plus complexes se sont présentés :

- dans l'académie de Versailles, les ministres, comme c'en était leur prérogative, n'ont pas retenu la candidature de l'ancien administrateur provisoire, arrivé en tête des suffrages lors du vote du conseil de l'école, mais celle de la candidate suivante, par ailleurs ancienne rectrice et membre de l'IGAENR ;

- dans l'académie de Bordeaux, les ministres ont bien nommé le candidat en tête du vote du conseil d'école, mais il s'agissait d'un candidat extérieur à l'académie. L'autre candidat, qui était l'ancien coporteur du projet d'ÉSPÉ et non l'administratrice provisoire, avait reçu un appui fort du corps enseignant.

Les auditions que la mission a menées pour examiner ces situations locales l'amènent à des conclusions tout à fait rassurantes. Les nouveaux directeurs ont confirmé à la mission que l'ancienne administration provisoire leur avait transmis l'intégralité des dossiers, leur permettant de s'inscrire pleinement dans le cadre du projet défini. L'essentiel est que grâce à la confiance des universités intégratrice ou partenaires et du recteur dont ils bénéficient, les nouveaux directeurs puissent achever la mise en place des masters MEEF dans de bonnes conditions.

d) L'apparition dans les statuts d'instances complémentaires adaptées à la situation locale

Les deux conseils prévus par le législateur seront au coeur du pilotage de l'ÉSPÉ. Cependant, il convient aussi de noter qu'en fonction des circonstances locales, il a été fait le choix dans certaines ÉSPÉ de prévoir dans les statuts des instances complémentaires.

Par exemple, l'ÉSPÉ de l'académie de Lyon a mis en place un directoire réunissant le directeur, le recteur et les quatre présidents des universités intégratrices ou partenaires. Le président du conseil d'école est invité à participer à ses réunions avec voix consultative. L'idée est de préparer les débats et les décisions en amont en identifiant clairement les difficultés pour les déminer.

Précisément, l'article 16 des statuts donne mission au directoire de suivre le projet d'école tel qu'il a été défini par le dossier d'accréditation, de veiller à la poursuite des objectifs nationaux et des attentes institutionnelles, d'exercer une fonction de concertation et d'harmonisation entre les différents partenaires, d'examiner en tant que de besoin la situation budgétaire de l'ÉSPÉ et l'utilisation des moyens qui lui sont affectés et d'émettre des recommandations pour garantir une politique commune de formation.

On peut également citer le cas de l'ÉSPÉ de l'académie de Paris qui a mis en place un comité interuniversitaire de suivi . Les articles 20 à 22 des statuts en précisent la composition et les compétences. Le comité de suivi est composé du vice-chancelier des universités de Paris, des présidents des établissements porteur et partenaires, du directeur de l'école et du directeur de l'académie de Paris. En cas de difficulté ou de nécessité d'arbitrage entre les établissements, il se réunit en session extraordinaire sous l'autorité du recteur. En lien avec le conseil de l'école et le COSP, il doit :

- vérifier la cohérence et l'évolution de l'offre de formation initiale et continue coordonnée par l'école et son adossement à la recherche, en liaison avec les établissements ;

- examiner l'utilisation des moyens consolidés apportés aux formations de l'école par l'ensemble des partenaires et s'assurer de leur adéquation avec les missions qui lui sont confiées. À ce titre, il donne un avis sur le contrat d'objectifs et de moyens.

L'ÉSPÉ de l'académie de Versailles doit également se construire entre cinq universités appartenant à des communautés différentes. Les articles 16 à 18 de ses statuts prévoient la mise en place d'un conseil de pilotage stratégique rassemblant le recteur, le directeur de l'école, les présidents ou directeurs de tous les établissements partenaires, les présidents du conseil d'école et du COSP.

Se réunissant deux fois par an au moins sous la présidence du recteur, cette instance complémentaire de gouvernance a pour objet de veiller au bon déroulement de l'activité partenariale entre les partenaires de l'ÉSPÉ. Elle peut se saisir de tout sujet intéressant la formation aux métiers de l'éducation dans l'académie y compris dans ses aspects financiers et organiques. Elle s'assure de la cohérence du projet de l'ÉSPÉ avec les enjeux stratégiques et les politiques de formation de chacun des partenaires.

Ces innovations statutaires sont issues du processus de gestation du projet d'ÉSPÉ dans des académies dotées d'un paysage universitaire et recherche particulièrement denses . Elles témoignent de la souplesse du cadre législatif et réglementaire, des capacités d'impulsion politique des recteurs et des facultés d'adaptation des acteurs de la formation des enseignants, ainsi que de leur volonté de concertation et de dialogue.

II. UNE INTÉGRATION DES ÉSPÉ DANS LE TISSU UNIVERSITAIRE VARIABLE SELON LES ACADÉMIES

A. L'ACHÈVEMENT DÉLICAT DE L' « UNIVERSITARISATION » DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS

1. Les difficultés rencontrées par les ÉSPÉ pour s'imposer au coeur de la formation des enseignants
a) Un projet pédagogique nouveau mais inscrit dans un processus historique de long terme

La loi n o 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation avait créé un institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) dans chaque académie, à partir du 1 er septembre 1990 . Les instituts étaient autonomes en disposant du statut d'établissement public à caractère administratif, mais ils étaient rattachés à une ou plusieurs universités de l'académie. Leur création s'était voulue une étape majeure de l'universitarisation, ce dont témoignaient le recrutement d'enseignants-chercheurs et la mission de recherche qui leur était confiée. Une deuxième phase était ouverte avec l'intégration des IUFM dans les universités prévue par la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 pour l'avenir de l'école, puis avec la « mastérisation » des cursus de formation en 2010 , qui a été marquée par l'abandon de l'alternance.

La phase actuelle correspond, depuis la rentrée 2013, à la confirmation de la mastérisation, accompagnée d'un retour de l'alternance en M2 et de la création des ÉSPÉ dont les missions prolongent et renouvellent celles des IUFM d'origine. Votre rapporteur partage l'opinion de Sophie Genelot enseignant-chercheur à l'université de Bourgogne (IREDU), entendue le 7 janvier 2014, qui considère que « ce ne sont pas les structures qui permettent le processus d'universitarisation, mais l'organisation et les contenus des cursus de formation. » Dans le même temps, il ne s'agit pas pour l'éducation nationale d'abandonner la formation des enseignants aux seules universités en n'assumant pas ses responsabilités de futur employeur. De ce point de vue, la phase nouvelle d'universitarisation concrétisée dans les ÉSPÉ repose sur la construction partenariale des parcours de master et du suivi des étudiants.

L'objectif fondamental de la réforme en cours est d'abandonner un système de formation séquentiel, prévoyant consécutivement des volets académique et pratique sans véritable articulation pour passer à une formation intégrée accordant toute sa place à la formation professionnelle. C'est dans notre pays une notion nouvelle, voire révolutionnaire, même si elle bénéficie en France depuis longtemps aux ingénieurs et aux professionnels de la santé. Plus largement, les ÉSPÉ assurent une fonction de construction et de consolidation interne du système éducatif par le partage des visées et la construction d'une culture commune entre les enseignements supérieur et scolaire .

Les acteurs de terrain ne sont pas partis de rien ; ils se sont appuyés sur les IUFM existants et sur la première phase de mastérisation, mais en même temps, il leur fallait accomplir la révolution demandée par le projet pédagogique des ÉSPÉ.

Le processus de reconstruction de la formation des enseignants est encore inabouti, mais l'ampleur et la complexité de la réforme demande une appréciation de ses effets dans la durée, une fois stabilisée l'organisation des structures, des cursus, des maquettes et des concours. Les écoles sont aujourd'hui encore dans une configuration de transition ; le travail doit se continuer au-delà de la période de mise en place des structures et des maquettes. Nous en sommes à l'amorçage d'un processus dynamique , qui se heurte fatalement à de nombreuses réticences héritées du poids des habitudes, de la difficulté à mettre sur pied dans des délais extrêmement courts une formation nouvelle et aux inévitables problèmes qui surgissent lorsqu'on veut faire travailler ensemble des acteurs différents qui se connaissent mal.

Ainsi que l'ont indiqué lors de leur audition, le 14 janvier 2014, Claude Fabre et François Louveaux, coordonnateurs du groupe interministériel de pilotage des ÉSPÉ, les inquiétudes qui s'expriment sont « à la fois logiquement liées à la mise en place d'une opération complexe, à la montée en charge progressive des ÉSPÉ, mais aussi à une inégale prise de conscience de la nature, de l'ambition, de la nouveauté des ÉSPÉ, de leur caractère fédérateur, mais enfin, aussi, aux regrets d'autres solutions non choisies (seulement universitaires ; seulement écoles de formation ; prérecrutements plus massifs...), à la comparaison avec des modèles anciens pour regretter qu'il n'aient pas été repris ou au contraire craindre que les ÉSPÉ ne s'en distinguent finalement pas et connaissent les mêmes difficultés. »

Les rentrées 2013 et 2014 doivent être appréciées comme de premières étapes importantes mais pas définitives. Des imperfections dans la construction des années de M1 et de M2 devront être corrigées sur pièces. Il est illusoire de penser qu'un schéma abstrait, aussi parfait puisse-t-il paraître, sera conservé intact à l'épreuve de l'application concrète et du terrain. Les consultations et les négociations initiales, bien qu'indispensables pour caler le projet et obtenir l'accréditation, ne permettent pas d'anticiper toutes les difficultés.

Des ajustements ont été nécessaires au cours de l'année et le seront encore à moyen terme . Une approche modeste et empirique acceptant une part d'erreurs et de tâtonnements est la méthode qu'il convient d'adopter. La question des maquettes par exemple mérite d'être reposée chaque année en l'absence d'un modèle idéal perpétuellement valide. De ce point de vue, la création des ÉSPÉ donne l'opportunité d'acclimater en France une culture réformiste de l'amélioration par ajustements successifs , comme le remarquait Marie Mégard, inspectrice générale de l'éducation nationale, auditionnée le 7 janvier 2014.

Pour mener à l'avenir les ajustements souples et les réglages fins dont a besoin la réforme, il serait bon de s'appuyer sur les leçons tirées de l'expérience des IUFM . Lors de son audition du 7 janvier 2014, Antoine Prost, historien de l'éducation, a fortement défendu les IUFM qui auraient été victimes de campagnes de dénigrement médiatique, alors même que les rapports officiels pointaient une amélioration significative de la formation des enseignants. Pour tirer un profit maximal de cette étude historique, il conviendrait de distinguer finement les situations selon les académies car les IUFM présentaient des visages très divers, qui se retrouvent encore largement aujourd'hui dans les nouvelles ÉSPÉ et expliquent en partie les climats locaux plus ou moins harmonieux dans lesquels se déroule leur installation.

Comme l'a rappelé Antoine Prost, il existait en effet d'importantes différences de structures, notamment dans la gestion des anciennes écoles normales. Certains IUFM très centralisés les ont traitées comme de simples sites, d'autres IUFM ressemblaient à des structures peu intégrées de coordination des anciennes écoles normales qui gardaient leurs directeurs. D'autres différences d'ordre pédagogique étaient également discernables, par exemple en termes d'analyse des pratiques, exercice encore inconnu en 1990. Il s'agissait d'analyser en dehors du stage ce qui s'était fait pendant le stage. Certains IUFM avaient organisé des séquences distinctes, tandis que d'autres avaient fonctionné avec la même structure uniforme pendant toute l'année, si bien que tout reposait sur la qualité du tuteur de stage.

b) Le chantier de la coopération entre les ÉSPÉ et les UFR disciplinaires

Dans la formation d'un enseignant, la dimension professionnelle et didactique dépend essentiellement des professionnels de terrain, qui ont vocation à être associés intimement au cursus, pas seulement lors du suivi des stages mais aussi dans les ÉSPÉ. De ce point de vue, l'universitarisation ne peut être un référentiel absolu pour toutes les parties de la formation.

Cependant, il faut aussi admettre que les futurs enseignants doivent apprendre à faire évoluer leurs pratiques professionnelles, ne serait-ce que sous la pression du développement du numérique. Leur formation, y compris dans ces aspects pédagogiques et didactiques, ne peut se contenter de les amener à répéter de « bons » gestes ou de « bonnes » pratiques. Ce ne sont pas forcément les enseignants de terrain qui pourront leur transmettre cette capacité perpétuelle de remise en question de leurs savoirs et de leurs postures de professeur. La réflexivité est en revanche une pratique consubstantielle à une formation universitaire de haut niveau. Elle est stimulée par la confrontation avec les apports de la recherche, auxquels seules les universités peuvent donner accès.

Par conséquent, le succès de la réforme dépend de la qualité de la coopération entre les ÉSPÉ et les autres composantes universitaires afin de conjuguer les dimensions professionnelles et académiques et de développer simultanément les compétences pédagogiques, didactiques et disciplinaires. Ce point, qui est devenu en apparence un lieu commun, se heurte à la nature même du système d'enseignement supérieur français, qui privilégie historiquement les cloisonnements et les hiérarchies.

Sur le papier, dans les dossiers d'accréditation, la formation des enseignants bénéficie de la contribution des UFR et les enseignants-chercheurs de différentes équipes de recherche des universités intégratrice et partenaires participent aux masters MEEF. Toutefois, ils interviennent plutôt dans la préparation des épreuves disciplinaires des concours du second degré et demeurent généralement peu impliqués dans la formation des professeurs des écoles. De surcroît, lors de son audition le 14 janvier 2014, Patrick Rayou, professeur en sciences de l'éducation à l'université Paris VIII a fait part à la mission de ses inquiétudes « sur le caractère trop périphérique de la formation professionnelle pour le second degré. Les situations sont très variables selon les universités, mais on voit que le souci de la professionnalisation peut être facilement tiré du côté des savoirs à enseigner et minorer les savoirs pour enseigner. »

Même lorsqu'ils interviennent activement dans les masters MEEF, les enseignants-chercheurs ne trouvent pas les accroches nécessaires dans les maquettes pour irriguer leurs cours avec leurs propres recherches. Sans apport véritable des travaux de recherche et sans participation suffisante aux modules transversaux à vocation professionnalisante, la contribution des UFR se limite trop souvent à une préparation académique aux concours . L'année de M2 en préparation les verra probablement peu s'intéresser aux stages des étudiants. Un des enjeux de la réforme est de permettre aux enseignants-chercheurs des UFR de devenir authentiquement des formateurs d'enseignant.

Comme le président de l'université Toulouse III-Paul Sabatier l'a noté devant la mission, la querelle entre les partisans des disciplines et les pédagogues est théoriquement dépassée, mais elle ressurgit constamment, parce qu'elle se greffe à des questions d'identité pour chacun des acteurs . Très schématiquement, on trouve une identité constituée autour d'un champ académique et orientée vers la recherche, d'un côté, et gouvernée par la situation de classe et l'interaction avec des élèves, de l'autre. Dans les situations les plus conflictuelles, chacun s'inquiète parallèlement d'être exclu de la formation des futurs enseignants et de ne pas parvenir à transmettre des éléments fondamentaux de sa culture professionnelle. Il y a bien quelque chose du spectre à la Derrida dans cette rupture ancienne entre l'université et l'école, entre l'académique et le professionnel qui hante encore le projet d'ÉSPÉ.

Votre rapporteur a pu constater lors des déplacements de la mission en académie que cette collaboration essentielle entre UFR et ÉSPÉ au service d'une formation intégrée restait encore largement en chantier, malgré certaines réussites locales incontestables . Il faut parvenir à dépasser la situation latente de concurrence entre composantes qui freine la coopération.

Des régimes très différents d'interaction prévalent d'une académie à l'autre selon l'importance de l'IUFM par le passé, selon la force des universités . Même entre des académies assez comparables comme Versailles et Créteil ou Lyon et Toulouse, on retrouve des oppositions très significatives. D'un côté, la mastérisation a définitivement placé les universités dans une situation de force, de l'autre, des IUFM très actifs, bien dotés par le passé et porteurs d'une culture d'autonomie très forte tentent de se perpétuer dans les nouvelles ÉSPÉ. Une certaine inertie historique prolonge les tensions anciennes .

Nul ne sous-estime la transformation profonde, complexe et parfois douloureuse, qu'implique localement la réforme engagée par le gouvernement. Selon l'expression du directeur de l'école de Toulouse, la création des ÉSPÉ oblige à un « travail de deuil » ceux qui n'ont pas su développer des liens de confiance depuis l'intégration des IUFM à l'université en 2008 ou la mastérisation en 2010 : certaines universités doivent procéder à des arbitrages financiers et abandonner des formations ou leur ambition d'être seules aux commandes, certains anciens IUFM doivent aussi renoncer à leurs habitudes et à leur autonomie historique.

Dans certaines universités, les UFR travaillent déjà en bonne intelligence avec les ÉSPÉ au service du projet commun. L'antériorité de la collaboration et du dialogue entre l'IUFM et les universitaires est un facteur important de facilitation de la réforme . L'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand, qui présente un modèle harmonieux de coopération sans trace de défiance, en constitue un excellent exemple. En concertation avec le rectorat et l'université, les équipes avaient déjà très fortement fait évoluer le cadre des IUFM, en ouvrant un master en 2004, en avance sur le droit existant et appuyé sur un laboratoire de recherche fort.

Pour autant, aucune tradition de travail en commun ne prémunit contre toutes les tensions et ne dispense d'une concertation constante. Elle ne doit pas non plus contribuer à minorer la nouveauté du projet d'ÉSPÉ qui doit aller au-delà des anciens IUFM. Le risque existe là où peu de tensions se manifestent de simplement prolonger le partage existant de la responsabilité des formations, ne serait-ce que pour respecter les délais très courts de mise en place et assurer aux étudiants une préparation aux concours solide.

Votre rapporteur retient l'analyse de Sophie Genelot sur l'exemple concret de l'ÉSPÉ de l'académie de Dijon, située dans une académie monouniversitaire, où l'intégration de l'IUFM s'est bien déroulée :

« La répartition des contributions a été reconduite sur la base d'une collaboration ancienne et positive avec les UFR, qui assuraient par le passé la préparation aux concours du second degré, l'IUFM assurant entièrement les masters PE et CPE et contribuant de façon assez importante (300 h sur les deux années) à la formation didactique -disciplinaire- et professionnelle -transversale- des masters enseignants du second degré.

Les différents acteurs avaient dressé le bilan à la fin des trois années de mise en oeuvre de la première vague de mastérisation : plus que d'une collaboration et d'articulation réelle des différents contenus, il s'agissait davantage de contenus "accolés" et de partenaires qui "se côtoyaient" et intervenaient de façon "parallèle" dans la formation.

Les nouvelles maquettes de 2013 n'ont pas permis d'avancée majeure ou de saut qualitatif de ce point de vue, car les différentes contraintes de la réforme de 2013 (délai très court d'élaboration des maquettes, élaboration à la fois des cursus et création d'une nouvelle structure, réduction des horaires d'enseignement dans les masters en raison de l'instauration d'une alternance très lourde en M2) ont plutôt conduit les différents partenaires à aménager "à la marge" les maquettes 2010. De fait, la place de la recherche n'est pas à la hauteur de ce que l'on pourrait attendre d'un niveau master ; elle est sacrifiée notamment au bénéfice de la préparation au concours. » 22 ( * )

Outre les contrastes géographiques déjà évoqués, il convient de relever des contrastes disciplinaires , certains champs se révélant plus ou moins propices à l'intégration des dimensions professionnelles. Le directeur de l'ÉSPÉ de l'académie d'Aix-Marseille, au cours de son audition le 3 avril 2014, s'est réjoui d'officier au sein d'une grande université fusionnée pluridisciplinaire, car pouvait s'y croiser un large panel de points de vue sur la formation. Les professeurs de médecine pouvaient aider à faire partager à leurs collègues de lettres et sciences humaines l'intérêt d'une professionnalisation progressive au cours de la formation.

2. La construction souhaitable d'une culture d'école et l'enjeu du tronc commun de formation

Telle que l'a dessinée le législateur, l'ÉSPÉ nouvelle n'est pas simplement une construction juridique et administrative chargée de fédérer diverses formations. Elle doit devenir un lieu de dépassement des contradictions idéologiques entre les IUFM et les universités. Pour cela, il faut parvenir à les doter progressivement d'une identité propre et à bâtir un esprit d'école que chacun partage au-delà des métiers, des cultures et des pratiques administratives .

C'est la conviction de votre rapporteur, qui ne peut que se féliciter de la voir partagée par bon nombre d'acteurs. À Lyon, par exemple, tant le directeur de l'ÉSPÉ que le président du conseil de l'école ont pointé l'écueil d'une ÉSPÉ virtuelle qui ne serait pas véritablement porteuse d'un projet. Pour emprunter les mots de Patrick Rayou, il faut trouver les voies et les moyens de faire émerger « la culture commune nécessaire à des institutions qui forment des enseignants, dans lesquelles ceux-ci se rencontrent, travaillent ensemble, créent des savoirs professionnels en même temps qu'ils en reçoivent, et aussi créent des appartenances. » 23 ( * )

Le sentiment d'appartenance à l'ÉSPÉ doit être développé par une inscription à l'ÉSPÉ de tous ses étudiants, parallèlement à leur inscription à l'université. Très concrètement, cette solution permettrait aussi de disposer des coordonnées de tous les étudiants pour les informer directement sans passer par les universités.

Dans cette perspective de constitution d'une culture propre d'école avec un fort sentiment d'appartenance, on peut s'interroger sur certaines initiatives. L'université de Cergy-Pontoise, établissement intégrateur de l'ÉSPÉ de l'académie de Versailles, a constitué en son sein un institut d'éducation qui a pour mission prioritaire de contribuer à la mise en oeuvre des missions assignées à l'ÉSPÉ. Selon l'article 1 er de ses statuts, il offre des formations initiales en licence, master et doctorat, des formations en alternance, mais aussi des possibilités de formation continue, et il développe la recherche en éducation. L'institut d'éducation met en oeuvre des formations dans le cadre des quatre mentions MEEF de l'ÉSPÉ. Il participe à l'action culturelle, à la formation de formateurs et aux relations internationales de l'ÉSPÉ. Dans ce cadre, et sous la coordination de l'ÉSPÉ, il collabore avec les UFR de l'université de Cergy-Pontoise ainsi qu'avec les autres composantes des universités de l'académie. Doté d'un conseil et d'un directeur, l'institut d'éducation pourrait passer pour une réplique de l'ÉSPÉ de l'académie de Versailles.

Lors de leur audition commune, le 3 avril 2014, le recteur de l'académie de Versailles, la directrice de l'ÉSPÉ et les cinq présidents d'université concernés ont approuvé l'installation de cette composante. On peut comprendre l'intérêt d'une telle construction, qui permet de préserver la spécificité des apports de l'université de Cergy-Pontoise et de l'ex-IUFM. Cette initiative peut être de nature à apaiser les tensions dans un contexte très sensible de concurrence entre les universités. Elle renvoie également à une demande de préservation d'une culture institutionnelle. De ce point de vue, elle est légitime.

Toutefois, l'articulation entre l'institut et l'ÉSPÉ n'est pas nette et l'on pourrait craindre une perte de sens et de substance de l'ÉSPÉ. En d'autres termes, il faut prendre garde à ce que cette solution à des problèmes organisationnels ne prévienne pas l'émergence d'une culture commune au niveau de l'ÉSPÉ qui puisse être partagée par tous, et consolider la formation des futurs enseignants.

Quelles que soient les structures et les procédures administratives, l'émergence d'une culture d'école nécessitera surtout l'effacement de la dichotomie inscrite dans les parcours de formation des enseignants du premier et du second degré . Cet objectif n'est pas facile à réaliser dans la mesure où le clivage mis en cause est un héritage de la constitution des écoles normales face à l'université et reflète aussi différentes approches du métier, plus polyvalente et globale dans le premier degré, plus portée par l'exigence de la transmission disciplinaire dans le second.

De fait, la formation disciplinaire des professeurs des écoles est encore trop exclusivement assurée dans les ÉSPÉ par les enseignants du second degré des ex-IUFM qui, se sont formés au public du premier degré grâce à leurs collaborations avec les maîtres-formateurs. Parallèlement, il faut regretter l'insuffisance des recherches en didactique spécifiques au premier degré. La mission retient les pistes avancées par Marie Mégard 24 ( * ) pour atténuer la dichotomie :

- faire préciser à l'employeur Éducation nationale les besoins de complémentarité entre le primaire et le secondaire, notamment sur le cycle de transition CM2-6 e ;

- constituer des viviers de formateurs polyvalents capables de travailler auprès de futurs enseignants du premier comme du second degré.

Néanmoins, c'est par l'établissement de véritables troncs communs de formation au sien des maquettes que l'on parviendra à développer une culture professionnelle partagée entre le primaire et le secondaire. D'ores et déjà, de nombreuses ÉSPÉ ont non seulement pris conscience de l'enjeu mais aussi mis en place des modules intéressants et innovants.

L'enquête réalisée entre décembre 2013 et janvier 2014 par le bureau de liaison du réseau des ÉSPÉ révèle ainsi que :

- deux tiers des écoles ont mis en place un tronc commun ;

- dans 44 % des cas, le tronc commun permet un mélange des étudiants des mentions 1, 2 et 3 du master MEEF 25 ( * ) ;

- 17 % en moyenne du temps de formation est consacré au tronc commun, avec une prédominance de travaux dirigés.

Dans l'académie de Lyon , la mission a pu constater que les équipes avaient relevé le défi de la création de cadres communs pour tous les parcours MEEF du premier et du second degré. Un bloc de formation a été mis en place sur les différents sites avec le même contenu. En M1, il rassemble les compétences de base en psychologie de l'enfant, en sociologie, en philosophie de l'éducation, ainsi que le module pour agir en fonctionnaire de l'État responsable. Il représente quatre fois 12 heures sur un volume de 600 heures. C'est certes moins de 10 % mais cela constitue un premier pas. D'après le directeur de l'ÉSPÉ de l'académie de Lyon, il est difficile de faire plus dans l'immédiat en raison d'un manque de psychologues et de philosophes compétents et disponibles. Les enseignements sont liés aux situations de classe et prennent en compte la perspective du concours. En M2 l'année prochaine, pour les admis au concours, il est prévu de travailler sur l'égalité entre les hommes et les femmes, sur la morale laïque, sur la violence scolaire et sur l'éducation à la santé. Un approfondissement en psychologie de l'enfant et de l'adolescent sera également possible. Les étudiants devront choisir quatre thématiques pour un volant de 48 heures.

Dans l'académie de Dijon , depuis 2010, les masters avaient déjà été construits au niveau de l'université de Bourgogne en incorporant un tronc commun à tous les masters préparant aux métiers d'enseignant du premier et du second degré comme de CPE. Ce tronc commun constituait la dimension proprement professionnelle de la formation et comprenait la didactique des disciplines enseignées, les sciences humaines et sociales appliquées à l'éducation et les stages.

L'ÉSPÉ de l'académie d' Aix-Marseille a choisi de proposer un tronc commun à géométrie variable. Selon son directeur 26 ( * ) , la maquette a été construite « à l'envers », à partir de mises en situation sur le terrain en abordant une problématique commune sous différents angles. Ainsi, la gestion du handicap n'est pas appréhendée au cours d'une conférence mais en évoquant concrètement les différentes manières dont la question de l'accueil d'un élève handicapé peut se poser pour un professeur de dessin, de lettres, etc. En M2, le tronc commun pourra s'appuyer sur l'accueil dans les établissements scolaires et les échanges entre les futurs enseignants sur leur expérience de stage. À nouveau, il s'agira de partir de situations concrètes et de croiser les points de vue entre professionnels de l'éducation en formation.

D'après les données recueillies auprès de la directrice de l'ÉSPÉ de l'académie de Créteil , trente modules prennent en compte des compétences transversales de façon à stabiliser un socle de culture commune. Il s'agit d'un authentique élargissement par rapport à l'offre de l'ancien IUFM. La psychologie de l'enfant et les sciences cognitives sont mobilisées. Des modules de sensibilisation aux enjeux de mixité et de laïcité sont prévus. La prévention du décrochage scolaire, qui constitue une des traits distinctifs de l'académie par l'ampleur du phénomène, est traitée grâce à l'appui des enseignants-chercheurs du centre ESCOL de l'université Paris VIII. L'approche du phénomène de la violence scolaire repose sur la collaboration avec l'Observatoire universitaire international de l'éducation et de la prévention, créé au sein de l'université Paris-Est Créteil en septembre 2011.

Enfin, en s'appuyant sur la réflexion menée dans l'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand , votre rapporteur recommande de ne pas construire un tronc commun rassemblant les principes pédagogiques en opposition à un tronc disciplinaire . Malgré les difficultés opérationnelles, il faut travailler sur le transfert et l'intégration entre ce qui est enseigné dans le tronc commun et ce qui est enseigné dans le disciplinaire et le didactique. La construction de la culture commune pourrait utilement progresser dans l'année de stage, en construisant un lien entre les deux tuteurs scolaire et universitaire de l'étudiant. Faire en sorte que les tuteurs universitaires puissent aller dans les établissements serait un pas en avant important .

3. Des équipes pluricatégorielles de formateurs à conforter

La refondation de l'école a mis l'accent sur la mise en place d'équipes pluricatégorielles d'intervenants et de formateurs au sein des ÉSPÉ afin de dépasser le modèle des IUFM pour assurer le mélange cohérent et progressif de perfectionnement disciplinaire et de développement des compétences professionnelles. C'est également un enjeu essentiel pour diffuser une culture professionnelle commune entre tous les acteurs et préparer les futurs enseignants aux mutations du système éducatif, qu'il s'agisse de la pénétration croissante du numérique ou de la participation grandissante des collectivités territoriales. Comme l'ont rappelé Claude Fabre et François Louveaux, « ce chantier est à relier aussi avec la volonté, largement exprimée lors de la concertation, d'offrir aux enseignants des possibilités de mobilité professionnelle, d'évolution de carrière. Par ailleurs, ces formateurs seront, dans leurs écoles et établissements des ressources, des relais pour la rénovation pédagogique de grande ampleur, partagée par tous, que la situation exige. » 27 ( * )

Les ÉSPÉ doivent relever le défi de la présence effective des personnels des écoles, des établissements, des services rectoraux, y compris des chefs d'établissements et des inspecteurs, mais aussi des représentants associatifs et de l'éducation populaire. Dans un rapport de janvier 2013 28 ( * ) , les inspections générales regrettaient la participation insuffisante des professionnels de terrain aux enseignements délivrés en IUFM, en particulier pour le second degré, en constatant un lien de plus en plus distendu entre les professeurs agrégés et certifiés et le fonctionnement des classes. De l'aveu de nombreux acteurs rencontrés au cours de la mission, les équipes de formateurs ne sont pas encore vraiment plurielles et des adaptations doivent être réalisées pour assurer la mixité, voire la fusion entre l'éducation nationale et l'enseignement supérieur . Il est important à cette fin que le vivier de formateurs bénéficie d'une véritable animation, afin qu'il fasse corps au sein de l'ÉSPÉ.

Le vivier de formateurs à la disposition des ÉSPÉ peut être divisé en deux catégories : les formateurs de statuts divers (enseignants-chercheurs, professeurs des écoles, certifiés...) qui sont l'héritage des IUFM et un certain nombre de formateurs en service partagé entre l'université et un établissement scolaire . Même si la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l'école de la République a prévu la reprise des moyens humains des anciens IUFM afin de garantir la continuité du service public et de protéger les personnels, la mise en oeuvre du projet novateur des ÉSPÉ nécessite des mouvements importants d'adaptation des ressources humaines .

Certaines ÉSPÉ ont déjà tracé des pistes. L'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand a modifié 27 % de ses ressources humaines et vise un équilibre de trois tiers : un tiers d'enseignants-chercheurs, un tiers d'enseignants des premier et second degrés à plein temps à l'ÉSPÉ, un tiers de professionnels de terrain en service partagé.

Plus généralement, ainsi que le note la CPU, « les deux viviers de formateurs sont appelés à se renouveler et à évoluer dans deux directions : d'une part, les ÉSPÉ devront étoffer leurs ressources en enseignants chercheurs pour faire face aux défis d'une formation de niveau master ; d'autre part, elles devront accueillir en plus grand nombre des formateurs conservant un exercice professionnel (une ou plusieurs classes) du type de celui auquel nous formons les étudiants. » 29 ( * )

Dans la première direction, le mouvement de recrutement d'enseignants-chercheurs pour rééquilibrer l'effectif est déjà en marche dans certaines ÉSPÉ, comme celle de l'académie de Créteil. La balance ne doit pas cependant trop pencher du côté de l'enseignement supérieur et la contribution de l'éducation nationale doit parallèlement être maintenue. À cet égard, on peut signaler l'effort du rectorat de Toulouse qui a accordé à l'ÉSPÉ 20 postes : 15 équivalents temps plein (ETP) pour le second degré et 5 ETP pour le premier degré. Ces données sont à comparer avec l'enquête du bureau de liaison du réseau des ÉSPÉ qui constate une mise à disposition par les rectorats en moyenne de 4 ETP sur le premier degré et de 3 ETP sur le second degré. L'affectation à temps complet de personnels de l'éducation nationale dans l'ÉSPÉ pourrait être complétée par une astreinte à un retour périodique à temps complet sur le terrain pour prendre régulièrement le pouls de l'évolution des élèves et de la vie des établissements.

Dans la seconde direction, il faut réfléchir aux modalités de repérage et de mise à disposition des formateurs professionnels venus du terrain. L'erreur à ne pas commettre réside dans le recrutement de « formateurs de terrain » hors-sol, qui n'auraient plus que des liens nominaux avec les écoles et les établissements. On peut irriguer les formations de l'ÉSPÉ et leur apporter son expérience sans faire partie de son personnel permanent. C'est pourquoi il est utile de recourir à des professeurs en poste devant leurs classes qui exercent une part de leur service dans les ÉSPÉ pour un temps donné.

Cette solution déjà pratiquée dans les IUFM, notamment grâce aux professeurs des écoles - maîtres formateurs (PEMF) ou à des dispositifs d'affectation partielle à l'année d'enseignants du second degré, doit être poursuivie et enrichie. Il n'en demeure pas moins que les rectorats rencontrent les plus grandes difficultés à assurer une participation significative des professionnels aux équipes pluricatégorielles intervenant au sein des ÉSPÉ. L'enquête nationale déjà citée conduite par le bureau de liaison du réseau des ÉSPÉ fait apparaître, en M1, une proportion de professionnels (PEMF, formateurs de terrain pour le second degré, IEN, IA-IPR et autres professionnels) encore bien insuffisante, de 20 % pour la mention premier degré à 23 % pour la mention second degré, en-deçà du seuil de 30 % envisagé en rythme de croisière de la réforme. 30 ( * )

Le ministère de l'éducation a engagé une réflexion sur la constitution d'un vivier renouvelé de « professeurs formateurs académiques » (PFA) pour le second degré , disposant d'un statut et de missions propres calqués sur celui de PEMF. Les corps d'inspection ont ainsi été chargés d'identifier des enseignants susceptibles d'intervenir en tant que PFA au sein des ÉSPÉ en étant déchargés de trois à six heures de service en établissement. Par exemple, le rectorat de Créteil met à disposition dix emplois sur des réseaux de tuteurs : l'ÉSPÉ bénéficiera d'environ trente personnes dès la rentrée prochaine qui disposeront du statut PFA. Sont concernées des enseignants du second degré qui travaillent déjà dans l'accompagnement de stagiaires depuis plusieurs années. Le détachement de PFA auprès des ÉSPÉ dépendra de la capacité du rectorat à assurer leurs remplacements dans leurs établissements scolaires.

Les établissements scolaires sont appelés à être constamment associés à la définition des maquettes de formation proposées par l'ÉSPÉ de sorte que leurs innovations et leurs retours d'expérience alimentent les contenus didactiques et les méthodes enseignés aux futurs enseignants. Lors de son audition par la mission d'information 31 ( * ) , Catherine Gay-Boisson, proviseure du lycée Emmanuel Mounier à Angers, a ainsi insisté sur le fait que « les établissements ne doivent pas être simplement [...] des fournisseurs potentiels de lieu de stage » et que la formation devait être centrée « dès le départ sur la réalité des situations dans les établissements ». Elle a appelé à « croiser la formation » des tuteurs universitaires et des tuteurs en établissement.

L'intervention accrue des professionnels de terrain dans les cursus de formation aura d'autant plus d'effet que ceux-ci auront été formés . La question de la formation des formateurs devra être prise à bras le corps par les universités et par l'éducation nationale pour garantir la pérennité et la qualité de la formation professionnelle dispensée dans les ÉSPÉ.

De la même manière qu'enseigner est un métier qui s'apprend, former est également un métier qui s'apprend . Pour l'instant, les intervenants issus de l'éducation nationale sont généralement recrutés sur la base de leur seule expertise d'enseignement. On peut partager le scepticisme de Sophie Genelot lorsqu'elle estime qu'« il ne suffit pas d'être un bon professeur repéré par les corps d'inspection pour être un bon formateur. » Aussi importante soit l'expertise d'enseignement, « elle ne peut suffire à intervenir auprès d'étudiants des masters Enseignement, si ce n'est seulement sous la forme d'une transmission de "bonnes pratiques" -ou plus exactement de pratiques conformes aux exigences institutionnelles du ministère- à laquelle pourrait se réduire leur intervention, qui s'apparenterait à un compagnonnage insuffisamment distancié. » 32 ( * )

Il semble nécessaire de faire accéder au niveau du master davantage de formateurs , une possibilité complémentaire étant, comme à Clermont-Ferrand, de réfléchir à la création d'un diplôme universitaire visant les formateurs de terrain .

Par ailleurs, la participation des mouvements d'éducation populaire aux formations dispensées dans les ÉSPÉ , dont le législateur avait clairement exprimé le souhait lors des débats sur la refondation de l'école, ne progresse que lentement . Certains dossiers d'accréditation comprennent des déclarations d'intention ambitieuses, mais d'après la Ligue de l'enseignement, « les associations ont plutôt le sentiment qu'il s'agit d'une place à prendre, plutôt qu'une place qui leur est faite 33 ( * )

4. Des initiatives pertinentes d'adossement à la recherche

Le critère le plus net de l'universitarisation demeure la diffusion des acquis de la recherche dans la formation des enseignants. La place de la recherche au sein des ÉSPÉ est garantie par la loi et doit être au moins équivalente à celle qu'elle occupe dans tous les autres masters professionnels, mais il est trop tôt pour mesurer si les ÉSPÉ constitueront un progrès significatif sur les IUFM à cet égard.

Il convient de définir le type de recherches qui peuvent être utilement intégrées aux parcours MEEF. À l'évidence, il s'agit de mettre le futur enseignant dans une posture d'analyse critique et de lui permettre de devenir un praticien réflexif autonome capable de s'adapter aux publics particuliers d'élèves qui lui seront confiés au cours de sa carrière. En résumé, la recherche axée sur les pratiques et les activités dans la classe est la plus utile.

Toutes les conditions ne semblent pas réunies pour la diffusion de la recherche en sciences de l'éducation dans les masters MEEF. En particulier en M 1, la préparation des concours formate considérablement la formation. Les étudiants eux-mêmes sont les premiers à s'inquiéter de tout module ou cours qui ne serait pas directement utile pour passer les épreuves du concours. C'est ce qui a expliqué notamment le mouvement de protestation des étudiants de l'ÉSPÉ de l'académie d'Aix-Marseille au mois de décembre. Il existe une tension irrésolue entre la logique de concours et la logique de recherche qui sont par nature hétérogènes. Pour reprendre les termes de Patrick Rayou, « l'une vise des certitudes, l'autre implique la traversée d'incertitudes. » 34 ( * )

La qualité et l'approfondissement de l'adossement à la recherche de la formation des enseignants sont très variables selon les dossiers d'accréditation . Chaque ÉSPÉ a son projet propre d'articulation entre la recherche et la formation, les ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur n'ayant pas imposé d'approche unique pour tenir compte de la diversité des sites.

Sans la prétention d'établir un panorama exhaustif, la mission s'est vue présenter un échantillon varié d'initiatives. Certains sites comme Clermont-Ferrand ont proposé la mise en place d'un réseau lorsque d'autres s'en remettent à un appel à projets avec un budget alloué collectivement par les établissements partenaires, à l'instar de Besançon.

Le dossier d'accréditation de l'ÉSPÉ de l'académie de Dijon propose la création d'un conseil scientifique en marge du COSP, qui serait composé de représentants des équipes de recherche en éducation et qui serait chargé de définir les axes prioritaires de la recherche en éducation au sein de l'ÉSPÉ. Une ligne budgétaire spécifique dans le budget de l'ÉSPÉ est prévue pour des appels à projets de recherche. L'université de Bourgogne prévoit également l' intégration à l'ÉSPÉ de l'Institut de recherche sur l'éducation (IREDU) , une structure pionnière et de pointe en sociologie et en économie de l'éducation, à compter de septembre 2014. L'expérience passée de collaboration entre l'ex-IUFM et l'université de Bourgogne pour développer la recherche en didactique des disciplines scolaires a montré combien la réceptivité des laboratoires variait d'une discipline à l'autre, les langues étant nettement plus ouvertes que les mathématiques.

Parmi les propositions les plus intéressantes, il faut aussi mentionner la création d'une structure fédérative de recherche (SFR) à Toulouse qui regroupe des unités de recherche des universités partenaires, de l'Inserm, de l'ENFA. Elle travaillera également en association avec le groupement d'intérêt scientifique Serious Games 35 ( * ) , avec le Collectif des associations partenaires de l'école (CAPÉ) de Midi-Pyrénées et avec le Centre Ressources Autisme. Cette structure serait financée par l'ÉSPÉ, une contribution des partenaires et un apport du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

L'enjeu scientifique de la SFR est de mettre en relation des recherches qui d'ordinaire communiquent peu entre elles autour de trois axes : le travail enseignant, les didactiques et l'ingénierie de formation ; la différenciation des parcours et des apprentissages ; les environnements informatiques pour l'apprentissage humain . De cette nouvelle articulation, on peut espérer qu'émergeront de nouvelles connaissances et de nouveaux outils pertinents pour la formation des enseignants. L'articulation avec l'ÉSPÉ serait assurée de plusieurs manières :

- des commandes de recherches et de veille émanant du COSP ;

- une consultation de la SFR, dotée d'un conseil et d'un directoire, pour les recrutements d'enseignants-chercheurs de l'ÉSPÉ ;

- un lien permanent avec une cellule dédiée à l'innovation , créée au sein de l'ÉSPÉ.

Enfin, pour illustrer d'autres modalités de diffusion de la recherche au service de la transformation des pratiques, on peut citer le Centre de valorisation des innovations pédagogiques (CVIP) , qui est en cours d'installation au sein de l' ÉSPÉ de l'académie de Créteil . Il a pour objet la coordination et le développement des projets d'innovations pédagogiques à destination des publics de l'ÉSPÉ. Il s'appuie pour cela sur les centres d'innovation pédagogique et les services d'ingénierie pédagogique des universités intégratrice et partenaires. Cette structure de diffusion de l'innovation, notamment en matière d'utilisation du numérique, doit servir d'appui à la transformation concrète des pratiques. En cheville avec le délégué académique au numérique, elle devrait permettre de faire de certains établissements des lieux de formation reliés directement à l'ÉSPÉ, dans lesquels les changements de pratique demandés par l'avancée des technologies seront expérimentés et analysés.

L'adossement des masters MEEF aux laboratoires de recherche des universités est nécessaire, à la fois pour préparer au mieux les étudiants à élaborés des mémoires solides et pertinents et pour faire évoluer les pratiques professionnelles du corps enseignant à long terme. Mais, il faut immédiatement ajouter un bémol : les troncs communs des deux années de master, par ailleurs surchargées d'un nombre important d'exercices différents, ne peuvent pas suffire pour transmettre et faire assimiler aux étudiants les derniers résultats de la recherche, même réduits à leur application au champ éducatif. Pour tirer profit des travaux en neurosciences, en linguistique, en prévention de la violence, il leur faudrait des bases en psychologie cognitive, en sociologie, en philosophie, qui ne sont justement acquises qu'au niveau du master. C'est dès la licence que ces bases devraient pouvoir être acquises par les étudiants qui se destinent aux métiers du professorat de telle sorte que les masters MEEF puissent construire sur ces acquis et faire de la recherche un catalyseur plutôt qu'un supplément d'âme.

B. LA QUESTION DE L'ÉTABLISSEMENT DE RATTACHEMENT ET DES MOYENS DE L'ÉSPÉ

1. L'enjeu déterminant des modalités de portage de l'ÉSPÉ et de son positionnement dans le paysage universitaire académique

La mise en place des ÉSPÉ est indiscutablement compliquée par la reconfiguration du paysage universitaire dans plusieurs académies , en raison des regroupements opérés par la voie soit des communautés d'universités et établissements (Toulouse, Lyon, Grenoble, Paris, Lille...), soit des fusions d'universités (Bordeaux, Aix-Marseille, Strasbourg, Lorraine...) Dans ces conditions, se pose la question du rattachement de la composante ÉSPÉ à l'université historique d'intégration de l'IUFM (Lyon I - Claude Bernard, Toulouse II - Jean Jaurès, Paris IV, par exemple), ou à la communauté (Lille, Montpellier, Rennes). De ce rattachement dépend la capacité de mutualisation des moyens entre établissements partenaires en matière de formation des enseignants.

Sur les 30 ÉSPÉ créées par arrêtés à la rentrée 2013, on distingue principalement cinq cas de figure en termes de positionnement par rapport à l'offre universitaire territoriale :

- trois ÉSPÉ ont d'ores et déjà été constituées en composantes d'une COMUE qui préfigure la fusion des universités qui en sont membres fondateurs :


• l'ÉSPÉ de l'académie de Lille avec la COMUE « Université Lille Nord de France ». Un service de gestion et d'appui a été constitué par l'université d'Artois, intégratrice de l'ex-IUFM, afin d'accompagner le transfert de la gestion de l'ÉSPÉ à la COMUE (redéploiements, reversements de postes d'encadrement administratif à la COMUE...) dès le 1 er janvier 2015. La fusion des trois universités de Lille a, en outre, été annoncée comme un objectif au terme du prochain contrat quinquennal (2015-2019) 36 ( * ) ;


• l'ÉSPÉ de l'académie de Montpellier avec la COMUE « Université Montpellier Sud de France ». La création de la « nouvelle université de Montpellier », issue de la fusion des universités Montpellier I et Montpellier II, a été approuvée par les conseils d'administration concernés le 22 mai 2014 et devrait intervenir le 1 er janvier 2015 ;


• l'ÉSPÉ de l'académie de Rennes avec la COMUE « Université européenne de Bretagne ». Le projet de fusion des universités Rennes I et Rennes II en une université de Rennes a été validé par leurs conseils d'administration respectivement les 14 et 18 mars 2014 ;

- quatre ÉSPÉ ont été constituées en composantes d'une « grande université » résultant d'une fusion d'établissements et pour lesquelles le transfert de l'ÉSPÉ à une structure de coopération supplémentaire (notamment une COMUE) ne sera étudié que dans un second temps : c'est le cas des universités de Strasbourg, de Lorraine, de Bordeaux et d'Aix-Marseille. Trois de ces universités sont déjà parties prenantes ou en voie de participer à des regroupements universitaires (COMUE ou association) dans leurs académies respectives :


• l'université de Strasbourg est chef de file de la coordination territoriale de l'offre d'enseignement supérieur et de recherche dans l'académie de Strasbourg, dans le cadre d'une convention d'association d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche, au sens de l'article L. 718-16 du code de l'éducation, avec l'université de Haute-Alsace à Mulhouse, l'Institut national des sciences appliquées (INSA) de Strasbourg, la bibliothèque nationale et universitaire (BNU) de Strasbourg, l'École nationale du génie de l'eau et de l'environnement (ENGEES) de Strasbourg et l'École nationale supérieure d'architecture (ENSAS) de Strasbourg ;


• l'université d'Aix-Marseille envisage de conclure une convention d'association avec l'université d'Avignon et des Pays de Vaucluse ;


• l'université de Bordeaux fait partie de la communauté d'universités et établissements d'Aquitaine, avec comme autres membres fondateurs l'université Bordeaux III, l'Institut polytechnique de Bordeaux, l'Institut d'études politiques de Bordeaux et l'École nationale supérieure des sciences agronomiques (ENSSA) de Bordeaux Aquitaine, et comme membre associé, notamment, l'université de Pau et des Pays de l'Adour. Les statuts de l'ÉSPÉ de l'académie de Bordeaux prévoient son élévation au rang de composante de la COMUE d'Aquitaine ;

- neuf ÉSPÉ ont été constituées en composantes de l'université qui accueillait historiquement en son sein l'IUFM mais qui est, d'ores et déjà, partie prenante d'une COMUE académique . Pour un grand nombre de ces universités, l'opportunité d'élever l'ÉSPÉ au rang de composante mutualisée au niveau de la COMUE peut être sérieusement envisagée à moyen terme, d'autant que, dans certains cas, la COMUE préfigure la fusion des universités qui en sont membres fondateurs (Clermont-Ferrand et Grenoble, à l'image de Lille, Montpellier et Rennes, qui ont déjà élevé l'ÉSPÉ au niveau de la COMUE). Les ÉSPÉ concernées sont les suivantes :


• l'université Lyon I (COMUE « Université de Lyon », qui rassemble notamment les trois universités lyonnaises et l'université de Saint-Étienne - Jean Monnet) ;


• l'université Clermont-Ferrand II (COMUE « Clermont Université », qui compte parmi ses membres l'université Clermont-Ferrand I - Blaise Pascal). Les présidents des universités clermontoises préparent une fusion à l'horizon 2015-2016 ;


• l'université de Cergy-Pontoise (COMUE « Université Paris Grand Ouest », que l'université Versailles-Saint-Quentin en-Yvelines a quittée en 2013 pour se rapprocher du campus Paris-Saclay) ;


• l'université Toulouse II (COMUE « Université fédérale de Toulouse », qui rassemble notamment l'université Toulouse I - Capitole, l'université Toulouse III - Paul Sabatier et le centre universitaire de formation et de recherche Jean-François Champollion). L'ÉSPÉ, provisoirement rattachée à l'université Toulouse II - Jean Jaurès, devrait être transformée dans un délai d'un an et demi en composante de la COMUE ;


• l'université Grenoble I (COMUE « Université de Grenoble », qui compte également parmi ses membres fondateurs l'université Grenoble II - Pierre-Mendès-France, l'université Grenoble III - Stendhal et l'université de Savoie-Chambéry). La fusion des trois universités grenobloises est prévue pour 2016 ;


• l'université Paris IV (COMUE « Sorbonne Universités », qui comprend également l'université Paris VI - Pierre-et-Marie-Curie, l'université Paris II - Panthéon-Assas s'étant retirée du regroupement à la rentrée 2013) ;


• l'université de Nantes (COMUE « Nantes Angers Le Mans », dont font partie l'université d'Angers et l'université du Mans) ;


• l'université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (COMUE « Université Paris-Est », qui compte aussi parmi ses membres l'université Paris-Est Marne-la-Vallée) ;


• l'université d'Orléans (COMUE « Centre - Val de Loire Université », dont fait partie l'université de Tours) ;

- dix ÉSPÉ ont été constituées en composantes d'universités parties prenantes à des COMUE inter-académiques ou transfrontalières , pour lesquelles il est difficilement envisageable d'élever l'ÉSPÉ au rang de composante de la COMUE compte tenu de l'exigence de proximité de l'offre de formation des maîtres sur des territoires aussi étendus (parfois insulaires, cf. l'académie de Corse) :


• l'ÉSPÉ de l'académie de Caen et l'ÉSPÉ de l'académie de Rouen sont rattachées respectivement à l'université de Caen et à l'université de Rouen, qui font partie de la COMUE « Normandie Université », qui compte également parmi ses membres l'université du Havre ;


• l'ÉSPÉ de l'académie d'Amiens et l'ÉSPÉ de l'académie de Reims, sont rattachées respectivement à l'université d'Amiens et à l'université de Reims, qui font partie de la COMUE interacadémique dénommée « Université fédérale européenne Champagne Ardenne Picardie » ;


• l'ÉSPÉ de l'académie de Besançon et l'ÉSPÉ de l'académie de Dijon sont rattachées respectivement à l'université de Franche-Comté et à l'université de Bourgogne, qui font partie de la COMUE « Université de Bourgogne Franche-Comté » ;


• l'ÉSPÉ de l'académie de Poitiers et l'ÉSPÉ de l'académie de Limoges sont rattachées respectivement à l'université de Poitiers et à l'université de Limoges, qui font partie de la COMUE « Limousin Poitou-Charentes », qui compte également parmi ses membres l'université de La Rochelle. Fin mai 2014, les établissements des régions Centre, Poitou-Charentes et Limousin ont annoncé réfléchir à la création d'une COMUE non fusionnelle tri-régionale ;


• l'ÉSPÉ de l'académie de Nice et l'ÉSPÉ de Corse sont rattachées respectivement à l'université de Nice Sophia Antipolis et à l'université Corte de Corse, qui avaient constitué un « pôle de recherche et d'enseignement supérieur euro-méditerranéen » 37 ( * ) , auquel participent également l'université Sud-Toulon-Var, l'université de Gênes et l'université de Turin, ainsi que l'université Paris VI, et qui a vocation, selon les membres fondateurs, à devenir un groupement européen de coopération territoriale (GECT) 38 ( * ) ;

- quatre ÉSPÉ sont situées en outre-mer :


• l'ÉSPÉ de l'académie de La Réunion rattachée à l'université de La Réunion ;


• deux ÉSPÉ aux Antilles, soit l'ÉSPÉ de l'académie de la Guadeloupe et l'ÉSPÉ de l'académie de la Martinique, aujourd'hui composantes de l'université des Antilles et de la Guyane (UAG), qui ont vocation à être rattachées ensemble à l'université des Antilles, à la suite de la scission de l'UAG, à la rentrée 2014 ;


• l'ÉSPÉ de l'académie de la Guyane, aujourd'hui encore composante de l'UAG, bientôt rattachée à l'université de la Guyane, créée à la rentrée 2014.

Le positionnement de l'ÉSPÉ par rapport à son environnement universitaire académique n'est pas sans conséquence pour le niveau de contribution (en moyens humains et financiers) des établissements partenaires de l'université intégratrice, pour la gouvernance de l'école, pour le statut de ses personnels et pour les conditions d'inscription des étudiants. Il ressort de l'ensemble des auditions et des déplacements effectués par votre mission d'information que l'élévation de l'ÉSPÉ au rang de composante de la COMUE constitue la solution la plus pertinente à terme dans le cas de COMUE rassemblant des universités situées sur un territoire homogène ou servant de tremplin à une future fusion d'établissements , une fois que le projet pédagogique et scientifique aura été suffisamment mûri et que les coopérations entre établissements auront été consolidées.

Cette perspective est clairement assumée par les ÉSPÉ qui ont vocation à devenir une composante forte d'une future université issue d'une fusion, comme c'est le cas des ÉSPÉ d'ores et déjà constituées en composantes des COMUE de Lille, Montpellier et Rennes, mais aussi des ÉSPÉ composantes d'universités membres d'une COMUE et impliquées dans un projet de fusion à terme (Clermont-Ferrand et Grenoble). Votre mission d'information estime que l'élévation de l'ÉSPÉ au rang de composante de la COMUE devrait également s'imposer dans le cas des COMUE de Lyon-Saint-Étienne et de Toulouse, même si les universités qui en sont membres n'envisagent pas une fusion dans un avenir proche.

Il apparaît que les ÉSPÉ rattachées à une université dans une académie comportant d'autres établissements réunis au sein d'une COMUE sont les plus en difficulté pour présenter un budget de projet cohérent et solide permettant de mettre en avant clairement l' apport interuniversitaire .

L'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand fait figure, à cet égard, d'exception, dans la mesure où l'équipe de direction a démontré une grande capacité d'anticipation à travers la mise en place d'une gouvernance cohérente associant de façon très étroite l'ensemble des établissements partenaires, et en particulier l'université Clermont-Ferrand I, en actant très tôt le principe de fusion en vue de la création d'une seule université de Clermont-Ferrand.

Pour sa part, le rectorat de l'académie de Lyon oeuvre pour un rattachement à terme de l'ÉSPÉ, aujourd'hui composante de l'université Lyon I, à la COMUE « Université de Lyon ». Toutefois, cette évolution institutionnelle nécessitera un délai de réflexion et de concertation entre l'ensemble des acteurs concernés. La collaboration interuniversitaire sur le projet de l'ÉSPÉ a significativement progressé puisque plusieurs parcours de formation du MEEF se déroulent dans les autres universités que l'université intégratrice. Néanmoins, les étudiants continuent d'être inscrits à l'université au sein de laquelle ils suivent la plus grande partie de leur formation, ne permettant pas à l'ÉSPÉ de disposer d'une vision consolidée immédiate de l'ensemble des étudiants suivant ses enseignements.

À l'instar de nombreux autres IUFM, l'IUFM de Lyon était doté d'une forte autonomie pédagogique et financière, qui se traduisait par des moyens sanctuarisés parfois considérables et des fonds de roulement généreux. Le processus d'intégration de l'institut à l'université Lyon I en 2007 a constitué un moment délicat et a fait l'objet de crispations qui se sont de nouveau manifesté lors de l'élaboration du budget prévisionnel, si bien que les partenaires ne sont pas parvenus à établir un budget de projet.

Une des principales craintes manifestées par les responsables de l'université Lyon I à l'idée d'une élévation de l'ÉSPÉ au rang de composante de la COMUE réside dans les incertitudes qui pèsent sur la pérennisation des moyens de l'école . En effet, ils redoutent, au sein d'une COMUE d'une vingtaine de membres, dont seulement quatre universités, qu'une majorité de partenaires se dégage pour freiner le développement de l'ÉSPÉ. Votre mission d'information a relevé un attachement presque « sentimental », et compréhensible dans une certaine mesure, de l'université Lyon I à sa spécialisation historique en matière de formation des enseignants.

Le manque de coordination entre les universités lyonnaises dans la mise en place des parcours de formation est pourtant préjudiciable à la lisibilité de l'offre de formations de l'ÉSPÉ, celle-ci devant négocier ses maquettes avec quatre vice-présidents de conseil des études et de la vie universitaire (CEVU des universités Lyon I, II, III et de Saint-Étienne). On dénombre 35 parcours de formation sur l'ensemble de l'académie, dont quatre spécifiquement dédiés à la formation des futurs professeurs des écoles : le parcours principal se déroule au sein de l'université Lyon I, mais l'université Lyon II en propose deux et l'université Lyon III un. L'éclatement de la formation des professeurs du premier degré interroge, d'autant que les enseignements des parcours à Lyon II et Lyon III sont assurés à 80 % par des formateurs de Lyon I. La nécessité pour les enseignants d'être présents sur une multitude de sites (Lyon I, II et III et les autres sites académiques tels que Bourg-en-Bresse dans l'Ain, Saint-Étienne dans la Loire et Villeurbanne dans le Rhône) constitue une lourde contrainte, à l'origine de souffrances pour une partie du personnel.

Les universités partenaires ont encore trop tendance à considérer l'ÉSPÉ comme une composante universitaire ordinaire et ne tiennent pas suffisamment compte de la dimension de projet académique fédérateur qu'elle se doit de porter. Les établissements ne semblent pas avoir pris, à ce stade, la pleine mesure des enjeux de pilotage académique coordonné , de mutualisation des fonctions support (encore trop souvent assumées jusqu'ici par des enseignants de Lyon I en sus de leur service pédagogique) et de fédération des potentiels de recherche en matière de sciences de l'éducation (les conditions d'intervention au titre de la recherche d'enseignants-chercheurs issus de différents laboratoires sont encore mal évaluées).

D'une façon générale, afin de permettre aux ÉSPÉ de disposer d'une vision consolidée de leurs besoins, pour la construction d'un budget de projet solide et cohérent, il convient, dans un premier temps, de clarifier les conditions d'inscription des étudiants aux parcours de formation des enseignants . À cet égard, une centralisation de l'inscription pédagogique de l'ensemble de ces étudiants au niveau de l'ÉSPÉ , complétée par une inscription administrative à l'UFR partenaire concernée, semble incontournable. Il est indispensable, en effet, que l'ÉSPÉ puisse avoir connaissance des adresses électroniques de tous les étudiants concernés afin de pouvoir leur communiquer des informations aussi cruciales que les dates d'examens, de concours, les changements de salles de cours...

Dans d'autres cas, le positionnement de l'ÉSPÉ par rapport à la COMUE est apparu problématique, comme l'illustre le cas du rattachement de l'ÉSPÉ d'Aquitaine à l'université de Bordeaux, issue de la fusion des universités Bordeaux I, Bordeaux II et Bordeaux IV à compter du 1 er janvier 2014. Son administratrice provisoire, Martine Jaubert, a en effet regretté devant la mission d'information que l'ÉSPÉ ait été rétrogradée au niveau d'une simple composante de la nouvelle université alors qu'il était initialement envisagé qu'elle soit considérée comme un collège de formation.

À la lecture des statuts de la nouvelle université de Bordeaux, il apparaît que l'ÉSPÉ, bien qu'elle soit effectivement identifiée comme unité opérationnelle à l'instar des autres composantes de formation (UFR, unités ou départements de formation...), fait l'objet d'un chapitre distinct au même titre que les instituts universitaires de technologie (IUT), compte tenu de leur statut spécifique. Le président de la nouvelle université de Bordeaux a rappelé que l'ÉSPÉ avait, du reste, le même niveau de prérogatives que les collèges 39 ( * ) et que son directeur fait partie du bureau exécutif réunissant les directeurs de collège. En outre, les statuts de l'ÉSPÉ prévoient son rattachement à terme à la COMUE entre l'université de Bordeaux, l'université Bordeaux III et l'université de Pau et des Pays de l'Adour.

2. La question cruciale des moyens

Conformément à l'article L. 721-3 du code de l'éducation, « chaque école supérieure du professorat et de l'éducation dispose, pour tenir compte des exigences de son développement, d'un budget propre intégré au budget de l'établissement public dont elle fait partie ». À l'instar des écoles et instituts régis par l'article L. 713-9 du même code, il est précisé que les ministres compétents ont la faculté de « lui affecter directement des crédits et des emplois attribués à l'établissement public », c'est-à-dire de flécher au profit de l'ÉSPÉ, au sein de la dotation globale attribuée aux universités, les moyens humains et financiers que le Gouvernement estime nécessaires pour assurer une politique de formation des enseignants de qualité. L'article L. 721-3 précité prévoit également que « le directeur de l'école prépare un document d'orientation politique et budgétaire », présenté aux instances délibératives des établissements partenaires de l'ÉSPÉ. Ce document a vocation à présenter un projet collectif de site accompagné d'un « budget de projet », permettant d'agréger l'ensemble des ressources mises en commun par les établissements partenaires en faveur de la formation des enseignants, mission dont l'ÉSPÉ est chargée d'assurer la maîtrise d'ouvrage.

Plusieurs ÉSPÉ ont fait état d'une diminution substantielle de leur budget de fonctionnement par rapport aux ressources de l'IUFM, pouvant aller dans certains cas jusqu'à - 30 %. Elle s'explique, selon les responsables des masters MEEF, par des arbitrages financiers opérés par le conseil d'administration de l'université intégratrice au nom de la nécessaire répartition des moyens entre composantes dans un cadre budgétaire contraint (Toulouse II - Jean Jaurès, Bordeaux, Aix-Marseille...). Il apparaît que la faculté de fléchage des moyens au profit des ÉSPÉ ouverte par l'article L. 721-3 du code de l'éducation n'a pas été formellement exercée par les ministres pour une série de raisons :

- les autorités ministérielles n'ont pas souhaité recourir à un dispositif de fléchage contraignant, jugé contradictoire avec l'autonomie budgétaire dont disposent les universités. Une intervention ministérielle directe dans la gestion de leurs ressources aurait constitué un signal d'autant plus négatif que de nombreux établissements d'enseignement supérieur sont confrontés à des situations financières délicates qui se traduisent par des redéploiements de postes, voire des gels dans les recrutements. Les présidents d'université soit renvoient l'État à sa responsabilité dans l'insuffisance des moyens attribués globalement aux universités pour justifier des arbitrages en défaveur de certaines ÉSPÉ, soit ont mis en avant les fonds de roulement substantiels accumulés par certains IUFM ;

- les ministres ont préféré confier aux recteurs le soin de veiller à la préservation des postes lors de la transformation des IUFM en ÉSPÉ (par la voie de la concertation avec les présidents d'université en cas de situation défavorable à l'ÉSPÉ). La sanctuarisation des supports budgétaires correspondants à ces postes (la mobilité d'une personne qui exerce son droit d'option lors de la transformation IUFM-ÉSPÉ ne doit pas induire, théoriquement, de mobilité du poste) constitue l'un des principes fondamentaux de la mise en oeuvre des ÉSPÉ, réaffirmé par l'administration et les services académiques lors de l'examen des dossiers d'accréditation. Toutefois, le respect strict de ce principe doit s'apprécier au regard de la situation particulière de chaque université et, en particulier, du niveau de coopération des UFR disciplinaires avec l'ÉSPÉ et de la capacité des partenaires à élaborer un budget de projet cohérent.

Dans une note de service en date du 17 juin 2013, la directrice générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle a rappelé aux présidents d'université et aux recteurs d'académie qu' « afin d'assurer la réussite de ces écoles et de la formation des futurs enseignants, il est indispensable que les moyens actuels des IUFM soient affectés à la mise en place des futures ÉSPÉ, qu'il s'agisse des moyens budgétaires ou des ressources humaines. Il devrait en être de même pour les moyens actuellement consacrés à cette mission dans les UFR et les services académiques ». Afin de prévenir un climat de compétition entre composantes d'une même université ou entre universités partenaires au sein d'une même académie pour l'obtention de financements au titre des étudiants accueillis en master MEEF, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a pris soin de déconnecter, dans le cadre du système théorique d'allocation des moyens à la performance et à l'activité entre universités (SYMPA), le financement de l'activité de l'ÉSPÉ du lieu d'inscription administrative des étudiants en master MEEF .

Ces directives ont été renforcées par une note de service de la DGESIP, en date du 12 novembre 2013, qui a fourni un cadre d'interprétation aux dispositions de l'article 83 de la loi de refondation de l'école, relatif aux conditions de transfert des personnels des IUFM vers les ÉSPÉ et au droit d'option de ces personnels : « les agents qui exercent leurs fonctions dans les instituts universitaires de formation des maîtres à la date de leur dissolution sont appelés à exercer dans les écoles supérieures du professorat et de l'éducation, dans le respect des dispositions statutaires qui leur sont applicables et sous réserve de leur accord, sans préjudice de l'article L. 719-6 dudit code. » La directrice générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle rappelle que « le principal objectif de cet article est donc la pérennisation des équipes de personnels des anciens IUFM au sein des nouvelles ÉSPÉ. » Dans ces conditions, le droit d'option « doit s'analyser comme relevant d'un droit à la mobilité des personnels et non pas comme un transfert d'emploi ».

Dans un courrier en date du 10 mars 2014, adressé par le ministre de l'éducation nationale et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche aux présidents d'université, aux recteurs d'académie et aux directeurs d'ÉSPÉ, il est clairement indiqué qu' « il est donc indispensable que les moyens affectés aux ex-IUFM soient a minima préservés dans les budgets propres intégrés des ÉSPÉ, notamment les emplois, afin d'anticiper les perspectives d'accroissement notable des flux et de prendre en compte les caractéristiques de ces masters professionnels préparant à l'enseignement et aux métiers de l'éducation et de la formation ». Ils ont précisé, toutefois, que ces emplois peuvent « ne pas être tous pourvus à un moment T, si les besoins d'enseignement et d'encadrement ne le justifient pas et que certains enseignants risquent d'être en sous-service. Ils doivent pouvoir être pourvus dès que cela devient nécessaire ».

En outre, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de l'éducation nationale se sont accordés, en mars 2014, sur le principe d'une inscription pédagogique obligatoire dans l'ÉSPÉ de tous les étudiants préparant un master MEEF , applicable « quelle que soit la configuration universitaire de l'académie », en soulignant qu' « il est de la responsabilité des présidents des universités partenaires de tout mettre en oeuvre pour que ce principe soit respecté dès la prochaine rentrée universitaire ». Il est rappelé que la centralisation par l'ÉSPÉ de la totalité des inscriptions pédagogiques en master MEEF est incontournable afin que les directeurs d'ÉSPÉ disposent de « données fiables sur les inscriptions dès le mois d'octobre de chaque année universitaire ». Ils ont indiqué que, néanmoins, « cette inscription pédagogique pourrait être doublée sans démarche administrative supplémentaire de la part de l'étudiant » 40 ( * ) .

Conformément à l'article L. 713-9 du code de l'éducation, l'IUFM bénéficiait d'une large autonomie financière, avec des moyens fléchés et sanctuarisés par les ministères de tutelle. Toutefois, depuis la mise en oeuvre des responsabilités et compétences élargies (RCE) dans le cadre de la « loi LRU », le budget de chaque université est désormais globalisé . L'université perçoit une subvention de l'État à partir du système de répartition des moyens à la performance et à l'activité (SYMPA), charge à elle par la suite de répartir en interne cette dotation entre ses différentes composantes. Une nouvelle contrainte pour les IUFM est apparue dans les années récentes, avec l'inscription de certains étudiants en master MEEF dans d'autres établissements que l'université intégratrice de l'institut.

Afin de surmonter ces difficultés et d'assurer un financement soutenable de l'ÉSPÉ, l'établissement d'un contrat d'objectifs et de moyens entre la composante, l'université intégratrice, les établissements partenaires et le rectorat est incontournable . Ce document devrait permettre d'établir les déclarations de charges et les dépenses incompressibles de la composante , afin de pouvoir en déduire le niveau des dotations qui lui sont fléchées et de ses ressources propres. C'est à partir de ce document, fondé sur des données comptables et financières objectives, que peut être déterminé le niveau de la contribution d'équilibre.

Votre groupe de travail souhaite revenir sur les conditions d'élaboration des budgets de projet de plusieurs ÉSPÉ, afin d'identifier les principales difficultés rencontrées et les pistes d'amélioration envisageables :


• L'ÉSPÉ de l'académie de Lyon :

Le vice-président chargé des moyens de l'université Lyon I indique que, sur le budget total de l'ÉSPÉ s'établissant à 1,2 million d'euros, près de 973 000 euros sont apportés par la seule université intégratrice, 274 000 provenant des autres établissements partenaires. Au sein de ce budget intégré de composante ne figure pas la masse salariale, qui s'élève pour l'ÉSPÉ à 16,6 millions d'euros gérés au niveau du budget global de l'université intégratrice. Pour l'université Lyon I, la dépense liée au glissement vieillesse-technicité est évaluée entre 700 000 euros et 900 000 euros pour l'ÉSPÉ, sur une masse salariale globale de l'université de 210 millions d'euros.

Les universités partenaires n'intègrent pas nécessairement le fait que l'université hôte de l'ÉSPÉ supporte seule des charges de fonctionnement pour des activités pourtant mutualisées . À titre d'exemple, le site de la Loire à Saint-Étienne, dont l'université Lyon I assume l'intégralité des charges de fonctionnement, est fréquenté presque exclusivement par des étudiants provenant des universités partenaires.

Le principal défi dans la constitution d'un budget de projet soutenable et sincère réside dans la capacité des établissements partenaires à s'entendre sur la définition d'un mécanisme d'optimisation du potentiel enseignant afin de tirer pleinement profit des gisements d'efficience. Dans le cas de l'ÉSPÉ de l'académie de Lyon, on constate que le personnel de formation devrait permettre de délivrer 48 000 heures d'enseignement, soit un potentiel d'enseignement supérieur aux 47 000 heures de charges d'enseignement nécessaires identifiées en fonction des besoins étudiants constatés. Or, le contrôleur de gestion de l'université Lyon I a fait observer que 6 000 heures complémentaires avaient été dépensées dans le cadre de l'ÉSPÉ.

Une autre difficulté, particulièrement handicapante, résulte de l' absence de socle de calcul commun entre universités partenaires dès lors que la comptabilité analytique n'a pas encore été généralisée au sein des universités françaises , contrairement aux prescriptions réglementaires. La dotation de fonctionnement de l'IUFM devait théoriquement être calculée sur la base de cinq critères applicables aux autres composantes universitaires :

- un retour sur les droits d'inscription : la composante devait se voir reverser 90 % des frais acquittés par ses étudiants ;

- une dotation d'activité, fonction du nombre d'étudiants présents aux examens ;

- les dotations complémentaires résultant de la réussite aux appels à projet ;

- une dotation contractuelle négociée chaque année dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens (COM) ;

- une dotation d'heures complémentaires en fonction de l'écart entre le potentiel enseignant disponible et les charges d'enseignement identifiées.

Or, il apparaît, dans le cas de l'ÉSPÉ de l'académie de Lyon, que la dotation allouée par l'université au budget propre intégré de la composante, de 973 000 euros, reste bien supérieure à la dotation qui aurait découlé de l'application stricte du modèle (713 000 euros). En outre, le contrôleur de gestion a relevé que les taux d'exécution budgétaire de l'IUFM étaient traditionnellement faibles . Alors que l'objectif de dépenses correspond à 92 % d'exécution budgétaire en dépenses de fonctionnement (taux moyen constaté pour l'ensemble des composantes) et à 99 % en dépenses salariales, l'IUFM affiche des taux d'exécution budgétaire qui oscillent entre 80 % et 88 %. Sur les ressources propres, les taux d'exécution se sont établis à 79 % en 2010 et 84 % en 2011 et 2012. Cette situation, qui complique singulièrement la justification de la dépense, pénalise l'université dans ses négociations dans l'élaboration du budget de projet avec les établissements partenaires qui peuvent arguer du risque que leurs contributions, si elles sont mal évaluées, ne seraient en définitive pas consommées.

La mise en place d'une comptabilité analytique, qui permettrait de consolider les données budgétaires, d'évaluer précisément le coût d'un étudiant en master MEEF et de le comparer au coût moyen d'un étudiant en master, dépend à la fois du niveau de maîtrise des outils d'analyse prospective comptable et financière par les gestionnaires de l'établissement et de la volonté politique manifestée par l'équipe dirigeante. La COMUE devrait constituer, logiquement, le cadre le plus pertinent afin de définir un référentiel de calcul partagé.

À l'évidence, les présidents des universités accueillant une ÉSPÉ devront s'efforcer d'intégrer pleinement cette composante, bien que particulière et dérogatoire, dans son modèle d'allocation interne des moyens, selon des critères transparents. À terme, l'ÉSPÉ doit pouvoir justifier ses charges de fonctionnement à partir du coût objectivé de ses étudiants, quitte à ce que celui-ci soit pondéré par des coefficients qui permettent de prendre en compte des contraintes particulières (une recherche disparate et éclatée, d'où la difficulté à consolider les individualités de recherche liées aux activités de l'ÉSPÉ en l'absence d'unités de recherche qui lui seraient spécifiquement adossées, l'équilibre à assurer entre les dimensions professionnelle, disciplinaire et de recherche du master MEEF, accueil des étudiants sur quatre sites sur l'ensemble de l'académie, une mission spécifique de partage de la culture scientifique 41 ( * ) ...)


• L'ÉSPÉ de l'académie de Toulouse :

La mise en place de l'ÉSPÉ de l'académie de Toulouse a été compliquée par une série de tensions autour du schéma de gouvernance de la nouvelle structure . Les acteurs de la réforme doivent désormais « faire le deuil » de leurs belles réussites individuelles qui constituent, du reste, un héritage appréciable et l'atout principal du dossier : l'IUFM de l'université Toulouse II, jusqu'ici particulièrement puissant et bien structuré, avec à sa disposition d'importants moyens et des locaux de bonne qualité, avait réussi la performance de dépasser l'éclatement traditionnel entre les formations des enseignants des premier et second degrés ; l'université Toulouse III était parvenue, de son côté, à mettre en place un master de formation des enseignants du second degré de belle facture...

Il s'agit pour les établissements partenaires de dépasser maintenant des rivalités historiques 42 ( * ) et leurs visions stratégiques respectives afin de dessiner ensemble un horizon fédérateur. L'habilitation provisoire accordée à l'ÉSPÉ de l'académie de Toulouse a précisément pour objectif d'inciter l'ensemble des acteurs de la réforme à s'entendre sur la gouvernance et le modèle économique. Le dossier de l'ÉSPÉ acte le principe de son élévation au rang de composante de la COMUE, en précisant que son rattachement fonctionnel provisoire à l'université Toulouse II n'empêche pas le développement d'une maîtrise d'ouvrage confiée à la COMUE avec un comité stratégique et un pilotage assuré de concert par la rectrice et les présidents des universités partenaires.

Il convient de rappeler que l'ÉSPÉ de l'académie de Toulouse dispose d'un héritage solide et d'un savoir-faire exceptionnel qui lui permettent de se positionner en pointe sur différents champs de formation :

- l' école normale d'apprentissage lui permet de proposer des formations techniques dont l'excellence est largement reconnue, dans des champs de compétences nouveaux (exemple : cuisine collective, culture et didactique disciplinaire...) ;

- grâce à une gamme de formations et de parcours aussi diversifiée, l'ÉSPÉ est en mesure de proposer la quatrième mention du master MEEF en formation des formateurs autour de trois parcours. Elle fait partie des 17 ÉSPÉ habilitées à ouvrir cette quatrième mention ;

- l'ÉSPÉ a mis en place une structure fédérative de recherche (SFR) regroupant une vingtaine de laboratoires afin de faire émerger une masse critique de recherche en sciences de l'éducation. Plus de 200 enseignants-chercheurs issus de différentes unités de recherche ont accepté de participer à ce projet et d'aider à l'organisation de séminaires d'études et de colloques. Cette structure fédère non seulement des laboratoires mais également des partenaires de terrain : rectorat, associations pédagogiques, branches pédiatriques de l'hôpital universitaire... Elle constitue une interface originale entre les chercheurs et les professionnels de terrain confrontés aux problèmes de l'éducation spécialisée.

Les débats entre l'université intégratrice et les établissements partenaires se sont concentrés sur la juste répartition des contributions. La focalisation sur les moyens de l'IUFM, considéré par l'équipe dirigeante de l'université intégratrice comme une structure historiquement sur-dotée, et sur le droit d'option de ses personnels explique une série d'antagonismes entre les acteurs, à l'origine d'un démarrage difficile . L'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) a estimé, dans un rapport fin 2013, que l'ÉSPÉ disposait des moyens d'accueillir ses étudiants et même de se développer : par une série de redéploiements, elle devrait être en mesure de s'ajuster à ses besoins propres, sous réserve qu'elle évolue dans le périmètre de fonctionnement décrit par le rapport de l'IGAENR, qui suppose la restitution de onze postes d'enseignants et d'une vingtaine de postes de personnels ingénieurs, administratifs, techniques, ouvriers et de service (IATOS).

Le président de l'université Toulouse II insiste sur le décalage entre l'importance des moyens et le fort niveau d'encadrement dont dispose l'IUFM par rapport aux autres composantes de l'établissement. Il indique que le coût d'un étudiant de l'ÉSPÉ est presque deux fois supérieur à celui d'un étudiant inscrit dans une autre composante. Si on peut raisonnablement justifier une partie du différentiel observé par le poids des contraintes organisationnelles et matérielles que suppose une formation dispensée sur plusieurs sites académiques éloignés, il faut demeurer vigilant face aux dépenses non justifiées.

Le fait d'intégrer un IUFM fortement doté en emplois et en crédits a pu être pénalisant pour un certain nombre d'universités à dominante « lettres et sciences humaines » (LSH) 43 ( * ) : dans le cadre de la dotation globale calculée selon le modèle SYMPA, l'université était bien souvent identifiée comme sur-encadrée en raison du poids de l'IUFM, ce qui laissait peu de marge de manoeuvre pour une redistribution d'une partie de la subvention de l'État en faveur des autres composantes. À cette situation, s'est ajoutée, ainsi que le souligne le président de l'université Toulouse II, la contrainte de l'université intégratrice d'assurer le développement de l'ÉSPÉ en restituant ce qu'elle s'était efforcée de mutualiser et globaliser (en raison de la non-augmentation de la subvention de l'État pendant des années), ce qui a été perçu par l'équipe dirigeante de l'établissement comme une « double peine ».

Dans ces conditions, la présidence de l'université a pris la décision, fortement critiquée, de procéder à des redéploiements d'emplois, dont les supports relevaient de l'IUFM, vers d'autres composantes identifiées comme déficitaires en postes. Des prélèvements et des gels de postes ont été opérés sur l'ex-IUFM (comme cela s'était, du reste, produit sous le mandat des présidents précédents), de même qu'un prélèvement d'un million d'euros sur le budget de fonctionnement de l'institut. L'annonce de ces mesures a coïncidé avec la communication d'une augmentation significative du nombre d'inscriptions à l'ÉSPÉ. Cet affichage contradictoire n'a pas manqué de mettre une partie des personnels « sous tension ».

Le président de l'université Toulouse II a souligné que le potentiel d'enseignement avait été évalué, au sein de l'ÉSPÉ, à 60 000 heures. Il a relevé qu'en dépit de situations de sous-service correspondant à près de 20 000 heures, 15 000 heures complémentaires avaient dû être consenties pour mener à bien les enseignements de l'ÉSPÉ. La mise en place d'une véritable politique de gestion prospective était traditionnellement entravée par l'absence d'outils permettant d'anticiper les besoins réels de la structure et la persistance d'un certain nombre de résistances , traversées par des logiques de défense des sites territoriaux et des postes. L'administration de l'IUFM n'avait pas, jusqu'ici, partagé la même culture de redistribution interne des moyens et de gestion prévisionnelle qui prévalait au sein de l'université.

Si la rectrice reconnaît les problèmes de décharge de service et de décalage entre les moyens et les besoins réels de l'ex-IUFM, elle a rappelé, à juste titre, que tous les problèmes ne pouvaient être raisonnablement réglés dans des délais aussi courts. Le développement au sein de l'ÉSPÉ d'une culture de gestion prévisionnelle et soutenable, à la fois ambitieuse et responsable, prendra un certain temps. Il convient de rétablir, dans un premier temps, la sérénité et la confiance de l'ensemble des personnels dans la pertinence d'un projet solide et cohérent au service de la formation des futurs enseignants, dans un esprit de collaboration et de mutualisation des forces avec les établissements partenaires. À cet égard, la rectrice plaide pour un rattachement de l'ÉSPÉ à la COMUE le plus rapide possible, idéalement dès l'ouverture de l'exercice budgétaire 2015.

Il est à souligner que le rectorat doit assumer, en tant qu'employeur, une partie non négligeable des dépenses engagées par le budget de projet de l'ÉSPÉ, notamment la prise en charge des frais de transport des stagiaires. Or, il ne dispose pas des moyens correspondants.


• L'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand :

L'ÉSPÉ d'Auvergne dispose d'une équipe ambitieuse et motivée, avec des cadres administratifs de haut niveau, capable de mettre en oeuvre une politique proactive de gestion du changement , afin que le service rendu aux étudiants gagne en efficacité et en qualité.

L'histoire riche de l'IUFM de Clermont-Ferrand explique que la réforme ait pu être réalisée sans doute plus naturellement que dans d'autres académies. L'IUFM s'inscrivait dès 2004 dans une dynamique universitaire forte, en anticipant la mastérisation avec l'ouverture d'un master, alors même que ce n'était pas la vocation de l'institut. Il a mis sur pied un laboratoire de recherche à fort potentiel, qui a été converti en équipe d'accueil en 2006 et a obtenu la note « A + » lors de sa dernière évaluation par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES). Un deuxième master, international, a été créé à cette même date, en partenariat avec l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), de même que quatre parcours de formation pour adultes. En 2010, l'institut a ouvert un master en sciences de l'éducation qui permet, par exemple, d'approfondir la recherche dans des domaines spécifiques comme l'éducation spécialisée.

Dans ces conditions, l'IUFM a basculé naturellement sur l'organisation universitaire. Consciente de l'importance des vocations à susciter dès la licence, l'ÉSPÉ a accordé une place particulière, au sein de sa gouvernance, aux UFR des deux universités de Clermont-Ferrand.

En termes de modèle économique, l'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand surprend par la solidité de son budget de projet, fondé sur une vision analytique de ses recettes et de ses dépenses, à partir d'une détermination en coûts complets de la formation. La principale difficulté, bien identifiée par l'école, concerne d'ailleurs le manque de visibilité sur les moyens disponibles, compte tenu du contexte général de financement contraint des universités et de la planification de certaines charges lourdes (fluides, pyramidage des emplois...), qui supposent une forte capacité prospective afin d'optimiser les dépenses.

À l'instar des autres académies, l'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand a bâti un budget de projet sur deux principes :

- le maintien, au cours des cinq prochaines années (2013-2018), des moyens consentis à la formation des enseignants par l'ensemble des partenaires (ministères, rectorat, universités et autres établissements impliqués dans le projet) ;

- l' adaptation progressive des moyens à la montée en charge de l'ÉSPÉ en termes de déploiement de son offre de formation et d'accroissement des effectifs étudiants . À ce titre, l'ÉSPÉ devrait pouvoir compter sur des postes supplémentaires prélevés sur la part affectée à la région Auvergne des 1 000 postes à créer au sein du ministère de l'éducation nationale pour la formation des maîtres et la part affectée aux universités clermontoises des 1 000 postes à créer au sein du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, à hauteur de 2 % de ces créations de postes compte tenu du poids de l'académie dans les effectifs enseignants et étudiants (soit 20 postes consentis par ministère).

Dans leur dossier d'accréditation, les porteurs du projet précisent que « le budget de l'ÉSPÉ fédère les participations de l'ensemble des partenaires à la mise en oeuvre de l'offre de formation présentée dans ce projet. Il intègre le budget de la composante ÉSPÉ et s'articule autour de lui. Chaque partenaire reste néanmoins totalement maître de la mobilisation des budgets qu'il affecte au projet. Il s'agit bien d'un budget de projet, centré sur un axe spécifique des politiques publiques : la formation aux métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation ».

Le budget global de l'ÉSPÉ a ainsi été fixé à 18,55 millions d'euros pour 2013 et se décompose de la façon suivante :

- le budget de la composante ÉSPÉ, principalement alimenté par l'apport de l'ex-IUFM, évalué à près de 10,5 millions d'euros en 2012 et qui devrait être maintenu à l'identique pour les cinq prochaines années ;

- les financements consentis par les partenaires :

. les services centraux de l'université intégratrice, à hauteur de 2,2 millions d'euros ;

. les UFR de langues, lettres et sciences humaines, de sciences et technologie et de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), à hauteur de 1,1 million d'euros ;

. l'université d'Auvergne (Clermont-Ferrand I), à hauteur de 0,19 million d'euros (montant prévisionnel de la participation à l'horizon 2018) ;

. la communauté d'universités et établissements « Clermont Université », à hauteur de 0,26 million d'euros ;

. le rectorat, à hauteur de 4,5 millions d'euros ;

. les collectivités territoriales (montant de la participation non évalué : seuls les conseils généraux se sont jusqu'ici impliqués dans le financement de l'IUFM, les communes et les communautés d'agglomération ayant participé au financement des sites d'Aurillac, de Clermont-Ferrand et Chamalières, de Moulins et du Puy-en-Velay).

À terme, au niveau de la gouvernance, l'ÉSPÉ sera placée au coeur du collegium de langues, lettres et sciences humaines de la future université fusionnée, qui devrait être dénommée « Clermont-Auvergne » . Dans une logique de mutualisation des moyens qui suppose la capacité pour l'établissement de dégager des marges de manoeuvre au sein de son budget global afin d'améliorer l'efficience du service public, l'ensemble des composantes seront appelées à contribuer à la mise en oeuvre d'un projet commun partagé. Si chacune des 23 composantes de la future université tient un discours d'autonomie et de défense de « pré-carrés », dans le cadre d'un budget global hyper-fragmenté, l'unité du projet d'établissement n'aura plus de sens. Seul un dialogue de gestion formalisé par la conclusion de contrat d'objectifs et de moyens (COM) entre les responsables de composante et l'équipe dirigeante de l'université permettra de consolider les principes fondamentaux de projet d'établissement partagé et de budget globalisé .

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III. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA PROFESSIONNALISATION DE LA FORMATION AUX MÉTIERS DE L'ENSEIGNEMENT ET DE L'ÉDUCATION

A. LES CONDITIONS D'UNE ORGANISATION OPTIMALE DES PARCOURS DE FORMATION

1. Passer de l'alternance juxtapositive à l'alternance intégrative et articuler efficacement le stage en responsabilité et la formation théorique

La définition de l'offre de formation au sein des ÉSPÉ doit garantir la cohérence des parcours à deux niveaux : elle doit surmonter la dichotomie entre les enseignements du tronc commun et les formations disciplinaires ou spécialisées ; elle doit articuler la formation dispensée dans un cadre universitaire et la formation prolongée par l'activité professionnelle du fonctionnaire stagiaire au sein d'établissement scolaire.

Auparavant, les deux temps de la formation universitaire et de la pratique en établissement se succédaient et ne faisaient l'objet d'aucune coordination. Le défi principal consiste donc précisément à substituer à l' « alternance juxtapositive », identifiée traditionnellement comme le mauvais démon des formations de l'éducation nationale par la dissociation de l'acquisition des savoirs et des savoir-faire et de leur application, une « alternance intégrative », qui permette de croiser les points de vue et de faire de la structure de formation des futurs enseignants un établissement apprenant , nourri en permanence des retours d'expérience en milieu scolaire .

Le renforcement de la formation en alternance au sein des ÉSPÉ répond à une exigence de préprofessionnalisation qui permet d'éviter la dérive du « 4+1 », c'est-à-dire de segmenter la formation des enseignants en quatre années exclusivement centrées sur le parcours universitaire et une année de mise en pratique sans aucun retour réflexif sur les méthodes pédagogiques. Il convient d'être particulièrement vigilant sur cet élément fondamental de la réforme puisqu' il s'agit de ne pas faire de l'échec au concours le seul filtre des vocations : la découverte du milieu professionnel, en première année de master voire dès la deuxième ou troisième année de licence permet à l'étudiant de se faire une idée plus précise de ce qui serait attendu de lui en tant qu'enseignant et de consolider ainsi son projet professionnel .

Reste que concentrer la formation alternée des futurs enseignants sur les deux années du master constitue une véritable difficulté, à laquelle il n'est possible de répondre que par une plus grande souplesse et un élargissement de la préprofessionnalisation à la licence, conformément aux propositions formulées par le groupe de travail sénatorial créé en 2012 et présidé par votre rapporteur. Considérer que la formation alternée, combinant des temps didactique et professionnalisant, peut tenir sur la période du master repose sur le postulat que la spécialisation disciplinaire aura été acquise dans le cadre de licence. Or, l'heure est aujourd'hui au renforcement de la dimension pluridisciplinaire de la licence. Si cette évolution favorise l'acquisition des prérequis pluridisciplinaires pour les candidats au concours de professeurs des écoles, elle est logiquement moins pertinente pour les étudiants qui entendent présenter les concours du second degré, qui réclament une forte spécialisation disciplinaire. Il n'est pas certain que le niveau optimal de formation disciplinaire ait été atteint à l'issue de la licence pour les jeunes qui se destinent à être professeurs en collège ou en lycée. Dans le même temps, il convient de garder à l'esprit que la spécialisation disciplinaire n'est pas acquise une fois pour toute, et nécessitera un renforcement des exigences en matière de formation tout au long de la carrière .

Les conseils de perfectionnement , déjà mis en place par un certain nombre d'ÉSPÉ, permettront de réunir une grande variété d'acteurs (usagers, enseignants-chercheurs et enseignants de l'ÉSPÉ et des UFR partenaires, enseignants du rectorat, enseignants en exercice en établissement scolaire, acteurs socio-économiques, acteurs de l'éducation populaire, culturelle et artistique...) dans le cadre d'une réflexion commune sur l'évolution du contenu des formations de chaque mention du master MEEF. Ces conseils pourront utilement associer des enseignants et des étudiants de licence afin de faciliter la mise en place de continuums de formation.

Un certain nombre de représentants des organisations syndicales ont indiqué à votre groupe de travail que des disparités substantielles en termes de volume horaire consacré à la formation théorique pouvaient être observées d'une ÉSPÉ à l'autre. Ils ont fait état d'écarts de 80 à 200 heures de cours de didactique pour les maquettes de formation des professeurs des lycées professionnels (PLP), et ont dénoncé une diminution de 30 % à 50 % des horaires de formation théorique pour les maquettes en sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS). Ils considèrent que l'organisation de la seconde année de master autour d'un stage à mi-temps en établissement contraint de façon excessive le temps restant disponible pour la formation didactique et disciplinaire dont les volumes horaires diminueraient, en moyenne, de 30 % au moins.

Des stages devraient pouvoir cependant être effectués pendant la première année de master, pour une durée de quatre à six semaines, le stage effectué en M2 étant de l'ordre de huit à douze semaines . À l'évidence, plus le concours sera professionnalisé, plus il favorisera la mise en place de stages en responsabilité très tôt dans la formation en master. Comme l'a souligné Antoine Prost, historien de l'éducation, lors de son audition par la mission d'information 44 ( * ) , « le succès des ÉSPÉ se jouera sur la préparation, l'accompagnement, le suivi et l'exploitation des stages ».

Dans une note de service en date du 9 mai 2013 signée de Jean-Michel Jolion, chef du service de la stratégie de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle à la DGESIP, il est rappelé aux porteurs de projet ÉSPÉ et aux responsables des masters MEEF que l'année de M1 devrait comprendre un volume horaire d'enseignement en présentiel de l'ordre de 450 à 550 heures annuelles. Le volume horaire d'enseignement en présentiel pour le M2 devrait, lui, s'élever de 250 à 300 heures annuelles. Le volume total de formation théorique dispensée sur toute la durée du master au sein des ÉSPÉ ne devrait dès lors pas dépasser 850 heures. Ce qui sera perdu en formation théorique (plus de 1 000 heures de formation auparavant, 1 067 heures pour un professeur des écoles par exemple) devrait, néanmoins, être gagné sur le terrain. La diminution du nombre d'heures d'enseignement dispensées en master plaide clairement pour l'établissement d'un continuum de formation de la licence à la formation continue , encore insuffisamment développé par les ÉSPÉ qui sont d'abord concentrées, et c'est bien compréhensible, par la stabilisation du format et de l'organisation du master MEEF.

Les deux présidents du comité interministériel de pilotage de la mise en place des ÉSPÉ, Claude Fabre et François Louveaux, ont rappelé que la maquette des concours a été modifiée, afin de tenir compte des nouvelles exigences de la réforme en matière de professionnalisation, de façon volontariste mais inégalement selon les disciplines. La réussite au concours suppose toujours une forte maîtrise disciplinaire et un haut niveau scientifique. La place du concours au milieu d'une formation professionnalisante modifie le format des épreuves, leur préparation et leurs conditions d'évaluation par les jurys : il s'agit, en complément de la maîtrise scientifique, de mesurer l'aptitude et le potentiel du futur professeur à prendre en compte ce qui sera le coeur de son futur métier, la transmission des savoirs. Trois des quatre épreuves des concours y font désormais explicitement référence. Une préparation efficace suppose de travailler en parallèle les données scientifiques, ce qu'il faudra transmettre et comment, en veillant à ne pas isoler la dimension scientifique d'un côté, et la dimension didactique et pédagogique de l'autre.

Comme l'a souligné Sophie Genelot, maître de conférences à l'institut de recherche sur l'éducation de l'université de Bourgogne, au cours de son audition 45 ( * ) , les masters MEEF sont appelés à être co-portés scientifiquement et pédagogiquement par l'ÉSPÉ et les UFR partenaires , avec des enseignements assurés par chacune des entités mais organisés administrativement et pédagogiquement par la seule ÉSPÉ, responsable de la maîtrise d'ouvrage, dans la gestion des inscriptions, des emplois du temps, des examens, de l'organisation des stages et la mise en place d'un véritable tronc commun regroupant des étudiants de toutes disciplines, de tous niveaux d'enseignement et de tous les métiers de l'éducation.

Or, elle souligne que, dans l'état actuel des maquettes de masters MEEF, la place consentie à la diffusion des acquis de la recherche en éducation (au sens large, y compris la didactique des disciplines scolaires) demeure encore très insuffisante . Elle estime indispensable, par conséquent, de considérer le volume horaire globale de la formation des futurs enseignants au-delà du seul master, en faisant « redescendre », le cas échéant, des contenus de formation dans les cursus .

D'une façon générale, le mi-temps en responsabilité au sein d'un établissement scolaire au cours du M2 a été jugé trop lourd par nombre d'interlocuteurs de la mission d'information :

- le temps de préparation de la classe et les tâches d'évaluation des élèves, incontournables afin que les étudiants assurent correctement leur mission d'enseignement, contraignent significativement l'emploi du temps des fonctionnaires stagiaires . Sophie Genelot a rappelé que, selon les données de la recherche en didactique professionnelle, entre 10 et 15 heures étaient nécessaires pour la préparation d'une heure de cours. Elle souligne alors que « le risque est que, s'ils sont submergés par l'ampleur du travail, ils s'en remettent à des stratégies de "survie" peu formatrices (voire peu conformes aux attentes institutionnelles et certainement pas innovantes, du type : "ouvrez vos livres, lisez la leçon, faites les exercices") ». La responsabilité de l'employeur dans l'organisation optimale de ce mi-temps, dans l'intérêt tant du stagiaire que des élèves, doit être mise en avant. Si les stages en M2 sont considérés par les rectorats comme de simples moyens d'enseignement permettant de palier des carences en enseignants disponibles, il y a peu de chances que l'expérience soit véritablement formatrice. Il convient, en particulier, d'éviter de placer les fonctionnaires stagiaires dans des situations complexes dans lesquelles ils seraient affectés dans plusieurs établissements et à plusieurs niveaux de classe ;

- le temps restant disponible pour permettre aux étudiants d'analyser dans quelle mesure les contenus d'enseignement dispensés dans le cadre du master leur ont apporté (ou pas) des réponses concrètes aux difficultés rencontrées dans leur exercice professionnel reste insuffisant . Il y a fort à penser que le travail de recherche, conduit à partir de l' analyse réflexive des pratiques professionnelles , ne soit réalisé que de façon superficielle par des étudiants déjà fortement accaparés par l'organisation de leur mi-temps et prioritairement préoccupés par leur évaluation et leur titularisation. Sophie Genelot rappelle, ainsi, que « les recherches en didactique professionnelles montrent que la compétence réflexive s'acquiert progressivement et que, pour ce faire, la pratique professionnelle doit s'accompagner de moments, de périodes où celle-ci peut être mise "à distance", où la pratique peut être questionnée sans " danger " pour l'acteur concerné (ici l'étudiant). Or, le fait d'être à mi-temps sur le terrain toute l'année, que cette pratique professionnelle soit déterminante pour leur titularisation (soumise à évaluation par les corps d'inspection) et que l'activité d'analyse qu'on leur demande à son propos au cours de l'année (notamment dans le mémoire professionnel) soit également évaluée n'est pas favorable au développement de cette compétence. Le risque est que le mémoire professionnel soit vécu par les étudiants-fonctionnaires stagiaires avant tout comme un moyen d'évaluation (auquel il faut avoir au moins 10/20 pour avoir le master) que comme un réel moyen de formation et qu'ils y mettent surtout ce qu'ils croient percevoir des attentes institutionnelles plus que leur propre analyse de leur pratique professionnelle ». Or, comme l'a souligné Antoine Prost, le mémoire de recherche doit être envisagé comme l'occasion pour le futur enseignant de porter un regard clinique sur la pratique , la didactique et les méthodes pédagogiques : la recherche doit être en grande partie une « recherche-action », axée sur des activités expérimentées en classe.

2. Tenir compte de la variété des publics étudiants

Le positionnement du concours à la fin de la première année de master pose la question de la prise en charge en M2 des candidats non admissibles au concours, qu'on appelle plus communément les « reçus collés » . Un certain nombre d'étudiants non admissibles ayant validé leur M1 devront être accueillis en M2 sans pour autant être en capacité de suivre le même parcours que les fonctionnaires stagiaires. La très grande majorité des interlocuteurs et des responsables d'ÉSPÉ ont souligné un problème dont la portée semble avoir été mal mesurée.

La part des étudiants de M1 non admissibles qui désirent poursuivre leur cursus en M2 peut nécessiter la mise en place de parcours spécifiques , en fonction de leurs souhaits d'orientation pour ceux qui sont déterminés à travailler dans le secteur de l'éducation : soit une préparation renforcée aux épreuves du concours, soit l'obtention d'un diplôme de master leur permettant de prétendre à un emploi en lien avec l'éducation et le milieu scolaire. L'orientation des candidats non admissibles n'a pour l'heure pas été pensée nationalement.

Dans ces conditions, certains responsables d'ÉSPÉ étudient différentes options à proposer aux étudiants ayant validé leur M1 et qui ne sont pas lauréats du concours :

- soit « redoubler » leur M1 afin de suivre une « prépa concours » intensive pour ceux qui souhaitent présenter de nouveau le concours ;

- soit s'insérer en M2 au prix d'une réorientation vers d'autres métiers du secteur de l'éducation. Le M2 serait alors organisé selon un parcours « en Y » en M2 , piste que semble privilégier le ministère de l'éducation nationale, dont les deux branches seraient les suivantes :

. une première « branche » pour les lauréats du concours en M2, qui correspond à la vocation même du master MEEF à travers la mise en oeuvre du principe d'alternance intégrative ;

. une seconde « branche » qui consisterait à offrir une réorientation sur un ou deux semestres à des effectifs réduits de candidats non admissibles vers des métiers autres que l'enseignement , toujours centrés sur la formation et l'éducation : la médiation scientifique, animateur, éducateur et intervention en activités périscolaires...

Or, il convient de souligner que les formateurs au sein des ÉSPÉ ne sont pas suffisamment préparés à la prise en charge des effectifs étudiants susceptibles de solliciter une réorientation en cas d'échec au concours, en particulier, vers des secteurs dont l'ampleur des débouchés professionnels est encore méconnue. Il existe un véritable risque, en l'absence de directive nationale claire quant à la gestion des effectifs non admissibles, de voir les ÉSPÉ confrontées à l'apparition de cohortes d'étudiants formulant des voeux pour des parcours spécifiques et des passerelles hors concours, au détriment de l'alternance intégrative qu'est censé mettre en oeuvre le M2. Il appartient aux bureaux d'aide à l'insertion professionnelle (BAIP) des établissements concernés d'aider les ÉSPÉ à accompagner les étudiants non lauréats du concours à réexaminer leur projet professionnel et de leur proposer une réorientation vers d'autres voies (éducation, santé...)

À titre d'exemple, le dossier de préfiguration de l'ÉSPÉ de l'académie de Dijon démontre une bonne anticipation de la prise en charge des effectifs ayant achevé leur M1 mais non admis au concours. Les auteurs du dossier appellent, en effet, à « s'assurer de leur motivation réelle à poursuivre dans la voie professionnelle choisie, par un entretien individuel , en s'appuyant également sur les avis des maîtres formateurs collectés pendant les périodes de stage . De toute évidence, leur existence impose la définition d'un sous-parcours spécifique en M2, afin de leur permettre de repasser le concours . Des passerelles devront être créées pour les étudiants qui ne confirment pas leur motivation à poursuivre dans les métiers de l'enseignement (par exemple, réorientation vers d'autres métiers de l'éducation ou de la formation auxquels préparent des masters existants en sciences de l'éducation, en sciences de l'information et de la communication). »

Peut également émerger une quatrième catégorie d'étudiants pour laquelle les ÉSPÉ peuvent se retrouver désarmées : ceux des étudiants non admissibles qui continuent de vouloir devenir enseignant, mais qui refusent de suivre une « prépa concours » intensifiée en M1 et entendent intégrer le M2 . Certaines ÉSPÉ examinent la possibilité de proposer à ces étudiants des vacations, tout en suivant un nombre limités d'unités d'enseignement. Il n'est en tout cas pas envisageable de constituer, au sein même du M2, un parcours de type « prépa concours » pour les étudiants qui auraient échoué au concours en M1 , au risque de remettre en cause définitivement la dimension professionnalisante du master MEEF.

Pour mémoire, à la suite de la mise en oeuvre de la mastérisation, plusieurs IUFM avaient constitué, fin 2010 et début 2011, un « stock » de stages en responsabilité rémunérés de quatre semaines à destination des étudiants non admissibles inscrits en M2 (Créteil, Nancy-Metz...), en dépit d'une circulaire en date du 13 juillet 2010 qui prévoyait que « les stages en responsabilité sont destinés aux étudiants inscrits en M2 et sont prioritairement ouverts aux candidats admissibles aux concours » 46 ( * ) .

En mars 2014, le ministre de l'éducation et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ont appelé, parmi leurs « orientations communes », à la mise en place d'un cursus adapté pour les reçus-collés. Ils préconisent un parcours spécifique susceptible de s'appuyer, au-delà des enseignements disciplinaires, sur les quatre blocs suivants :

« 1. des unités d'enseignement (UE) partagées avec le cursus de formation M2 "alternance - éducation nationale" ;

2. une période de stage dans un contexte professionnel de formation ou d'encadrement des enfants, des jeunes ou des adultes ;

3. des UE spécifiques d'approfondissement qui reposent sur les savoirs, savoir-faire et compétences acquises durant le M1 et qui en proposent un prolongement ;

4. une expérience internationale ou en milieu professionnel. »

3. Diversifier le contenu des maquettes de formation en mettant au diapason l'ensemble des acteurs de l'éducation

Afin d'éviter que les ÉSPÉ ne demeurent trop centrées sur les enjeux universitaires et didactiques et d'inciter à leur ouverture, la loi pour la refondation de l'école établit un certain nombre de prescriptions concernant les nouveaux champs de formation auxquels les futurs enseignants doivent être solidement préparés. L'article L. 721-2 du code de l'éducation, relatif aux missions des ÉSPÉ, précise ainsi qu'il leur revient :

- d'assurer le développement et la promotion de méthodes pédagogiques innovantes, de prendre en compte pour délivrer leurs enseignements les technologies de l'information et de la communication et de former les étudiants et les enseignants à l'usage pédagogique des outils et ressources numériques ;

- d'organiser des formations de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les discriminations, à la scolarisation des élèves en situation de handicap ;

- d'organiser des formations à la prévention et à la résolution non violente des conflits ;

- de préparer les enseignants aux enjeux de l'entrée dans les apprentissages et à la prise en compte de la difficulté scolaire dans le contenu des enseignements et la démarche d'apprentissage ;

- d'organiser leurs équipes pédagogiques de telle sorte qu'elles intègrent des professionnels intervenant en milieu scolaire, comprenant notamment des personnels enseignants, d'inspection et de direction en exercice dans les premier et second degrés ainsi que des acteurs de l'éducation populaire, de l'éducation culturelle et artistique et de l'éducation à la citoyenneté.

Ces prescriptions ne sont pas limitatives, d'autres types de formations pouvant être précisés par le cadre national des formations et le référentiel des compétences des personnels de l'enseignement et de l'éducation. Le cadre national des formations liées aux métiers du professorat des premier et second degrés et de l'éducation rappelle, en effet, clairement qu' « au-delà de la maîtrise des savoirs disciplinaires et des apports de la recherche, [la formation initiale et continue] porte notamment sur les domaines suivants : connaissance des processus d'apprentissage des élèves, prise en compte de la diversité des publics et en particulier des élèves en situation de handicap, méthodes de différenciation pédagogique et de soutien aux élèves en difficulté, connaissance du socle commun et de l'approche par les compétences, processus d'orientation des élèves, spécificités de certains niveaux d'enseignement (école maternelle notamment), méthodes d'évaluation des élèves, laïcité, lutte contre les stéréotypes et culture de l'égalité homme-femme, conduite de classe et prévention des violences scolaires ». Il est d'ailleurs précisé que ces thèmes font partie du tronc commun de formation dispensé à l'ensemble des étudiants se destinant aux métiers du professorat et de l'éducation.

L'enquête nationale précitée, restituée par le bureau de liaison du réseau des ÉSPÉ, relève que, parmi les administrateurs provisoires qui se sont prononcés sur leur appréciation globale de l'organisation de la formation (soit près la moitié des trente administrateurs provisoires), une nette majorité se dégageait pour considérer que « les maquettes de formation et leur organisation générale sont en adéquation avec les attentes de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et des concours de recrutement ».

LES RELATIONS ENTRE LES ÉSPÉ ET LES MAISONS POUR LA SCIENCE

Lors de son audition par la mission d'information 47 ( * ) , Pierre Léna, membre de l'Académie des sciences, a rappelé que les rapports successifs de l'IGAENR, chaque fois plus inquiétants, concluaient à une formation continue des enseignants totalement sinistrée. Une enquête de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l'éducation nationale laissait entendre en 2006 qu'un professeur de collège et de lycée sur deux n'avait jamais suivi une seule session de formation continue dans toute sa carrière. Cette carence en formation continue est d'autant plus préoccupante dans le domaine des sciences, pour lesquelles l'évolution de l'état des connaissances est rapide.

Les maisons pour la science constituent précisément un dispositif de soutien à la formation continue des enseignants en sciences, ciblé sur l'école primaire et le collège. Ces cycles se caractérisent par la très grande homogénéité de leurs enseignements ( quasi -absence d'enseignements optionnels, école du socle commun...) C'est justement à ce niveau que les enseignants semblent le plus éloignés de l'évolution de la connaissance et que se joue également l'égalité des chances.

Dans un premier temps, quatre maisons pour la science ont été créées en collaboration avec des universités : Clermont, Lyon, Toulouse et Strasbourg. Dans le cadre du programme des investissements d'avenir (PIA), cinq nouvelles maisons ont été ouvertes à Orléans, Grenoble, Lille, Rennes et Bordeaux. S'est nécessairement posée la question de l'articulation de ce dispositif avec la réforme de la formation des enseignants et la création des ÉSPÉ. Le PIA prévoit un soutien du dispositif de façon ciblée pour cinq ans, avec la possibilité pour les ÉSPÉ concernées de reprendre à leur compte ce modèle. Chaque université, dans le cadre de son autonomie, pourra décider au terme de ces cinq ans ce qu'elle entend faire de sa maison pour la science, soit la maintenir aux côtés de l'ÉSPÉ, soit l'intégrer à l'ÉSPÉ...

La dotation du PIA consentie au dispositif s'établit à douze millions d'euros sur cinq ans, répartis sur neuf universités. L'Académie des sciences a également sollicité le soutien d'autres fonds de concours, notamment auprès des entreprises, ce qui a permis de collecter près d'un million d'euros supplémentaires pour les quatre maisons initiales. La participation des entreprises à cette action devra être considérablement renforcée après l'extinction de l'apport du PIA.

L'ensemble des maisons proposent près d'une centaine de formations par an. Une fois que les neuf maisons seront opérationnelles, le volume d'enseignants qui passeront par ces formations devrait s'élever à 15 000 jours hommes-femmes par an.

Le développement et la pérennisation de ce dispositif constituent un véritable enjeu d'égalité des chances et des territoires car il demeure particulièrement difficile de bien identifier les territoires et les enseignants qui auraient le plus besoin de ce type de formation, dès lors que les maisons ne peuvent accueillir que des enseignants volontaires.

Les représentants du collectif des associations partenaires de l'éducation (CAPÉ) ont appelé à la prise en compte, dans la définition des projets éducatifs territoriaux (PEDT), de la nécessité pour les enseignants d' « inscrire sa pratique professionnelle dans des dynamiques éducatives territoriales, en lien avec les différent-e-s acteurs et actrices concerné-e-s » 48 ( * ) , qu'il s'agisse des coordonnateurs de PEDT, des agents territoriaux, des travailleurs sociaux, des infirmières scolaires... Si les acteurs de l'éducation populaire saluent les déclarations d'intention ambitieuses d'un certain nombre de dossiers d'accréditation dans le sens d'une plus grande ouverture de la formation des enseignants sur le monde extérieur, ils continuent d'avoir le sentiment qu'il s'agit d'une place à prendre plutôt d'une place qui leur est faite.

À cet égard, le collectif rappelle l'apport significatif de l'expérience et du regard particulier des associations culturelles, artistiques et d'éducation populaire dans différents domaines, notamment pour la résolution pacifique des conflits, la « connaissance des publics et des processus d'apprentissage » et l' « éducation, [la] citoyenneté et [l'] émancipation », que ce soit en lien avec la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, l'éducation aux médias et par le numérique, l'éducation à la santé et à la sexualité, la mobilité européenne ou encore l'éducation à la citoyenneté mondiale...

Le dossier de préfiguration de l'ÉSPÉ de l'académie de Dijon définit ainsi l'école comme « une nouvelle composante universitaire, aux missions étendues en matière de formation et de recherche, et qui doit pouvoir tirer parti de toutes les compétences et forces nécessaires à l'accomplissement de ses missions, qu'elles soient issues des autres composantes et laboratoires de l'université, du monde académique et scolaire, ou des associations, organismes ou structures diverses impliquées dans la formation et l'éducation . » D'autres ÉSPÉ ont entendu réserver une place spécifique aux acteurs de l'éducation populaire au sein même de leurs instances de gouvernance , au niveau du conseil de l'école ou du COSP (Montpellier, Nantes, Grenoble, Lyon).

Certaines ÉSPÉ ont sollicité la participation des associations d'éducation populaire à certains modules de formation : à Poitiers pour les modules relatifs à la construction d'un projet de partenariat, à la démarche de projet et au recueil de données dans le cadre de la mention « Encadrement éducatif » du master MEEF, et à Paris pour les modules « Être enseignant dans l'école » et « Relations avec les parents et partenaires » (notamment pour la préparation d'un entretien avec un parent d'élève).

En matière de maîtrise par les enseignants des mécanismes d'apprentissage des enfants et des facteurs susceptibles de les affecter , on peut relever le bel exemple de l'ÉSPÉ de l'académie de Dijon qui s'appuie sur une unité mixte de recherche (UMR) de psychologie cognitive de l'université de Bourgogne et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) spécialisée dans l'étude des processus d'apprentissage : le laboratoire d'étude de l'apprentissage et du développement (LEAD). Certaines ÉSPÉ proposent également des parcours spécifiques dans le cadre de la quatrième mention du master MEEF « Pratiques et ingénierie de la formation » permettant de prendre en compte les besoins particuliers de certains publics , tels que le parcours « Accessibilité pédagogique, remédiation, inclusion pour les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers » mis en place par l'ÉSPÉ de l'académie de Versailles.

En matière d' éducation à la santé , certaines ÉSPÉ sont déjà très en pointe et participent activement au réseau des universités pour l'éducation à la santé (UNIRéS). L'ÉSPÉ de l'académie d'Aix-Marseille a ainsi proposé une formation à l'outil « ProfÉduS » destiné à tous les formateurs d'intervenants en éducation à la santé en milieu scolaire, en partenariat avec l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES).

La présidente de la mission d'information, Colette Mélot, a souligné l'impérieuse nécessité de sensibiliser les enseignants à l'éducation à l'Europe, à son histoire, à sa diversité culturelle et à la notion de citoyenneté européenne . Dans une résolution européenne en date du 11 avril 2012, adoptée à l'initiative de notre collègue, le Sénat avait défendu l'idée de réunir sous un label unique « ERASMUS » l'ensemble des actions européennes conduites en matière d'éducation, de formation et de jeunesse, afin de favoriser l'émergence chez les apprenants de tous âges d'une conscience d'appartenir à un espace citoyen et culturel commun.

En outre, un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE), présenté le 8 avril 2014, propose de « relancer les dispositifs d'éducation à l'image, au cinéma et à Internet pendant et hors le temps scolaire pour former les jeunes à la compréhension des images et pour leur permettre de comprendre nos systèmes de régulation » 49 ( * ) . Il est relevé, en particulier, une baisse de la participation des enseignants aux formations proposées par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et une insuffisante implication des artistes et des techniciens du cinéma dans ces dispositifs d'initiation au cinéma en milieu scolaire. Par ailleurs, l'importance des problématiques de propriété intellectuelle, de droits d'auteurs et droits voisins, de droit à l'image mais aussi de harcèlement via les réseaux sociaux plaident clairement pour une plus grande sensibilisation des enseignants à la gestion de l'outil Internet et une inscription de l'éducation à Internet et de l'éducation aux médias dans les programmes.

Des actions ponctuelles visant à initier enseignants et élèves à la régulation des conflits par la non-violence ont été conduites au sein de certaines académies avec l'organisation de journées de sensibilisation et de conférences sous l'égide du Mouvement pour une alternative non-violente, notamment à Marseille en décembre 2013. Il convient de noter que le master MEEF offre, en outre, un certain nombre de débouchés, en dehors de l'éducation nationale, à ceux qui souhaitent s'impliquer dans la résolution pacifique des conflits, notamment en tant que chargés de projet auprès d'associations de prévention de la violence.

Toutefois, tant que la résolution non-violente des conflits ne fera pas clairement l'objet d'une évaluation concrète dans le cadre des concours de recrutement, sa prise en compte dans les parcours de formation continuera de dépendre de la bonne volonté de chaque ÉSPÉ.

La formation aux outils et ressources numériques constitue l'autre défi majeur des parcours mis en place par les ÉSPÉ . Jusqu'ici considéré essentiellement comme un simple outil de la transmission des savoirs, le numérique doit désormais être appréhendé comme un fait social et culturel, tant les étudiants se destinant aux métiers du professorat que les élèves étant de plus en plus des « digital natives » (génération des « natifs du numérique »). Le numérique n'est plus un supplément d'âme mais bien une nécessité pédagogique absolue. Dans ces conditions, les ÉSPÉ doivent préparer les futurs enseignants à obtenir le certificat « informatique et Internet » de l'enseignement supérieur de niveau 2 « enseignant » (C2i2e), conformément au référentiel fixé par un arrêté du 14 décembre 2010 50 ( * ) .

Certaines ÉSPÉ ont démontré une bonne appréhension de ce chantier de formation. À titre d'exemple, l'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand a ainsi mis en place un « observatoire des pratiques pédagogiques à l'ère du numérique », chargé de conduire le changement pédagogique et de définir une doctrine commune pour l'académie en la matière . C'est dans ce contexte qu'elle sera en mesure de déployer, dès la rentrée 2014, la troisième génération de son espace numérique de travail (ENT) qui ne se réduit plus désormais à un simple portail de ressources mais permet de faciliter la gestion des emplois du temps ou encore la gestion documentaire. La formation documentaire des enseignants reste à développer.

La formation au numérique exige, cependant, des infrastructures coûteuses et donc des moyens humains et financiers suffisants, qui jusqu'ici proviennent essentiellement des collectivités territoriales. La multiplicité des initiatives prometteuses nécessite, par conséquent, un véritable effort de cohérence stratégique et de coordination. Il manque encore d'homogénéisation dans les acquisitions de matériels et logiciels informatiques interopérables par les collectivités territoriales . C'est pourquoi l'académie de Clermont-Ferrand s'engage également dans l'élaboration d'un schéma de cohérence pour le numérique éducatif et l'équité des territoires (SCONEETA).

À titre de comparaison, il convient de rappeler que la Finlande fait figure de pionnière dans la valorisation des compétences numériques des enseignants tout au long de la vie, qui va de pair, du reste, avec la reconnaissance aussi bien symbolique que financière (en termes de rémunération) du métier d'enseignant à la hauteur d'autres professions considérées comme prestigieuses (médecins, avocats...)

Votre rapporteur souligne l'inscription, à l'initiative du Sénat, dans la loi de refondation de l'école au premier semestre 2013, du principe selon lequel, dans le cadre du service public du numérique éducatif, « la détermination du choix des ressources utilisées tient compte de l' offre de logiciels libres et de documents au format ouvert , si elle existe » 51 ( * ) . Il est indispensable de s'affranchir autant que faire se peut des solutions propriétaires , afin de dégager des économies et des marges de manoeuvre non négligeables. Dans ce domaine, les innovateurs se heurtent malheureusement encore à un grand nombre de résistances.

Le réseau « Services, culture, éditions et ressources pour l'éducation nationale » (SCÉRÉN) du Centre national de documentation pédagogique (CNDP) a changé d'appellation, en février 2014, pour devenir le réseau CANOPÉ, « réseau de création et d'accompagnement pédagogiques ». Le réseau actuel des 30 centres régionaux de documentation pédagogique (CRDP), qui sont autant d'établissements publics autonomes, est appelé, en effet, à être profondément restructuré, afin de simplifier, rendre plus lisible et mieux coordonner la politique éditoriale et l'offre de ressources numériques de l'éducation nationale, autour notamment d'une librairie en ligne « fondée sur un principe de mutualisation des contenus gratuits et payants dans une plate-forme unique ». Cette rénovation devrait déboucher sur la constitution d'un établissement unique en janvier 2015.

Des espaces d'innovation CANOPÉ seront déployés auprès des ÉSPÉ et comporteront une « classe connectée » pour accueillir une vingtaine d'élèves, une « classe du futur présentant des dispositifs très innovants », une « salle de créativité » et un « laboratoire d'observation des usages des outils numériques éducatifs et des ressources associées ». Est également à l'étude, dans le cadre d'une collaboration entre CANOPÉ et l'université de Poitiers, le déploiement d'un « réseau social des enseignants » destiné à permettre à des enseignants issus de différentes académies de créer des « communautés de travail » dans le cadre d'une plateforme sociale de ressources éducatives. Cinq académies devraient prendre part à cette expérimentation : Créteil, Bordeaux, Limoges, Poitiers et Versailles.

Tant pour la formation initiale que pour la formation continue, le développement au sein des ÉSPÉ des pratiques pédagogiques innovantes prenant appui sur le numérique pourra également bénéficier du soutien financier consenti aux universités dans le cadre du programme des investissements d'avenir (PIA) au titre des « initiatives d'excellence en formations innovantes » (IDEFI) 52 ( * ) , de même que du programme « France Université Numérique » (FUN) censé accompagner l'émergence d'une offre française de formations supérieures dispensées en ligne à destination du grand public ( Massive Open Online Courses - MOOCs). Les MOOCs pouvant permettre d'initier les lycéens à la découverte de l'enseignement supérieur, il convient de sensibiliser les professeurs de lycée à l'utilisation de cet outil pédagogique innovant .

Le programme FUN propose sur sa plateforme, d'avril à juin 2014, un MOOC intitulé « Enseigner et former avec le numérique » , coproduit par l'École normale supérieure (ENS) de Cachan et l'ENS de Lyon, cette dernière abritant l'Institut français de l'éducation (IFÉ). Ce MOOC s'adresse tant à des professionnels de l'enseignement et de l'éducation déjà en poste qu'à des étudiants en formation initiale souhaitant exercer des fonctions éducatives. Plusieurs niveaux de participation sont prévus, en fonction des disponibilités des auditeurs : il est proposé, à ceux qui le souhaitent, de réaliser un certain nombre d'activités ou d'élaborer un projet collectif. Plusieurs ÉSPÉ ont déjà manifesté leur intérêt pour cet enseignement en proposant de le diffuser en interne auprès de leurs étudiants et de l'exploiter dans le cadre de leurs parcours.

Pour les territoires dans lesquels l'accès des étudiants à l'offre de formation est entravé par de lourdes contraintes matérielles et géographiques , l'enseignement à distance et en ligne peut venir utilement compléter les enseignements en présentiel. C'est en particulier le cas de la future université de la Guyane pour laquelle le groupe de travail sénatorial sur l'avenir du système universitaire aux Antilles et en Guyane a préconisé, à partir de l'analyse du professeur Jacques Blamont, de « développer des cursus hybrides mêlant des enseignements numériques délivrés en ligne et des cours en présentiel , en s'appuyant sur le programme France Université Numérique » 53 ( * ) . À titre d'exemple, l'ÉSPÉ de l'académie de Créteil a démontré la volonté, au niveau de ses deux sites de Seine-et-Marne (Melun et Torcy), de prendre en compte les contraintes de déplacement de sa population étudiante en proposant plusieurs modalités d'obtention du master et de préparation au concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE), dont :

- des cours à temps complet (sites de Melun et Torcy) ;

- une formation dite « en semi-présentiel », associant des cours le soir ainsi que le samedi et enseignement à distance (site de Torcy) ;

- une formation entièrement à distance.

4. Rationaliser l'organisation des parcours de formation à faibles flux

Lors de son audition par la mission d'information 54 ( * ) , Jacques Ginestié, directeur de l'ÉSPÉ de l'académie d'Aix-Marseille et président du réseau national des ÉSPÉ, a déploré que « les enseignements professionnels et technologiques sont les grands oubliés » de la réforme de la formation des enseignants. Il a souligné la « diversité très importante » et les « effectifs très confidentiels » qui caractérisent les enseignements professionnels, à l'origine des difficultés à faire vivre les formations adaptées à certaines spécialités rares.

La constitution d'un vivier dynamique de futurs professeurs de lycée professionnel (PLP) est compliquée par l'absence de bassin, au sein de l'université d'Aix-Marseille, compte tenu du paradoxe suivant : les étudiants souhaitant s'orienter vers la préparation de ces concours devraient idéalement avoir suivi des formations professionnalisantes courtes, soit des diplômes universitaires de technologie (DUT) ou des brevets de technicien supérieur (BTS), mais doivent, dans le même temps, avoir obtenu une licence afin d'intégrer le master MEEF des ÉSPÉ. Il a ainsi indiqué que des discussions avaient été engagées avec l'institut universitaire de technologie (IUT) sur ce point, la principale difficulté demeurant le positionnement des licences : « que les IUT aient des licences généralistes, ce n'est pas gagné ». Il a rappelé que « les filières scientifiques reprochent assez facilement [aux IUT] de leur «piquer» les meilleurs étudiants », en soulignant que « la seule voie [de recrutement] c'est de prendre des professionnels qui, du fait de leur expérience, passent des concours et ont été largement contractuels pendant des années ».

Compte tenu des effectifs étudiants limités et des difficultés à recruter des formateurs, les formations pour les voies technologiques et professionnelles peuvent se révéler extrêmement coûteuses pour l'ÉSPÉ. Dans le cas de l'ÉSPÉ de l'académie d'Aix-Marseille, il a été envisagé de regrouper ces formations autour d'un bloc tertiaire (une cinquantaine d'étudiants pour sept concours), un bloc santé et biologie et un bloc industriel (une douzaine d'étudiants présentant six concours en génie mécanique et en électrique). Demeure toutefois la difficulté à répartir ces effectifs réduits entre les différents enseignements optionnels en fonction des spécialités choisies. La prise en charge de ces multiples contraintes suppose un engagement financier a minima de la part de l'université.

La mission d'information estime indispensable d'examiner la possibilité de rationaliser la préparation au certificat d'aptitude au professorat des lycées professionnels (CAPLP) afin d'éviter un éparpillement des masters à très faibles effectifs. À cet effet, il peut être envisagé de concentrer la préparation du CAPLP autour de six ou sept académies chefs de file qui coordonneraient la mutualisation des moyens de la formation et des effectifs étudiants avec les autres académies partenaires, tout en garantissant la couverture de l'ensemble du territoire national . À titre d'exemple, les recteurs des académies de Clermont-Ferrand, de Grenoble et de Lyon ont engagé des discussions sur un possible rapprochement des régions Rhône-Alpes et Auvergne pour la mise en place d'effectifs raisonnables au niveau interacadémique, compatibles avec la capacité financière des universités associées. À terme, il est possible d'imaginer l'émergence de sept grands pôles permettant de coordonner la formation au CAPLP par des coopérations interacadémiques (Bordeaux pour le Sud-Ouest, Aix-Marseille pour le Sud-Est, Lyon pour Rhône-Alpes et le Massif central, Strasbourg pour l'Est, Lille pour le Nord, Nantes pour l'Ouest et Paris).

B. DES LIENS À DÉVELOPPER ENTRE LE MASTER MEEF ET LE NIVEAU LICENCE

1. Concevoir des continuums de formation pour pérenniser les viviers d'enseignants et préparer la professionnalisation

La mastérisation conduite en 2010 a aggravé les problèmes de recrutement, déjà endémiques dans certaines académies comme Créteil ou dans certaines disciplines comme les mathématiques. Elle a asséché les viviers, elle a réduit la préparation au métier comme peau de chagrin et elle a découragé des jeunes de milieux populaires. Fort de ce constat, votre rapporteur souligne que la réforme en cours de la formation et du recrutement des enseignants doit réussir sur trois plans. D'abord, elle doit assurer la pérennité du vivier en fonction des besoins du système éducatif. Ensuite, elle doit permettre la professionnalisation progressive des futurs enseignants avant même la prise en charge de classes en pleine et entière responsabilité. Enfin, elle doit garantir la mixité d'origine sociale du corps enseignant en limitant l'éviction des milieux populaires.

La création des ÉSPÉ constitue un maillon essentiel de la réforme, mais elle ne suffira pas à elle seule à atteindre ces trois objectifs. Elle a remporté d'ores-et-déjà un premier succès avec l'augmentation significative du nombre d'inscriptions, régulièrement supérieure à 30 %. À titre d'illustration, les effectifs d'inscrits en master MEEF premier degré à Toulouse se sont accrus de plus de 50 %. Ces hausses doivent encore être confirmées sur plusieurs années et surtout se traduire par la réussite au diplôme et aux concours des étudiants inscrits.

La formation des enseignants demande du temps et de la continuité, si bien qu'il faut engager le processus d'acculturation en licence en prenant soin d'articuler dès l'origine l'académique et le professionnel. Il faut mettre à profit les cinq années d'études supérieures jusqu'à l'obtention du master et non plus seulement les deux années suivant la licence. La L1 peut servir d'année de découverte et d'orientation. En L2 et L3, il faut viser une sensibilisation par l'observation et commencer une préprofessionnalisation progressive grâce à de la pratique accompagnée. Les années de Master complètent la professionnalisation par l'approfondissement des savoirs et des compétences et par l'élargissement des terrains de stages. C'étaient les préconisations du groupe de travail sur le prérecrutement des enseignants présentés en février 2013 par votre rapporteur.

Les dossiers d'accréditation des ÉSPÉ prévoient généralement des modules de professionnalisation de ce type dès la licence qui s'inscrivent dans la continuité des propositions du groupe de travail. Il n'appartient pas à l'ÉSPÉ d'intervenir dans les maquettes des autres composantes universitaires, mais elle peut sensibiliser les UFR à l'intérêt la préprofessionnalisation et proposer son appui pédagogique à la création d'unités d'enseignement spécifiques.

À plusieurs reprises, votre rapporteur a pu constater que les experts et les acteurs auditionnés s'accordaient sur l'objectif mais demeuraient sceptiques sur ses possibilités de réalisation effective en raison d'une vision étroite de la professionnalisation et de la résistance des composantes disciplinaires des universités . Ainsi, si l'on en croit Sophie Genelot :

« D'une façon générale il y a une résistance importante des UFR à tout ce qui peut venir professionnaliser les cursus de licence, avec comme conséquence une réduction de leurs horaires disciplinaires [...] Règne aussi une conception réductrice de la notion même de professionnalisation. L'idée par exemple que, pour des futurs professeurs des écoles, des contenus disciplinaires autres que ceux de la licence considérée peuvent être facteurs de professionnalisation car ils participent à construction de leur future polyvalence n'est absolument pas entendue par les enseignants-chercheurs des UFR. » 55 ( * )

De fait, le degré d'avancement dans la mise en oeuvre de continuums de formation est très variable selon les académies et l'expérience qu'ont pu accumulée les universités avant la réforme.

L'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand peut par exemple s'appuyer sur le travail déjà réalisé par le rectorat et l'ancien IUFM d'Auvergne abrité par l'université Blaise Pascal qu'avait analysé, sur place, le groupe de travail sur le prérecrutement des enseignants en décembre 2012. Une unité d'enseignement (UE) libre de licence, ouverte à tous les étudiants inscrits dans un des établissements partenaires, devrait permettre de présenter les métiers de l'enseignement. Un dispositif d'aide à l'orientation des lycéens et étudiants de licence vers les métiers de l'enseignement (DAOL) est également détaillé dans le dossier d'accréditation.

Piloté par le conseil des études et de la vie universitaire (CEVU), ce dispositif propose dès le lycée une information sur les métiers de l'enseignement et sur l'offre de formation correspondante. En L2 et L3, des parcours complets de sensibilisation et de préprofessionnalisation au métier d'enseignant sont proposés aux étudiants. Grâce à un partenariat solide avec le rectorat de Clermont-Ferrand, les étudiants qui s'engagent dans ce dispositif peuvent bénéficier de plusieurs stages de plusieurs semaines sur deux ans et ainsi se confronter très tôt à la réalité de la classe dans des cadres très divers. En dehors des stages, les étudiants apprennent à connaître les processus d'apprentissage et de socialisation des élèves, la pédagogie et les gestes professionnels des enseignants, l'institution scolaire, son histoire et son fonctionnement. Progressivement, les étudiants découvrent la complexité et la richesse du métier d'enseignant et entrent dans un parcours préprofessionnalisant fondé sur l'alternance entre l'université et le terrain.

Si l'on veut rendre au métier d'enseignant une attractivité qu'il n'a plus, il faut le faire découvrir très tôt aux étudiants qui n'en ont souvent qu'une image médiocre et dévalorisée . Les ÉSPÉ doivent avoir une action en amont, dès le lycée pour faire connaître et désirer les métiers du professorat, par exemple en promouvant une carrière dans l'enseignement des mathématiques et des sciences auprès des filles et en ouvrant les garçons aux langues et au concours du premier degré.

Si l'on veut garantir des viviers de recrutement suffisamment pérennes et profonds, il convient aussi de multiplier les voies d'accès . Il faut attirer vers le métier d'enseignant des publics aux parcours et aux besoins différents. Le vivier potentiel doit être enrichi d'étudiants en licence disciplinaire ou transversale, d'étudiants titulaires d'un DUT ou d'un BTS, mais aussi de jeunes sortis de classes préparatoires et notamment pour les lycées professionnels, des salariés en reconversion. Il faut dès lors se garder la possibilité d'intégrer souplement d'autres étudiants ou d'autres publics dans le parcours de formation et réfléchir à des passerelles et à des embranchements tout au long du parcours jusqu'au concours.

Il faut sur ce point encore signaler les initiatives pertinentes de l'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand. Elle s'apprête à créer des dispositifs spécifiques pour favoriser l'accueil dans les masters MEEF des étudiants issus des IUT, des STS et des écoles d'ingénieurs. Le défi spécifique du recrutement d'enseignants dans les filières techniques devrait être relevé grâce à la mise en place d'un parcours spécifique pendant l'année de L3 au sein de la licence de sciences et technologie.

2. Améliorer l'utilisation des emplois d'avenir professeurs

En complément de la construction d'un continuum de formation sur les années de licence et de master, des formes de prérecrutement peuvent contribuer à diversifier le vivier des futurs enseignants en touchant les milieux populaires . L'organisation d'un prérecrutement stricto sensu paraît impraticable ainsi que l'avait montré le groupe de travail présidé par votre rapporteur dans le cadre de la préparation des débats sur la refondation de l'école de la République. Elle nécessiterait de résoudre au préalable les problèmes épineux posés par le choix d'une procédure de sélection, la définition des flux d'étudiants, la fixation d'un statut de droit public approprié, l'articulation avec les concours et la gestion des échecs aux concours finaux. Il ne faut pas sous-estimer le risque d'enfermer les élèves dans un parcours univoque. Si l'on met en place un prérecrutement, assurer la réussite des prérecrutés aux concours finaux devient impératif, sous peine de rendre le dispositif illégitime, inefficace, dispendieux et générateur de frustrations. Ces questions sont techniquement très complexes à résoudre, et encore davantage dans un contexte budgétaire très contraint.

Même s'ils ne constituent pas un prérecrutement au sens strict d'un statut de droit public d'élève enseignant, votre rapporteur estime, dans la droite ligne du groupe de travail sénatorial précité, que les emplois d'avenir professeur (EAP) constituent aujourd'hui la réponse la plus adaptée et la plus cohérente avec l'ensemble des réformes éducatives lancées par le gouvernement. Il ne faut pas négliger l'effort financier important qu'ils représentent, ni oublier l'opportunité qu'ils offrent à de jeunes boursiers.

Les EAP sont ouverts aux étudiants boursiers dès la deuxième année de licence et pour une durée de trois ans. L'objectif initial est de recruter sous ce régime 18 000 étudiants boursiers sur trois ans de 2013 à 2016. Priorité est donnée aux académies et aux disciplines souffrant d'un sous-effectif et aux candidats issus de zones urbaines sensibles, de l'outre-mer et des zones de revitalisation rurale.

Aux termes de la loi n° 2012-1189 du 26 octobre 2012 portant création des emplois d'avenir, ces étudiants recrutés sous contrat de travail bénéficient d'une aide financière et effectuent avec l'accompagnement d'un tuteur des missions rémunérées dans des écoles et des établissements du second degré. En contrepartie, ils s'engagent à se présenter à un concours de recrutement d'enseignants organisé par l'État. La combinaison d'une bourse de service public et de la rémunération au titre du contrat de travail, en s'ajoutant aux bourses sur critères sociaux, garantit un revenu moyen total de l'ordre de 900 euros par mois.

Le volant prévisionnel d'EAP ouverts n'a pas été consommé, ce qui constitue une déception. D'après le ministère de l'éducation nationale, entre janvier 2013 et mars 2014, sur 10 000 emplois offerts en deux campagnes de recrutement successives 8 101 ont été pourvus. 56 % d'entre eux officient en primaire. D'autres signatures de contrat sont possibles jusqu'en septembre 2014 et pourraient améliorer ce bilan.

Derrière ces chiffres agrégés se cachent d'importantes disparités régionales . Des académies attractives comme Bordeaux et Nice ont dépassé le nombre de contrats qui leur étaient initialement assignés, alors que des académies très déficitaires comme Versailles et Créteil, qui s'étaient vu octroyer un quota d'EAP important, ne sont pas parvenues à pourvoir tous les postes : un quart seulement pour Versailles, la moitié pour Créteil.

Auditionné le 4 avril 2014 par la mission, le recteur de l'académie de Versailles a estimé que la limitation des EAP aux boursiers restreignait considérablement le potentiel d'étudiants éligibles : sur 30 000 étudiants inscrits dans l'académie de Versailles, on compte 7 000 boursiers qui remplissent les conditions d'accès. Il a également estimé qu'il était difficile de combattre l'impression régnant chez les étudiants qu'il était moins compliqué d'obtenir un « petit job commercial » qu'un EAP.

Ces arguments a priori valables sur l'ensemble du territoire national n'expliquent pas le différentiel interacadémique de recours aux EAP. Il reste dans plusieurs endroits des progrès à faire pour améliorer la valorisation en crédits des stages effectués et pour ajuster les calendriers entre travail en établissement. Les ÉSPÉ doivent également être mieux associés à la gestion du dispositif qui, établi en licence, relève plutôt des seuls UFR actuellement .

La lente montée en charge des EAP est d'autant plus regrettable que les retours d'expérience des jeunes engagés dans le dispositif sont souvent positifs , dès lors qu'ils ont été correctement suivis par leur tuteur. À Clermont-Ferrand comme à Toulouse, la mission a pu dialoguer avec des étudiants bénéficiant du dispositif et mesurer leur engagement, leur détermination et la maturité dans l'appréhension du métier d'enseignant qu'ils ont acquis à l'épreuve du terrain.

PRÉSENTATION DU RAPPORT DE LA MISSION D'INFORMATION

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Mercredi 4 juin 2014

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Nous nous étions tous mobilisés sur la loi de refondation de l'école du 8 juillet 2013 qui comportait un volet important consacré à la restauration de la formation professionnelle et pédagogique des enseignants dans le cadre des nouvelles écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) logées au sein des universités qui, elles-mêmes, ont vu le cadre de leur autonomie évoluer avec la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013. C'est pourquoi nous avons exprimé le souhait de vérifier, dans ce contexte d'autonomie des établissements d'enseignement supérieur, que la volonté du législateur de préciser les contenus fondamentaux de la formation dispensée aux étudiants se destinant aux métiers de l'enseignement et de l'éducation, et les différentes catégories des intervenants au sein des ÉSPÉ, s'était bien matérialisée sur le terrain. C'est donc à l'initiative de notre collègue Corinne Bouchoux que nous avons constitué au sein de notre commission une mission d'information sur le suivi de la mise en place des ÉSPÉ.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur . - Notre mission d'information a été constituée à la mi-novembre 2013, soit un peu moins de deux mois après la création effective des ÉSPÉ à la rentrée universitaire. L'objectif de nos travaux était clair : il s'agissait de suivre pas à pas la première année de mise en oeuvre de la réforme et de faire un bilan d'étape. Nous sommes encore au milieu du gué et ce n'est qu'au cours de l'année prochaine que le nouveau parcours de formation des enseignants sera entièrement installé.

Créées en lieu et place des anciens instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) en application de la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l'école, ces nouvelles structures doivent remplir un double objectif :

- parachever l'« universitarisation » de la formation des enseignants après l'intégration des IUFM aux universités en 2008 et la mastérisation en 2010 ;

- reprofessionnaliser fortement un parcours de formation qui avait pâti de la suppression, sous le précédent gouvernement, de l'année de stage. À cette fin, la seconde année de master sera pleinement consacrée à la formation par alternance, en offrant aux lauréats du concours présenté en fin de M1 une formation théorique et didactique conjuguée à un mi-temps en responsabilité devant des élèves.

La réforme a été mise en oeuvre à marche accélérée, avec des discussions autour du projet d'ÉSPÉ au sein de chaque académie entamées dès décembre 2012, malgré l'absence de cadre législatif et réglementaire définitif. Dans un contexte initial incertain, les différentes parties prenantes ont exprimé des inquiétudes légitimes. Les présidents des universités intégratrices s'interrogeaient sur la capacité de leur établissement à mettre en oeuvre une réforme ambitieuse dans un cadre budgétaire contraint. Un certain nombre d'universitaires se sont montrés sceptiques sur l'universitarisation effective de la formation des enseignants et sur la place accordée à la recherche, compte tenu du poids de l'alternance en M2 et du positionnement du concours en fin de M1. Dans le même temps, les étudiants demandaient en priorité à disposer en M1 d'une préparation solide aux concours, d'où leurs craintes quant à la diminution du nombre d'heures de formation ou au rétrécissement des budgets de fonctionnement des ÉSPÉ par rapport aux anciens IUFM.

La mise en place des ÉSPÉ a fait l'objet d'un pilotage et d'un suivi interministériels assurés par la direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle (DGESIP), la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) et la direction générale des ressources humaines (DGRH). Cette coresponsabilité interministérielle est incontournable : il n'était à l'évidence plus possible de raisonner comme si l'employeur qu'est l'éducation nationale demeurait coupé du suivi et du contrôle de la mise en place des ÉSPÉ et de la cohérence du contenu des formations de master assuré par le ministère de l'enseignement supérieur.

La création des ÉSPÉ coïncide avec une recomposition majeure du paysage universitaire initiée par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. Les inquiétudes et les tensions doivent se comprendre sur cette toile de fond.

Les dossiers d'accréditation ont été de qualité inégale : un tiers de projets aboutis, un tiers de projets qui s'inscrivaient dans une situation intermédiaire et qui appelaient des ajustements et un tiers de projets problématiques qui manquaient de maturité avec des ÉSPÉ qui se résumaient bien souvent à des coquilles vides, sans réelle maîtrise du contenu ou de l'organisation des formations.

Pour mémoire, le master « Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation » (MEEF) comporte quatre mentions : premier degré, second degré, encadrement éducatif et pratiques et ingénierie de la formation. Trente ÉSPÉ ont été accréditées par arrêtés ministériels en date du 30 août 2013. L'ensemble des ÉSPÉ ainsi créées a été accrédité à compter du 1 er septembre 2013 pour une durée équivalente au contrat quinquennal en cours d'exécution liant l'université intégratrice à l'État ou bien, si celui-ci arrivait à échéance dans l'année, pour une durée équivalente au prochain contrat en cours de préparation.

Parmi les trente ÉSPÉ accréditées, quatre écoles n'ont été expressément habilitées à ne délivrer les quatre mentions du master MEEF que pour une durée d'un an seulement (jusqu'au 31 août 2014) : il s'agit des ÉSPÉ des académies de Grenoble, Lyon, Toulouse et Versailles. Quant à l'ÉSPÉ de l'académie de Paris, elle a été habilitée pour toute la durée de son accréditation pour les mentions « premier degré » et « encadrement éducatif », mais n'a obtenu qu'une habilitation d'un an pour la mention « second degré ». Les trois ÉSPÉ des académies de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique font, pour leur part, l'objet d'un accompagnement spécifique pendant la première année suivant leur création.

Le début de l'année 2013-2014 a été consacré à l'installation dans chaque ÉSPÉ des trois instances de gouvernance prévues par la loi : le conseil de l'école, le conseil d'orientation scientifique et pédagogique et le directeur. La définition des corps électoraux a été très délicate en raison de conflits d'interprétation des textes. Les modalités d'application pratique de la parité se sont révélées très complexes dans les secteurs où la répartition entre sexes est traditionnellement déséquilibrée. Certains membres élus ont dû céder leur place à des non-élus pour rééquilibrer paritairement la composition des conseils. La représentation des femmes a globalement diminué.

Les conseils d'école, pour la plupart constitués à la fin de l'année dernière, ont ensuite examiné les candidatures au poste de directeur. Ils ont transmis aux ministres de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale leurs propositions de nomination.

À cette date, s'est achevée la mise en place structurelle des ÉSPÉ et de leurs organes de gouvernance, au terme d'un processus rapide et globalement fluide, malgré la complexité des opérations à mener.

L'ÉSPÉ nouvelle n'est pas simplement une construction juridique et administrative chargée de fédérer diverses formations. Elle doit devenir un lieu de dépassement des anciennes contradictions idéologiques entre les IUFM et les universités. Pour cela, il faut travailler à bâtir un esprit d'école que chacun partage au-delà des métiers, des cultures et des pratiques administratives.

Or, l'intégration des ÉSPÉ dans le tissu universitaire est variable selon les académies. Des régimes très différents d'interaction prévalent d'une académie à l'autre selon l'importance de l'IUFM par le passé, selon la force des universités. Même entre des académies assez comparables comme Versailles et Créteil ou Lyon et Toulouse, on retrouve des oppositions très significatives. D'un côté, la mastérisation a définitivement placé les universités dans une situation de force, de l'autre, des IUFM très actifs, bien dotés par le passé et porteurs d'une culture d'autonomie très forte tentent de se perpétuer dans les nouvelles ÉSPÉ. Une certaine inertie historique prolonge les tensions anciennes. À l'inverse, dans certaines universités, les UFR travaillent déjà en bonne intelligence avec les ÉSPÉ au service du projet commun. L'antériorité de la collaboration et du dialogue entre l'IUFM et les universitaires est un facteur important de facilitation de la réforme, comme c'est le cas dans l'académie de Clermont-Ferrand.

Le succès de la réforme dépend de la qualité de la coopération entre les ÉSPÉ et les autres composantes universitaires afin de conjuguer les dimensions professionnelles et académiques et de développer simultanément les compétences pédagogiques, didactiques et disciplinaires. Ce point, qui est devenu en apparence un lieu commun, se heurte à la nature même du système d'enseignement supérieur français, qui privilégie historiquement les cloisonnements et les hiérarchies. Sans apport véritable des travaux de recherche et sans participation suffisante aux modules transversaux à vocation professionnalisante, la contribution des UFR se limite trop souvent à une préparation académique aux concours.

L'émergence d'une culture d'école nécessitera surtout l'effacement de la dichotomie inscrite dans les parcours de formation des enseignants du premier et du second degré. C'est par l'établissement de véritables troncs communs de formation au sein des maquettes que l'on parviendra à développer une culture professionnelle partagée entre le primaire et le secondaire. L'enquête réalisée entre décembre 2013 et janvier 2014 par le bureau de liaison du réseau des ÉSPÉ révèle ainsi que :

- deux tiers des écoles ont mis en place un tronc commun ;

- dans 44 % des cas, le tronc commun permet un mélange des étudiants des mentions « premier degré », « second degré » et « encadrement éducatif » du master MEEF ;

- 17 % en moyenne du temps de formation est consacré au tronc commun, avec une prédominance de travaux dirigés.

Les ÉSPÉ doivent, en outre, relever le défi de la présence effective au sein des équipes pluricatégorielles de formateurs professionnels venus du terrain. L'erreur à ne pas commettre, c'est de recruter des « formateurs de terrain » hors-sol, qui n'auraient plus de liens réels avec les élèves. On peut irriguer les formations de l'ÉSPÉ et leur apporter son expérience sans faire partie de son personnel permanent. La solution déjà pratiquée dans les IUFM, notamment grâce aux professeurs des écoles-maîtres formateurs (PEMF) ou à des dispositifs d'affectation partielle à l'année d'enseignants du second degré, doit être poursuivie et enrichie.

Le ministère de l'éducation a engagé une réflexion sur la constitution d'un vivier renouvelé de « professeurs formateurs académiques » (PFA) pour le second degré, disposant d'un statut et de missions propres calqués sur celui de PEMF.

Par ailleurs, de la même manière qu'enseigner est un métier qui s'apprend, former est également un métier qui s'apprend. Il semble nécessaire de faire accéder au niveau du master davantage de formateurs.

En termes de positionnement de l'ÉSPÉ par rapport à l'offre universitaire territoriale, on distingue principalement les cas de figure suivants :

- trois ÉSPÉ ont d'ores et déjà été constituées en composantes d'une communauté d'universités et d'établissements (COMUE) qui préfigure la fusion des universités qui en sont membres fondateurs (Lille, Montpellier et Rennes) ;

- quatre ÉSPÉ ont été constituées en composantes d'une « grande université » résultant d'une fusion d'établissements et pour lesquelles le transfert de l'ÉSPÉ à une structure de coopération supplémentaire (une COMUE ou une association) ne sera étudié que dans un second temps (Strasbourg, Aix-Marseille, Bordeaux et Lorraine) ;

- neuf ÉSPÉ ont été constituées en composantes de l'université qui accueillait historiquement en son sein l'IUFM mais qui est, d'ores et déjà, partie prenante d'une COMUE académique. Pour un grand nombre de ces universités, l'opportunité d'élever l'ÉSPÉ au rang de composante mutualisée au niveau de la COMUE peut être sérieusement envisagée à moyen terme ;

- dix ÉSPÉ ont été constituées en composantes d'universités parties prenantes à des COMUE inter-académiques ou transfrontalières, pour lesquelles il est difficilement envisageable d'élever l'ÉSPÉ au rang de composante de la COMUE.

L'élévation de l'ÉSPÉ au rang de composante de la COMUE constitue la solution la plus pertinente à terme dans le cas de COMUE rassemblant des universités situées sur un territoire homogène, comme à Toulouse ou Lyon, ou servant de tremplin à une future fusion d'établissements, une fois que le projet pédagogique et scientifique aura été suffisamment mûri et que les coopérations entre établissements auront été consolidées.

D'une façon générale, afin de permettre aux ÉSPÉ de disposer d'une vision consolidée de leurs besoins, pour la construction d'un budget de projet solide et cohérent, il convient, dans un premier temps, de clarifier les conditions d'inscription des étudiants aux parcours de formation des enseignants. À cet égard, une centralisation de l'inscription pédagogique de l'ensemble de ces étudiants au niveau de l'ÉSPÉ, complétée par une inscription administrative à l'UFR partenaire concernée, semble incontournable. C'était, du reste, une de nos demandes lors de l'examen du projet de loi de refondation de l'école.

La question des moyens est cruciale. Aux termes de la loi de refondation de l'école, chaque ÉSPÉ dispose d'un budget propre intégré au budget de l'établissement public dont elle fait partie. Il est précisé que les ministres compétents ont la faculté de flécher au profit de l'ÉSPÉ, au sein de la dotation globale attribuée aux universités, les moyens humains et financiers qu'ils estiment nécessaires pour assurer une politique de formation des enseignants de qualité. Il apparaît que cette faculté de fléchage n'a pas été formellement exercée par les ministres, mais il n'est pas exclu qu'il soit nécessaire d'y recourir dans certains cas.

La DGESIP a confirmé le principe de sanctuarisation des supports budgétaires des postes lors de la transformation de l'IUFM en ÉSPÉ, mais il a été diversement respecté selon les établissements lors de la mise en oeuvre du droit d'option des personnels.

Afin de surmonter ces difficultés et d'assurer un financement soutenable de l'ÉSPÉ, l'établissement d'un contrat d'objectifs et de moyens entre la composante, l'université intégratrice, les établissements partenaires et le rectorat est incontournable. Ce document devrait permettre d'établir les déclarations de charges et les dépenses incompressibles de la composante, afin de pouvoir en déduire le niveau des dotations qui lui sont fléchées et de ses ressources propres. C'est à partir de ce document, fondé sur des données comptables et financières objectives, que peut être déterminé le niveau de la contribution d'équilibre de chacun des partenaires.

Permettez-moi de revenir à l'organisation des maquettes de formation. Seule l'année de M1 est mise en place et les discussions sur l'année de M2 continuent dans chaque ÉSPÉ.

Le positionnement du concours à la fin de la première année de master pose la question de la prise en charge en M2 des candidats non admissibles au concours, qu'on appelle plus communément les « reçus collés ». Dans ces conditions, certains responsables d'ÉSPÉ étudient différentes options à proposer aux étudiants ayant validé leur M1 et qui ne sont pas lauréats du concours :

- soit « redoubler » leur M1 afin de suivre une « prépa concours » intensive pour ceux qui souhaitent présenter de nouveau le concours ;

- soit s'insérer en M2 au prix d'une réorientation vers d'autres métiers du secteur de l'éducation. Le M2 serait alors organisé selon un parcours « en Y » en M2, piste que semble privilégier le ministère de l'éducation nationale, dont les deux branches seraient les suivantes :


• une première « branche » pour les lauréats du concours en M2, qui correspond à la vocation même du master MEEF à travers la mise en oeuvre du principe d'alternance intégrative ;


• une seconde « branche » qui consisterait à offrir une réorientation sur un ou deux semestres à des effectifs réduits de candidats non admissibles vers des métiers autres que l'enseignement, toujours centrés sur la formation et l'éducation : la médiation scientifique, animateur, éducateur et intervenant en activités périscolaires...

S'agissant du contenu des maquettes de formations, la loi pour la refondation de l'école établit un certain nombre de prescriptions concernant les nouveaux champs de formation auxquels les futurs enseignants doivent être solidement préparés, notamment la résolution pacifique des conflits, la sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les discriminations et à la scolarisation des élèves en situation de handicap, et la préparation des enseignants à l'entrée dans les apprentissages et à la prise en compte de la difficulté scolaire dans le contenu des enseignements et la démarche d'apprentissage.

Ces thèmes font partie du tronc commun de formation dispensé à l'ensemble des étudiants se destinant aux métiers du professorat et de l'éducation. À cet égard, le collectif des associations partenaires de l'éducation (CAPÉ) rappelle l'apport significatif de l'expérience et du regard particulier des associations culturelles, artistiques et d'éducation populaire dans ces différents domaines.

Sur proposition de la présidente de la mission d'information, Colette Mélot, il me semble également indispensable d'appeler au développement de l'éducation à l'Europe, à son histoire, à sa diversité culturelle et à la notion de citoyenneté européenne. Le renforcement de l'éducation à l'image, au cinéma, à Internet et aux réseaux sociaux est également incontournable. La formation à la laïcité constitue également un des éléments majeurs des nouveaux contenus.

La formation aux outils et ressources numériques constitue l'autre défi majeur des parcours mis en place par les ÉSPÉ. Les ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand et de Créteil sont en pointe sur ce sujet. Rappelons également que les MOOCs (« Massive Open Online Courses ») permettent d'initier les lycéens à la découverte de l'enseignement supérieur, il convient donc de sensibiliser les professeurs de lycée à l'utilisation de cet outil pédagogique innovant. La plateforme « France Université Numérique » propose ainsi un MOOC intitulé « Enseigner et former avec le numérique », que plusieurs ÉSPÉ ont décidé d'exploiter en interne.

Il me semble également indispensable d'examiner la possibilité de rationaliser la préparation au certificat d'aptitude au professorat des lycées professionnels (CAPLP) afin d'éviter un éparpillement des masters à très faibles effectifs. À cet effet, on peut imaginer l'émergence de grands pôles permettant de coordonner la formation au CAPLP par des coopérations inter-académiques.

Les conclusions et les préconisations du groupe de travail sur le prérecrutement des enseignants que nous avons présentées en février 2013 me semblent toujours d'actualité. Nous l'indiquions dans le rapport qui résumait notre mission sur le prérecrutement des enseignants : la formation des enseignants demande du temps et de la continuité, si bien qu'il faut engager le processus d'acculturation en licence en prenant soin d'articuler dès l'origine l'académique et le professionnel. Il faut mettre à profit les cinq années d'études supérieures jusqu'à l'obtention du master et non plus seulement les deux années suivant la licence. La L1 peut servir d'année de découverte et d'orientation. En L2 et L3, il faut viser une sensibilisation par l'observation et commencer une préprofessionnalisation progressive grâce à de la pratique accompagnée. Les années de master complètent la professionnalisation par l'approfondissement des savoirs et des compétences et par l'élargissement des terrains de stages.

Des formes de prérecrutement peuvent contribuer à diversifier le vivier des futurs enseignants en touchant les milieux populaires. C'est le cas des emplois d'avenir professeur (EAP). Sur les 10 000 emplois offerts entre janvier 2013 et mars 2014, 8 000 ont été pourvus. Derrière ce résultat global se cachent d'importantes disparités régionales. Des académies attractives comme Bordeaux et Nice ont dépassé le nombre de contrats qui leur étaient initialement assignés, alors que des académies très déficitaires comme Versailles et Créteil ne sont pas parvenues à pourvoir tous les postes : un quart seulement pour Versailles, la moitié pour Créteil.

Certes, il reste dans plusieurs endroits des progrès à faire pour améliorer la valorisation en crédits des stages effectués et pour ajuster les calendriers entre les cours et le travail en établissement. Les ÉSPÉ doivent également être mieux associées à la gestion du dispositif qui, établi en licence, relève plutôt des seuls UFR actuellement.

Voici le bilan que je souhaitais vous présenter de la première année d'installation des ÉSPÉ, qui sont au coeur d'une réforme très ambitieuse et tellement nécessaire mais qui prendra du temps pour prendre toute son ampleur et produire tous ses effets. L'année 2014-2015 s'annonce cruciale pour résoudre les dernières tensions budgétaires, organiser les temps d'alternance, diversifier les équipes de formateurs et renforcer les troncs communs.

Sous la présidence de Colette Mélot, nous avons conduit des travaux d'une densité exceptionnelle. En moins de six mois, nous avons entendu plus de 120 personnes occupant diverses fonctions ou responsabilités : académiciens, historiens, universitaires, recteurs, inspecteurs, enseignants, chercheurs, personnels d'administration, personnels techniques, contrôleurs de gestion, responsables associatifs et de l'éducation populaire, parents d'élèves, étudiants des ÉSPÉ, étudiants en EAP, représentants des organisations syndicales et étudiantes... Nous avons aussi effectué cinq déplacements : à Lausanne en Suisse afin d'étudier le mode de formation des enseignants dans le canton de Vaud et de visiter la Haute école pédagogique de Lausanne, à Lyon, à Toulouse, à Clermont-Ferrand et à Créteil.

Notre rapport a été adopté hier à l'unanimité des membres de la mission d'information et nous aurons l'occasion de poursuivre le débat avec le ministre, en séance plénière, le 11 juin prochain.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - En effet, notre commission s'est assurée qu'un espace serait réservé, au sein de l'ordre du jour du Sénat, pour débattre de ce sujet en séance publique le 11 juin au soir.

Mme Colette Mélot, présidente de la mission d'information sur les écoles supérieures du professorat et de l'éducation . - Je m'associe aux propos du rapporteur pour souligner l'ambiance très positive et consensuelle dans laquelle se sont déroulés les travaux de la mission, chacun ayant eu l'opportunité d'exprimer ses convictions et de faire partager ses pistes d'amélioration. Le résultat de nos travaux est selon moi très satisfaisant, en prenant la forme d'un bilan d'étape qui se veut objectif et équilibré, après avoir entendu l'ensemble des acteurs impliqués dans ce dispositif nouveau. Nous avons pu constater, dans le cadre de nos déplacements, une véritable prise de conscience de l'importance de cette réforme chez l'ensemble des parties prenantes, et une forte volonté des responsables de trouver des solutions.

J'aimerais revenir sur trois sujets sur lesquels nous devrons, selon moi, rester vigilants :

- il faut veiller à ce que le vivier de formateurs soit continuellement renouvelé en organisant des retours périodiques sur le terrain, afin d'éviter que les formateurs restent trop longtemps éloignés de la pratique professionnelle et de prévenir ainsi la promotion d'un seul type de pédagogie ;

- il faut distinguer les MOOCs ou les CLOT (« cours en ligne ouverts à tous »), dont on parle de plus en plus, des formations à distance et en ligne proposées par certaines académies - Clermont-Ferrand et Créteil étant en pointe dans ce domaine - en complément de l'enseignement présentiel. Sur ses sites de Seine-et-Marne, l'ÉSPÉ de l'académie de Créteil met ainsi à disposition de ses étudiants et de ses autres usagers, qu'ils soient salariés ou non, des ressources en ligne et des formations en semi-présentiel (il ne s'agit donc pas de cours ouverts à tous comme un MOOC). Ces modalités d'enseignement à distance pourraient également être exploitées pour la formation continue ;

- l'ouverture à l'Europe vaut aussi bien pour les échanges de savoir-faire professionnels que pour la diversification des savoirs à transmettre, en histoire, en littérature...

Mme Dominique Gillot . - Les ÉSPÉ sont le point d'orgue de deux lois importantes adoptées l'an dernier, la loi de refondation de l'école et la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. Il s'agit d'une structure nouvelle au carrefour de deux cultures jusqu'ici bien distinctes : d'une part, l'enseignement supérieur classique dont l'emprise sur la formation des maîtres a été renforcée par la mastérisation et, d'autre part, l'éducation nationale qui accorde traditionnellement une place importante à la formation par les pairs, principe qui n'a pas encore pénétré suffisamment le monde universitaire.

L'ÉSPÉ doit s'imposer, à terme, comme une composante forte des COMUE, afin d'assurer la jonction de ces deux cultures, la mixité des équipes pédagogiques et l'émergence d'une culture professionnelle partagée. La définition de nouvelles qualifications professionnelles pour les enseignants-chercheurs des universités a donné lieu à une demande forte de recherche en pédagogie. On ne peut plus maintenir, d'un côté, des universitaires dont la gratification et l'avancement professionnels ne sont assis que sur leurs publications scientifiques et, de l'autre, des enseignants-chercheurs qui s'investissent considérablement dans la pédagogie et qui ne sont pas valorisés à ce titre.

Alors que l'ÉSPÉ de l'académie de Strasbourg affiche une proportion de professionnels en milieu scolaire dans les équipes pluricatégorielles de l'ordre de 40 %, l'ÉSPÉ de l'académie de Versailles s'est fixée comme objectif, présenté comme ambitieux, 10 %. Notons cependant que l'université de Cergy-Pontoise, qui abrite cette ÉSPÉ, a créé une unité de formation et de recherche (UFR) spécialisée dans la pédagogie de l'enseignement et de la formation.

L'exploitation des nouvelles technologies de l'information et de la communication devrait permettre d'élargir le cercle des apprenants. C'est à ce titre d'ailleurs que je milite fortement pour le développement de l'enseignement à distance et en ligne dans l'académie de la Guyane dont l'ÉSPÉ doit composer avec des contraintes matérielles et géographiques lourdes pour l'accès du plus grand nombre à ses formations. D'une façon générale, la capacité d'innovation des ÉSPÉ dépendra de l'ampleur des efforts conduits en matière de développement de l'interdisciplinarité, de mutualisation et de renforcement du travail d'équipe.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Ce bilan d'étape bien documenté devrait nous permettre d'accompagner les acteurs dans la restauration et l'amélioration de la formation initiale comme de la formation continue. Le disciplinaire doit être articulé efficacement avec la diffusion de pratiques professionnelles innovantes. La reconstitution du vivier est cruciale car le milieu enseignant a été profondément déstabilisé par les réformes successives et personne n'était d'avis de rester dans le statu quo . Les débuts de la mise en place des ÉSPÉ ont été pour le moins chaotiques, voire conflictuels. L'autonomie des universités nous oblige à rester attentifs à l'égalité territoriale en matière de formation des enseignants.

La situation des « reçus collés » est ubuesque, avec des étudiants qui décident de ne pas valider leur M1 afin de repasser le concours. Cela pose plus largement la question du prérecrutement et, à mon sens, les EAP ne suffiront pas à faire le joint. La question du déficit de recrutements pour certaines matières se reposera l'année prochaine.

On a rattrapé des années de déconstruction, de découragement et de négation sociale dans le milieu enseignant. Mais les difficultés sur le terrain demeurent et ne sont pas négligeables.

Mme Corinne Bouchoux . - L'un de nos principaux défis est d'abord de s'interroger sur la meilleure manière de transmettre à nos jeunes. Une étude publiée la semaine dernière faisait état d'une capacité d'attention active, chez les enfants, de seulement sept minutes sur une heure. Comment transmettre et mettre en oeuvre des méthodes d'apprentissage dans un contexte d'attention aussi sélective. L'apprentissage ne doit pas être seulement centré sur le disciplinaire, il doit faire toute sa place aux projets collectifs et aux mises en situation.

D'autre part, pour l'installation de la gouvernance des ÉSPÉ, certains responsables se sont révélés être de véritables magiciens ! À l'évidence, le développement d'une ÉSPÉ nécessite de fortes capacités managériales au sein de son équipe dirigeante, ce qui suppose une amélioration de la formation des directeurs, via l'organisation de séminaires par exemple.

Enfin, quid de l'articulation entre le formateur d'ÉSPÉ, la réforme annoncée des collectivités territoriales et la mise en place des nouveaux rythmes scolaires ? Attention à ne pas favoriser la cacophonie entre les solutions apportées à ces différents problèmes, qui s'imbriquent nécessairement.

M. Jacques Legendre . - Le climat au sein de notre mission d'information a été excellent et studieux et le travail riche, si bien que nous en avons tous approuvé les conclusions.

Je demande cependant à ce qu'on ait non seulement le développement de l'interdisciplinarité et du travail en équipe, mais aussi du travail disciplinaire qui doit être respecté pour lui-même. Le principe de la liberté pédagogique des enseignants doit être garanti. Si les enseignants doivent se coordonner avec leurs collègues, cela ne doit pas conduire à diluer leur responsabilité personnelle.

M. Jean-Pierre Leleux . - Avec ma collègue députée Maud Olivier, nous avons produit au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) un rapport sur le partage de la culture scientifique. Une partie de nos 80 propositions concerne les ÉSPÉ afin de sensibiliser les enseignants et de faire ainsi pénétrer la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) dans le milieu scolaire.

C'est d'autant plus important qu'un climat de défiance vis-à-vis des sciences règne et que nous souffrons d'une baisse des vocations dans les disciplines scientifiques.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Dans deux semaines, vous serez d'ailleurs entendus pour décliner devant la commission les recommandations de votre rapport. Il n'y a rien de pire qu'un enseignant de physique, de chimie ou de sciences naturelles dont les expériences patiemment montées ratent en cours, suscitant l'hilarité des élèves...

Mme Françoise Cartron . - C'est un rapport technique qui montre la complexité des enjeux. Au bout d'un an de reconstruction totale de la formation des enseignants, le chantier n'est bien entendu pas achevé et mérite d'être progressivement ajusté.

Je demanderai simplement quelques précisions sur l'application de la parité dans les instances de gouvernance des ÉSPÉ, sur la réforme de la formation des cadres de l'éducation nationale - quid de l'ÉSÉN ? - et, enfin, sur le ressenti des étudiants dans les nouveaux masters MEEF.

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur . - Il est effectivement indispensable de s'assurer des retours périodiques des formateurs sur le terrain afin que ceux-ci ne deviennent pas « hors sol ». Les MOOCs et l'enseignement à distance constituent bien deux modalités distinctes de formation qui peuvent être l'une et l'autre exploitées par les ÉSPÉ, les premiers permettant par exemple à quelques ÉSPÉ de partager avec leurs homologues un certain nombre d'initiatives et d'expérimentations sur des aspects bien précis de la formation des enseignants, comme c'est le cas de l'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand dans le domaine de la santé scolaire.

La réforme marche assurément sur ses deux jambes lorsqu'elle est conduite sous l'impulsion de recteurs volontaristes. L'implication forte des cadres est également un élément moteur important. L'ensemble des parties prenantes doit bien avoir conscience de l'objectif fondamental de cette réforme, à savoir renforcer la professionnalisation de la formation des enseignants, en s'efforçant de valoriser les meilleures pratiques et de ne pas reproduire les anciens schémas inspirés des écoles normales ou encore des instituts de préparation aux enseignements du second degré (IPES).

La preuve que la création des ÉSPÉ suscite un regain d'intérêt pour le métier d'enseignant : + 30 % d'inscriptions d'étudiants en moyenne dans ces nouvelles structures, y compris dans des académies traditionnellement déficitaires, comme Créteil. Le vivier demeure étroit pour certaines disciplines, mais les choses s'améliorent progressivement.

L'audition de Pierre Léna, membre de l'Académie des sciences et l'un des fondateurs de l'opération « Main à la pâte », a permis de mettre en avant un dispositif innovant dans le domaine de la formation des enseignants aux sciences et au partage de la culture scientifique : les maisons pour la science, désormais au nombre de neuf.

L'École supérieure de l'éducation nationale (ÉSÉN) est censée assurer la formation de nos cadres dans l'éducation nationale. La quatrième mention du master MEEF est, du reste, consacrée à la formation des formateurs.

Mme Françoise Cartron . - Oui, mais pas des cadres...

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur . - Il faut certainement s'atteler à réformer ce qui ne nous paraît pas satisfaisant...

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Atterrant, même ! J'en veux pour preuve les réponses des responsables de l'ÉSÉN lors de notre déplacement à Poitiers, à des questions sur la formation des cadres et leur capacité, au vu de la réforme, à dialoguer avec les élus territoriaux sur des enjeux tels que les rythmes scolaires : « nous faisons cela depuis toujours et nous continuons comme avant » !

Mme Françoise Cartron . - Les inspecteurs stagiaires parlaient même d'une catastrophe...

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur . - Notre commission a évoqué des pistes de réforme sur ce sujet, il appartient désormais au ministère de réagir.

En ce qui concerne les jeunes, hors EAP, ils sont pour l'instant principalement focalisés sur la préparation du concours, ce qui ne permet pas encore de faire la part belle à la professionnalisation. C'est désormais le concours qui doit être refondu dans ses contenus pour valoriser de façon plus substantielle les acquis de la formation sur le terrain.

La liberté pédagogique de chaque enseignant n'est pas incompatible avec le travail en équipe qui fait dorénavant l'objet d'incitations très fortes. Le déficit d'attention des élèves dans les classes, qui n'est pas sans rappeler le déficit d'attention des étudiants en cours magistraux dans les amphithéâtres, est généralement compensé lorsqu'on s'adresse à eux de manière active dans le cadre de travaux de groupes.

Pour ce qui est des effets de la mise en oeuvre de la parité dans les instances de gouvernance, je vous renvoie à l'analyse du rapport qui explique que la présence globale des femmes a diminué en raison du triple mécanisme prévu par l'article D. 721-4 du code de l'éducation pour assurer la représentation paritaire des sexes :

- l'établissement de listes alternées par sexe pour chacun des onze collèges de représentants élus ;

- des corrections sur les derniers sièges pourvus en faveur du sexe le moins représenté. Par exemple, si les femmes sont majoritaires parmi les premiers élus de la liste et si le dernier élu de la liste est aussi une femme, alors ce dernier siège est automatiquement attribué à l'homme suivant sur la liste...

Mme Françoise Cartron . - Dommage qu'on ne l'ait pas fait en politique !

M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur . - Et, enfin, un rétablissement de la parité globale au sein du conseil d'école grâce aux nominations de personnalités extérieures si les mesures précédentes ne suffisent pas.

La commission autorise la publication du rapport d'information à l'unanimité .

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 3 décembre 2013


• M. Jean-Yves CAPUL, sous-directeur des programmes d'enseignement, de la formation des enseignants et du développement numérique, et Mme Virginie GOHIN, cheffe du bureau de la formation des enseignants, au ministère de l'éducation nationale

Mercredi 11 décembre 2013


• Table ronde avec les organisations syndicales

M. Matthieu BRABANT, secrétaire national de la Confédération générale du travail (CGT) - Éduc'action et animateur de l'activité « Formation des enseignants » pour la Fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture (FERC) - CGT

Mme Chantal DEMONQUE, secrétaire nationale, et M. Laurent ALEXANDRE, conseil de secteur « Politique éducative », du Syndicat général de l'éducation nationale (SGEN) - Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Mme Nathalie MEYER et M. Stéphane CROCHET, secrétaire national secteur « Formation », de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) - Éducation,

Mmes Claudine KAHANE, secrétaire générale du Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESUP), et Aline BECKER, secrétaire générale adjointe du Syndicat national unitaire des instituteurs professeurs des écoles et des professeurs d'enseignement général de collège (SNUipp) - Fédération syndicale unitaire (FSU)


• Mme Françoise DUBOSQUET, présidente de la Conférence des doyens et directeurs des UFR de lettres, langues, arts et sciences humaines et sociales (CDUL)

Mercredi 18 décembre 2013


• M. Jean-Michel JOLION, chef du service de la stratégie de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche


• Mme Catherine GAUDY, directrice générale des ressources humaines des ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et M. Philippe SANTANA, chef de service, adjoint à la directrice générale


• M. François WEIL, recteur de l'académie de Paris

Mardi 7 janvier 2014


• Mme Sophie GENELOT, enseignante-chercheure à l'institut de recherche sur l'éducation de l'université de Bourgogne (IRÉDU)


• M. Antoine PROST, historien de l'éducation


• Mme Marie MÉGARD, inspectrice générale de l'éducation nationale


• M. Daniel FILÂTRE, recteur de l'académie de Grenoble et président du comité de suivi de la mise en place des ÉSPÉ

Mardi 14 janvier 2014


• Mme Martine JAUBERT, administratrice provisoire de l'ÉSPÉ de l'académie de Bordeaux


• M. Patrick RAYOU, professeur en sciences de l'éducation à l'université Paris VIII


• MM. François LOUVEAUX et Claude FABRE, coordonnateurs du groupe interministériel de pilotage des ÉSPÉ

Mardi 28 janvier 2014


• M. Gilles ROUSSEL, président de la commission « Formation » de la Conférence des présidents d'université (CPU)


• Mme Catherine GAY-BOISSON, proviseure du lycée Emmanuel Mounier (Angers)


Table ronde des organisations syndicales étudiantes

M. Charles BOZONNET, vice-président en charge des affaires académiques à la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE)

M. Guillaume FILLIARD, président de Promotion et défense des étudiants (PDE)

M. Thibaut SELLIER, Confédération étudiante (CE)

Mardi 4 février 2014


• MM. Éric FAVEY, secrétaire général adjoint, et Damien RAYMOND, chargé de mission pour les politiques territoriales de la Ligue de l'enseignement, et de Mme Anne SABATINI, responsable nationale du secteur école, et M. Benjamin DUBREUIL, chargé de mission national pôle culture, des Centres d'entrainement aux méthodes d'éducation active (CÉMÉA)


• MM. Olivier DUGRIP, recteur de l'académie de Bordeaux, et Manuel TUÑON DE LARA, président de l'université de Bordeaux

Mardi 11 février 2014


• M. Jacques MIKULOVIC, directeur de l'ÉSPÉ de l'académie de Bordeaux


• M. Pierre LÉNA, membre de l'Académie des sciences

Jeudi 3 avril 2014


Table ronde sur l'ÉSPÉ de l'académie de Versailles

M. Pierre-Yves DUWOYE, recteur de l'académie de Versailles

Mme Béatrice CORMIER, directrice de l'ÉSPÉ de l'académie de Versailles

M. Jean-François BALAUDÉ, président de l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense

M. Jacques BITTOUN, président de l'université Paris-Sud

M. François GERMINET, président de l'université de Cergy-Pontoise

M. Michel GUILLARD, administrateur provisoire de l'université d'Évry-Val d'Essonne

M. Jean-Luc VAYSSIÈRE, président de l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines


• M. Jacques GINESTIÉ, directeur de l'ÉSPÉ de l'académie d'Aix-Marseille

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Jeudi 13 février 2014 - Déplacement à Lausanne

Mme Chantal OSTORERO, directrice générale de l'enseignement supérieur du canton de Vaud,

Mme Ariane BAECHLER, directrice générale adjointe de l'enseignement supérieur du canton de Vaud,

M. Lukas BASCHUNG, directeur opérationnel en charge des Hautes écoles à la direction générale de l'enseignement supérieur du canton de Vaud

M. Bruno SUCHAUT, directeur de l'unité de recherche pour le pilotage des systèmes pédagogiques (URSP)

Visite de la Haute école pédagogique (HEP) de Vaud

M. Guillaume VANHULST, recteur

M. Cyril PETITPIERRE, directeur de la formation

M. Luc MACHEREL, directeur de l'administration

Vendredi 14 février 2014 - déplacement à l'ÉSPÉ de l'académie de Lyon

Mme Françoise MOULIN-CIVIL, rectrice d'académie

M. Hamda BEN HADID, vice-président chargé des moyens du conseil d'administration de l'université Lyon I

M. Alain MOUGNIOTTE, directeur de l'ÉSPÉ, Mme Véronique BOULHOL, directrice adjointe pour les affaires générales, chargée de projets « ressources humaines », M. Jean-Luc UBALDI, directeur adjoint pour la formation, M. Dominique BERGER, directeur adjoint pour la recherche

M. Roger FOUGÈRES, président du conseil d'école de l'ÉSPÉ

M. Philippe LALLE, vice-président du conseil des études et de la vie universitaire (CEVU) de l'université Lyon I, M. Luc BAUMSTARK, vice-président du CEVU de l'université Lyon II, M. Stéphane PILLET, vice-président du CEVU de l'université Lyon III et Mme Natacha VIGNE, vice-présidente du CEVU de l'université de Saint-Étienne - Jean Monnet

M. Oiasfi CHAABNIA, contrôleur de gestion

Mme Cécile CARETTI, représentante du collège des personnels IATOS, M. Mathias FRONT, représentant du collège des personnels relevant du ministre de l'éducation nationale, M. Jean-Marc IMATASSE, représentant du collège des personnels IATOS, Mme Anne-Marie MERCIER, représentante du collège des professeurs d'université et personnels assimilés, Mme Catherine NICOLAS, représentante du collège des maîtres de conférences et personnels assimilés

Mardi 25 février 2014 - déplacement à l'ÉSPÉ de l'académie de Toulouse

M. François GRÈZES-RUEFF, directeur de l'ÉSPÉ, et l'équipe de direction composée de Mmes Christine VERGNOLLE-MAINAR, directrice adjointe en charge des dossiers « Formation initiale et continue, relations avec le rectorat/convention », Danielle LAURENT, directrice adjointe en charge des dossiers « Moyens/budget, coordination des sites », MM. André TRICOT, directeur de la structure fédérative de recherche (SFR), en charge des dossiers « Recherche, Innovation, Évaluation » et Xavier BUFF, en charge du dossier « Structures, règlement intérieur, relations inter universitaires »

Mme Marie-France CARNUS, représentante du collège des professeurs d'université, MM. Frédéric GUILLEN, représentant du collège des professeurs d'université, Pierre ESCUDÉ, représentant du collège des maîtres de conférences, Mmes Nicole BOUBÉE, représentante du collège des maîtres de conférences, Anne EGÉA, représentante du collège des autres enseignants et autres formateurs, Nathalie DOMEC, représentante du collège des personnels relevant de l'éducation nationale, Mélanie LACAYROUZE, représentante du collège des usagers, et M. Julien VIGUIER, représentant du collège des usagers

M. Bertrand MONTHUBERT, président de l'université Toulouse III-Paul Sabatier

Mmes Hélène BERNARD, rectrice de l'académie de Toulouse, Marie-France BARTHET, présidente de l'université de Toulouse, M. Jean-Michel MINOVEZ, président de l'université Toulouse II - Jean Jaurès

MM. Jean-Marc BROTO, directeur de la faculté des sciences et d'ingénierie à l'université Toulouse III - Paul Sabatier et Yves MORALES, maître de conférences à l'université Toulouse III et responsable du parcours EPS « éducation physique et sportive », membre du conseil d'orientation scientifique et pédagogique (COSP) de l'ÉSPÉ

Mmes Odile TRIPIER, maître de conférences musique à l'ÉSPÉ, responsable du parcours second degré éducation musicale et chant choral, Lauraine PIQUEMAL, étudiante M1 Maths, membre du COSP de l'ÉSPÉ, Virginie VOISELLE, emploi d'avenir professeur, Pauline DRAME, étudiante M1 - Master EFE « Enfance scolarisation dans le premier degré et éducation » et Céline LÉON, étudiante M1 - Master EFE « Enfance scolarisation dans le premier degré et éducation »

M. Alain DINTHILAC, contrôleur de gestion

Vendredi 11 avril 2014 - déplacement à l'ÉSPÉ de l'académie de Clermont-Ferrand

M. Didier JOURDAN, directeur de l'ÉSPÉ, et Mme Annie LLOMBART, MM. Rémi CADET et Grégoire COCHETEL, directeurs adjoints, et Mme Martine BARRY, directrice administrative

Mme Françoise PEYRARD, vice-présidente du CEVU, M. Hervé COMBAZ, directeur général des services et Mme Marie-Hélène BELIEN contrôleur de gestion, représentants de l'université Clermont-Ferrand II - Blaise Pascal

M. Michel GUILLON, secrétaire général de l'académie, Mme Isabelle CHAZAL, directrice des ressources humaines, M. Pierre DANEL, délégué académique au numérique, Mme Michèle MOSNIER, conseillère enseignement supérieur et recherche du recteur, Mme Françoise BARACHET, doyen des IA-IPR, MM. Pierre BAPTISTE, doyen des inspecteurs de l'éducation nationale enseignement général et enseignement technologique (IEN ET-EG) et Pierre MARTINET, doyen des IEN premier degré, représentants du rectorat

Mme Anne-Marie MAIRE, inspectrice académique du Puy-de-Dôme, M. Philippe DULBECCO, président de l'université d'Auvergne et Mme Michèle ANDRÉ, sénatrice, membres du conseil d'école

Mardi 15 avril 2014 - déplacement à l'ÉSPÉ de l'académie de Créteil

Mme Brigitte MARIN, directrice de l'ÉSPÉ, M. Patrick Le PIVERT, directeur de la pédagogie, délégué académique à la formation, représentants de la direction de l'ÉSPÉ et Mmes Michèle DELOMEL, doyenne des IEN EG-ET et Martine AMIOT, doyenne des IA-IPR, responsables de la formation professionnelle du second degré

MM. Jacques DROGO, adjoint au délégué académique à la formation des personnels enseignants (DAFPEN) et Christian CUESTA, vice-président du conseil d'administration de l'université Paris-Est-Créteil (UPEC)

M. Alain BERNARD, maître de conférences, Mmes Aude GERBAUD, maître de conférences, et Colette GUILLOPE, professeur d'université, membres élus des conseils de l'ÉSPÉ

Mme Nathalie MÉRIGUET, responsable d'un site premier degré (77), M. Gérard PHELIPPEAU, responsable d'un site premier degré (93), Mmes Sophie CANAC, responsable du second degré général et Marie-Françoise ROHEE, inspectrice adjointe de l'éducation nationale et membre du COSP et du conseil de perfectionnement MEEF « premier degré », responsables de sites


* 1 Jusqu'au remaniement ministériel, intervenu le 2 avril 2014, regroupant les secteurs de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche au sein d'un même ministère, la DGESIP dépendait du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Quant à la DGRH, elle constitue de longue date un service mutualisé de gestion des personnels de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (hors personnels de l'administration centrale).

* 2 Les trois autres thématiques étaient les suivantes : « La réussite scolaire pour tous », « Les élèves au coeur de la refondation » et « Un système éducatif juste et efficace ».

* 3 Remis au Président de la République le 9 octobre 2012.

* 4 Réforme lancée au printemps 2008 (déclaration du Président de la République du 2 juin 2008), construite au cours de l'année 2009-2010 (circulaire du 23 décembre 2009 relative à la mise en place des diplômes nationaux de master ouverts aux étudiants se destinant aux métiers de l'enseignement) et mise en oeuvre à partir de la rentrée scolaire de 2010.

* 5 Communication de février 2013 de Jacques-Bernard Magner, sénateur du Puy-de-Dôme, dans le cadre du groupe de travail de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur le prérecrutement dans l'éducation nationale.

* 6 Mise en place au début de l'année 2013 du dispositif « emplois d'avenir professeur » (EAP) visant à favoriser l'insertion professionnelle dans les métiers du professorat de jeunes boursiers de moins de 26 ans (de L2 à M1).

* 7 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

* 8 Arrêté du 1 er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation (NOR : MENE1315928A ; Journal officiel de la République française n° 0165 du 18 juillet 2013).

* 9 Arrêté du 27 août 2013 fixant le cadre national des formations dispensées au sein des masters « Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation » (NOR : ESRS1319419A ; Journal officiel de la République française n° 0200 du 29 août 2013).

* 10 Arrêté du 27 août 2013 fixant les modalités d'accréditation des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (NOR : ESRS1319423A ; Journal officiel de la République française n° 0200 du 29 août 2013).

* 11 Ce texte réforme le système d'évaluation des établissements d'enseignement supérieur et de recherche par la mise en place d'une seule autorité administrative indépendante (Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur - AERES -, devenue Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur - HCERES -). Il crée également l'Agence nationale de la recherche (ANR) ayant pour mission de centraliser l'examen des appels à projet en matière de recherche et d'enseignement supérieur, de même que les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), ayant statut d'établissement public de coopération scientifique (EPCS) ou de fondation à caractère scientifique (FCS).

* 12 Ce texte tend à renforcer l'autonomie budgétaire et de gestion des ressources humaines des établissements d'enseignement supérieur par l'octroi à l'ensemble des universités, avant le 1 er janvier 2013, des responsabilités et compétences élargies (RCE).

* 13 Rapport n° 568 (2012-2013) de Mme Françoise Cartron, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

* 14 Aux termes de l'article 53 de la loi de refondation de l'école, « l'école est accréditée pour la durée du contrat pluriannuel liant l'État à l'établissement ». L'article 83 de cette même loi précise que, lorsque la durée restant à courir du contrat « est inférieure à un an, l'école supérieure du professorat et de l'éducation est accréditée jusqu'au terme du contrat suivant ».

* 15 L'ÉSPÉ de l'académie de Paris ne délivre pas, pour l'heure, de mention « pratiques et ingénierie de la formation ».

* 16 L'UAG devrait être prochainement scindée en plusieurs universités, à la suite de la décision du Gouvernement de créer une université de la Guyane pour la rentrée 2014.

* 17 Action du programme des investissements d'avenir (PIA).

* 18 L'exécution de ces conventions dépend de leur approbation par le président de l'établissement intégrateur et validées par un vote du conseil d'administration du même établissement.

* 19 V. Charbonnier & G. Jean, Former des maîtres , supplément au mensuel du Snesup n° 620, p. 17.

* 20 Audition du 4 février 2014.

* 21 En métropole. Restait à cette date encore à nommer le directeur de l'ESPE de l'académie de Guyane.

* 22 Audition du 7 janvier 2014.

* 23 Audition du 14 janvier 2014.

* 24 Audition du 7 janvier 2014.

* 25 Mention 1 : premier degré ; mention 2 : second degré ; mention 3 : encadrement éducatif.

* 26 Audition du 3 avril 2014.

* 27 Audition du 14 janvier 2014.

* 28 Évolution et état des lieux des moyens mis en oeuvre pour la formation des enseignants , rapport IGEN-IGAENR n° 2013-005, janvier 2013.

* 29 Audition du 28 janvier 2014.

* 30 Cette proportion atteint, néanmoins, 33 % pour la mention encadrement éducatif.

* 31 Audition du 28 janvier 2014.

* 32 Audition du 7 janvier 2014.

* 33 Audition du 4 février 2014.

* 34 Audition du 14 janvier 2014.

* 35 Ce GIS vise à créer un environnement de collaboration durable sur le moyen terme entre des acteurs de la recherche, de l'innovation et du transfert de technologie travaillant sur le sujet des jeux sérieux. Il constitué d'enseignants chercheurs et ingénieurs répartis dans différents établissements de la communauté Université de Toulouse.

* 36 Dans un communiqué en date du 7 avril 2014, les présidents des trois universités lilloises ont annoncé que « le rapprochement des trois universités de Lille a désormais clairement pour but la fusion des établissements, au plus tard à la fin du prochain contrat quinquennal [2015-2019]. Cette démarche a été présentée, par les trois président(e)s, aux conseils d'administration des trois universités, qui l'ont approuvée ».

* 37 Signature de la convention de coopération le 28 mars 2008, mais absence de statut juridique clarifié.

* 38 Outil de coopération transfrontalière doté de la personnalité juridique composé d'États membres, de collectivités territoriales et/ou d'organismes de droit public à titre facultatif (règlement (CE) n° 1082/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relatif à un groupement européen de coopération territoriale).

* 39 Les collèges et les départements de recherche assurent le pilotage intermédiaire et transversal et correspondent à des regroupements de composantes de formation internes qui se voient reconnaître, sur le fondement de l'article L. 713-1 du code de l'éducation, des prérogatives dans la conduite du dialogue de gestion avec l'échelon central.

* 40 Courrier du 10 mars 2014 de Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, et de Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

* 41 En matière de partage de la culture scientifique, les budgets de projet de certaines ÉSPÉ peinent à surmonter la confusion entre les missions de communication et de culture.

* 42 Au moment de l'intégration de l'IUFM à l'université, les universités Toulouse II et III avaient été mises en concurrence.

* 43 Avant l'intégration de l'IUFM, l'université Toulouse II était identifiée comme historiquement sous-encadrée, comme bon nombre d'universités à dominante LSH.

* 44 Audition du 7 janvier 2014.

* 45 Audition du 7 janvier 2014.

* 46 Circulaire de la DGESCO n° 2010-102 du 13 juillet 2010 (NOR : MENH1012605C).

* 47 Audition du 11 février 2014.

* 48 Contribution du CAPÉ pour la constitution des ÉSPÉ.

* 49 MICHEL, Claude, rapporteur au nom du CESE, Pour un renouveau des politiques publiques de la culture , avril 2014.

* 50 Arrêté du 14 décembre 2010 (NOR : ESRS1000461A) du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche (DGESIP).

* 51 Article 16 de la loi du 8 juillet 2013 et article L. 131-2 du code de l'éducation.

* 52 Notamment l'IDEFI « FORMADIME : Formation à distance pour les métiers de l'éducation », portée par l'université Toulouse II - Jean Jaurès (2,2 millions d'euros), l'IDEFI « INNOVA-Langues : Innovation et transformation des pratiques de l'enseignement-apprentissage des langues dans l'enseignement supérieur » portée par l'université Grenoble III - Stendhal (4 millions d'euros) et l'IDEFI « PARÉ ! : Parcours réussite » portée par l'université de Poitiers (4,6 millions d'euros).

* 53 Rapport d'information n° 470 (2013-2014) de Mme Dominique Gillot et M. Michel Magras, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, déposé le 16 avril 2014.

* 54 Audition du 3 avril 2014.

* 55 Audition du 7 janvier 2014.

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