ANNEXE 2 : LES APPORTS DU GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT ET DU GRENELLE DE LA MER POUR LE RENFORCEMENT DE LA POLITIQUE DE PROTECTION DU MILIEU MARIN33 ( * )

I. Le Grenelle de l'environnement

Le Grenelle de l'Environnement a porté une attention spécifique à la mer compte tenu de la responsabilité particulière de la France, et des enjeux associés, notamment en matière de protection de l'environnement et de ressources d'avenir.

Parmi ses engagements, un certain nombre concernaient plus spécifiquement la préservation de l'environnement marin , dans le volet « Gérer de façon cohérente et concertée mer et littoral » :

Engagement n° 85 : principe de gestion concertée par écosystème ;

Engagement n° 86 : réduction et prévention des polluants venant du continent : activités d'extraction, boues de dragage, production énergétique ; lutte contre la pollution en appliquant des pénalités dissuasives aux acteurs qui détruiraient la biodiversité (ex : dégazage, eaux de déballastages et espèces invasives) ;

Engagement n° 87 : gestion des stocks halieutiques par la mise en place des Unités d'exploitation et de gestion concertées et par un réseau d'aires marines protégées (création de dix parcs naturels marins d'ici 2012 et d'un réseau d'aires marines protégées, couvrant 10% des eaux territoriales) à gestion concertée avec zones sans prélèvements ; encadrement de la pêche de loisir à pied ; éradication de la pêche illégale dans les eaux sous juridiction française ;

Engagement n° 88 : établir un programme méditerranéen pilote pour cette gestion concertée ;

Engagement n° 89 : éco-labelliser en 2008 les produits de la pêche ;

Engagement n° 90 : expérimenter les quotas de pêche administrés et non transférables sur le thon rouge méditerranéen en 2008-2009 ;

Engagement n° 91 : collecte et gestion des déchets flottants et échoués (macro-déchets) ;

Engagement n° 92 : réduction et prévention des risques et pollutions liés aux activités portuaires ;

Engagement n° 93 : réformer et simplifier le régime des extractions en mer , avec une vision d'ensemble spécifique au milieu maritime ;

Engagement n° 94 : réserver l'usage du maërl 34 ( * ) aux fonctions les plus nobles (mettre fin à son utilisation dans les stations de traitement de l'eau potable) ;

Engagement n° 95 : un titre « mer » figurera dans la loi d'application du Grenelle ;

Engagement n° 9 6 : voeu pour que le musée du vivant soit le musée du quinquennat en restaurant le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) ;

Engagement n° 9 7 : message d'alerte sur la situation catastrophique du thon rouge en grand danger qui nécessite des mesures fortes pour reconstituer le stock.

De surcroît, le Grenelle de l'environnement a acté plusieurs objectifs :

- le principe d'une gestion cohérente, concertée et intégrée des milieux marins ;

- la gestion des ressources de la mer dans une approche éco-systémique ;

- la lutte contre les pollutions marines, telluriques et liées aux activités portuaires et d'extraction en mer.

Le Grenelle a souligné le « potentiel de vie de l'Humanité » que recouvre la mer : potentiel alimentaire, énergétique, scientifique, médical, économique, pourtant menacé par l'action humaine et les pollutions telluriques.

Ont été à ce stade mis en oeuvre :

1. Gouvernance et stratégie

En matière de gouvernance, de nouvelles instances existent, associant les acteurs maritimes et littoraux des différents collèges :

- le Conseil national de la mer et des littoraux (CNML), qui se substitue au Conseil national du littoral, en voyant ses compétences étendues à la mer et à l'outre-mer ;

- les conseils maritimes de façades en métropole et la préfiguration des conseils maritimes ultra-marins. Le Conseil national de la mer et des littoraux , comme les conseils maritimes de façades et les conseils maritimes ultra-marins, traitent de sujets marins mais pas spécifiquement ou uniquement environnementaux.

Par ailleurs, certains instruments et moyens ont été développés et coordonnés, en particulier l'Observatoire national de la mer et du littoral (ONML).

2. Protection et valorisation des espaces maritimes et littoraux

Connaissance et recherche

Dans le cadre de l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (ALLENVI), a été élaboré un « programme mer » qui comprend :

- la consolidation des deux pôles de compétitivité « mer » , l'installation du Conseil d'orientation de la recherche et de l'innovation pour la construction et les activités navales (CORICAN) et du COMER (Comité pour la recherche marine, maritime, littorale et portuaire) ;

- la mise en place d'une très grande infrastructure de recherche (TGIR) qui permet de coordonner les organismes de recherche gestionnaires de moyens navals ;

- la connaissance des espaces, avec la définition de l'évaluation initiale et du bon état écologique des milieux marins (mise en oeuvre de la Directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin »), le lancement d'une expertise scientifique collective sur les milieux marins concernés par l'exploration et l'exploitation des fonds marins profonds, le programme de connaissances lancé en métropole dans le cadre de Natura 2000 en mer, pour la gestion des sites déjà désignés et la désignation de nouveaux sites au large.

• La lutte contre les pollutions telluriques et marines a donné lieu à :

- la reconnaissance en tant que zone maritime particulièrement vulnérable (ZMPV) des Bouches de Bonifacio, l'entrée en vigueur de l'annexe VI de la convention internationale pour la prévention contre la pollution marine par les navires (MARPOL) 35 ( * ) , l'achèvement de la transposition en droit français du paquet « ERIKA 3 » , la mise en place d'un dispositif ORSEC-POLMAR (organisation des secours en cas de pollution marine accidentelle) ;

- la réalisation des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE) littoraux qui a été accélérée pour couvrir deux tiers du littoral français d'ici 2020, l'élaboration et la mise en oeuvre d'un plan d'action sur les sédiments de dragage, ainsi que l'élaboration d'une stratégie nationale pour la gestion durable des granulats terrestres et marins ;

- enfin, des actions ont été menées en termes de prévention et de traitement des déchets aquatiques , mais la réflexion sur l'outil de financement pour la collecte de ces déchets n'a pu aboutir (engagement n°  91).

• Protection du littoral

Les enjeux liés à la protection du littoral ont été précisément traités dans le cadre du Grenelle de la mer, initiative soutenue par le comité opérationnel (COMOP) n° 12 du Grenelle de l'environnement. Les travaux conduits à l'issue du Grenelle de l'environnement ont d'abord contribué à mettre en exergue le rôle majeur du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (CELRL) dans la lutte contre l'artificialisation des territoires littoraux . Après trente-neuf ans d'existence, son action foncière se poursuit dans l'objectif du « tiers naturel » à atteindre d'ici 2050 : les sites du Conservatoire représentent actuellement environ 13 % du linéaire côtier et constituent un patrimoine au profit de la communauté nationale de plus de 155 000 hectares.

Si le « verdissement » du droit annuel de francisation et de navigation, engagement n° 57 du Grenelle de la mer visant à élargir l'assiette de cette quasi-redevance à certains véhicules nautiques à moteur, a bien été réalisé, il n'a néanmoins pas été possible à ce stade, compte tenu des efforts de redressement des comptes publics demandés aux opérateurs de l'Etat, d'affecter au Conservatoire du littoral les recettes supplémentaires issues de cette réforme pour permettre la valorisation patrimoniale des phares des « caps et îles » (engagement n° 103). Celles-ci abondent donc aujourd'hui directement le budget de l'Etat .

Par ailleurs, en mars 2012, la publication de la Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte , issue des orientations du Grenelle de la Mer, s'est accompagnée d'un plan d'actions 2012-2015 articulé autour de quatre axes : l'observation du trait de côte et l'identification des territoires à risque d'érosion, l'élaboration de stratégies de gestion de l'érosion côtière, la relocalisation des activités et des biens situés dans des zones à haut risque, la détermination de principes de financement pour la gestion du trait de côte. Il s'agit aussi de préserver et de restaurer les écosystèmes littoraux jouant un rôle majeur au titre de la préservation de la biodiversité, « d'amortissement » de l'énergie marine ou d'expansion des crues (cordons dunaires, marais salants, mangroves, récifs coralliens).

En outre, les départements d'outre-mer bénéficient, depuis 2010, d'un outil supplémentaire pour faciliter l'accès du public au rivage, à l'instar de la procédure existant en métropole qui a permis l'ouverture de près de 1 800 kilomètres de sentier sur des propriétés privées (sur un total de 4 700 km de rivages accessibles au public). Le décret relatif aux servitudes de passage des piétons sur le littoral dans les départements d'outre-mer a en effet été publié au Journal officiel de la République Française le 30 octobre 2010. Cette mesure en faveur du « sentier du littoral » figurait dans les engagements du Grenelle de la Mer.

Les actions relatives à la protection du littoral impliquent un partenariat important avec les collectivités territoriales , les établissements publics (Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres (CELRL), Office National des Forêts - ONF), les associations de protection de l'environnement, ainsi qu'une mobilisation importante des services déconcentrés concernés, qu'ils soient départementaux ou régionaux . Elles illustrent donc parfaitement la logique partenariale promue à la fois par le Grenelle de l'environnement et le Grenelle de la Mer.

• Protection du milieu marin

La directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » fixe l'objectif de réaliser ou maintenir un bon état écologique des eaux marines au plus tard en 2020. Sa mise en oeuvre repose sur un outil principal, le plan d'action pour le milieu marin .

Celui-ci se compose de cinq éléments : les trois premiers, notifiés aux autorités communautaires en décembre 2012, établissent le diagnostic, déterminent les enjeux environnementaux, définissent le bon état écologique et fixent les objectifs environnementaux ; les deux derniers, composés du programme de surveillance de l'état écologique du milieu et du programme des mesures à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs et le bon état écologique, sont à notifier respectivement en 2014 et 2015.

Le travail est en cours pour l'élaboration de ces deux derniers éléments en association avec les différentes parties prenantes.

La stratégie nationale de création et de gestion des aires marines protégées (AMP) vise l'objectif de 20 % des eaux sous juridiction française en aires marines protégées en 2020. Les AMP couvrent aujourd'hui 40 000 km², soit 10 % des eaux territoriales métropolitaines.

• Protection des espèces

- mise en place de sanctuaires : AGOA, PELAGOS ; publication en juillet 2011 de l'arrêté fixant la liste des mammifères marins protégés et les modalités de leur protection ;

- dispositifs de protection spécifique des requins, tortues marines, dugongs, des ressources halieutiques et de leurs habitats ;

- protection des récifs coralliens : adoption du nouveau plan d'action 2011-2015 au titre de l'initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR) en 2010 ; poursuite de la collecte et de la mise à disposition des données sur la biodiversité récifale de l'outre-mer ; évaluation des services rendus et chiffrage des conséquences financières de sa dégradation. La France a assuré de 2009 à 2011, avec les îles Samoa, la présidence de l'initiative internationale pour les récifs coralliens (ICRI).

• Formation, sensibilisation et éducation

L'enseignement maritime a été renouvelé par la création de l'École Nationale Supérieure Maritime (ENSM) en 2010, de nouveaux diplômes et de nouvelles formations. Les thématiques maritimes et marines ont été développées dans les programmes scolaires des collèges et des lycées. Chaque année les journées de la mer, des lacs et des rivières sensibilisent le grand public aux enjeux et à l'environnement marin .

3. Économie durable de la mer et du littoral : valorisation durable des ressources naturelles

Les ressources minérales font l'objet d'une stratégie d'exploration des grands fonds marins et de localisation de nouveaux sites hydrothermaux (campagne « Futuna 2012 »). La stratégie nationale pour la gestion durable des granulats terrestres et marins prévoit l'encadrement de l'utilisation des granulats marins, à travers des critères environnementaux et socio-économiques définis dans une perspective de politique maritime intégrée.

En ce qui concerne la pêche et l'aquaculture durables , le développement de la pêche professionnelle est soutenu par diverses démarches (expérimentation « Unités d'exploitation et de gestion concertées » (UEGC), éco-labellisation, démarches qualité ...) et fait partie des objectifs de la politique commune des pêches. Les objectifs sont précisés pour l'aquaculture (futurs schémas régionaux de développement de l'aquaculture marine, décret de juillet 2011) et la pêche de loisirs : charte d'engagements et d'objectifs (juillet 2010), arrêté sur le marquage des captures (mai 2011).

II. Le Grenelle de la mer

Le Grenelle de la Mer, lancé en février 2009, a prolongé la réflexion du Grenelle de l'Environnement . Les enjeux maritimes et littoraux y ont été abordés sous divers angles par les tables rondes, en accordant une large place à l'outre-mer : protection des espèces, des milieux et des écosystèmes, valorisation, développement économique, gestion intégrée et aménagement, ou encore gouvernance nationale et internationale, sans oublier la question de l'éducation.

Ses conclusions ont également établi un certain nombre d'engagements parmi lesquels :

- Engagement 13 g : accélérer la procédure visant à faire des Bouches de Bonifacio un parc international marin et une zone maritime particulièrement vulnérable (ZMPV) ;

- Engagement 14a : établir un réseau cohérent, représentatif et bien géré d'aires marines protégées pour 10 % des océans d'ici 2012 et 20 % d'ici 2020, dont la moitié en moyenne globale en réserves de pêche ;

- Engagement 14d : renforcer le réseau et les moyens de gestion des aires marines protégées en accélérant leur mise en oeuvre, notamment dans les zones Natura 2000 en mer et en Méditerranée pour respecter l'objectif d'un réseau complet et cohérent en 2012.

Le Groupement européen de coopération territoriale « Parc marin international des bouches de Bonifacio (PMIBB) » a été créé en décembre 2012 pour promouvoir la protection, la gestion et la valorisation conjointe des ressources naturelles et culturelles de cet espace. Il associe l'Office de l'environnement de Corse (OEC, gestionnaire de la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio) et le parc national de la Maddalena en Sardaigne.

Un groupe de travail constitué autour du conseil d'administration de l'Agence des aires marines protégées a été chargé notamment des travaux d'élaboration de la stratégie de création et de gestion des Aires marines protégées.

La création de « réserves de pêche » fait l'objet de travaux visant à se doter d'un outil spécifique, la zone de conservation halieutique, qui doit être intégré dans le projet de loi relatif à la biodiversité .

Plusieurs engagements pris lors du Grenelle de la mer et concernant l'aménagement, la protection et la gestion des espaces littoraux ont été confiés au comité opérationnel (COMOP) n° 6.

Ces travaux concernaient :

1. la prise en compte de la spécificité des espaces littoraux, espaces géographiquement limités et convoités, et le renforcement de la régulation par les acteurs publics, des enjeux économiques, sociaux, environnementaux et culturels ;

2. la construction d'une vision partagée de projet(s) de développement durable aux échelles de la façade et intermédiaires pour les territoires littoraux au travers du double regard terre mer et mer-terre ;

3. la définition de cadres et initiatives pour réussir la mise en place d'une gestion intégrée de la mer et du littoral , clarifier l'articulation des compétences et des responsabilités de l'État et des collectivités territoriales, identifier les lieux de la concertation et de l'animation des démarches intégrées aux échelles pertinentes.

Enfin, il convient de citer les travaux du comité opérationnel (COMOP) n° 5 sur «Droits d'usage des mers, financement, fiscalité », conduits par l'inspecteur général des Finances Jean-Michel Charpin.

Ainsi, celui-ci avait pour mission de définir les voies, moyens et conditions de mise en oeuvre des engagements n°49 (b et c), 80 (b), 95 (a et c) et 96 (c) du Livre bleu du Grenelle de la mer. Ces engagements visaient, à partir d'un inventaire des dispositifs, taxes et redevances existants, à définir les instruments susceptibles de financer une gestion soutenable des usages de la mer et du littoral . Ces instruments devaient permettre une tarification des différents usages de la mer (transport maritime, navigation de plaisance, utilisation économique ou de loisir des espaces littoraux et marins...) appliquant le principe pollueur-payeur aux activités ayant un impact environnemental négatif sur la mer et le littoral, de façon à concrétiser la notion de «signal-prix » (fiscalité verte devant allier efficacité économique, amélioration des conditions de travail et protection des mers et du littoral).


* 33 Source : réponse du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 34 Substrat constitué de débris d'algues marines riches en calcaire, que l'on peut trouver en Bretagne ou en Méditerranée.

* 35 Convention élaborée par l'Organisation maritime internationale (OMI) et qui porte sur tous les types de pollution marine causée par les navires, qu'elle soit d'origine accidentelle ou volontaire.

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