C. DES ÉVOLUTIONS RÉCENTES DANS LE SECTEUR PRIVÉ

Outre les dispositifs de retraite pour invalidité, pour handicap ou encore la retraite anticipée pour carrière longue dont peuvent bénéficier les salariés du secteur privé dans des conditions similaires à celles des fonctionnaires, de nouvelles mesures ont récemment été introduites pour les salariés du secteur privé afin de tenir compte de la pénibilité.

Ces dernières ont vocation à couvrir un nombre de personnes plus large que les dispositifs antérieurs nécessitant la signature d'un accord de branche (cessation anticipée d'activité de certains travailleurs salariés (CATS)), spécifiques à certaines expositions (cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (CAATA)) ou à certains secteurs (par exemple le congé de fin d'activité des conducteurs routiers).

1. Le dispositif de retraite anticipée liée à la pénibilité

La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a créé un dispositif de retraite anticipée pour les salariés justifiant d'un taux d'incapacité permanente supérieur à 20 % résultant d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d'une maladie professionnelle.

Les personnes dont le taux d'incapacité permanente est d'au moins 10 % et qui ont été exposées pendant dix-sept ans ou plus à l'un des facteurs de risques professionnels y sont également éligibles, dès lors qu'elles établissent que leur incapacité permanente est directement liée à l'exposition à ces facteurs et qu'elles recueillent l'avis favorable d'une commission pluridisciplinaire.

Les bénéficiaires peuvent partir à la retraite à l'âge de 60 ans avec une pension à taux plein , quelle que soit leur durée d'assurance.

Toutefois, ce dispositif fait l'objet d' un faible recours . Seuls 300 à 400 dossiers sont déposés chaque mois auprès de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) alors que celle-ci liquide environ 50 000 pensions de retraite dans la même période, tous âges et motifs confondus. Ainsi, entre son entrée en vigueur le 1 er juillet 2011 et le 30 août 2013, 6 359 personnes ont vu leur demande acceptée pour 9 238 dossiers déposés .

Selon le rapport de la commission présidée par Yannick Moreau sur l'avenir des retraites, les facteurs expliquant le faible nombre de personnes touchées sont multiples : manque d'information des personnes concernées, lourdeur des procédures, « concurrence » d'autres dispositifs plus accessibles (carrières longues, invalidité), ou encore conditions d'accès très restrictives. Surtout, la commission a souligné le problème d'orientation du dispositif : « Censé prendre en compte la « pénibilité» du parcours passé, il en soumet l'appréciation à un constat d'ordre médical, qui suppose un diagnostic de pathologie établi - qui plus est, dans une liste prédéterminée de pathologies, avec une origine professionnelle spécifique. Cela signifie d'une part que la reconnaissance de la pénibilité est subordonnée à la survenue effective d'une pathologie avant l'âge de la retraite (...), d'autre part que certains facteurs de pénibilité', non reconnus comme cause de pathologies spécifiques (comme le travail de nuit) sont absents du dispositif » 18 ( * ) . Ce constat a amené la commission pour l'avenir des retraites à proposer la création d'un « compte individuel pénibilité ».

2. Le compte personnel de prévention de la pénibilité

La loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraite a prévu la mise en place d'un compte personnel de prévention de la pénibilité ( C3P ) pour l'ensemble des salariés de droit privé exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité (au-delà de certains seuils définis par décret), à compter du 1 er janvier 2015.

Pensé comme un dispositif de gestion des parcours professionnels visant à la fois à prévenir et à compenser la pénibilité, le C3P repose sur un mécanisme d'attribution de points en fonction du nombre de facteurs auxquels le salarié est exposé et de la durée d'exposition . À partir de dix points, le salarié peut choisir d'utiliser ses points pour :

- des actions de formation , afin d'accéder à un poste moins ou non exposé à des facteurs de risques (un point donne droit à vingt-cinq heures de formation). Afin d'inciter les salariés exposés à privilégier la prévention, les vingt premiers points sont obligatoirement réservés à la formation professionnelle ;

- une réduction du temps de travail sans diminution de salaire (chaque groupe de dix points permet de financer l'équivalent d'un mi-temps pendant un trimestre) ;

- un départ anticipé à la retraite (chaque groupe de dix points permet de financer un trimestre de majoration de durée d'assurance, dans la limite de huit trimestres ). Le départ anticipé à la retraite ne peut toutefois être utilisé par le titulaire du compte qu'à partir de l'âge de 55 ans .

Un barème bonifié d'attribution de points a été défini pour les salariés âgés de 52 ans au 1 er janvier 2015 afin de leur permettre de bénéficier effectivement du compte.

Le système du C3P, fondé sur les fiches individuelles de prévention des risques de pénibilité mises en place par la loi de 9 novembre 2010, apparaît plus sophistiqué que celui des catégories actives . La logique de prévention y est nettement affirmée ; son financement devrait d'ailleurs reposer sur le paiement de cotisations spécifiques par les employeurs (cotisation de base de 0,2 % et cotisation additionnelle entre 0,3 % et 1,6 % en fonction du nombre de facteurs de pénibilité) 19 ( * ) .

La complexité et la lourdeur du dispositif ont toutefois été critiquées par les organisations patronales. La mission de concertation menée par Michel de Virville a ainsi préconisé d' évaluer l'exposition des salariés sur une base collective et en moyenne sur une année 20 ( * ) : l'employeur identifiera les types de postes ou de situations de travail susceptibles d'être exposés, à partir des données collectives, et les salariés seront rattachés à un type de poste et de situation. Cette préconisation a été reprise par le Gouvernement. Dans ses modalités pratiques de mise en oeuvre, le C3P tend ainsi à se rapprocher du système des catégories actives.

Le Premier ministre ayant annoncé le 2 juillet 2014 un report de l'entrée en vigueur du dispositif, celui-ci devrait être pleinement effectif seulement à compter de 2016. À terme, il devrait toucher 18 % des salariés du secteur privé, soit 3,3 millions de personnes, pour un coût estimé à 500 millions d'euros en 2020 et à 2,5 milliards d'euros à l'horizon 2040 21 ( * ) .


* 18 Commission pour l'avenir des retraites présidée par Yannick Moreau, Rapport au Premier ministre, « Nos retraites demain : équilibre financier et justice », juin 2013 , page 167 .

* 19 Le Gouvernement a annoncé le 24 mai 2014 que les entreprises ne paieraient pas de cotisations spécifiques au C3P en 2015.

* 20 Michel de Virville, « Préconisations établies au terme de la deuxième étape de concertation », juin 2014.

* 21 Étude d'impact annexée au projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraite.

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