C. LE RENFORCEMENT ET LE RESPECT DE L'ORDRE INTERNATIONAL

1. La recherche d'alliances : la responsabilisation des acteurs les plus concernés

L'action en partenariat avec des alliés et des institutions doit être recherchée aussi bien dans l'action diplomatique que dans l'action militaire pour résoudre les crises.

a) L'action diplomatique

Deux exemples sont présentés pour illustrer ces modes d'action privilégiés par l'administration Obama.

En Ukraine , les États-Unis estiment que le fait d'avoir pu façonner l'opinion mondiale a contribué à isoler la Russie. Le monde a immédiatement condamné les actions de la Russie. L'Europe et le G7 comme les États-Unis ont imposé des sanctions. L'OTAN a renforcé la réassurance des alliés d'Europe de l'Est. Le FMI participe à la stabilisation de l'économie ukrainienne. Des observateurs de l'OSCE sont présents dans les parties instables de l'Ukraine. La mobilisation de l'opinion mondiale et des institutions internationales a servi de contrepoids à la propagande russe, à la pression exercée par le déploiement de troupes russes à la frontière ainsi qu'aux miliciens armés. Sans doute, cette action n'a-t-elle pas empêché l'annexion de la Crimée mais elle a permis le déroulement à la date prévue, le 25 mai de l'élection présidentielle et donc d'asseoir la légitimité des nouveaux dirigeants. Une grande incertitude demeure sur l'issue de la crise mais le fait de présenter un front commun avec les alliés a permis de limiter son développement.

Vis-à-vis de l'Iran . Malgré les avertissements fréquents des États-Unis, d'Israël et d'autres, le programme nucléaire iranien a progressé régulièrement pendant des années. La réunion d'une coalition qui a imposé des sanctions contre l'économie iranienne tout en ne fermant pas la voie de la diplomatie a permis, après un changement de gouvernement à Téhéran - le peuple supportant mal la dégradation de la situation économique et sociale consécutive à l'application des sanctions - d'ouvrir des négociations et a fourni une occasion de résoudre les différends de manière pacifique.

La partie est encore loin d'être gagnée, et les États-Unis conservent toutes les options pour empêcher l'Iran de se procurer une arme nucléaire mais un accord est envisageable, ce que n'aurait probablement pas permis un recours immédiat à la force, du moins sur le long terme. En outre, on observera que les pays concernés et notamment ceux du EU3+3 (dont la Russie et la Chine) sont restés unis malgré leurs différends sur d'autres dossiers.

En revanche, la gestion du dossier syrien marque probablement les limites de cet exercice.

b) Des alliances pour intervenir militairement lorsque les intérêts américains ne sont pas directement menacés sur la base d'intérêts partagés

Les États-Unis estiment que « des degrés sans précédent de connexité mondiale offrent des incitations communes pour une coopération internationale et des normes collectives de comportement, et que la capacité croissante de certains partenaires régionaux fournit une occasion à des pays de jouer des rôles plus importants, voire de premier plan, dans la promotion des intérêts de sécurité mutuels dans leurs régions respectives . » ( Quadrennial Review of Defense 2014 )

Comme l'a expliqué M. Philippe Errera, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la défense lors de son audition devant notre commission 41 ( * ) : « ceci constitue un changement d'approche majeur du Pentagone et de l'image d'une Amérique capable d'agir seule partout affirmée dans la QDR 2010. Les compléments étaient toujours utiles, mais n'étaient pas vus comme nécessaires ».

Cette situation permet aux États-Unis d'envisager avec plus de sérénité d'exercer « le leadership en retrait » expérimenté en Libye où pour la première fois, ils ont participé à une opération multinationale sans en assurer la direction. Elle leur permet d'apprécier, comme une contribution importante à la lutte contre le terrorisme au Sahel, l'intervention de l'armée française au Mali qu'ils appuient par le renseignement et le soutien logistique.

Par ailleurs, cette nouvelle posture incite les États-Unis à insister sur le transfert d'une part des responsabilités et des financements aux alliés traditionnels, par exemple au sein de l'OTAN : l'insistance sur la smart defense , variante du pooling and sharing européen, est censée inviter les alliés à réduire leur dépendance.

2. Une vision plus positive de l'action des organisations internationales

Le Président Obama se détache de la doctrine unilatéraliste, traditionnelle et considère qu'après la seconde guerre mondiale, les États-Unis ont eu la sagesse de forger des institutions qui puissent préserver la paix et soutenir le progrès humain - de l'OTAN aux Nations unies, de la Banque mondiale au FMI . « Ces institutions ne sont pas parfaites, mais elles ont eu un effet multiplicateur. Elles réduisent le besoin d'une action unilatérale de la part de l'Amérique et accroissent la retenue des autres nations . »

Il entend participer à leur modernisation : « Faire évoluer des institutions internationales pour répondre aux exigences d'aujourd'hui doit être une composante essentielle du leadership américain . »

Pour lui, passer par des institutions internationales telles que l'ONU ou respecter le droit international n'est pas un signe de faiblesse et il propose de soutenir les pays qui participent aux opérations de maintien de la paix. « L'ONU constitue une plateforme qui sert à garder la paix dans les États déchirés par un conflit. Nous devons veiller à ce que les pays qui fournissent des contingents de casques bleus ont la formation et l'équipement nécessaires au maintien effectif de la paix, ce qui peut permettre d'éviter le type d'exécutions dont on a été témoins au Congo et au Soudan. Nous allons investir davantage dans les pays qui soutiennent ces missions de maintien de la paix, parce que quand les pays assurent le maintien de l'ordre chez eux, on risque moins de devoir envoyer nos soldats et les exposer au danger. C'est un investissement qui a du sens . »

3. L'acceptation progressive des règles du droit international

Le Président Obama a une vision plus positive du droit international comme outil de prévention des conflits que ses prédécesseurs.

Il appuie son raisonnement sur des exemples concrets.

Il considère que les cyber-attaques posent un sérieux problème aux États-Unis et qu'ils doivent dès lors façonner et faire respecter un code de conduite destiné à sécuriser les réseaux et les citoyens.

Dans la région Asie-Pacifique, les États-Unis soutiennent les pays de l'Asie du Sud-Est dans leur négociation d'un code de conduite avec la Chine sur les différends maritimes en mer de Chine méridionale 42 ( * ) . « Nous nous employons à résoudre ces litiges par le biais du droit international. ».

« Cet esprit de coopération doit dynamiser l'effort mondial de lutte contre le changement climatique » (...). Je veillerai à ce que l'Amérique soit en première ligne pour mettre en place un cadre mondial propre à préserver notre planète ».

Son approche est cohérente, mais elle requerra que le Congrès la partage ce qui est loin d'être évident 43 ( * ) . Elle est fondée sur l'exemplarité des États-Unis, sa capacité à influencer le monde et à être un acteur en phase avec la communauté internationale. « L'influence de l'Amérique est toujours plus forte quand nous donnons l'exemple. Nous ne pouvons pas nous dispenser des règles qui s'appliquent à tous les autres. Nous ne pouvons pas demander à d'autres de s'engager à combattre le changement climatique quand tant de nos chefs de file politiques nient son existence. Nous ne pouvons pas essayer de résoudre les problèmes en mer de Chine méridionale quand nous n'avons pas tout fait pour que la Convention du droit de la mer soit ratifiée par le Sénat, et ce quand les plus hauts gradés de nos officiers disent que ce traité rehausse notre sécurité nationale. Ce n'est pas faire preuve de leadership ; c'est battre en retraite. Ce n'est pas de la force ; c'est de la faiblesse. Ce serait complètement étranger à des dirigeants comme Roosevelt et Truman, Eisenhower et Kennedy. »

Il estime même que les États-Unis doivent en certaines circonstances se plier au droit et respecter des règles. « Ce qui nous rend exceptionnels, ce n'est pas de pouvoir faire fi des normes internationales et de l'État de droit ; c'est d'être disposés à les affirmer à travers nos actions. » Il indique qu'il va continuer à faire pression pour fermer Guantanamo malgré les réticences du Congrès (voir supra p. 26) - « parce que les valeurs et les traditions juridiques américaines ne permettent pas la détention indéfinie de personnes en dehors de nos frontières » et mettre en place de nouvelles restrictions sur la collecte et l'utilisation de données du renseignement répondant aux critiques de la société civile et de la communauté internationale. Un texte est actuellement soumis au Congrès dont l'axe principal est que la NSA ne conservera plus les données téléphoniques des citoyens américains 44 ( * ) .


* 41 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20140407/etr.html#toc7

* 42 Cette référence au droit international était déjà incluse dans la New Strategic Guidance de janvier 2012 « Les États-Unis continueront de conduire des efforts avec leurs partenaires et alliés pour garantir les accès et usage des espaces communs, à la fois en renforçant les normes internationales pour une utilisation responsable et en maintenant des capacités militaires pertinentes et interopérables ».

* 43 Face au déclin relatif de leur puissance, les États-Unis insistent sur la nécessité de défendre le système international existant et ses normes garanties par des traités internationaux. Le problème vient d'un secteur croissant du parti républicain qui voit dans tout traité une atteinte à la souveraineté du pays. Face à ce « rejectionnisme », les présidents américains depuis Clinton ont développé une forme de multilatéralisme discret ou furtif (stealth multilateralism) qui consiste pour les États-Unis à observer des traités non ratifiés (cf. droit de la mer) ou à participer aux instances multilatérales concernées par un traité même lorsque celui-ci n'a pas été ratifié. Cette solution est risquée à long terme car elle met Washington à l'écart de l'élaboration de futures normes et porte atteinte à leur crédibilité. David Kaye, «U.S. Foreign Policy Without Treaties--or the Senate», Foreign Affairs, Sept/Oct 2013.

* 44 Si ce projet est voté par le Congrès, les opérateurs téléphoniques seront donc mandatés pour conserver les informations, et l'administration devra faire appel à un juge avant de pouvoir les consulter, en motivant la requête sur la base d'un « doute raisonnable ». En cas d'urgence, les données seront transférées à la NSA sur simple demande. Dans ce cas, l'agence aura un court délai pour justifier ses soupçons. Il s'agit toutefois de ne pas priver les États-Unis d'un outil que les agences de renseignement estiment indispensable, alors que les défenseurs des libertés l'assimilent à une violation de la vie privée.

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