B. LES DIX RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION POUR FAIRE DES JOUETS LA PREMIÈRE INITIATION À L'ÉGALITÉ

La parution de ce rapport à l'approche des fêtes de fin d'année s'inscrit dans une démarche pragmatique : la délégation souhaite appeler l'attention tant des professionnels de l'industrie du jouet (fabricants et distributeurs) que des parents et des professionnels du service public de l'enfance (auxiliaires de puériculture, assistants maternels, pédiatres, professeur(e)s des écoles...) à l'intérêt de proposer des jouets et jeux qui soient des vecteurs d'ouverture et non d'enfermement et qui élargissent le « champ des possibles » des enfants, pour reprendre les termes de Brigitte Grésy.

Comme l'a rappelé Brigitte Grésy lors de la table ronde du 27 novembre, l'enjeu est double :

- lutter contre la binarité artificielle du monde des jouets, qui crée des univers garçons/filles séparés, plus stéréotypés et inégalitaires que la réalité ;

- ouvrir le potentiel de créativité des filles.

La délégation souhaite aussi rappeler, parmi les enjeux d'une telle évolution, la nécessité de libérer les garçons du modèle de conquête, de performance et de réussite qui lui est suggéré, entre autres causes, par les jouets.

Dans la logique des précédents travaux de notre délégation, il s'agit donc de préparer, dès l'enfance, une représentation égalitaire et ouverte de la société, permettant à chacun, homme ou femme, de développer librement son potentiel.

La délégation pense que ces recommandations ne seront efficaces que si elles mettent en oeuvre des stratégies de coopération entre les différents acteurs, et qu'elles concilient donc :

- la préoccupation des professionnels de l'industrie des jeux et jouets concernant le chiffre d'affaire du secteur ;

- le souhait des parents de « faire plaisir aux enfants » , qui demeure leur première motivation selon les professionnels du secteur ;

- la nécessité de faire participer les jouets à l'éducation des enfants et au développement de leurs apprentissages .

Aussi, les préconisations de la délégation seront de deux ordres :

-  elles visent à encourager les fabricants et les distributeurs de jouets qui permettent le développement et la présentation aux enfants de la plus large gamme de jouets possible, sans considération de codes sexués ;

- il s'agit aussi de sensibiliser l'ensemble des acteurs qui influencent le choix des jouets proposés aux enfants : les parents, bien sûr, mais aussi les professionnels de la petite enfance, les professeur(e)s des écoles et, plus généralement, toutes les personnes participant à l'encadrement des enfants.

1. Cinq incitations d'ordre économique pour encourager les fabricants et les distributeurs de jouets à privilégier les jouets dénués d'implication sexuée

Comme cela a été dit précédemment, l'objectif n'est pas de tendre vers un jouet ou un univers « neutre », dont l'utilisation pourrait susciter, comme l'a souligné Anne Dafflon Novelle le 27 novembre 2014, un rejet chez l'enfant, qui a besoin de repères sexués pour se construire .

La première recommandation favorisera la méthode d'autorégulation du secteur.

a) Première recommandation : mettre en place une charte de bonne pratique pour les grandes enseignes de distribution de jouets et les grands groupes de fabricants, pour que les jouets soient la première initiation à l'égalité

La signature d'une charte de bonne pratique par les entreprises privées dont les activités et les méthodes appliquent des engagements correspondant à des attentes sociétales, par exemple en termes de diversité ou de mixité est devenue une pratique courante, comme l'a souligné Brigitte Grésy lors de son audition du 27 novembre 2014.

Ainsi de la signature en 2010 par 16 médias partenaires du Conseil supérieur de l'Audiovisuel (CSA) de la charte de la diversité.

À cet égard, la charte signée le 12 février 2012 par le CSA, le Syndicat de la presse magazine, le président d'Unicef France et le groupement d'intérêt public « Enfance en danger » a pour objet la protection des enfants dans les médias. Parmi ses objectifs figurent l'obligation d'éviter que l'image des enfants apparaisse dans une mise en scène hypersexualisée inappropriée à leur âge.

Cet objectif pourrait être repris parmi ceux qui figureraient dans la charte que nous nous proposons ici de soumettre à la filière du jouet.

Certains de nos interlocuteurs ont adhéré à cette idée appliquée au domaine du jouet, car elle s'appuie sur le principe de coresponsabilité des acteurs de la filière.

Interrogé sur la faisabilité de la charte, les représentants de la Fédération des commerçants spécialistes des jouets et produits de l'enfant (FCJPE) ont, le 4 décembre 2014, signalé l'existence et la diffusion d'une charte « du commerçant » dans les magasins de jouets.

Toutefois, cette charte du commerçant, qui nous a été transmise, donne des indications aux vendeurs, telles que « être à l'écoute de l'enfant » « proposer le meilleur choix à nos clients », ou « offrir le meilleur accueil possible en magasin » : elle ne sensibilise pas les responsables des magasins sur l'importance qu'il y a à présenter la plus large gamme de jouets aux acheteurs, sans considération de codes sexués.

Or la charte préconisée par la délégation engagerait les distributeurs d'articles de jouets notamment à :

- supprimer des catalogues, magasins et sites internet la signalétique « garçons » et « filles » pour leur préférer des rubriques par type d'activité ou par âge : « jeux d'imitation », « jeux d'aventure » : l'objectif est que chaque jouet puisse être investi par tous les enfants, sans ségrégation ;

- sur le modèle de la licence « Tim et Lou » chez La Grande Récré, qui est orange, mauve et verte, inviter les acteurs à diversifier leur palette de couleurs, libérée de l'association systématique du rose aux filles ;

- préserver les enfants de toute mise en scène hypersexualisée, que ce soit dans les catalogues, dans les packaging et dans les publicités ;

- mettre en scène conjointement des garçons et des filles sur les boîtes de jouets, dans les catalogues, sites internet et publicités télévisées, quel que soit le jouet proposé et a fortiori quand il s'agit d'un jeu facilement caricatural comme les jeux scientifiques ou les jeux reproduisant des tâches ménagères (à cet égard, « Tim et Lou » semble un exemple à suivre puisque, pour chaque jouet d'imitation, on trouve à la fois Tim et Lou - un garçon, une fille - sur la boîte) ;

- féminiser et masculiniser les noms de métiers et d'activités mises en scène par les jouets, sur le modèle des offres d'emploi : « infirmier-infirmière » par exemple, car comment un garçon, notamment, pourrait-il s'investir dans un déguisement présenté comme un déguisement de fille ?

- former les vendeurs à faire une présentation des articles de leurs magasins qui ne soit pas biaisée par la destination à une fille ou à un garçon.

Cette charte pourrait être signée par exemple sous l'égide du ministère chargé des Droits des femmes.

Selon Mona Zegaï, entendue le 20 novembre 2014, la signature de cette charte, qui engagerait les entreprises à suivre certains grands principes (par exemple « Les 10 engagements pour une offre de jouets non sexistes ») et dont la mise en oeuvre devrait être vérifiée, pourrait être la condition pour obtenir la reconnaissance attestant qu'elles respectent l'égalité entre les sexes.

b) Deuxième recommandation : attribuer une forme de reconnaissance aux fabricants et aux distributeurs qui mettent en oeuvre la charte, tant dans leur méthode de fabrication que de présentation des articles de jouets

Dans son rapport paru en juin 2014 sur les stéréotypes masculins et féminins dans les manuels scolaires, la délégation a demandé au ministère de l'Éducation nationale d'attribuer un « label » reconnaissant la démarche des maisons d'édition exemplaires , qui valoriserait les éléments de méthode et d'organisation mis en place par les éditeurs - par exemple, des comités de relecture - pour aboutir progressivement à une amélioration de la qualité des manuels du point de vue des stéréotypes masculins et féminins.

Dans le domaine des jouets, d'autres pays se sont déjà engagés dans une démarche comparable : ainsi, le syndicat suédois du jeu vidéo, la Dataspelsbranchen , vient d'annoncer (en novembre 2014) un projet de label permettant d'informer le consommateur du contenu des jeux vidéo, non plus seulement en termes de violence, mais également en termes de représentation de la diversité sociale.

Selon son responsable, « les jeux peuvent être fictionnels, mais ils [...] peuvent aussi être une forme d'expression culturelle - reflétant la société ou la société que nous souhaitons » 26 ( * ) . Le « label » envisagé consistera à décerner un certificat (ou toute forme de reconnaissance) aux jeux promouvant l'égalité des sexes.

Cette reconnaissance préconisée par la délégation serait nécessairement décernée par une institution publique et reconnaîtrait les efforts des entreprises qui s'engagent dans les actions prescrites par la charte décrite plus haut.

Selon Mona Zegaï, auditionnée le 20 novembre 2014, cette distinction, qui pourrait prendre la forme d'un logo apposé sur les catalogue attestant que l'égalité entre les sexes fait partie de leurs préoccupations, pourrait prendre modèle sur des pratiques existantes concernant le « bio » ou le « commerce équitable ».

c) Troisième recommandation : attirer l'attention du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) sur la nécessité d'une vigilance particulière à l'égard des publicités télévisées de jouets et jeux, pour éviter les messages sexistes implicites véhiculés par ces publicités

La sociologue Anne Dafflon Novelle l'a démontré au cours de la table ronde du 27 novembre 2014 : les stéréotypes véhiculés par les publicités télévisées incitant à l'achat de jouets sont encore plus caricaturaux que les jouets eux-mêmes. On peut réellement parler d'une amplification du phénomène par la publicité.

C'est la raison pour laquelle certains membres de la délégation ont souhaité appeler tout particulièrement l'attention du CSA sur cette question.

Soulignons que la nomination de Sylvie Pierre-Brossolette au CSA a été l'occasion de rappeler que cette instance avait également la charge de veiller à une juste représentation des femmes dans tous les programmes et à l'image de la femme qui y est véhiculée, notamment en luttant contre les préjugés sexistes, les stéréotypes et les images dégradantes.

C'est dans ce cadre que les publicités pour les jouets pourraient faire l'objet d'une vigilance particulière.

d) Quatrième recommandation : mettre en place un système de « name and shame » (« carton rouge » ou « prix citron ») pour stigmatiser les pratiques contestables

Les grandes enseignes de jouets sont extrêmement sensibles à leur réputation, comme le rappelait Mona Zegaï dans son complément au Rapport du commissariat général à la stratégie et à la prospective sur les stéréotypes 27 ( * ) : « Les enseignes sont très soucieuses de leur image de marque, et la plupart des pratiques commerciales remettant en question les stéréotypes, en France comme à l'étranger, semblent leur avoir été « arrachées » à la suite de critiques et de plaintes des consommateurs, en particulier sur les réseaux sociaux ».

C'est pourquoi la délégation estime pertinente la méthode de « name and shame » , qui consiste, à l'instar du site « Macholand » 28 ( * ) , lancé en octobre 2014, à mettre en place un site internet public sur lequel les parents pourraient échanger sur les pratiques sexistes ou stéréotypées qu'ils rencontrent quand ils se rendent dans des magasins de jouets.

À cet égard, l'initiative de l'association britannique « Pink stinks » qui existe en Angleterre ou en Allemagne et désigne les jouets sexistes sur les réseaux sociaux, a aussi été évoquée au cours des travaux de la délégation.

Dans son rapport sur l'hypersexualisation des petites filles, Chantal Jouanno, présidente de la délégation et co-rapporteure de ce rapport, avait proposé la mise en place d'un tel dispositif contre les médias ou entreprises qui contreviendraient à la charte d'engagement des entreprises contre l'hypersualisation.

Les interlocuteurs de la délégation, lors de la première table-ronde du 20 novembre 2014, ont approuvé cette méthode, estimant, à l'instar de Mona Zegaï, que l'encouragement et la valorisation des initiatives exemplaires pouvaient passer par la création d'un site internet gouvernemental permettant aussi de médiatiser les « bonnes pratiques », tandis que la mise en place d'un système de « name and shame » favoriserait l'implication des consommateurs.

e) Cinquième recommandation : informer les responsables des commandes publiques de jouets et jeux de l'intérêt de privilégier les produits non sexistes

Brigitte Grésy l'a rappelé lors de la table ronde du 27 novembre 2014 : les occasions pour les collectivités territoriales d'acheter des jouets sont nombreuses, et pas seulement à l'occasion de l'organisation du traditionnel « arbre de Noël », mais également pour fournir les ludothèques, les crèches, les écoles primaires...

Certes, les représentants de la Fédération des commerçants spécialistes des jouets et produits de l'enfant (FCJPE) ont, le 4 décembre 2014, relativisé l'intérêt de ce marché en termes de chiffres d'affaires. Nous n'avons pas réussi à obtenir de chiffres précis à cet égard.

Il n'en demeure pas moins que fournir en jouets et jeux des arbres de Noël de collectivités confère aux prestataires retenus un élément d'image et de prestige non négligeable .

Il semble envisageable d'orienter les politiques d'achat public, via un cahier des charges privilégiant par exemple les jouets dont l'emballage associe de préférence, autant que faire se peut, filles et garçons dans la mise en situation du jouet.

Une telle mesure, dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales, pourrait être de nature à favoriser de la part des industriels du secteur des comportements privilégiant l'égalité entre les sexes.

Dans le même esprit, l'achat par les bibliothèques municipales de livres pour enfants remettant en question les stéréotypes masculins et féminins pourrait être encouragé.

2. Cinq recommandation relevant de la formation des acteurs

La délégation en est consciente, les « solutions miracles » dans le domaine de la sensibilisation des acteurs n'existent pas. Il s'agit toutefois de permettre à chacun de prendre conscience de ses propres préjugés qui peuvent avoir un effet en termes d'égalité entre filles et garçons.

Le fait que les jouets ne concernent pas systématiquement en eux-mêmes des filles ou des garçons, mais soient scénarisés par les professionnels de telle manière qu'ils s'adressent distinctement aux filles ou aux garçons, rend cette sensibilisation des acteurs d'autant plus pertinente.

Dans son précédent rapport sur la lutte contre les stéréotypes dans les manuels scolaires, la délégation avait ainsi insisté sur l'importance de rendre obligatoire des modules d'enseignement à la transmission des valeurs d'égalité, en particulier au sein des écoles supérieures du professorat (ESPE), destinées à préparer les futurs professeurs et enseignants.

Dans le même esprit, la délégation souhaite que ces séances de sensibilisation et d'apprentissage soient rendues obligatoires en direction de tous les professionnels qui se destinent à encadrer des enfants, en particulier au sein du service public de la petite enfance.

a) Sixième recommandation : rendre obligatoires des modules de sensibilisation aux stéréotypes dans toutes les formations qui ont un lien avec l'encadrement des enfants (ESPE, CAP petite enfance, service public de la petite enfance, animateurs des temps d'activité périscolaire et titulaires des BAFA, pédiatrie...)

Ces modules d'enseignement sur les stéréotypes masculins et féminins et sur les inégalités entre les sexes viseraient à favoriser la prise de conscience des différents acteurs concernés en insistant sur les conséquences de ces stéréotypes sur l'évolution psychologique des enfants. Ils pourraient être introduits dans les écoles préélémentaires et élémentaires à destination des enfants, sur le modèle du « plan égalité.

Comme cela se fait actuellement dans le champ des interventions artistiques à l'école, des associations spécialisées, qui travaillent de manière approfondie sur ces problématiques, pourraient utilement être sollicitées.

Ces formations pourraient prendre place à la fois dans les ESPE et dans l'ensemble des formations liées à la petite enfance : CAP petite enfance, diplôme d'État d'éducateur de jeunes enfants (DEEJE), ludothécaires, assistants maternels, pédiatres, etc.

Il faudrait retrouver ces modules dans l'offre de formation continue à destination des fonctionnaires et des salariés du privé, ainsi que dans le cadre des reconversions professionnelles.

Une telle sensibilisation pourrait aussi, le cas échéant, être étendue aux futurs professionnels du secteur du jouet dans les formations universitaires en économie, en marketing et dans les écoles de commerce.

b) Septième recommandation : organiser des sessions d'information des professionnels du service public de l'enfance (crèches, écoles, ludothèques, bibliothèques....) sur l'achat et la mise en espace des jouets proposés aux enfants, de manière à favoriser le « jouer ensemble »

Michel Moggio, directeur général de la FJP, auditionné le 20 novembre 2014, a donné l'exemple des espaces ludiques en milieu scolaire imaginés en partenariat avec l'Éducation nationale, qui sont des kits de jouets pour les écoles élémentaires et les écoles maternelles, choisis en association avec des psychologues, des enseignants et d'autres professionnels.

Ces jouets ont pour objectif de couvrir les besoins en jouets de divers types (imitation, jeux de société...).

Cette expérience est intéressante pour la délégation : ces kits sont en effet utilisés dans le cadre périscolaire, et les enfants sont libres d'utiliser la soixantaine de jouets mis à leur disposition dans ce contexte.

Selon les observateurs, la frontière entre les jeux de filles et de garçons s'estompe lorsque les enfants sont certains de ne pas être observés ni jugés. Les enfants se retrouvent alors également dans la mixité, de manière naturelle, ce qui n'est pas toujours le cas de manière spontanée.

Ces kits sont susceptibles de constituer une réponse économique, pour certaines communes, à la question des rythmes scolaires.

Dans son rapport sur l'égalité entre les garçons et les filles dans les modes d'accueil de la petite enfance 29 ( * ) , Brigitte Grésy souligne que, quand on propose à ces professionnels d'organiser des sessions libres de jeu, les réflexes stéréotypés reviennent parfois : il est donc nécessaire de rappeler et de former même les plus convaincus.

c) Huitième recommandation : organiser, dans les temps d'activité périscolaire, des ateliers d'observation et d'éducation à la pratique partagée des jouets

Comme l'a suggéré Corinne Bouchoux lors de la table ronde du 27 novembre 2014, ces ateliers pourraient être organisés dans le cadre des temps d'activités périscolaires (TAP), comme cela a été expérimenté dans son département en Maine-et-Loire.

Ainsi, dans ce département, particulièrement dans un certain nombre d'écoles en milieu rural, des animateurs et animatrices montent des ateliers, avec les enfants, visant à « déconstruire les stéréotypes » en vue des cadeaux de Noël.

Comme Anne Dafflon Novelle l'a fait remarquer le 27 novembre 2014, ces ateliers permettent notamment de mettre à jour les différences importantes d'approche des stéréotypes entre les milieux sociaux : dans les milieux privilégiés, les parents sont plus à même de négocier avec leurs enfants certaines demandes qu'ils trouvent contestables, tandis que dans les milieux moins favorisés, où l'argent est plus rare, les parents sont avant tout motivés par la volonté de « faire plaisir » à leur enfant et moins enclins à la négociation.

À cet égard, Anne Dafflon Novelle a insisté sur :

- l'importance de mettre en place ces dispositifs avec des enfants situés dans une tranche d'âge de 7 à 12 ans , quand les enfants sont très réceptifs aux réflexions sur les stéréotypes, âge auquel ces ateliers fonctionnent extrêmement bien, ce qui n'est plus le cas à l'adolescence ;

- le rôle fondamental de la formation des adultes à ces questions : en effet, les ateliers ne sont efficaces que s'ils sont dispensés et encadrés par du personnel formé à la déconstruction des stéréotypes et aux pratiques d'égalité.

d) Neuvième recommandation : lancer une campagne d'information nationale

Certains exemples étrangers montrent que les choses peuvent changer. La franchise suédoise de Toys?R?Us a lancé, pour Noël 2012, un premier catalogue de jouets dénués de cloisonnement filles-garçons. Au Royaume-Uni, à la suite d'une campagne menée par l'association « Let Toys Be Toys » , plusieurs grandes enseignes britanniques se sont engagées à supprimer les rayons spécialisés « filles » et « garçons ». En France, ce sont surtout les associations féministes qui ont impulsé des mobilisations dans les années 2000, comme cela a été vu précédemment.

La délégation estime que les consommateurs doivent être sensibilisés à l'impact du jeu sur le développement de l'enfant et sur ses compétences ; la prise de conscience de cette influence est essentielle.

Mona Zegaï a, le 20 novembre 2014, dressé quelques pistes pour concrétiser cette campagne nationale, qui pourrait se décliner, par exemple :

- sous forme d'affiches exposées dans les lieux d'accueil de la petite enfance, pour s'adresser aux professionnels et aux parents ;

- sous forme d'articles dans la presse spécialisée (La revue du jouet ou Kazachok ) pour sensibiliser les professionnels à la question de l'égalité ;

- dans le cadre des salons (« Kidexpo » ou « Trad'Expo ») ;

- dans les médias, sous la forme de campagnes humoristiques destinées au grand public.

Par ailleurs, la mallette des parents, remise à la rentrée, pourrait constituer un support d'information et de sensibilisation à ces questions, à l'image des « kits d'information » proposés dans le cadre de la lutte contre l'hypersexualisation des enfants.

En tout état de cause, il reviendrait à la puissance publique (plus particulièrement au ministère chargé des Droits des femmes) de piloter la campagne au niveau national.

L'objectif est de montrer l'influence des jouets sur la préparation des enfants à vivre ensemble dans un monde d'égalité entre les femmes et les hommes.

e) Dixième recommandation : mettre à l'étude l'application au secteur des jeux et jouets des principes de l'économie circulaire et de l'économie sociale et solidaire

Un million de jouets présentés tous les ans au salon de Nuremberg, dont un jouet sur deux est nouveau, et un nombre impressionnant de jouets qui s'échangent chaque année sur le site « leboncoin.fr » 30 ( * ) : le jouet favorise l'hyperconsommation, voire le gaspillage, dans le monde occidental qui contraste avec le dénuement de nombreux enfants, partout dans le monde.

C'est la raison pour laquelle certains membres de la délégation se sont interrogés sur la possibilité de réutiliser ces jouets ou de permettre aux enfants moins gâtés de les recevoir, à partir de circuits économiques parallèles basés sur l'échange ou la réactualisation des produits.

En France, ces circuits économiques existent.

L'économie circulaire, en premier lieu, se veut « écologiquement vertueuse » et promeut un système économique et industriel sobre en carbone, en énergie et en ressources naturelles qui favorise le recyclage au meilleur coût.

L'économie sociale et solidaire, en second lieu, regroupe les organisations privées ou publiques (entreprises, coopératives, associations, mutuelles ou fondations) qui cherchent à concilier activité économique et utilité sociale. Ce secteur représentait en 2011 près de 10 % des emplois en France.

Sur la suggestion de Corinne Bouchoux, la délégation souhaite qu'une étude puisse être diligentée sur l'application au secteur des jeux et jouets des principes de l'économie circulaire et de l'économie sociale et solidaire.


* 26 Cité par le site The Local.

* 27 Mona Zegaï, op. cit.

* 28 Cofondé par la fondatrice et ancienne porte-parole d'Osez le féminisme, Caroline de Haas, « Macholand.fr » invite les internautes à dénoncer les propos sexistes qu'ils relèvent à la radio, à la télévision, dans les journaux ou dans leur environnement quotidien.

En savoir plus sur : www.lexpress.fr/actualite/medias/macholand-fr-le-site-anti-machos_1611411.html#hFs78WVHeho7IvuA.994

* 29 Rapport sur l'égalité entre les filles et les garçons dans les modes d'accueil de la petite enfance, remis par Brigitte Grésy et Philippe Georges en décembre 2012.

* 30 Selon Michel Maggio, auditionné le 20 novembre 2014, il serait publié chaque année sur ce site un million d'annonces concernant des jouets.

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