III. LE PROJET D'ACCORD DE LIBRE ÉCHANGE ENTRE LES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE ET L'UNION EUROPÉENNE

En février 2013, ont été lancées des négociations relatives à la conclusion d'un accord transatlantique global sur le commerce et les investissements entre les États-Unis d'Amérique et l'Union européenne.

À ce jour, déjà quatre cycles de discussion ont été conclus traduisant la volonté des deux parties d'avancer à un rythme extrêmement rapide en vue de « créer un grand marché transatlantique déréglementé au sein duquel seraient substitués la volonté et les intérêts économiques aux lois votées par les parlements nationaux et à la législation européenne » 4 ( * ) .

Il est envisagé que, une fois adopté cet accord, son champ puisse être étendu sans qu'il soit besoin de rouvrir les négociations en fonction des nouveaux domaines de convergence identifiés.

Depuis fin 2013, il est publiquement établi que les États-Unis d'Amérique ont espionné à grande échelle les télécommunications et les réseaux informatiques de tous les Européens en charge de la négociation de cet accord international.

C'est pourquoi vos rapporteurs tiennent, pour deux raisons, à évoquer la négociation de cet accord dans la mesure où il peut porter sur le numérique - dont la sécurité est pourtant un enjeu de souveraineté nationale - et où l'insécurité du numérique vient parasiter sa négociation, voire démontrer le danger de sa conclusion .

L'Union européenne va-t-elle exiger le respect du droit européen en matière de respect du droit à la vie privée et de protection des données personnelles par le texte final de cet accord ?

Va-t-elle exiger l'exclusion de la protection des données personnelles de ces négociations commerciales ?

Va-t-elle exiger que les citoyens européens jouissent du même niveau de protection que les citoyens nord-américains ?

Qui se souvient de la déclaration, en juin 2013, de Mme Viviane Reding, commissaire chargée de la justice dans la précédente Commission européenne, selon laquelle « on ne peut pas négocier sur un grand marché transatlantique s'il y a le moindre doute que nos partenaires ciblent des écoutes vers les bureaux des négociateurs européens » ?

En évoquant cette négociation en cours, vos rapporteurs tiennent à insister sur l'existence de quatre chronologies parallèles intéressant l'avenir du numérique : celle de la mise en place d'une gouvernance internationale de l'Internet, celle de la négociation de l'accord de libre-échange transatlantique, celle de l'élaboration d'un nouveau règlement européen relatif au numérique et, enfin, celle d'une nouvelle loi française sur le numérique.

Il est essentiel que des garanties européennes et internationales s'imposent dans la protection des données personnelles et la gouvernance de l'Internet avant que ne soient adoptées des clauses de l'accord de libre-échange relatives au numérique.

Bien plus, le numérique ne devrait pas être inclus dans l'accord commercial car le numérique englobe le commercial et non le contraire .

Il conviendrait donc de considérer le numérique comme justifiant une exception numérique à l'instar de l'exception culturelle. En conséquence, ce secteur serait exclu des négociations commerciales .

Et ce d'autant plus que les modalités d'arbitrage envisagées dans l'accord de libre-échange soumettent les États signataires à la volonté des entreprises dominantes du marché à travers le recours à un tribunal supranational privé dénommé « panel d'arbitrage ».

Même en l'absence de cet accord, cette situation est déjà celle observée dans le domaine du numérique ; il est urgent de la modifier en évitant de transformer cette situation d'infériorité momentanée, de fait, de l'Union européenne dans le domaine du numérique en situation de droit définitive .


* 4 M. André Chassaigne, député, rapporteur pour la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale du projet d'accord de libre-échange entre les États-Unis d'Amérique et l'Union européenne. Assemblée nationale, rapport n° 1938, XIV e législature.

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