D. LE CHANGEMENT D'AFFILIATION POLITIQUE POSTÉLECTORAL DES MEMBRES ET SES RÉPERCUSSIONS SUR LA COMPOSITION DES DÉLÉGATIONS NATIONALES

Le changement d'affiliation politique d'un parlementaire - ou d'un groupe de parlementaires - au cours de son mandat électif national, également appelé « nomadisme politique », est un phénomène courant dans de nombreux parlements nationaux en Europe. Il reste toutefois sous-estimé dans son ampleur et peu étudié dans ses conséquences sur le fonctionnement de l'institution parlementaire.

Lorsqu'il concerne des membres de l'Assemblée parlementaire, le changement d'affiliation politique au cours d'une législature est susceptible d'influer sur l'équilibre de la représentation politique au sein des délégations nationales à l'Assemblée et servir de fondement à une contestation des pouvoirs.

Compte tenu de la grande diversité des positions et de l'approche réglementaire en la matière, le rapport ne vise pas à déterminer si le changement d'affiliation politique constitue ou non un droit des parlementaires, inhérent à la nature de leur mandat, ou doit être autorisé ou au contraire interdit. En revanche, afin de privilégier l'exigence de transparence, d'intégrité, de responsabilité et de confiance qui fonde le contrat qui lie l'élu aux citoyens, il propose de promouvoir une meilleure prise en compte du phénomène du changement d'affiliation politique et de ses conséquences au niveau des parlements nationaux. La même démarche doit prévaloir au niveau des groupes politiques de l'Assemblée.

E. LES DÉBATS INTERACTIFS AVEC L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE

1. La communication du Comité des Ministres, présentée par M. Didier Reynders, ministre des affaires étrangères et européennes de la Belgique, président du Comité des Ministres

M. Didier Reynders, ministre des affaires étrangères et européennes de la Belgique, et, à ce titre, président du Comité des Ministres, a d'abord évoqué la situation dans l'est de l'Ukraine, qui reste particulièrement inquiétante en raison de l'escalade de la violence, et a appelé toutes les parties, y compris la Russie qui a une forte influence sur place, à mettre en oeuvre de façon absolue l'accord de Minsk. Rappelant qu'il avait effectué un déplacement en Russie et en Ukraine en décembre 2014, il a eu l'occasion de souligner quelles étaient les attentes du Conseil de l'Europe en termes de réformes à venir et en cours en matière de droits fondamentaux, de démocratisation et de lutte contre la corruption, et d'insister sur la nécessaire implication de la Russie au sein du Conseil de l'Europe. Il a ensuite souligné la nécessité de ne pas oublier les valeurs européennes et de ne pas les considérer comme acquises, dans un contexte marqué par les attaques terroristes à Bruxelles et à Paris et par la commémoration du 70 ème anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau. Puis il a passé en revue les moyens dont dispose le Conseil de l'Europe pour se prémunir du radicalisme et du terrorisme : intensification de l'action du Comité des Ministres pour promouvoir la tolérance et combattre la radicalisation conduisant au terrorisme, y compris dans les prisons, avec une attention particulière portée à l'éducation ; création d'une commission intergouvernementale d'experts pour mettre à jour la Convention pour la prévention du terrorisme et prévoir des mesures juridiquement contraignantes afin de faire face à la menace liée au retour des combattants terroristes étrangers ; lutte contre les discours de haine ; renforcement, déjà engagé, du rôle de la Cour.

Le ministre belge a fait part de sa volonté de renforcer la coopération et les synergies entre les organisations internationales, en particulier avec l'OSCE, mais aussi avec les Nations unies, de manière à renforcer le travail de dialogue sur le terrain, en Ukraine, en Russie, en Arménie, en Azerbaïdjan ou encore dans les Balkans occidentaux. Il a également évoqué la poursuite des préparatifs et consultations en vue de la Conférence de haut niveau sur la mise en oeuvre de la Convention européenne des droits de l'Homme pour donner un nouvel élan au processus de réforme initié à Interlaken en 2010, sur la base du principe d'une responsabilité partagée entre les États parties, la Cour et le Comité des Ministres. Il a considéré que la liberté de la presse et d'expression n'était pas absolue, en particulier lorsqu'il s'agit de discours de haine. À ce titre, il a rappelé les priorités de la Présidence belge pour faire en sorte que les professionnels des médias puissent accompagner, plutôt que subir, les changements profonds que connaissent les sociétés européennes, entre autres la diversité croissante liée à l'impact de l'immigration et de la globalisation. Il a également souligné l'une de ses priorités qui consiste à protéger les personnes vulnérables, en particulier les réfugiés, les personnes handicapées et les enfants. Il a conclu sur l'importance à accorder à la jeunesse et à la préservation des droits sociaux, qui sont intimement liés aux droits de l'Homme et qui font partie intégrante du modèle sociétal européen.

M. Pierre-Yves Le Borgn' (Français établis hors de France - SRC) , rappelant que la Belgique et la France avaient été frappées par des attentats, a interrogé le président du Comité des Ministres sur ce que l'Europe pouvait faire concrètement pour protéger la sécurité des Européens, dans le respect de leurs droits, et a voulu connaître les objectifs de la Présidence belge en la matière.

Le président du Comité des Ministres a noté que ces attentats avaient un lien avec la situation en Syrie et au Yémen. Il a insisté sur la nécessité d'une identification rapide des auteurs des attentats et a souligné le travail remarquable effectué par les services de renseignement et de police. Il a rappelé que le Comité des Ministres avait adopté une déclaration, le 14 janvier 2015, appelant à répondre de manière unie et concrète au terrorisme, sur la base des valeurs du Conseil de l'Europe. Il a souligné le rôle de l'Organisation pour promouvoir la prévention, en particulier grâce à l'éducation et à des mesures visant à expliquer la citoyenneté et le vivre ensemble. Il a ainsi évoqué la mise en place d'un plan d'actions qui pourrait se traduire par une déclaration politique en mai 2015. Il a aussi cité la question de la lutte contre la radicalisation en prison. Il a conclu en indiquant que les trois piliers de l'action du Conseil de l'Europe sont le renforcement de l'arsenal juridique, la sauvegarde des valeurs fondamentales et la lutte contre les racines du terrorisme.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne - UMP) a rappelé que, le 18 décembre 2014, la Cour de justice de l'Union européenne avait émis un avis négatif sur l'adhésion de l'Union à la Convention européenne des droits de l'Homme et a voulu connaître la position de la Présidence belge sur cette question.

Le président du Comité des Ministres a constaté que la Cour de Luxembourg avait effectivement livré, sinon un avis négatif, du moins un certain nombre de remarques, parfois lourdes, qui devront être examinées. Il a précisé que ces remarques faisaient pour l'instant l'objet d'un examen des services juridiques de la Commission européenne et du Conseil européen et que les travaux pourraient reprendre lorsque leurs conclusions seraient connues. Il a indiqué que la Présidence belge entendait tout faire pour que l'on puisse progresser sur ce dossier.

2. La communication du Secrétaire général du Conseil de l'Europe

Le Secrétaire général du Conseil de l'Europe est invité par l'Assemblée parlementaire à communiquer devant elle lors de chaque première partie de la session annuelle.

M. ThorbjØrn Jagland a débuté sa communication en abordant le conflit en Ukraine. Il a souhaité le règlement pacifique de ce conflit, en lien avec les valeurs et le Statut du Conseil de l'Europe, et a insisté sur le fait que les frontières ne pouvaient être changées de façon unilatérale par l'utilisation de la force. Il a appelé à la fin de la violence dans l'est de l'Ukraine, au respect du cessez-le-feu et à la mise en oeuvre du protocole de Minsk. Il a également réitéré son soutien à l'Ukraine et énuméré les efforts déployés par le Conseil de l'Europe envers ce pays : 35 experts à Kiev, représentant spécial auprès de la Rada, rôle de la Commission de Venise pour aider l'Ukraine à concevoir une Constitution permettant de garantir son intégrité territoriale, de lancer un processus de décentralisation et d'ouvrir la voie à une résolution politique du conflit, rôle de la Charte pour les autonomies locales et régionales, etc. Il a également rappelé que le Conseil de l'Europe disposait d'experts sur place à Moscou qui travaillent en particulier sur les réformes du système judiciaire et la lutte contre la corruption, ainsi qu'en faveur des organisations indépendantes et civiles qui oeuvrent pour la démocratie.

Le Secrétaire général a ensuite abordé la liberté d'expression, qui doit être protégée dans les limites de la loi, et n'a pas caché ses inquiétudes sur la tournure des débats sur cette question. Il a considéré que la seule façon de défendre la liberté d'expression était d'être ouvert à quelques limites, qui touchent en particulier au racisme et à l'incitation à la violence, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme ayant progressivement fixé de telles limites.

Il a insisté sur la nécessité de répondre à la menace terroriste tout en veillant à s'inscrire dans un cadre juridique respectueux des libertés fondamentales. Rappelant les différents attentats qui ont endeuillé l'Europe au cours des dernières années, ceux de Paris en particulier, il a mis en évidence les tensions qui s'exercent sur les gouvernements, confrontés à la nécessité de prendre des mesures rapides pour protéger la population de la violence, tout en garantissant ses libertés. Il a considéré que les réponses apportées au lendemain des attaques contre les « tours jumelles » avaient parfois sacrifié la liberté à la sécurité. Selon lui, le Conseil de l'Europe doit montrer la voie d'une autre réponse, respectueuse de ses valeurs et de la Convention européenne des droits de l'Homme. À ce titre, il a rappelé que le Conseil de l'Europe avait élaboré des instruments juridiques parmi les plus importants au niveau international en matière de lutte contre le terrorisme, en particulier la convention sur la prévention du terrorisme, mais aussi des normes internationales érigeant en infraction le recrutement et la formation des terroristes ou encore l'institution en infraction pénale de toute incitation publique au terrorisme, dont se sont inspirés le Conseil de sécurité des Nations unies puis l'Union européenne. Il a également considéré que la définition d'une approche commune était indispensable pour faire face à d'autres menaces comme celle des terroristes qui prennent naissance au sein des populations européennes ou encore ceux qui partent combattre à l'étranger, en Syrie par exemple. Il a estimé que ces cas posaient un véritable défi juridique car ils soulèvent la question de la réponse à apporter à l'intention de commettre un attentat et a indiqué que le Conseil de l'Europe préparait un protocole additionnel à sa convention, qui devait être prêt pour la réunion des ministres de la mi-mai.

Il a ajouté que le Conseil de l'Europe oeuvrait également pour prévenir la radicalisation chez les jeunes, par exemple sur Internet, par des mesures permettant de lutter contre les discours de haine. Selon lui, le Conseil de l'Europe a aussi un rôle à jouer pour définir un certain nombre de critères et de normes en matière de citoyenneté démocratique destinés à être enseignés aux jeunes, auxquels il faut apprendre quelles sont leurs responsabilités civiques, ce qui inclut aussi des éléments en matière interculturelle et dans le domaine de l'enseignement des religions. Il s'est félicité de ce que de nombreux groupes confessionnels aient vigoureusement condamné les attaques qui ont touché l'Europe ces dernières années.

Il a conclu en évoquant la publication à venir de son deuxième rapport annuel, intitulé La situation relative aux droits de l'Homme, à la démocratie et à la primauté du droit en Europe : une responsabilité partagée pour la sécurité démocratique en Europe , qui évalue la manière dont les nations européennes peuvent garantir la sécurité de leurs citoyens grâce à leur engagement en faveur des normes démocratiques.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne - UMP) a remercié le Secrétaire général d'avoir participé au premier rang de la marche républicaine organisée à Paris quelques jours après les tragiques attentats qui ont touché la France et l'a félicité pour sa réélection, lui souhaitant plein succès dans l'accomplissement de sa mission au cours de ces cinq prochaines années.

M. ThorbjØrn Jagland a remercié le parlementaire français pour ses aimables paroles et a rappelé que cette manifestation impressionnante rejoignait la défense des valeurs du Conseil de l'Europe. Il a indiqué que la dernière édition de Charlie Hebdo avait été en vente au kiosque du Palais de l'Europe pendant plusieurs jours.

3. Le discours de M. Michael D. Higgins, Président de l'Irlande

M. Michael D. Higgins, Président de l'Irlande, s'est dit animé par des sentiments d'urgence et de gravité car l'époque est, selon lui, délicate pour la démocratie et exige donc de tirer parti des atouts du Conseil de l'Europe, organe de coopération paneuropéen. Il a insisté sur la nécessité de renforcer les principes de la dignité humaine et du pluralisme démocratique défendus par le Conseil de l'Europe. Il a rappelé que, parmi les dix États membres fondateurs, l'Irlande avait toujours été très consciente du rôle important que joue le Conseil de l'Europe pour formuler la coopération européenne et que la participation de son pays à cette Organisation et l'application de la Convention européenne des droits de l'Homme avaient permis de consolider l'État de droit et contribué à un changement social positif. Aussi a-t-il réaffirmé l'engagement clair de son pays en faveur du multilatéralisme, ainsi qu'en faveur des objectifs et des principes qui ont guidé le Conseil de l'Europe tout au long de ses soixante-cinq années d'existence. Il a également rendu hommage à la Cour européenne des droits de l'Homme qu'il a qualifiée d'« institution fondamentale pour le Conseil de l'Europe et pour la démocratie européenne dans son ensemble » et a fait observer que l'Irlande soutenait le webcasting de la Cour qui donne un accès libre à certaines de ses audiences les plus importantes. Il a souligné le rôle du Conseil de l'Europe dans l'affirmation des droits socio-économiques, en particulier grâce à la Charte sociale européenne, et a rappelé l'implication de l'Irlande en la matière. Enfin, il a mis en évidence l'action du Conseil de l'Europe pour faire de la culture un moyen pour renforcer la démocratie et a noté l'importance pour les Irlandais, très attachés à la langue gaélique, de la Convention pour la protection des minorités nationales. Il a considéré que les structures des droits de l'Homme du Conseil de l'Europe offraient ainsi un modèle à la fois efficace et sophistiqué de promotion et de protection des droits et des libertés.

Le Président irlandais a ensuite affirmé l'engagement de son pays dans le processus de réforme en cours, engagé à la fois par la Cour et par le Secrétaire général du Conseil de l'Europe. Il a toutefois exprimé son inquiétude face aux efforts de certains pour saper la légitimité de la Cour et de la Convention européenne des droits de l'Homme et a estimé que certaines des critiques adressées à la Cour relevaient d'arguments politiques plus larges concernant l'Europe. Il a solennellement réaffirmé la position de l'Irlande selon laquelle la Convention devait rester la pierre angulaire de la protection des droits de l'Homme en Europe.

M. Michael D. Higgins a ensuite abordé les tendances inquiétantes qui menacent la démocratie, la cohésion sociale et un avenir partagé, tant au sein des États qu'au niveau européen. Il a souligné le défi que constitue le retour sur le continent européen de grandes fractures géopolitiques, avec des conséquences humaines désastreuses. Il a mentionné le conflit en Ukraine et a appelé à la fin de la violence militaire grâce à un esprit de dialogue et de coopération. Il a mis en évidence la contribution du Conseil de l'Europe et de son Assemblée parlementaire pour maintenir l'équilibre entre le respect des principes et l'ouverture au dialogue. Il a estimé qu'un autre défi posé à la démocratie et à la cohésion sociale découlait des nouvelles formes de fanatisme et de conflits dont les ramifications touchent le coeur des villes européennes, rappelant les attentats de Paris. Il s'est félicité de ce que le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe ait décidé de renforcer l'action contre le terrorisme, mais a indiqué qu'au-delà des réponses les plus urgentes, il convenait de comprendre et analyser les motivations de ceux qui sont poussés à l'extrémisme et à la violence politique. Il a fait observer que les nouvelles technologies, les cyber-attaques, mais aussi les exécutions extrajudiciaires rendaient floues les limites entre la guerre et la paix et a insisté sur le rôle du Conseil de l'Europe et de son Assemblée pour préserver l'État de droit de ces formes extrêmes de destruction, qu'elles soient de nature religieuse ou nationaliste.

Dans ce contexte, il a souligné le rôle des parlements dans le renforcement de la participation des citoyens au débat sur la politique étrangère à une époque où l'opinion publique réagit plus souvent de manière émotionnelle. Il a également rappelé le rôle incontournable des parlements en matière économique et fiscale à un moment où des marchés financiers internationaux prétendument autorégulés et des agences de notation qui ne rendent de comptes à personne occupaient plus de place dans les médias que les débats des parlements. Il s'est dit convaincu qu'il fallait un contexte éthique dans les délibérations en matière économique, les questions de politique économique n'étant pas seulement techniques, mais revêtant aussi une dimension éthique et devaient donc être ouvertes au débat politique. Il a récusé le caractère pessimiste de son message et réaffirmé que les parlements nationaux et les assemblées supranationales avaient un rôle central à jouer dans la protection de la démocratie européenne qui permet des débats pluralistes.

Le Président irlandais a ensuite mis en évidence l'acuité de certains grands débats contemporains tels que le changement climatique et les objectifs de développement durable qui sont négociés en ce moment même aux Nations unies. Il a fait observer que les choix qui seront faits à la fin de l'année 2015 auront un impact réel sur l'ensemble des habitants de la planète, au Nord comme au Sud. Il a considéré que cette question nécessitait de redéfinir la notion de développement et de changer complètement les mentalités et les discours.

Il a conclu en soulignant les immenses responsabilités qui sont celles des décideurs politiques d'aujourd'hui pour créer des stratégies réalistes à même de construire la paix, la démocratie et l'État de droit en Europe.

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