B. CONTESTATION DES POUVOIRS NON ENCORE RATIFIÉS DE LA DÉLÉGATION DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

En avril dernier, l'Assemblée parlementaire avait suspendu jusqu'à la fin de l'année 2014 une partie des droits de la délégation de la Fédération de Russie, en particulier son droit de vote, son droit d'être représentée au Bureau, au Comité des présidents et à la Commission permanente et son droit de participer à des missions d'observation électorale, dans le contexte de la crise en Ukraine et de l'annexion de la Crimée par la Russie.

Alors que ces sanctions avaient pris fin, la première partie de la session de 2015 a été l'occasion pour plusieurs parlementaires de contester de nouveau les pouvoirs non encore ratifiés de la délégation russe au motif que le rôle et la participation de la Fédération de Russie dans le conflit qui touche l'est de l'Ukraine, ainsi que le maintien de son annexion illégale de la Crimée, sont contraires au Statut du Conseil de l'Europe ainsi qu'aux engagements qu'elle a contractés lors de son adhésion au Conseil de l'Europe.

Dans son rapport, la commission de suivi réaffirme que l'annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie est une grave violation du droit international, dont la Charte des Nations unies, l'Acte final d'Helsinki de l'OSCE ainsi que le Statut du Conseil de l'Europe et les engagements contractés par la Russie lors de son adhésion à cette Organisation. En outre, la commission est vivement préoccupée par les événements survenus dans l'est de l'Ukraine et condamne le rôle d'instigation et d'exacerbation joué par la Russie, notamment en fournissant des armes aux forces insurgées et en couvrant l'action militaire des troupes russes sur le territoire oriental de l'Ukraine, ce qui constitue une violation grave du droit international, dont le Statut du Conseil de l'Europe et le Protocole de Minsk auquel la Russie est partie. En outre, la commission se déclare consternée par la participation d'un grand nombre de « volontaires » russes au conflit dans l'est de l'Ukraine sans que les autorités russes fassent apparemment quoi que ce soit pour mettre fin à cette participation bien qu'il s'agisse d'une violation du code pénal de la Fédération de Russie elle-même.

De l'avis de la commission, aucune solution ne pourra être trouvée au conflit ukrainien sans la pleine et entière participation de la Fédération de Russie et sans une volonté politique qui soit à la mesure du problème. Aussi l'Assemblée parlementaire se doit-elle de maintenir avec la délégation russe un dialogue constructif sur cette question ainsi que sur le respect de ses engagements et obligations à l'égard du Conseil de l'Europe. Pour autant, elle tient à souligner qu'un tel dialogue n'est possible qu'à la condition que les autorités russes acceptent de participer, en toute bonne foi et sans condition préalable, à un dialogue constructif et ouvert avec l'Assemblée. La commission propose, par conséquent, la ratification des pouvoirs de la délégation russe, mais dans le même temps, soucieuse d'exprimer clairement qu'elle condamne la poursuite des graves violations du droit international, la suspension d'un certain nombre des droits et des privilèges de la délégation russe.

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris - UDI-UC) a considéré que, pour se prononcer sur le fond, il fallait prendre en compte trois éléments : le statut du parlementaire vis-à-vis du Comité des Ministres, l'efficacité des sanctions que l'Assemblée avait votées en avril dernier et la situation politique et diplomatique globale. À cet égard, il a constaté qu'en suspendant les droits de vote des parlementaires russes, l'Assemblée s'était surtout privée de la possibilité de discuter avec eux et que la présidente avait dû déployer beaucoup d'efforts pour maintenir le lien entre Strasbourg et Moscou. Il a également rappelé que la Russie continuait de siéger tout à fait normalement au Comité des Ministres et a estimé que les parlementaires ne devaient pas renoncer à toute marge de manoeuvre, condamnant ainsi la diplomatie parlementaire. Il s'est dit choqué que des dispositions du Règlement de l'Assemblée permettent de suspendre les droits de vote de parlementaires, avec le risque d'une dérive vers une conception autoritaire, voire totalitaire de l'exercice du pouvoir de la majorité au sein d'une assemblée parlementaire. Il a rappelé que la délégation russe continuait de siéger normalement à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, alors même que l'OSCE semble rencontrer plus de succès que le Conseil de l'Europe dans ses tentatives de résolution du conflit. Il s'est également interrogé sur la portée concrète des sanctions votées sur la situation sur le terrain, les combats s'étant intensifiés depuis plusieurs semaines. Enfin, il s'est dit convaincu que l'Ukraine et la Russie avaient intérêt à une désescalade, Kiev ayant compris l'impossibilité de reprendre le Donbass par les armes, tandis que Moscou est isolée sur la scène internationale et souffre des conséquences des sanctions économiques. Il a conclu en appelant à respecter la liberté de vote des parlementaires.

M. Thierry Mariani (Français établis hors de France - UMP) a indiqué qu'il siégeait également à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE où il retrouvera prochainement des collègues ukrainiens, russes, américains et européens et où le dialogue se poursuit. Il a également noté que ce dialogue continue au niveau des gouvernements et des diplomates. Il s'est dès lors demandé si l'APCE voulait être la seule instance où ce dialogue était totalement interrompu et a qualifié de nul le résultat des sanctions votées. Évoquant différents exemples historiques, il a fait observer que les sanctions n'avaient jamais amené la paix, mais qu'elles avaient au contraire entraîné la perte de dialogue et de confiance. Il a estimé qu'il convenait de donner une chance à la paix et a dénoncé le manichéisme de trop nombreuses positions. Il a fait part de sa conviction que l'implication de la Russie au sein du Conseil de l'Europe revêtait un intérêt primordial à la fois pour la Russie et pour le Conseil de l'Europe. Il a conclu en considérant que l'Assemblée parlementaire devait rester l'enceinte du dialogue, en dépit des difficultés de compréhension mutuelle.

Par la résolution qu'elle a adoptée, l'Assemblée parlementaire a suspendu plusieurs droits de la délégation russe pour la durée de la session de 2015 : droit d'être désigné rapporteur, droit d'être membre d'une commission ad hoc d'observation des élections et droit de représenter l'Assemblée dans les instances du Conseil de l'Europe ainsi qu'auprès d'institutions et d'organisations extérieures, tant sur instruction qu'à titre occasionnel. Elle a également suspendu les droits de vote et de représentation de la délégation russe au Bureau de l'Assemblée, au Comité des présidents et à la Commission permanente, mais a décidé de réexaminer cette question en vue de rétablir ces deux droits lors de sa partie de session d'avril 2015, s'il devait s'avérer que la Russie a fait des progrès tangibles et mesurables pour donner suite à diverses exigences formulées par l'Assemblée et a apporté sa pleine et entière coopération au groupe de travail comprenant les présidents de la Douma et de la Rada chargé de contribuer à la mise en oeuvre de toutes les propositions figurant dans la résolution de l'Assemblée et de proposer d'éventuelles initiatives supplémentaires pour appuyer la mise en oeuvre des protocoles de Minsk. Enfin, l'Assemblée a décidé d'annuler les pouvoirs de la délégation russe lors de sa partie de session de juin 2015 si aucune avancée n'est constatée pour ce qui concerne la mise en oeuvre des protocoles et du mémorandum de Minsk ainsi que les demandes et recommandations de l'Assemblée qui figurent dans sa résolution, en particulier celles relatives au retrait immédiat des troupes russes de l'est de l'Ukraine.

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